« Grâce à votre préfète, vous venez de gagner une épreuve supplémentaire dans l’entraînement de ce matin. Une course contre moi ! Vous pouvez la remercier ! Et pour celles qui échouent, ce sera cent pompes avant la course dans la jungle ! »
Aileen leva vaguement les yeux au ciel tandis que les Pyroli suivaient leur référente en maugréant. Il n’y en eut aucune pour avoir la mauvaise idée de la bousculer, là où tout le monde pourrait la voir. Oh, non, elles attendraient tranquillement d’être dans la jungle, là où tous les coups étaient permis, pour se venger de leur préfète impulsive et renvoyer la Mentali dans son dortoir, accessoirement. Au départ de la course, elle se retrouva coincée entre une blonde et une rousse qui n’étaient ni Hope ni Ruby. Si être avec Hope ne la dérangeait pas, il valait mieux, pour le moment, que Ruby se tienne loin d’elle, surtout après avoir plaqué son frère d’une manière aussi sale en le laissant poireauter pendant trois bons mois. Beaucoup plus prudent. Top départ. Comme il fallait s’y attendre, la référente du dortoir prit la tête de la course sans réelle difficulté, talonnée par les premières années qui donnaient tout ce qu’elles avaient pour prouver qu’elles valaient autant, sinon mieux, que les anciennes. Elles se firent cependant dépasser par ces dernières qui avaient bien compris qu’elles ne couperaient pas à la course contre Jackie, mais qui économisaient leurs forces au maximum pour la suite de la matinée. Sans grande surprise, Jackie finit la course la première, suivie des deuxièmes années, et des premières années, bonnes dernières et très essoufflées. Tournant légèrement la tête, la brune eut la surprise de voir la Mentali évoluer parmi le groupe de tête, ne semblant pas du tout mise à mal par la course. Hm.
« Vous vous croyez où là, en vacances sur l’île Cobaba ? On enchaîne avec les cent pompes ! Et ce sera deux cent pour les traînardes ! »
Il n’y eut personne pour protester, et bientôt, toutes les Pyroli se retrouvèrent en position. Aileen, en tournant la tête, se rendit compte qu’elle était au milieu des nouvelles, et que nombre d’entre elles lui jetaient des regards furtifs, non pas pour la trouer des yeux, mais pour regarder comment elle faisait pour rester bien droite. Alors, reprenant un peu ses fonctions de préfète, elle ralentit imperceptiblement pour leur montrer, leur expliquant à voix basse entre deux remontées, assez discrètement pour que Jackie ne s’en aperçoive pas et ne leur en colle pas cent de plus dans la tête pour leur apprendre à tailler une petite bavette au milieu de l’entraînement militaire du matin. Or, monter et descendre à la force des bras en gardant le dos bien droit était quelque chose de relativement crevant, surtout que ça ne faisait pas si longtemps que ça qu’elle était sortie de l’infirmerie. Elle avait beau faire la bravache et lever les sourcils quand on lui demandait si elle avait encore mal, la douleur était bien présente et se faisait bien sentir. Mais elle n’abandonnerait pas. Quatre-vingt pompes. Plus que vingt. Pour se donner un peu de courage, elle leva les yeux pour regarder les Pokémon faire des tours de terrain avec Godzilla. Sphax suivait tranquillement la cadence, Hilda le talonnait par fierté, et l’Evoli chromatique de la Mentali semblait mettre toute son énergie dans la course pour ne pas se faire distancer. Cent. Les premières années se laissèrent tomber au sol, Aileen se retourna pour s’asseoir et étirer ses bras en les croisant.
« Vous ! Vous essayez d’évoluer en Ramoloss, ma parole ? Relevez-vous, et plus vite que ça ! Vous, réajustez-moi cette tenue immédiatement ! Et vous, vous appelez ça vous tenir droite ? On dirait un tas de loques ! La nuit sert à dormir, pas à vous balader dans les autres dortoirs ! Allez, on enchaîne, ET QUE CA SAUTE ! »
Garde à vous général, et toutes les filles s’enfoncèrent dans la jungle. Aileen fut rapidement rejointe par Sphax, toujours aussi imperturbable, Hilda, motivée à bloc par sa course, Isis, l’Evoli chromatique qui bondissait sur ses petites pattes pour les dégourdir, puis par Dahlia, qui semblait ne pas avoir trop souffert de la course et des cent pompes. Mouais. Peut-être qu’elle en a un peu dans le bide, finalement. De manière assez surprenante, la Mentali réussit à lui arracher un sourire en se plaignant de leur référente, tout en lui disant qu’elle était assez d’accord. Vu l’excellente humeur de la miss, elle ne s’était fait voler personne, elle. Quelle chance. Aileen ne savait pas quel dortoir avait été le plus durement touché – demander au Zarbdromadaire pourrait être une bonne idée, qu’ils fassent quelque chose d’utile, pour une fois, au lieu de diffuser des rumeurs merdiques sur les gens, tiens – mais elle savait que chez les Pyroli, ça avait frappé fort. En plus d’elle, de Chiho et de Djelly, il y avait eu une infinité d’autres filles, certaines qu’elle ne connaissait pas. Pour les Mentali, elle n’avait eu vent que de Kaeko. Estelle avait été épargnée, Faith aussi visiblement, de même que la jeune suicidaire excentrique qui l’accompagnait actuellement.
« Ouais. Enfin bon. Faut pas trop en demander aux directeurs à mon avis, vu la manière dont ils nous méprisent ouvertement, ils doivent plus penser au pognon et à la réputation de l’école qu’à la sécurité des élèves. Cette école est un vrai moulin. Les élèves se baladent de nuit dans l’école pour aller dans un autre dortoir sans rencontrer de difficultés, et maintenant c’est la Team Rouage qui vient y faire ses courses. Ca va finir par leur exploser à la figure. »
Aileen, si elle avait très hypocritement couru pour entrer dans la jungle en même temps que les autres, marchait maintenant d’un pas tranquille en papotant avec la Mentali. Pourquoi se presser ? De toute manière, elle savait qu’elle arriverait avant la moitié des élèves Pyroli, qui avaient dû se liguer pour lui faire regretter son éclat de colère. Alors elle restait aux aguets, Sphax restant à côté d’elle, Hilda évoluant tranquillement dans les arbres, attentive aux moindres bruits. Puis, la jungle était vaste, courir à l’aveugle pour trouver les brassards à rapporter ne servirait à rien, sinon à se fatiguer plus encore. Tendant une patte, Sphax lui bloqua les jambes pour l’empêcher d’avancer, les yeux rivés sur une toute petite corde tendue proche de la terre. Aileen tendit alors le bras pour bloquer Dahlia, et s’accroupit pour regarder la corde. Hilda, descendant à son niveau, miaula discrètement qu’il y avait un filet en liane grossier au-dessus d’elles, et que si elle coupait la corde, elle se retrouverait aspergée de terre, de boue, et d’autres trucs bien cool dans ce genre-là. Réfléchissons. Des groupes de deux. Trois ou quatre groupes étaient rentrées avant elles dans la jungle. Il suffisait qu’au moins deux groupes s’allient, et à quatre, il était facile de rassembler des lianes traînant au sol pour faire un vieux piège avec quelques nœuds coulants grossiers. Suivant la corde du regard, elle s’aperçut qu’elle était accrochée à deux arbres, et que couper la corde ferait effectivement chuter le piège sur elles. C’était grossier, basique, sommaire, mais cependant bien pensé. Personne ne pense à regarder si près du sol, en général, sauf un Absol qui sait que sa dresseuse s’est attirée des ennuis.
« Ah. Je savais bien qu’elles se vengeraient. A mon avis, ce n’est pas un piège de Jackie ça, et on va y avoir droit tout le long du parcours. Les Pyroli vont essayer de me faire payer cette course et ces cent pompes de plus. Passer par les arbres serait certainement beaucoup plus prudent que de rester au sol et devenir des cibles faciles. Qu’en dis-tu ? »