Lorsque moururent les dernières syllabes de mon élan poétique, je me tournai naturellement vers Leo, gênée, et plus encore lorsque je le vis rire timidement. Je rentrai la tête dans les épaules en manoeuvre de replis stratégique, mise un peu mal à l'aise à l'idée qu'il devait m'observer à la dérobée, pendant que j'avais raconté tout ça. Enfin, non, c'est faux. Cela m'avait flatté d'une certaine façon, j'étais fière de savoir captiver son regard et c'est cette même fierté qui m'avait mise mal à l'aise. C'est donc comme ça que je re-orientai le sujet vers notre mission, soit ce qui était véritablement important ici. Non, mais oh, on a déjà fini la première page et on est pas encore débarqués du bateau un moment donné c'est pas sérieux! Humhum! J'ai écrit ça moi? Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler, niet.
Quoi qu'il en soit, Leo replongea dans ses habitudes scientifiques et fit le point sur les Pokémon que nous allions escorter durant cette mission. Des Tauros et des Frisons, Pokémon de nature violente, les uns ayant besoin de courir et même de détruire -si si, détruire, vous la sentez là l'emphase?!- des trucs pour se calmer. Oh, après ça, les Frisons ne pouvaient pas être pires, n'est ce pas? Pouaaaah, naïve petite Estelle! Un spécimen, un seul, un forever alone, un petit rejet du troupeau pouvait, à lui seul, faire dérailler un train. Dites, y'a pas quelqu'un qui pourrait me rappeler pourquoi on a pris cette satanée mission?! Pas besoin de dire que le silence qui suivit cette déclaration était lourd de sous-entendu. Nous devions tout faire pour ne pas nous manger un coup de cornes ou de sabot de ces trucs, sans quoi toute la scène pourrait se transformer en mauvais remake bon marché du Roi Nemelios, avec une couche de drame et de rose en plus bien sûr. Bref, Leo passa toutefois outre pour plutôt sortir une carte d'Unys, la dépliant devant mes yeux curieux. Oh, bah la distance à parcourir ne semblait pas si longue... Sur une carte de cette échelle.
- Ouais, espérons qu'ils nous donnent un coup de main. Dans tous les cas, j'ai de quoi nous fournir à chacun une monture. Ne nous manquera plus que les lassos, les chapeaux et les bottes et nous serons de véritables cowboys!
***
De véritables cowboys... Qui venaient de perdre quelques heures supplémentaires pour nous rendre au lieu de rendez-vous avec les scientifiques. Heureusement, nous disposions d'une avance non négligeable et, si ça se trouvais, nous aurions le temps de nous préparer au voyage et de partir avec tout le troupeau dès ce soir au lieu du lendemain! Enfin, l'espoir fait vivre comme on dit. Dans les faits, le bus nous déposa, nous et nos effets, devant une vaste plaine couverte d'herbe verdoyante et, dans un vallon, des bovins à perte de vue. Je me figeai sur place en admirant la vaste envergure de ce troupeau, ma bouche se figeant même en un "ohh" stupéfait. Sur mon épaule, Chidori se releva pour être aussi droit que possible et son visage ne tarda pas à imiter le mien. Copie presque parfaite, 4.4 sur 5. Avec ça impossible de nier qu'il était mon Pokémon et inversement. Bref! Je finis par remarquer un genre de petit chapiteau plus loin d'où des voix nerveuses semblaient monter en crescendo. Tournant mes chocolats vers Leo, je lui énonçai mes pensées tout haut. C'était inutile et je le savais, j'aurais puis lui communiquer tout autant avec un simple regard et je sais qu'il aurait compris, mais quelque chose en moi semblait déterminé à tout pour noyer cette proximité, cette facilité. Quoi donc? Mais la peur, bien sûr.
- Je pense qu'on a trouvé nos scientifiques. On devrait se dépêcher, ça n'a pas l'air d'être du joli là-dedans.
Et c'est ainsi que notre petit groupe s'approcha et que je cherchai un endroit où cogner, pour annoncer notre entrée. Ouais, bon, avec des murs en toile, difficile de trouver un truc sur quoi taper. Ne restait plus qu'une solution, entrer et espérer ne pas déranger. Je tirai le pan de la tente-chapiteau, m'y avançant de façon incertaine alors que les voix nerveuses, paniquées et peut-être un peu furieuses ne demordaient pas.
-Excusez-moi, est-ce-qu---
PAAAN! J'en tombai presque à la renverse, recevant un gros contenant de plastique transparant en plein front, me faisant tituber vers l'arrière alors que je du attraper Leo d'une main et la tente de l'autre pour ne pas aller m'effondrer au sol. Aie. Et puis, c'était quoi ce truc? On dirait qu'il contenait... Des étiquettes?
Scientifique rousse : Oh! Désolé, je ne voulais pas, j'ai mal visé!
Ah? Reprenant mes esprits, je pu détailler un peu mieux la scène, enfin. Devant moi se tenait une petite scientifique, très mince, voir maigre dans sa blouse blanche beaucoup trop ample et trop longue. Sa chevelure rousse était attachée en un chignon un peu désorganisé et, sur son nez, d'immenses lunettes aux verres épais dissimulaient complètement ses yeux, véritable caricature. Ne manquait plus que les spirales noires sur chaque verre et nous avions là un joli cliché mesdames et messieurs. À l'opposé complètement de la tente, un autre scientifique, celui là très très grand dans sa blouse trop courte -si ça se trouve ils les ont échangées sans le remarquer-, de longs cheveux bleus attachés en une basse queue de cheval dégringolant sur son épaule. Ses yeux verts étaient vif et il était penché sur une autre boite porteuse d'étiquettes, ouverte celle-là, et il semblait être occupé à en faire le compte. Mais, un instant?! Comment avait-elle pu mal viser au point de m'atteindre moi?! Nous n'étions pas sortis du bois.
L'autre type : Ne faites pas attention à mon assistante, elle panique quand les délais ne sont pas respectés, vous devez être les élèves de la Pokemon Community?
Estelle : C'est exact. Nous somme là pour...
Scientifique Stein : Je m'appelle Frank, ou vous pouvez dire monsieur Stein, c'est comme vous voulez. Je suis le scientifique en charge de ce projet et ma collègue est Mademoiselle Hyde, Jeckie Hyde. Nous ne vous attendions pas aussi tôt, nous sommes loin d'avoir fini d'étiqueter les bêtes.
Mademoiselle Hyde : Nous faisons ça pour pouvoir suivre leur évolution en milieu naturel, comme ça nous pouvons remplir des fiches pour chaque spécimen et si on les revoit plus tard dans la nature on pourra faire un véritable suivit.
Stein : Mais pourquoi tu leur racontes ça? S'ils ont été envoyés c'est qu'ils connaissent quand même ces bases. Bref, ça vous dirait de nous donner un coup de main? Suffit de les installer sur leur oreille et de remplir une petite fiche de façon approximative vis a vis du bon numéro. Après il suffira de nous remettre les vôtres et on pourra les entrer dans notre système informatique. Vous avez des montures pour faciliter le travail? Sinon on peut vous prêter nos Doduo.
Estelle : Non, merci ça va! J'ai un Ponyta et un Ditto, ça devrait faire le travail...euhm... Vous avez des selles, que l'on pourrait emprunter?
Hyde : Tout à fait, elles sont dans la tente voisine. Mais ne prenez pas trop de temps, on a beaucoup à faire avant de pouvoir nous mettre en route!
Et c'est ainsi que nous fûmes mis à la porte de la tente, direction celle d'à côté où je laissai sortir Epona et Shaw -qui se metamorphosa presque immédiatement- et tous deux se mirent en place pour se faire préparer par leur cavalier respectif. Même pas besoin de demander leur avis, je savais que j'allais monter Epona, il n'aurait jamais permis que quelqu'un d'autre que moi ne le monte, surtout si j'avais moi aussi besoin d'une monture. J'allai donc récupérer une selle tout en m'adressant à Leo, frottant mon front au passage, encore rouge de sa rencontre avec le projectile de plus tôt.
Estelle : Ils n'ont pas l'air méchants et ils sont vraiment passionnés par ces études, mais ça m'inquiète un peu en compagnie de spécimens comme ceux là. Il ne faudrait pas qu'ils les énervent encore plus, un coup de sabot est vite arrivé.
Petit moment d'hésitation. Mon regard passa d'Epona à Leo, puis de Leo à Epona, d'Epona à mes pieds, puis de nouveau de mes pieds à Leo. J'avais envie de lui dire quelque chose de plus, mais je ne savais pas quoi et ça m'énervait, beaucoup. Que lui aurais-je dit normalement, si toute notre situation n'était pas devenue aussi compliquée?
- Fais attention à toi, je ne voudrais pas que tu sois blessé. Qui sait comment ils réagiront quand on devra leur percer l'oreille pour les étiquetter.
Voilà, naturel, c'est mieux. Enfin, pas trop non plus! Ça, ce serait dangereux. Roh la la... Comment est-ce qu'on en était arrivés là?