Ce n’est pas le cœur léger que tu reviens à l’académie. Tu as l’estomac en miette et la poitrine broyée. Serait-ce là de l’appréhension ? De la nervosité ? Non. C’est bien plus profond que ça, bien plus sombre et dévastateur encore qu’une simple envie de vomir. Il s’agissait là d’une haine perçante contre soi-même. Les poings serrés aux ongles grattant la peau, tu ne peux oublier les souvenirs que tu t’es construit en ces lieux. De la joie et des pleurs, de la peur et des rires… Il y avait eu de tout et plus de la moitié en étaient venues à s’évaporer. Bien sûr, tu n’oublierais pas, mais il y avait dans cette mémoire d’il y a deux mois le gout amer d’une forte frustration personnelle.
C’est la rage aux lèvres que tu t’étais retrouvé devant ton dortoir pour la première fois depuis les dernières grandes vacances. Tu as décidément changé, Leo. En bien ou en mal, il est encore trop tôt pour le dire, mais une chose est sûre, tu n’as pas dit ton dernier mot.
C’était pourtant d’une petite voix que ta tante était venue te voir, toute frêle et ignorante, pour te proposer de rester avec elle et d’oublier le monde Pokémon pendant un temps. Elle avait pensé que cela t’aurais fait du bien. Ça aurait été sans doute le cas, il y a plusieurs mois déjà, mais les temps changes et c’est avec un reste de fierté que tu lui avais expliqué que l’académie était devenue pour toi un environnement indispensable. Qu’il fallait que tu te ressaisisses, malgré ta convalescence, malgré le vol de tes Pokémons, malgré tout ce qu’il y avait pu se produire ce jour-là.
Le jour en question. En plein Été.
Il était là question d’un Eté flamboyant. Il faisait chaud, très chaud, voir même, avouons-le, trop chaud. Si chaud que c’est à peine si toi et tes Pokémons voulaient sortir de la maison, là où il faisait si frais. Même Arado, ton Griknot, pourtant habitué à lézarder sur la roche pour se chauffer le cuir ne voulait s’y essayer au risque de voir ses écailles lisses brûlées sous ce soleil de plomb. C'est pour cette même raison que tous, autant qu’ils étaient, avaient trouvés refuge à l’ombre de la terrasse où une fine Alyzée avait coutume de passer toutes les minutes. Tous, sauf un. Athos, ton Mustebouée qui avait pour habitude de rafraîchir la galerie avec ses attaques pistolet à O & Écumes, était porté disparu depuis le début de l'après-midi. Ce n’était pourtant pas le moment de se volatiliser.
Pourtant, tu n’avais pas l’air inquiet. Pour cause ce n’était pas la première fois que ce bougre s’échappait pendant une ou deux heures pour découvrir ce qu’il y avait à l’extérieur de la mansion Blackhart. La curiosité est un bien mauvais défaut que tu ne pouvais lui reprocher. Toi-même très fouineur de nature, tu le laissais aller et venir à sa guise. Tu avais une confiance aveugle en ce Pokémon, comme avec tous tes autres Pokémons d’ailleurs.
Alors que le reste de la bande était en train de fondre comme neige au soleil sur la terrasse de la bâtisse, Luné, ton fidèle Zorua, vint glisser sa truffe humide contre ta joue rougie à belle langue de feu. En été, il passait le plus clair de son temps à roupiller, à se détendre et à jouer avec les autres Pokémons. Mais en l’instant, quelque chose le perturbé. Il était stressé et nerveux. Ses oreilles s’étaient instinctivement plaquées sur le haut de son crâne et sa queue s’en était allée à l’ombre de ses pattes. Il était rare de voir Luné aussi angoissé et c’est d’une bonne patte que tu tentas d’abord de le calmer. Les caresses entre les oreilles et les gratouilles aux niveaux du torse avaient pour habitude d’apaiser les tremblements du Zorua quand ce dernier voyait sa nuit sombrée dans un mauvais rêve. Mais Luné resta tendu et le silence qui se plaça entre vous deux, où il n’y avait plus que regards confus, se brisa en un couinement de sa part. Tu sursautas, par instinct, et t’efforça de comprendre ce que pouvait bien te dire le sombre renard. Finalement, c’est en se plongeant d’avantage dans ses iris bleus que tu compris enfin de quoi il en retournait.
Ton ventre se tord en deux et tu fini par te redresser d’une traite.
Athos. Athos n’était toujours pas revenu et bien qu’il était dans ses habitudes de disparaître sans prévenir, jamais, Ô grand jamais, Luné ne s’était inquiété de la sorte pour quelqu'un de la team. Sixième sens, ou tout simplement mauvais pressentiment, c'est la poitrine serré que tu bondis à l’intérieure de la maison, quittant ainsi la terrasse.
Sentant cette nervosité qui se dégagée de tes pores, tes Pokemons t’emboitèrent le pas. Luné, par habitude, trouva refuge sur le haut de ta tête, tandis que Kecleon, Griknot et ton nouveau Caninos, fraîchement éclos, trottaient derrière toi. Tu glissas adroitement sur le parquet jusqu’au salon pour y retrouver ta tante. Calmement assise sur le canapé, prés de la télévision, elle redressa son regard à ton arrivé.
▬ Eh bien Leo', tu m'as l'air tout paniqué, quelque chose ne vas pas ?Elle pouvait lire en toi comme dans un livre ouvert… tu ne pouvait décidément rien lui cacher. Etant de toute façon honnête et moral, tu l’informes de la disparition de ton pokemon.
▬ Tu n’aurais pas vue Athos par hasard ?▬ Athos ?▬ Oui, mon Mustebouée. Elle se contenta de laisser paraître sur sa frimousse cernée une sorte de grimace que tu n’eus aucun mal à déchiffrer. Après tout, elle était de famille, cette distorsion de lèvre. Elle s’excusa brièvement de ne pas pouvoir t’aider d’avantage et soucieux tu continuas ta route jusqu’au hall d’entrée. Ni une ni deux, tu te retrouvas dehors avec toute la troupe aux fesses, claquant sans méchanceté la porte en bois. Une petite gueulante de ta tante, en écho sourd, et te voilà partie sur les traces de ton Mustebouée.
Alors que vous cherchiez tous activement autour de la mansion et dans le village, un crie retenti. Mais pas n’importe quel cri. Quelque chose d’aigue, d’incroyablement perçant. Si fort et strident que ton Caninos et ton Zorua se blottirent contre toi, les oreilles plaquées contre ta peau. Un frisson tourna autour de ton échine avant de la dévaler en un sentiment désagréable. Tu tentas de rassurer tant bien que mal tes compagnons et laissa ta curiosité guider tes pas vers ce bruit plus qu’étrange. Peut-être que ce même son avait attiré le Mustebouée Arceus sait où.
Après une petite minute, ayant quitté le village de tes vacances depuis presque un quart d’heure, tu finis par tomber sur un petit groupe de personnes étranges. Adultes, pour sûr, à en voir leur visage creusé et leur regard confiant, ils se retournèrent tous d’un bloc pour te jeter leurs yeux plein de méfiance. Dans leur bras plein de vigueur, des cages électrifiées, enfermant plus d'une dizaine de pokemons. Ton pas en devint lourd à la vue de ce spectacle répugnant, ta figure s’attrista l’espace d’un instant, alors que tu sentais déjà une rage nouvelle envahir tes muscles et surtout ta cervelle. Tes Pokémons, notamment Luné, hérissèrent poils et sortirent griffes tout en relevant babines pour déshabiller leurs crocs devant cette menace venu de nulle part. Pour ne pas dire imprévue, tu ne les avais vraiment pas vues venir ceux-là. Pourtant ne sont pas rares ceux qui avaient tenté de te prévenir de cette fameuse Team dont les rumeurs n’arrêtaient pas de se multiplier. Leur nom t’échappais, il était pourtant sur le bout de ta langue, mais ça n’avait plus d’importance à présent.
Tu étais seul. Seul et loin de la ville, loin de ta tante, loin de l’académie… Tout ce qu’il te restait été tes pokemons, tes plus fidèles coéquipiers. Mais tu n’avais pas été taillé pour le combat…Serais-tu tenir tête à des adultes expérimentés et sans pitié ? Serais-tu capable de te battre, cœur et âme pour libérer ces pokemons ? Pour libérer TON pokemon ? Car voilà que ton regard croise le sien. Apeuré, terrifié, recroquevillé et plié en deux dans une prison deux fois trop petite, ton Mustebouée gémit… Ce n’est pas évident de voir de là où tu te trouves, mais tu crois apercevoir entre les larges silhouettes qui l’entoure, des blessures et surtout, du sang.
Le tiens bouillonne, convulse dans ta poitrine. Tu crois défaillir, mais Arado te bouscule en prenant les devants, te faisant reprendre tes esprits. Tu bafouilles un début de phrase, voulant reprendre du poil de la bête. Mais ce n’est pas évident. Ça reste coincé dans ta gorge. Ça brûle… Tu fermes les yeux, reprend ce qu’il te reste de souffle et grogne maladroitement. Tes autres Pokemons ont confiances, ils s’avancent, la tête haute.
▬ Relâchez tout de suite mon Pokemon et ceux des autres ! Mais ce n’est pas très convaincant. Ta voix se bloque de nouveau. Tu as peur. C’est sûr. Tes jambes sont nerveuses. De l’autre côté, ça rigole, ça se moque. On te pointe du doigt, on se fou, soyons franc, royalement de ta petite gueule de blondinet. L’un d’eux, le plus grand, s’approche, bras croisés sur son torse bombé. Tu déglutis. Il te regarde, tu le regardes, ou plutôt tente tant bien que mal de soutenir son regard qui se voulait froid et mauvais, difficilement soutenable.
Arado s’approche alors d’un pas, la gueule ouverte. Mais c’était sous-estimer cette monture d’homme. Sans que tu ne puisses comprendre quoi que ce soit ton Pokémon se fit maîtriser par l’apparition d’une autre créature dont tu ignorais jusqu’alors l’existence. N’ayant pas pris ton pokedex avec toi, ce que tu regrettes amèrement, tu te retrouves face à l’inconnu. Déstabilisé, inquiet pour ton Pokemon qu’on vient d’enfermé, tu n’oses plus bouger ou dire quoi que se soit. C’est la fin. Ils vont juste prendre tous tes pokemons, jusqu’aux derniers. Rappels toi Leo’ ! Rappels toi ce que tu avais pu apprendre auprès de Josh ! Se battre, riposter, anticiper.
Plus facile à dire qu’à faire… C’est sans vergogne qu’on s’approche de toi pour en finir. Mais tes Pokemons sont là. Ils te défendent. Totem qui n’est pourtant pas un pokemon que tu as capturé toi-même se met en première ligne, sa fierté en avant. Seulement cela ne suffit pas, et comme Arado, il se fait mâter sans causer le moindre souci à ses adversaires. Que tu te sens pitoyable… si fragile, si…
Le poing serré, tu frappes le sol, furieux contre toi-même… On continue de se moquer, de rire. Ils te dominent et tu as beau les maudire, cela ne change rien. Ton Zorua et ton Caninos sont tes dernières rambardes… Mais qu’est que tu fous Leo’ !? Ce n’est pas eux qui doivent te servir de bouclier, mais toi qui dois les protéger. Relèves toi ! Bats-toi ! Soit fort, plus fort que tout ! Tu te redresses. As-tu changé ? Tu ne te pose pas la question. Tu dois protéger ce qui te reste d’amis.
Alors que le petit chien de feu aboie tout ce qu’il a de gorge, Luné, fou de rage, commence à briller. Cette lumière est étrange mais bienveillante. Sa chaleur t’enveloppe et voilà que ton plus fidèle compagnon change de forme devant tes yeux. Tu n’avais jamais vue ça auparavant, mais qu’est que tu avais pu dévorer des tonnes de livres sur le sujet. L’évolution. Luné venait d’évoluer !
Partageais entre la joie et une amer colère, tes sens deviennent confus et tu agis sans réfléchir. Croyant à une nouvelle tentative de vol de tes adversaires, tu bondis en avant pour défendre tes deux Pokemon.
Mais il s’agit là plutôt d’une attaque Poing éclair doublé d’une attaque Flash. Le coup est puissant. Si puissant qu’il te fait perdre immédiatement connaissance, endommageant sur son passage la rétine de tes yeux ouvert par la surprise et la douleur...
Tout devient noir, tout s'estompe autour de toi, si bien que tu ignores ce qu’il se passe ou ce qu’il est advenu des membres de la Team Rouages. Ce n’est que quelque jours plus tard, que tu ouvres enfin les yeux dans un lit d’hôpital. Tes muscles sont en charpie et c’est à peine si tu sens le bout de tes doigts gigoter. Avec un peu de courage et surtout beaucoup de volonté tu fini par te redresser maladroitement et difficilement. La chambre est calfeutrée… Aucun signe de vie, pas même celle de tes Pokemons… Ta tentative d’héroïsme avait échoué Leo’. Ils t’avaient tout prit. Une larme, puis deux… Tu es déçu, déçu de toi-même de ne pas avoir eu la force nécessaire de les sauver. Tu souffres autant du cœur que le sel qui t’arraches les yeux, comme si du sel brut y coulait en cascade. Puis finalement, alors que tu grinçais des crocs et que tu te maudissais de tous les noms d’oiseaux imaginables, la porte de ta chambre s’ouvrit. Les rayons étincelants provenant du couloir t’agressèrent la rétine, si bien que tu fermas les yeux tout en les protégeant de tes mains tremblantes. Il s’agissait là d’une infirmière, qui vint alors tout t’expliquer.
Luné, durant l’attaque, s’était à son tour jeter sur toi pour empêcher l’acharnement ennemie. Il te prit par la taille et bondit en dehors du combat, suivit de près par le Caninos. Tous deux sains et saufs, ils te ramenèrent d’abord auprès de ta tante qui se chargea t’appeler une ambulance. L’attaque du Pokemon électrique avait eu raison de certain muscles, les paralysants pendant plus d’un mois et l’infirmière te présenta un planning de réhabilitation. Elle t’expliqua tout en détail, ainsi que pourquoi ta chambre était aussi sombre et pourquoi la lumière te faisait si mal. L’attaque Flash avait littéralement réduit en cendre ce qui te permettait de protéger tes yeux de toutes les sortes d’UV existantes. C’est pourquoi, à partir de maintenant, tu devras porter des lunettes de « soleil » qui sauront remplacer le filtre naturel de la lumière...
Et te revoilà, après trois mois de convalescences. Tu n’étais plus ce petit Leo maigrichon qui tenait sur des jambes en brindilles. Non. Tu étais devenu bien plus robuste et carré. Un trop plein de vigueur se dégageait de ta carrure qu’on aurait presque dite athlétique. D’un mouvement de tête, tu regardes derrière toi. Au loin, Luné et Arkhan ( le Caninos ) reniflent tu ne sais quoi. Tu rigoles, tiraillé par ce qu’il s’est passé et ce qui t’attend.
Sac à dos et valise pleine, tu franchis la porte de ton dortoir avec ce sentiment de renouveau, suivit par les deux survivants de ton équipe.