“C’est un coup à se planter, ça ! De toutes façons, on dit le Nord : selon comme on est tourné, ça change tout !” (Perceval – Kaamelott)
Non, Sigh n'était pas perdu. Ou peut-être juste un peu. Il tritura la lanière de son sac à son épaule en regardant autour de lui d'un air qui se voulait absolument certain de ses intentions.
Il était en plein milieu d'un parc. Non, du parc. Sigh était presque certain qu'il n'y en avait qu'un seul, à l'école. En plein milieu du parc, donc. Sacrément grand, ce parc. Il y avait des bâtiments de chaque côté – dont l'un que Sigh était presque certain de reconnaître comme était son dortoir (presque) – des gens égaillés un peu partout, et pas un seul panneau indicateur. Ou alors il l'avait raté. Ou alors c'était parce qu'il n'y en avait pas, parce que des panneaux indicateurs dans une école où ne se rendaient que les élèves qui la connaissaient... c'était un tout petit peu inutile.
Ils auraient pu penser aux premières années, quand même.
Ça ne faisait même pas une semaine que la rentrée avait eu lieu. Sigh se demandait s'il avait raté une journée d'orientation ou quelque chose comme ça. Possible vu qu'il n'avait pas vraiment parlé avec ses camarades et qu'il se levait tous les jours pile à l'heure pour aller en cours. Les professeurs ne leur avaient pas distribué de boussole, en tout cas. Sigh allait devoir se débrouiller tout seul.
Il grommela dans sa barbe en sortant un papier et une feuille de son sac, et il s'assit là, dans l'herbe, pour "baliser les environs". Comme il n'était que rarement sorti de son île, il n'avait pas l'habitude de se retrouver en terre inconnue, mais cela lui semblait être une bonne idée. C'était juste un peu long et un peu chiant à faire.
...
Ouais, il allait juste demander son chemin au premier pecno venu.
« Hey ! Toi, là ! Oui, toi ! Avec les cheveux roux ! C'est à toi que je cause, fais pas semblant de pas m'avoir vu ! »
Bon, elle était encore assez loin, ça pouvait expliquer la confusion, mais Sigh parlait assez fort pour qu'on l'entende à trois kilomètres à la ronde. Il s'avança vers sa cible d'un pas convaincu. Pourquoi elle ? 'Sait pas. Peut-être la couleur de cheveux. Elle ne les avait pas aussi flashy que les siens mais il s'était senti en terrain connu quand même. Le rouge, c'est une couleur bien. Cette fille était sûrement quelqu'un de bien. Comment ça, elle n'avait probablement pas choisi de naître rousse ? Vous avez quelque chose contre les roux, peut-être ?
« Tu connais le coin ? » demanda-t-il sans ambages en arrivant à sa hauteur.
Par quelle sorcellerie s’était-elle retrouvée là ? Elle avait dû louper quelque chose, avoir la tête ailleurs quand elle avait pris le chemin de son dortoir. Elle avait pourtant tout fait pour éviter les gens depuis qu’elle était arrivée ; se faire convoquer par le Collectionner dans les Souterrainshmmm, creepy, se faire aborder par Andreas Heartnett pour se voir confier une missionelle en gardait encore les séquelles psychologiques, et même aider Peppéroni à recracher sa gueule de bois dans les toilettes des hommes en lui tenant les cheveux… ou ses espèces d’antennes qui devaient être des cheveux, Cleve ne savait pas très bien. Malgré tout, ses pas l’avaient portée jusqu’au grand parc de l’académie, où des centaines d’élèves étaient en train de batifoler gaiment dans le brouhaha le plus insupportable. Mazette ! Des gens ! Pour un peu, la rouquine aurait fait une crise de panique. Mais elle n’était plus la timide Cleve de l’an dernier ; ou alors moins, elle s’était soignée, merci pour elle. Se tenant à l’écart des autres, ses yeux ambrés cherchaient une porte de sortie. Il fallait qu’elle trouve un moyen de fendre la foule des nouveaux arrivants, sans susciter l’attention d’un de ses pairs. Car dès lors qu’ils auraient remarqué sa chevelure rousse et ses airs gauches, ils la prendraient forcément comme tête de turc. Et là, on recommencerait les poulpes dans son lit superposé, les situations gênantes, les bizutages incessants et les « Eh Carter ! On-va-te-niquer-ta-race ». Ouh yer. Cleve Carter n’était pas le genre de fille populaire. Et encore moins depuis qu’on avait appris qu’elle avait réussi à devenir amie avec Amaoka Masamune ET Allen Wills. A.k.a probablement les deux mecs les plus convoités de l’académie. Mes aïeux, qu’avait-elle fait au bon Arceus ?
Soupirant, Cleve repéra enfin un itinéraire qu’elle pouvait emprunter pour se faire la malle sans se faire aborder. Grande inspiration. Un deux, un deux. Elle allait marcher par là d’un pas assuré, sans faire attention aux gens autour. Personne ne la verrait, puisqu’elle ne verrait personne !l’irréfutable technique de l’autruche, m’voyez. Peppéroni –son immense Lokhlass- sur les talons, la jeune fille commença à traverser la foule, comme Moïse l’avait fait d’un coup de baguette magique. Elle était presque arrivée à destination lorsqu’un garçon la héla. EH MERDE.
Faisant semblant de ne pas entendre au prime abord –« Allons voyons, il ne peut pas s’adresser à moi, ce serait vraiment pas de chance… »-, elle fut obligée de prêter attention à cepetit chieurjeune inconnu lorsqu'il insista un peu et la désigna par la couleur de ses cheveux. Elle se retourna avec d'immenses appréhensions et vit un garçon qui devait avoir 12 ou 13 ans grand maximum se diriger vers elle en gambadant avec entrain, les yeux fixés sur elle. Aïe. Elle était fichue !
Se cachant derrière la carcasse de son énorme Lokhlass, la jeune fille regarda de ses grands yeux ambrés le nouvel arrivant. Peppéroni commença à scruter le gamin en montrant les dents, comme s'il défendait son bébé Pokémon. Et tant mieux, car il allait sûrement la martyriser ! Mais, contre toute attente, le garçon n'avait pas l'air de lui être hostile. Sans prendre de pincette et sans meilleure introduction, il lui demanda si... si elle connaissait le coin ?
« H-h-h-h-h-h-h-eu b-b-b-b-b-bonjour… » baragouina-t-elle de sa petite voix de souris, jugeant qu'il était bon de se montrer excessivement polie avec quelqu'un qui pouvait potentiellement faire de votre vie un enfer. Puis, sans lui laisser le temps d'enchaîner, elle répondit à sa question en marmonnant : « U-u-u-u-un peu… ». Elle eut ensuite un petit mouvement de recul et repassa derrière Peppéroni, faisant tout pour camoufler son visage derrière son rideau de longs cheveux carmins.
Ce gosse avait l’air d’être un hyperactif de base. Le genre de garçon qui était bruyant et qui n’avait honte de rien. En somme, quelqu’un de diamétralement opposé à elle ! Pourquoi avait-il voulu lui demander son chemin ? Non seulement elle n’était socialement pas un exemple à suivre, mais en plus, elle avait un sens de l’orientation piteux. Enfin… Il cherchait sûrement le chemin pour les souterrains. Il lui suffirait de lui indiquer une direction au hasard et de s’éclipser dès qu’il aurait le dos tourné. Cela ne devrait pas être vraiment compliqué, n’est-ce pas ?
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