Trop sombre. Trop sérieux. Trop rigide. Trop réfléchi. Trop de trop. Aileen ne supportait plus son frère. Depuis son retour à l’académie, Orren était devenu distant et renfermé. Il ne parlait plus trop, sinon pour évoquer la stratégie des attaques de Dragons. Il ne lisait rien d’autre que des bouquins sur les dragons. Ou l’archéologie. Que pouvait-on trouver de passionnant dans l’archéologie ? Nettoyer le sol avec un pinceau minuscule, le nez dans la poussière pour extraire des crottes fossilisées d’un dinosaure mort depuis des milliards d’années … Fascinant. Bref. Orren devenait chiant. Il fallait donc que ça cesse. Et donc qu’elle aille lui parler. Youpi ! Quelle corvée …
« Ellie ? Tu viens ou tu restes ? »
Sautant assez agilement du lit, la petite Mysdibule trottina vers sa dresseuse, lui signalant qu’elle venait. Elle avait mûri, la petite Ellie. Autrefois toute choupette et toute gamine, elle s’était brusquement retrouvée membre d’une grande famille surprotectrice. Elle savait qu’elle n’avait rien à craindre, vu qu’Aileen les protégeait tous du danger. Mais quand la Team Rouage avait volé Vesta, la Ponyta, la dresseuse s’était effondrée, et toute la team avait dû voir la réalité en face. Elle ne les protégeait pas. Elle faisait juste de son mieux. Ca avait été à leur tour de faire de son mieux, et la Mysdibule en avait profité pour grandir, grandir pour aider sa dresseuse à guérir. Elle n’avait eu que trop conscience qu’elle était un poids mort dans sa team d’espionnage, et comptait bien remédier à ça. Se penchant, Aileen saisit sa Mysdibule pour la caser sur son épaule, où elle s’installa joyeusement, saluée par le couinement de Joyce perché sur la tête de l’espionne. Elle devait parler à son frère. Mais où le trouver ? Coup d’œil à son horloge. Vu l’heure, il devait être en cours. Avec un peu de chance, elle l’attraperait à la sortie.
Elle quitta le dortoir Pyroli, Sphax sur ses talons. L’Absol aimait bien Skoll, le Démolosse du demi-frère de sa dresseuse. Il était cool. La même fierté sauvage animait les deux Pokémon, ce qui les avait rapprochés. Du coup, l’un comme l’autre vivaient très mal le fait que la préfète des Pyroli semble rechigner à passer du temps avec son demi-frère parce qu’elle le trouvait ennuyeux. S’il est si ennuyeux que ça, pousse-le à changer, semblaient dire les regards croisés des deux Pokémon à chaque fois qu’ils se croisaient. Donc pour commencer, elle allait lui parler, et si ça ne marchait pas, elle utiliserait un moyen plus expéditif. Orren lui en voudrait, pendant un temps, puis il comprendrait le message caché. Cesser d’être aussi dur que ses Dragons et faire ressortir la part d’innocence qu’il mettait autrefois en avant. En arrivant devant les salles de cours, Aileen se heurta à un problème. Dans quelle salle était son frère, et surtout, y était-il encore ? Attrapant par la manche un Voltali Topdresseur qui passait par là, elle préféra lui poser la question plutôt que de passer deux heures à chercher.
« Excuse-moi. Ton préfet, tu sais où il a cours ? »
« Salle 14, je crois. »
Quatorze. Lâchant la manche du Voltali, elle fila vers la salle quatorze et l’ouvrit sans se poser de questions. Le cours était fini de toute manière, les rares élèves restants travaillaient, et s’il y était, elle l’attraperait pour le tirer plus loin, sinon tant pis. En ouvrant la porte, elle faillit péter le nez du seul élève encore à l’intérieur. Heureusement, Sphax l’avait attrapée par la manche pour ralentir le mouvement de la porte, évitant une grande douleur au jeune garçon. En le reconnaissant, la préfète fut presque frustrée de l’avoir évité. T’aurais quand même pu me laisser lui péter le nez, Sphax !
« Salut. Je cherche mon frère. Tu sais où il est ? »
Pas de présentations. Pourquoi aurait-elle perdu son temps en civilités ? Après tout, le Zarbdomadaire n’en avait pas la moindre envers elle, et ce n’était pas lui, Ren Lowell, qui allait lui dire le contraire alors qu’il était rédacteur pour ce pseudo-journal étudiant qui passait plus son temps à écrire des ragots sans fondements sur les gens plutôt que de parler des choses vraiment importantes. Attiré par un éclat doré sur la table du Phyllali, Aurum fila en vitesse pour récupérer l’objet et s’enfuir par la porte. Essayer, du moins. La main d’Aileen s’était tendue avec fluidité vers le haut, attrapant l’objet alors que le Ninjask la frôlait. Vrombissement de déception quand son trésor lui échappa, puis d’amusement en constatant que sa dresseuse avait des réflexes de malade … A cause de lui.
« Tiens, c’est à toi, malgré de ce dit la feuille de chou pour laquelle tu écris. Comme quoi, tout ce qui brille ne m’attire pas … Mais bon, je te laisse le soin de déformer la vérité, comme vous savez si bien le faire. »
Attention Aileen, sinon Ren Lowell pourrait comprendre que tu en as assez d’être leur souffre-douleur pour des raisons que tu ignores … Ha ha ha. Hrm. Passons. Pour se faire pardonner de son vol, Aurum descendit un peu pour se mettre à hauteur du visage du Phyllali, et vrombit quelques excuses polies. L'expression du jeune garçon sembla alors changer, ce qui intéressa grandement la préfète. Diantre, était-ce une émotion qui venait de passer dans ses yeux ? Mince alors.