Mais quel gros con! Je ne pu pas m'empêcher de sourire à cette réplique, me disant qu'elle n'avait peut-être pas tout à fait tort. Pour certains trucs, soit les relations humaines apparemment, il était encore au stade de gros con. Est-ce que je l'aimais moins pour autant? Non, presque à l'inverse. Ça me donnait envie de m'accrocher, de lui apporter toute la douceur et tout l'amour que je pouvais, sans oublier la joie. Je voulais avoir la chance de lui faire voir le monde d'un angle un tout petit peu différent. Je voulais être cette personne là pour lui, je voulais le voir sourire librement et je voulais chérir ses airs de bébé Pichu timide et maladroit, parce que le reste du monde n'avait aucune idée de ce qui se cachait derrière ces profonds yeux d'océan. Mais voilà, Aileen avait raison, il était quand même un gros con, bien que le terme fut peut-être injustement choisi. Ne trouvant rien de plus à ajouter, j'avais tenté de détourner assez maladroitement le sujet, mais la préfete des Pyroli n'avait pas dit son dernier mot. Sérieuse, elle posa les mains sur mes épaules et ses iris d'amethystes rencontrèrent les miens, beaucoup plus banals en comparaison. Je ne devais pas l'attendre, me disait-elle de ses paroles qui sonnaient comme des ordres.
Selon mon amie, car c'est bien ce qu'elle était, un mec capable de partir comme ça n'était pas quelqu'un de bien. Si je restais comme ça à l'attendre indéfiniment et qu'il revenait effectivement, il verrait que j'avais été docile et donc, selon elle, il n'aurait plus de considération pour moi, ce qui, selon son avis toujours, était à peu près déjà le cas. Aussi vraies que ses paroles pouvaient sonner, je revoyais les yeux peinés d'Allen, lorsqu'il avait vu la rose de Léonidas. La rose... Et s'il savait de qui elle venait? Si, en ses pensées de gros con, il avait préféré partir sans m'avertir, croyant qu'il s'agissait là pour moi... Non, ta gueule Estelle. C'est beaucoup trop con, même pour le préfet des Noctali. Et puis il y avait autre chose à ne pas oublier, il y avait eu les mentaliennes, il y avait eu une rage froide et viscérale dans ces joyaux saphirs et il leur avait rendu la monnaie de leur pièce, gravant le message pour de bon. L'on pourrait me dire tout ce que l'on voulait, mais tous ceux qui tenteraient de me dire qu'Allen Wills ne m'avait pas aimée et chérie, je le traiterais de menteur, haut et fort. C'est donc ainsi que mon regard se durcit et que ma main se posa sur l'une de celles d'Aileen, pour la repousser doucement, mais fermement.
- C'est vrai, Allen n'est pas parfait et il n'assure vraiment pas sur ce coup là. Malgré tout, ça fait partie de lui, lorsque l'on se donne la peine de le comprendre, on réalise que les apparences sont trompeuses. Je sais que tu ne le connais pas comme moi je le connais, je sais même que tu ne l'aimes pas du tout et je veux bien respecter ça, même si c'est très dommage, mais j'aimerais que tu respectes mes désirs en retour. Allen est l'héritier de l'empire Wills et je savais qu'un jour ou l'autre, ce serait difficile, mais je l'aime. Je l'aime et j'ai décidé de faire tout ce que je pouvais pour lui, pour le soutenir dans tout ça, peu importe comment, parce que pour moi c'est ça aimer quelqu'un. J'attendrai s'il le faut, mais je refuse de laisser tomber l'homme que j'aime. Je refuse de laisser qui que ce soit faire comme s'il le connaissait et affirmer des choses aussi à côté de la plaque, car je sais qu'Allen m'aime en retour, je le sais avec autant de certitude que je sais que le soleil se lèvera demain. Alors je ne veux plus en entendre parler, Aileen.
Voilà, c'était dit et je pu relâcher la main d'Aileen et détourner le regard, maintenant devenue un peu tremblante après toute la conviction qui m'avait animée combinée à la fatigue de ma nuit blanche. D'ailleurs ce serait peut-être une bonne idée de me reposer un peu. Je repris la parole, mentionnant entre autres choses Leo qui m'obligerait probablement à aller dormir. Voilà une pensée que j'aurais peut-être préféré ne pas avoir, mais j'avais revu en pensées le regard d'ambre de Léonidas, planté dans le mien avec résolution, son visage tout près du mien alors qu'il m'avait avoué son amour, pas plus tard que la veille. Peu étonnant que je rougisse en prononçant le prénom du lion blond donc, bien que ce ne fut pas intentionnel du tout. Quant au petit sourire? Il y avait des choses que mon coeur se gardait bien de dire à ma tête et ce timide sourire en était la preuve vivante. Malheureusement pour moi, à ce moment là, le regard d'Aileen était plus aiguisé que les pinces de Trybal et, bien sûr, elle n'aurait pas manqué ce sourire même en échange d'un pot-de-vin.
Le surnom de Leo, de ses levres, semblait un peu plus étiré, comme si elle jouait avec les syllabes pour mettre l'emphase, comme si elle jouait avec et l'agitait sous mon nez pour me narguer. Parce qu'on parlait quand même d'Aileen et j'aurais mis ma main à couper que c'était exactement ce qu'elle était en train de faire. Comme si ça ne lui suffisait pas -bien sûr que ça ne lui suffirait jamais-, elle poussa plus loin, nommant son nom complet et le détaillant de façon exagérée, pour faire comme s'il avait seulement été possible de se tromper. Mais où allait-elle comme ça? Qu'est-ce qu'elle pensait accom-- Oh. Ah non! Mais non! Ah non, mais c'est pas ça du tout! Moi, parler comme ça de Leo?! Dans la seconde, c'était comme si j'avais complètement oublié cette conversation sur Allen, mes yeux chocolats devenant soudainement plus grands, mon visage cramoisi. Ma tête sembla s'enfoncer dans mes épaules et mes grosses boucles rose se hérisser, reprendre du volume alors que j'agripais le bras d'Aileen avec désespoir, retrouvant cette énergie et ce côté parodie de manga qui faisait tellement "estell-ish".
- Tout le monde l'appelle Leo ça ne veut rien dire du tout! Et je ne suis pas du tout rouge! Et j'ai pas souris d'abord, t'imagines des trucs! C'est juste un ami et et et et et et et j'ai déjà quelqu'un! J'aime beaucoup Leo mais.. Mais non! C'est pas ça que je voulais dire! Et ce n'était pas comme si lui de son côté... Enfin, okay, mais quand même!! Ça ne veut rien dire du tout tu te fais des idées juste parce que que que que....euh....que t'aimes pas Allen, voilà... C'est tout....
Ma petite tirade terminée, je commençais à me détendre un peu, mais mon visage n'avait pas dérougit et mon coeur battait toujours à cent à l'heure dans ma poitrine, tentant d'oublier les yeux d'ambre de Leo. Tentant d'oublier comme, à ce moment là, j'aurais voulu ne pas partir, mais que je n'avais pas pu faire autrement, étant déjà engagée autre part.