Tout le monde connait cette douce région qu’est Hoenn, avec ses différents paysages à couper le souffle, ses villes toutes différentes les unes des autres. Hoenn et ses sources chaudes, Hoenn et sa ville dans les arbres. Il y a des villes très connues, puis les autres, moins importantes car moins développées au niveau touristique ou même au niveau technologique. Certains villages ont gardés des traditions ancestrales, vivant loin de cette société bruyante, qui ne prend même plus le temps de savourer ce que la nature apporte aux hommes. Mélissandre Woods est née dans un de ces villages, en plein cœur de la forêt, situé entre Cimetronelle et Nénucrique. Se fondant dans le décor, le village était installé dans un lieu idyllique, niché au plus profond de cette forêt, côtoyant les pokémons et vivant en harmonie avec eux. Vivre dans un lieu pareil demandait de ne pas avoir trop de prétention, tant la vie était simple. C’est là-bas que débute l’existence de la petite Mélissandre, ainsi que notre histoire.

« Dis, grand-mère, pourquoi est-ce qu’on ne sort jamais de la forêt ? »

Mélissandre, huit printemps, posait LA question embarrassante à sa grand-mère maternelle. Après tout, comment expliquer  à une enfant la vision des choses des fondateurs de ce village, aujourd’hui vieux de cinq siècles ? Cinq siècles, tout un tas de générations avaient vécu dans ces lieux. Des lieux chargés d’histoire, leur chez eux. La grand-mère se mit alors à réfléchir, cherchant une quelconque excuse pour ne pas avoir à discuter de ça avec sa petite-fille. Une petite trop curieuse pour son âge, posant trop tôt des questions que les enfants posaient, en général, plus tard. Pourtant, cet éveil précoce faisait un peu la fierté de cette femme. La fierté, mais aussi la misère. Que répondre à des questions comme : « Pourquoi le soleil est jaune ? Pourquoi le ciel est bleu ? Pourquoi l’eau est froide dans la rivière, mais chaude dans une flaque ? Pourquoi il ne faut pas approcher le grand arbre ? » Pourquoi, pourquoi, pourquoi. Des questions à longueur de journée, sur des choses tantôt futiles, tantôt indiscrètes. Même si parfois, la réponse était simple, les mots employés étaient encore trop complexes pour une enfant de cet âge. Un véritable casse-tête à la longue.

« On ne sort pas de la forêt car la vie ici est plus saine, plus proche de ce que l’homme a réellement besoin. »

Fière de sa réponse, la grand-mère sourit à l’enfant, observant cependant avec inquiétude les grands yeux noisette en face d’elle. Des yeux avec une lueur bien trop familière.

« Mais alors, grand-mère, pourquoi est-ce maman et papa sortent parfois ? Ils sont pas les seuls d’ailleurs ! »

Encore une question, toujours la même rengaine. Même si une réponse était apportée, il y avait toujours une autre interrogation à satisfaire. C’était usant, à la longue. Perdant un peu de son sourire, la vieille femme tourna légèrement la tête, observant derrière la tête de la gamine si une quelconque personne pourrait lui venir en aide. Puis, enfin, l’apparition. La délivrance divine. A nouveau, un sourire apparut sur son visage, tandis qu’elle fit un geste en direction de son sauveur.

« Mélissandre, je serais ravie de répondre à tes questions ma chérie, mais je dois m’entretenir avec Phil sur nos derniers pokémons arrivés. Tu sais, savoir s’ils sont en assez bonne santé, s’ils sont dangereux ou non. Va rejoindre Madame Morgane, je suis certaine que ta visite lui fera plaisir. »

Hochant la tête avec un grand sourire, la petite se leva, quittant la petite terrasse pour se précipiter sur le chemin, saluant rapidement le nouvel arrivant de la main. Madame Morgane était une gentille femme après tout, même si la vieillesse l’empêchait de se déplacer comme elle le voudrait. Elle avait toujours des histoires à raconter sur le village et le monde à l’extérieur. Des histoires passionnantes. Alors, tandis que la gamine courrait vers sa prochaine destination, sa grand-mère se mit à soupirer, tandis que Phil souriait d’un air moqueur.

« Toujours avec ses questions ? »

Sans réponse, la vieille femme se détourna, rentrant dans sa petite cabane pour rendre visite à ses pensionnaires, le nouveau venu la suivant en silence. Parfois, il ne fallait pas de mots pour que chacun comprenne la situation.


« Dis, maman, pourquoi est-ce que les gens de l’extérieur ne vivent pas comme nous ? »

Mélissandre, onze ans et toujours autant de questions. Une question simple, posée lors d’une fête alors que sa mère revenait de son voyage à l’extérieur de la forêt. Tandis que les autres conversaient joyeusement, Tania Woods se tût, réfléchissant à la réponse la plus correcte. Pour assouvir la soif de connaissances de la petite, il fallait des exemples marquants, qui la feront réfléchir toute la nuit. Des exemples, la mère pouvait en fournir tout un tas. Ces « personnes de l’extérieur » s’étaient éloignés des traditions, foulant du pied les quelques croyances populaires pour se préoccuper de leur petite personne. Là-bas, dans ces villes, il ne régnait qu’un climat d’égoïsme et de perversion. Bien loin de leur petite communauté soudée, au sein même de la forêt. Pourtant, malgré ce fossé entre ces deux manières d’exister, eux, ceux les plus proches de la nature, dépendaient tout de même de cette société humaine. Ici, ils ne disposaient pas de toutes les connaissances nécessaires pour fabriquer un vêtement, ou même pour se soigner, dans les cas les plus graves. Il y avait des domaines qu’ils maîtrisaient mal, tout comme ils pouvaient apporter leur savoir aux autres. C’était un échange de bons procédés en somme. Contre quelques produits naturels, ils pouvaient avoir des vêtements, des livres et des médicaments. Tout ce dont ils avaient besoins. Sa réponse était toute trouvée.

« Car ils ont fait ce choix. Ils ont développés de nouvelles choses, de nouveaux besoins pour eux. Nous, qui vivons simplement et eux, qui s’accaparent des choses dont ils ne se serviront jamais. Chacun est différent et ils ont fait ce choix. Pourtant, on ne pourrait pas tous vivre de la même manière. A chaque instant, on a besoin d’évoluer, de se surpasser, pour se rendre la vie plus facile et plus douce. »

Elle s’était enflammée, regrettant presque aussitôt ce flux de paroles. Peut-être avait-elle noyé sa fille en dessous de tout ça, qui sait ? Jetant un regard inquiet à sa progéniture, Tania Woods constata que celle-ci lui lançait un regard admiratif. La petite n’avait peut-être pas tout compris, mais ça semblait si beau, si intelligent ! Tout ce qui méritait un respect profond. Alors, dans un grand sourire, la petite fille reprit la parole.

« Maman, raconte-moi une autre de tes aventures en dehors du village ! »

Après tout, même faire les courses avait un côté « aventuresque », qu’importe ce que les autres pouvaient raconter.


« Dis, grand-mère, pourquoi me faire partir ? »

Mélissandre, quatorze ans. Sa voix pleine d’admiration avait laissé place à de la peur. La fille du pays, elle qui n’avait jamais quitté sa forêt, même avec ses parents, allait partir loin. Loin et seule. L’adolescente tremblait, l’appréhension prenant le pas sur une quelconque joie. Elle qui avait rêvé de quitter ce lieu, juste le temps d’une journée, allait le faire pour quelques années. Des années loin de sa maison, de sa famille. Cette fillette brune avait terriblement peur. Peur de l’inconnu, de ce qu’il y avait derrière cette forêt. Ici, c’était un peu comme être dans un cocon. Il n’y avait pas besoin de s’en faire, sa place était déjà prédéterminée dès sa naissance. Mais là, quitter ce lieu, cela changeait la donne.

Ses yeux noisette se posèrent tour à tour sur ses parents, puis sa grand-mère, avant de réitérer la même question. Pourquoi ne répondaient-ils pas ? Est-ce qu’ils ne l’aimaient plus ? Oui, c’était sans doute ça. Sinon, pourquoi l’envoyer loin alors ? Et tandis que les adultes prenaient tout leur temps pour répondre, des larmes commençaient à perler au coin de ses yeux. Sur ce coup-là, elle était pitoyable.

« Nous faisons cela pour ton bien, ma chérie. Vivre ici ne serait pas de te rendre justice. Tes parents et moi désirons que tu ailles dans cette académie afin d’apprendre tout ce qu’il y a à savoir sur les pokemons. Et puis, ne pouvons-nous pas rêver meilleure ambassadrice que toi ? Tu représenteras notre village, alors fais-nous honneur. »

La voix de sa grand-mère, si douce mais pourtant dure à ce moment précis. Faire cela pour son bien ? Mélissandre n’y croyait pas vraiment. Après tout, pour son propre bien, il faudrait qu’elle reste ici, avec sa famille, pour vivre une petite vie tranquille. Et puis, que pourrait-elle donc apprendre de plus sur les pokémons là-bas ? L’adolescente avait lu des livres, sa grand-mère lui avait expliqué tout un tas de choses. Et elle avait eu le sien, quelques temps. Un petit Zigzaton, dont elle s’occupait comme une véritable mère. Un petit Zigzaton que l’on refusait qu’elle prenne pour cette académie. C’était une décision cruelle. Après tout, pourquoi lui refuser un quelconque lien avec ce village ? Son regard se posa sur Zigi, tandis qu’il se frottait contre ses jambes, essayant de la rassurer par ce simple geste. Non, elle ne voulait pas partir.

« Non non non ! Je ne veux pas partir. Mamaaaan … »

Elle suppliait du regard sa mère, tandis que celle-ci croisait les bras sous sa poitrine, un air ennuyé sur le visage. Après quelques instants de réflexion, elle prit enfin la parole.

« Tu sais, tu as toujours été curieuse. Tu voulais tout savoir sur tout et, parfois, nous pouvons avoir du mal à te répondre, exact ? Eh bien, là-bas, tu pourras poser toutes les questions que tu veux à tes professeurs. Ils te répondront toujours. C’est bien ce dont tu avais envie, non ? »

Incertaine, Mélissandre acquiesça simplement. Répondre à ses questions, d’accord. Mais partir pour ça, c’était autre chose. Devant l’air réticent de la jeune fille, le père prit la parole, avec un ton se voulant rassurant.

« On va t’accompagner jusqu’à là-bas, d’accord ? Ne crois pas que l’on va te lâcher comme ça. Et puis, on t’enverra aussi des lettres et tu répondras. Comme ça, il y aura toujours ce lien entre nous. Alors arrête d’avoir peur et devient une grande fille. C’est pour ton avenir que nous faisons tout ça. »

Des lettres, quelque chose de ridicule comparé au contact réel avec les personnes. Pourtant, elle devrait s’en accommoder, voilà ce que disait le regard de son père. S’accommoder et vivre sa vie loin d’ici. C’était pour son bien, après tout, non ?


« Dîtes, monsieur, c’est à vous qu’on doit s’adresser pour avoir un pokémon ? »

Pokémon Community. Elle était arrivée depuis peu, commençant véritablement son année maintenant, grâce à l’obtention d’un pokémon. Pourquoi en donner un, alors qu’elle aurait très bien pu prendre Zigi ? Enfin, passer par cette étape pourrait l’aider à s’intégrer un minimum. Le regard persistant de son interlocuteur la rendit légèrement nerveuse, tandis qu’elle se tordait les doigts, ne sachant plus trop quoi dire ou faire. C’était vraiment une mauvaise idée d’être venue ici.

« Tout à fait ! Installe-toi ici. »

Légèrement surprise par le ton doux qu’il venait d’employer, Mélissandre s’installa à la place qu’il venait de lui indiquer, regardant avec incompréhension l’appareil devant elle. Ce truc ressemblait à une sorte d’ordinateur, mais elle n’était pas vraiment certaine. Jamais elle n’en avait utilisé, après tout.

« Dîtes … Comment ça marche ce truc ? »

Là, elle devait passer pour une folle ou quelque chose de ce style. La demoiselle se remit à se tordre les doigts, nerveuse. Peut-être qu’il allait se moquer, ou quelque chose comme ça. C’était tellement humiliant. Pourtant, à sa grande surprise, il lui expliqua le fonctionnement, ainsi que ce qu’elle devait faire. Répondre à un questionnaire ? C’était plutôt simple. Enfin, même si elle n’avait pas trop compris pourquoi il lui demandait un sachet de thé, en plein milieu de ses explications. Elle avait une tête à se trimballer avec du thé sur elle ?

L’adolescente mit quelques minutes à répondre à ce questionnaire, cherchant parfois à comprendre pourquoi on lui posait telle ou telle question. Qu’est-ce que cela pouvait bien faire qu’elle préfère des chaussures ouvertes à des chaussures fermées ? Ou encore qu’elle soit plutôt eau plate ou eau gazeuse ? Ce test n’avait ni queue ni tête, mais elle préféra se taire. Autant ne pas faire de commentaire, surtout sachant que ce type l’avait aidé.

« C’est terminé ! »

Fière d’elle, la demoiselle se leva, laissant la place au scientifique pour qu’il examine ses réponses. Il semblait ailleurs, donnant plus l’impression de regarder le mur derrière l’écran, que l’écran lui-même. La demoiselle se remit à se tordre les doigts, attendant en silence qu’il donne son verdict. Quelques minutes après, il se leva, sautillant plus que marchant vers le mur rempli de petites sphères. Des pokéball, elle en avait déjà vu avant, même si elle n’en avait jamais utilisé.

« Celui-là, il sera parfait pour toi. Parfait pour toi, pour toi ♥ »

Oui, ce type était étrange. Voilà qu’il se mettait à chantonner en lui donnant son pokémon. Sortir, il fallait qu’elle sorte. Attrapant la ball, elle remercia rapidement le scientifique pour son aide et quitta les lieux tout aussi rapidement. Air frais, tranquillité. L’adolescente arrêta sa marche rapide lorsqu’elle atteignit une petite étendue d’herbe, s’asseyant contre un arbre. Doucement, elle posa la sphère devant elle, ne sachant pas trop comment agir. Il fallait l’ouvrir pour qu’elle découvrir son compagnon, non ? Une action simple, alors pourquoi était-elle aussi nerveuse ? C’était idiot, totalement idiot.

Elle ouvrit la sphère, laissant s’échapper le pokémon à l’intérieur. Un petit pokémon qui poussa un petit cri, la regardant en tremblotant légèrement. Bien, il est aussi froussard que moi ici. Ils allaient former un duo de choc, n’est-ce pas ? Douce ironie.

Cette petite Osselait était mignonne, mais terriblement craintive. Souriant légèrement, Mélissandre tandis sa main, à plat, la paume vers le ciel, essayant de ne pas lui faire peur.

« Je m’appelle Mélissandre. J’espère qu’on va bien s’entendre. »

D’abord un peu surprise, la petite pokemon ne tarda pas à poser l’une de ses minuscules mains contre celle de son nouveau dresseur, un sourire se profilant sur son visage. Elle était en confiance.

« Je vais t’appeler Niji, t’en penses quoi ? »

Un petit cri et un hochement de tête plus tard, le surnom était adopté. A la plus grande joie de l’adolescente, qui observait en silence son pokémon. Son propre pokémon, à elle. C’était différent d’avec Zigi, plus marquant. Alors qu’elle était perdue dans ses pensées, ce sont les cris de Niji qui la tirèrent de là. Affolée, Mélissandre regarda, sans vraiment comprendre, la petite Osselait pleurer. Qu’est-ce qui n’allait pas ? Les premiers pleurs de Niji, la première crise de panique de Mélissandre.

Niji était peut-être parfaite, mais pas pour la santé mentale de sa dresseuse sur ce coup-là.