Pour être honnête, je n’étais pas très rassurée à l’intérieur de cette pièce sombre, accompagnée par ce personnage étrange qui me faisait face, derrière ce moniteur. La faible luminosité de l’écran, créant une certaine pénombre sur mon fin visage, m’obligeant pourtant à plisser les paupières pour mieux lire les instructions – ou plutôt, les questions posées par l’appareil informatique, préparé avec soin par ce cher individu que l’on surnomme le Collectionneur. Si j’étais assise à ce pupitre, face à son bureau, c’est dans l’unique but de recevoir mon partenaire. Je croyais que j’allais avoir amplement le choix, la liberté de choisir – ce qui aurait été un désastre car je n’ai vu ces créatures pratiquement que dans les bouquins. En fait, non. On envoyait les élèves qui adhéraient l’académie à la porte – dans les souterrains de l’île – de cet homme qui nous faisait passer un test. Après un moment, je compris que l’exercice n’avait que pour seul but de comprendre la mentalité de celui ou celle qui passe l’essai, ou plutôt définir sa personnalité en de mots bien plus simple.
D’ailleurs, ce scientifique ne m’inspirait guère confiance. Derrière ses verres de lunette, l’homme à la crinière d’ébène n’esquissait le moindre geste, son attention portée uniquement sur ma personne, attendant patiemment que j’achève les documents. Au début de la séance, j’ai tenté maintes fois de l’ignorer, mais son regard pesant m’obligeait à lui lâcher quelques coups d’œil interrogatifs de temps à autres. Nul ne sait qu’est-ce qui se trame dans l’esprit de ces fous chercheurs, après tout.
J’appuyais sur la touche « Entré » et j’aperçu avec une certaine surprise que je venais de répondre à la dernière question. Dès lors, le moniteur s’éteigna et l’espace d’un instant suivit avant que les lumières de la salle s’allumèrent brusquement, aveuglant brièvement la vision de mes magnifiques perles d’azur. Illico, le savant se précipita sur son clavier et commença à compiler les résultats et de finir sur une thèse finale. Pendant ce court laps de temps de répit, ma tête tournait dans tous les sens possibles, observant les nombreuses étagères peuplant les quatre grands murs de la pièce qui servait d’office de bureau pour l’individu d’un âge assez avancé. En le regardant taper sur son clavier comme un détraqué, je ne pus m’empêcher de décrocher un sourire. C’est exactement le genre de personne que je n’avais jamais côtoyée de toute ma piètre existence, prisonnière du cocon familial et trop occupée à rouler dans l’or pour satisfaire mes parents. À première vue, ils semblent inquiétants. Pour la suite, à voir hein ?
Toujours aussi subitement, comme chaque action qu’il entame, le Collectionneur se leva de sa chaise et commença à bondir un peu partout dans la salle en murmurant des mots incompréhensibles et en faisait quelques tours sur soi-même. C’est à ce moment-là que je compris pourquoi mon paternel voulait me tenir à l’écart de ce genre d’êtres humains. Clouée sur ma chaise, arquant les sourcils en assistant à ce minable théâtre, le vieux fou sembla choisir un objet au hasard sur l’une des étagères avant de revenir et se planquer à ma gauche en faisant le même cirque que précédemment. Il stoppa net ses mouvements en me présentant une sorte de balle blanche et rouge. Ses traits amusés devinrent fermes, son regard de charbon sévère et me fixa un bon moment avant de briser ce silence de cathédrale avec sa voix enrouée.
- De ce que j’ai pu comprendre, ce sera la première fois que tu auras un véritable lien avec un Pokémon. Je ne doute pas que tu en prendras soin. Mais pour qu’on soit bien clair…
Il approcha son visage du mien et par réflexe, je mis la pokéball devant mes envoutantes lèvres en m’éloigna un peu de la face crasseuse du binoclard.
Oula. Son halène n’est pas la meilleure que j’ai reniflé dans ma vie. Pour qu’il dégage au plus vite sa tronche de mon espace vital, j’acquiesçais plusieurs fois par des mouvements verticaux de la tête avant de porter mon attention sur la sphère bicolore que je tenais dans ma main. Cette balle est en quelque sorte symbolique, on la voit dans la vie de tous les jours ou presque. Malheureusement, je ne l’ai vu que dans les livres une fois de plus et j’étais anxieuse de savoir ce qui allait en sortir… Pour ne pas me faire souffrir encore plus – si je souffre ! Une pauvre et fragile *kof kof* fille comme moi ne peut contenir autant de stress – j’appuyais maladroitement sur la détente.
Un flash éclatant qui vint se reposer sur mes genoux. Peu à peu, ce dernier commença à prendre forme d’un animal. Il était tout petit et orangé. Sa queue en forme d’éclair remua de gauche à droite quelques fois alors qu’il souleva sa tête pour plonger ses deux petites prunelles obscures dans mon regard d’océan. Je reconnaissais l’espèce, mais il était si différent.
- Ohoh ~ Je lis dans vos pensées, mademoiselle, que ce Pikachu est plutôt inhabituel. Vous en avez, de la chance. J’ai pigé au hasard dans le tas et vous êtes tombée sur une espèce rarissime de Pokémon, que l’on nomme communément « Chromatique » dû à leur pelage scintillant.
Le léger entrebâillement entre mes lèvres devait bien me donner un air complètement idiot alors que je regardais avec admiration le premier Pokémon que je tenais dans mes mains depuis le début de mon existence. J’étais aux anges, des étoiles étaient visible dans mes yeux. La souris électrique vint se percher sur mon épaule droite avant de m’adresser un clin d’œil.
- Il est parfait… Pika, t'as trop la classe.
Surnom de merde, je l’accorde. Flemme de chercher. Après, il n’a pas l’air contrarié par son petit surnom et semble également l’apprécier. Mon partenaire, mon compagnon, mon allié. Le Pokémon Souris chromatique.