Vous ne me connaissez pas, je ne vous connais pas non plus. Je suis mystérieuse, étrange, étrangère. Je suis fille des routes, des chemins, des caravanes, des rivières. Tu veux apprendre à me connaître ? Regarde-moi bien alors, regarde où je suis, sens l'odeur des rues sales, entends les bruits de la ville, des taxis, des voitures, des gens qui courent, de ceux qui sont assis, de ceux dont les vêtements frottent le sol ou encore des dames dont les robes volantes effleurent les poteaux et les passants. Je les vois mais eux ne me voient pas, toi pourtant tu me vois. Mes cheveux blancs et gras sont lâchement attachés, mes bracelets dorés rouillent, mon sarouel est taché de ce que la rue fait de pire. Je suis accroupie derrière une poubelle et l'odeur ne me dérange pas, je mange une poire dérobée et elle me suffit. Je suis heureuse lorsque je suis libre, dans ce triste décor je peux la sentir et vibrer avec... Je termine mon repas frugal et mon trognon part rejoindre les déchets étalés par terre à côté des poubelles qui débordent. Je regarde la route sous mes pieds, je laisse glisser mes doigts le long des lignes entre les pavés comme pour dessiner quelque chose... un soleil, un sourire ? Quelque chose en tout cas mais c'est vague.
Je suis le chemin jusqu'à ce que les pavés s'arrêtent et me redresse discrètement, tu vois comme je suis petite et frêle ? J'entame mon errance dans les rues sinueuses de Lavandia, ici tout n'est pas que richesse et casino, il faut prendre en compte les deux côtés de la médaille. Dans ces lieux où les citadins endettés s'entassent, acceptant des boulots misérables pour rembourser leurs dus, moi je me promène. Tu sais que je suis jeune encore, très jeune même et ces problèmes me semblent lointains. Tout ce que je vois dans ces quartiers ce sont les ambiances vivantes ou glauques qui se succèdent, la convivialité des personnes dans le besoin, les Pokémon abandonnés qui ne cessent jamais d'aimer, l'aspect pittoresque d'une petite rue servant de dortoir aux gens sans logis.
Au détour d'une de ces rues, j'aperçois un Gobou sauvage. Ses écailles bleutées sont noircies et se rapprochent de la couleur de la boue qu'il me crache dessus pour montrer sa méfiance. J'essuie le projectile sans réagir et tend ma main vers le petit Pokémon aquatique. Il a peur, il tremble, il est maigre, son regard se perd entre ma main et les différentes directions lui permettant de fuir. Je lui adresse un sourire neutre et reste immobile quelques temps. Après quelques allers et retours craintifs, Gobou finit par glisser son crâne sous ma main tel un félin en quête de caresse. Je décide de le porter et lui donne à manger quelques croquettes que j'avais dans ma poche, prévoyant ce genre de rencontres. Aux anges, il se mit à répéter son nom sur un ton enjoué et satisfait. Vous savez, je ne peux pas le garder. Alors rapidement plutôt que de m'attacher, je l'incite à partir en lui souhaitant d'aller mieux.
Je reprends ma promenade et croise un ami. Enfin je l'entrevois plutôt, j'hésite à lui adresser un signe quand je réalise qu'il est en plein business. À peine plus vieux que moi, il chipe leurs porte-feuilles aux passants crédules. Je m'approche à pas de félins du jeune homme, tu sais comme j'aime me sentir agile. Je m'avance ainsi puis l'attrape par le bras et l'emporte avec moi dans une ruelle discrète. Spontanément nous nous mettons à rire avant que je le serre de toutes mes forces dans mes bras. Il était mon meilleur ami, il était beau, grand et talentueux, il était un peu mat de peau aussi mais on n'aurait pas pu dire si cela venait de tout ce temps passé dehors ou d'un teinte naturelle, bref nous faisions la paire.
Nous nous sommes installés sur le bord d'un trottoir et il me fit part de ses découvertes, c'est fou ce que l'on peut trouver sur la vie d'une personne rien qu'en regardant son porte-feuille. Quelques rires et sourires échangés plus tard, nous comptions l'argent qu'il avait récolté et bien qu'il m'en proposait, je refusais catégoriquement. Il me promit alors de m'inviter au restaurant pour un dîner en amoureux ce à quoi j'acquiesçais volontiers. Nous n'étions qu'amis, ne te fais pas d'idées, mais nous prenions plaisir à encourager une forme d’ambiguïté entre nous, à rire de notre proximité, mais je l'aimais comme un frère, il faisait partie de ces personnes que l'on ne peut pas perdre, sous peine de ne jamais s'en remettre.
Sur ce je le salue et m'éclipse pour retourner me promener au cœur des marchés. Je me faufilais entre les gens, beaucoup me connaissaient, certains m'appréciaient d'autres moins, tous connaissaient mes talents de chapardeuse. Ma tenue orientale attirait souvent l'attention sur moi, mon sarouel était inhabituel, mon bandeau et mes bandages aussi. J'étais un soupçon d'exotisme dans une capitale de région, un lieu terne où les monde entier se ressemble. Mais pas ici, pas dans ce quartier, tu le vois n'est-ce pas ? Tu vois les multitudes de stands tenus par des personnalités fortes et singulières ! Tu vois le boucher m'adressant un grand sourire car il sait que le soir venu il m'offrira un morceau, tu sais qu'il me dit toujours que c'est un invendu alors que je le vois bien me garder un bout de sa plus belle pièce ! Tu vois le couple qui vend des légumes et des fruits qui s'adresse toujours à moi comme si j'étais leur fille, me racontant leurs rêves de voyages et m'interrogeant sur les miens. Tu vois aussi cette vendeuse de bijoux qui m'interpelle ? Je ne la connais pas très bien, elle n'est arrivée qu'hier sur le marché. Elle me toise, elle semble très à l'aise, de ses longs doigts fins elle m'analyse ou me mesure. Elle les fait même glisser dans mes cheveux sales. Son regard bienveillant m'inspire confiance et puis de toute manière je n'ai rien à craindre, je n'ai rien à perdre. Je comprends qu'elle est muette lorsqu'elle se met à effectuer quelques gestes pour me dire d'attendre, j'acquiesce et regarde sa marchandise. J'avais moi-même plein de beaux bijoux provenant du monde entier, c'était eux mes tampons de passeport, tu sais ceux qui certifie que tu es allé dans un pays ? Et bien moi j'achète un bracelet ou une autre breloque dans les lieux que j'ai le plus apprécié. La dame finit par sortir un magnifique sautoir que je me presse d'essayer, elle m'offre alors un regard complice et me fait comprendre qu'elle me l'offre.
Je ne sais jamais trop comment réagir dans ce genre de situation, est-ce que je dois la remercier et simplement accepté ? Tu sais toi ? Ou bien je lui dis que ce n'est pas possible tout en sachant pertinemment qu'elle n'en démordra pas ? Alors je finis par faire ce que je fais de mieux, je l'enlace de toutes mes forces, on partage encore des sourires, de l'affection spontanée, puis je disparais à nouveau. Heureuse comme jamais, je tripote ce beau cadeau encore et encore quand soudain je sens que l'on me tire par les cheveux, tu connais cette douleur toi ? Bah ça fait vachement mal ! Je laisse échapper un cri mais préfère me laisser emporter et serrer le collier plutôt que de me débattre, de toute manière je connais la suite... La violence de la policière me répugne, après tout je ne suis qu'une enfant. Elle me traîne le long du marché, j'ai cessé de crier, maintenant je tremble, je sais ce que tout ça veut dire. Je ne reviendrai plus jamais ici. Je croise les regards inquiets, curieux, surpris des habitants qui me connaissent. Mais c'est lorsque je croise les yeux émeraudes de mon ami qui était venu me rejoindre, c'est en voyant son incompréhension que je fonds en larmes.
« Tu vas attendre tes parents bien sagement ici et à la moindre tentative d'évasion, je demande à Minos de te remettre en place. » Elle pointe du doigt son affreux Hariyama visiblement prêt à en découdre. Tu vois où on est ? L'ambiance rigide et fade, les bancs métalliques, les ordinateurs désuets, le silence angoissant interrompu par moment par les hurlements de nouveaux arrivants... C'est le commissariat de Lavandia. Je sais que je ne vais pas finir en prison, à treize ans tout de même ce serait le comble, mais ce lieu me donne la chair de poule. Je serre très fort mon collier et je finis par répondre sèchement à la policière.
« Je n'ai pas de parents... » De manière autoritaire et agacée, la dame tape sur son bureau et recolle ses yeux sur son ordinateur tout en s'adressant à moi.
« Ça fait six mois qu'on t'a dans le registre gamine, six mois que tu cours à droite à gauche et qu'on te rate, tu n'as pas intérêt à refaire un coup comme ça ! La prochaine fois, nous ne serons pas aussi tendres! » Ah parce que se faire traîner par les cheveux au milieu de tous ses amis c'est une forme d'amour. Si je n'avais pas craint autant le Pokémon combat je lui aurai craché dessus à cette harpie.
Le temps s'écoule et je repense à mes six mois de libertés, les amis que je vais perdre et tout... Puis la porte s'ouvre, arrive alors en trombe ma tante, qui est aussi ma tutrice légale. Cela fait deux ans qu'elle m'accueille, je déteste cette femme. Et pourtant elle ne me rend pas la chose facile, tu as déjà détesté quelqu'un d'adorable ? Quelqu'un qui se sacrifie pour toi et qui ferait tout pour ton bonheur ? Bah moi oui et c'est elle qui en fait les frais. En larmes, mais pas pour les mêmes raisons que moi, elle me serre fort contre elle, je déteste ça, je veux crier, courir, m'enfuir à nouveau mais je ne peux plus. Elle prend entre ses mains mon visage, elle ne me réprimande pas, ne me fâche pas, elle me dit juste qu'elle m'aime.
« Il va falloir être un peu plus stricte madame si vous ne voulez pas qu'elle s'en aille à nouveau, c'est de la mauvaise graine ça, j'vous l'dis ! » Avec une violence folle, ma tante se redressa, donna une énorme claque à la policière, me prit par le bras et partit. Je n'étais que cruauté avec elle et elle n'était qu'amour avec moi, il y a des moments comme ça où je ne me comprends pas. L'agente ne pouvait pas vraiment rétorquer, vue tout l'argent que ma tante donnait aux infrastructures de la ville. Elle était très riche ma tante, elle avait réussi dans l'industrie textile, elle ne travaillait plus beaucoup maintenant mais continuait de s'enrichir en capitalisant sur sa fortune. Elle était riche, belle, gentille, généreuse mais elle n'était pas ma mère et ça faisait toute la différence.
Nous rentrons dans sa gigantesque maison magnifiquement décorée et elle m'installe dans la cuisine et prépare un chocolat chaud, tu sais, ceux qui dégagent cette odeur réconfortante, qui lorsqu'ils sont pris entre nos petites mains, un sourire satisfait se dessine forcément sur nos visages. Elle avait de beaux yeux, ils étaient encore humides et son sourire était resté intact.
« Tu sais » me dit-elle la voix prise et émue.
« Je t'ai beaucoup cherché moi aussi... Je t'ai vu il y a quelques semaines, dans un parc. Tu t'amusais avec tes amis alors je n'ai pas voulu appeler l'agent Jenny, mais je t'ai regardé longtemps. Cela faisait déjà quatre mois que tu avais disparu... J'ai entendu ta voix aussi au loin. » Mes joues se mirent à rougir d'embarras, je n'osais pas la regarder dans les yeux, pourquoi était-elle si gentille ? Je n'attends qu'une chose c'est qu'elle me donne une bonne raison de la haïr ! Car j'ai décidé de ne jamais lui parler. Au début, le mutisme était dû au deuil et puis c'est resté, donc je n'ai jamais prononcé un mot en sa présence.
« Je vois bien que tu n'es pas forcément à ta place ici, mais il te faut un avenir Opale... Tu ne peux pas simplement errer comme ça, tu dois aller à l'école ! C'est fini l'époque où on envoyait des jeunes de douze ans faire le tour du monde, ce sont des légendes ça. Tu es encore jeune et je veux simplement t'aider tu le sais... » Un long moment de silence s'installe et offre l'opportunité à ma tante de me regarder.
« Même toute pleine de poussière tu es belle et ce collier est magnifique... Quand je vois tes yeux si clairs comme ça, ça me fait tellement penser à ta maman... » À peine le terme fut prononcé que je partis en courant vers ma chambre laissant ma tante seule avec deux chocolats chauds sur la table. Ils seraient sûrement ramassés plus tard par la gouvernante. Tu penses qu'elle va pleurer encore ? Tu penses qu'elle est triste que je ne lui parle pas ? Mais pourtant je lui parle parfois, elle ne le sait pas c'est tout. Mais je te raconterai ça un peu plus tard, pour le moment il faut que je dorme, cette journée fut difficile.
Un rayon de soleil vient me caresser la joue et progressivement mes paupières s'ouvrent. Mes yeux sont rouges et secs, j'ai mal dormi et j'ai pleuré toute la nuit. Je me redresse doucement et j'aperçois au pied de mon lit un petit déjeuner copieux comme je n'en ai pas mangé depuis six mois. Mais avant toute chose, un longue douche s'impose. Je m'étais couchée encore toute habillée et sale, la gouvernante changerait les draps. Je me jette dans la salle de bain, balance mes vêtements et retrouve le confort que j'avais choisi d'abandonner pendant si longtemps. Je laisse l'eau tiède couler sur ma peau épaisse, sur mes pieds cornés, sur mes cheveux emmêlés. L'eau change systématiquement de couleur au contact de mon corps et le temps qu'elle ne le fasse plus, je chante. J'aime chanter, tu en penses quoi toi ? Tu trouves que je chante bien ? Peu importe, moi j'aime ça. Mon visage retrouve le sourire au fur et à mesure que les notes de musique s'échappe de ma gorge, on m'a souvent dit que je chantais bien et je m'en suis servi pour mendier. Une voix claire et douce qui contraste avec mon allure sauvageonne et dure. Mais je n'ai évidemment pas toujours été comme ça. Vous voulez connaître mon passé ? Alors suivez moi.
Je sors de la douche, m'enroule dans un peignoir luxueux et commence à dévorer les fruits amenés au petit matin en guise de petit-déjeuner. Dans le lot, il y avait une banane, c'est une belle manière de débuter le récit. Lorsque j'étais jeune nous avions un Tropius. Je vous l'ai dit plus tôt, je suis fille des grands chemins et nous parcourions le monde avec mon père et ma mère. Pod, le Tropius, était en quelque sorte mon baby-sitter, ma monture et mon quatre-heure. Il avait des bananes qui lui poussaient le long du cou et j'en mangeais quand j'avais faim. Lors des longs trajets, j'étais installée sur son dos et mes parents marchaient à nos côtés. J'aimais beaucoup Pod... J'imagine que je peux vous parler de mes parents maintenant... Attendez !
Je me dresse sur mes deux pattes et pars chercher un album débordant de photos intercalées entre les pages et pas encore collées. Il y a là dedans toutes les photos prises par mes parents pendant leurs voyages, même ceux où je n'étais pas encore née. Tout a commencé lorsque mon père, originaire de Kantô, a décidé d'en faire le tour. Ça a été une grande et belle expérience pour lui, il avait avec lui un Ptera pour l'accompagner, elle s'appelait Becky. Il avait trouvé son fossile étant jeune et a travaillé dès qu'il a pu pour pouvoir payer sa ranimation. Une fois ranimée, ils sont donc partis tous les deux, il en profitait pour se renseigner sur l'archéologie, il en connaissait des choses. Il a acheté son premier appareil photo à Carmin-sur-Mer, il voulait absolument prendre l'océan en photo. C'est comme ça que débute la collection. Je feuillette un peu pour arriver rapidement au plus intéressant... Vous la voyez cette jolie dame là, c'est ma maman. Mon père après avoir fait le tour du Kantô voulait s'éloigner des grandes régions, il est donc allé visiter Almia. C'est là qu'il a rencontré ma mère qui était en formation pour devenir ranger. Ils étaient deux vrais amoureux de la nature, à l'époque ils n'étaient pas vraiment nomades, simplement des jeunes qui décidèrent de visiter le monde.
Ils tombèrent rapidement amoureux et... se mirent visiblement assez vite au turbin vue que je suis arrivée un an et demi après leur rencontre. Ils étaient allés à l'Archipel Orange pour les derniers mois de grossesse de ma mère car c'est là qu'elle est née et que vivait sa famille. C'est donc là-bas que je vis le jour et c'est en me voyant qu'ils prirent leur décision ; ils voulaient me montrer le monde et le découvrir avec moi. Donc là c'est moi sur la photo et après deux ans passés dans les îles de l'Archipel nous débutions notre vie de nomade. Ma mère aussi avait un Pokémon particulièrement favoris, c'était un Ecremeuh. Rocky, c'était son petit nom, faisait le meilleur lait du monde. Nous le vendions pour pouvoir payer nos frais, mon père allait de temps en temps travailler dans des chantiers avec Becky pour donner des coups de main et se faire un peu d'argent. Parfois nous restions longtemps dans une ville et il y passait plus d'un an en tant que maître conférencier.
Ma période préférée, ce fut quand nous avons rejoins un cirque. Ma mère s'était faite embauchée pour accompagner les Pokémon, elle avait une formation en médecine naturelle en plus de ranger. Je m'étais faite plein de camarades qui vivaient simplement comme nous, c'est là-bas aussi que j'ai appris à chanter et à danser. Nous étions restés une année complète avec eux, une année durant laquelle nous faisions le tour d'Hoenn, je devais avoir six ans. C'est pendant cette période que mes parents ont capturé Pod pour qu'on puisse faire de plus longs trajets à pieds. Becky était un Ptera très habile et pouvait porter de grosses charges mais ne supportait pas d'être montée. À partir de cet âge là nous avons pu passer des mois entiers à parcourir des montagnes et des déserts. C'était une vie fantastique vous voyez bien en regardant ces photos que nous étions très heureux. Parfois mes parents se disputaient à propos de mon éducation, et d'autres choses évidemment mais surtout par rapport à ça, ils ne voulaient pas me marginaliser. Au bout d'un moment, ils avaient le sentiment de m'avoir forcé dans leur vie, ils ne savaient pas décider s'ils devaient me mettre à l'école ou non. Je fis tellement de caprice à cette période qu'ils étaient bien obligés de me garder. Alors ma mère m'enseignait les bases du savoir, ils essayaient aussi de faire des pauses plus longues dans les villes pour que je rencontre des gens de mon âge. Au bout d'un moment j'ai arrêté de me faire des amis car cela me faisait trop mal de les quitter, avec le temps j'ai donc pris l'habitude d'avoir des camarades sans vraiment m'y attacher.
L'objectif de mes parents était d'avoir visité toutes les plus grandes régions à mes dix-huit ans. Ainsi, à onze ans, nous avions déjà visité Hoenn, Johto et Kalos. Nous devions ensuite partir pour le Kantô, mon père était évidemment très enjoué à l'idée de nous faire découvrir sa région natale, il nous avait montré ses photos, ma mère et moi salivions devant tous ces paysages et ces villes. Alors nous avons pris un bateau, une embarcation pas tout à fait sûre mais qui ne coûtait pas chère. En arrivant près des côtes du Kantô... un ouragan a fait son apparition. Et...
…
Je suis désolée, je n'aime pas en parler, même dans ma tête... je n'aime pas y penser. Allez, je soupire un grand coup, je regarde une belle photo de toute l'équipe réunie : ma mère, mon père, Becky, Rocky, Pod et moi... Je ferme les yeux, peut-être cela empêchera les larmes de couler... Bon. Le bateau fut pris dans la tempête, mes parents connaisseurs la virent arriver et demandèrent à Becky de me porter entre ses serres pour me ramener sur les côtes. Je les ai vu tenter de rassembler les affaires et monter sur Pod, mais ils n'ont pas été assez rapides, le Tropius a bien tenté de s'envoler mais ils furent emportés. Nous n'avons jamais rien retrouvé malgré l'argent investie par la sœur de ma mère dans les recherches. Je fus accueillie quelque temps chez la famille de mon père, puis ma tante a pris le relais.
Mon petit déjeuner se terminait sur une bien triste note et je rangeais l'album. Tout ça c'était ma vie d'avant, ensuite je suis arrivée à Lavandia et ma vie a bien changé. Cela fait deux ans que je tourne en rond ici, j'ai d'abord eu du mal à m'habituer et puis... ah bah non, je n'y arrive toujours pas. Alors je me suis découverte d'autres passions bien différentes du chant et des voyages. Ma première année je refusais d'aller à l'école et j'ai vécu mon deuil en restant cloîtrée chez ma tante, dans cette grande chambre que vous voyez, et là-bas, sur le bureau, il y a un PC ! Et oui, avec le temps je suis devenue une vraie geekette connue des univers de jeux-vidéos et des forums de discussions. C'est là où je me suis faite des amis. Je vais vous montrer. Deux secondes que je m'installe, voilà.
... tentative de connexion au serveur de discussion...
Vous êtes connecté sous le pseudonyme Electr@
Tanuki : Elle ? T'es rentrée ?
Néron : Mais t'étais où ?! T'aurais pu donner des nouvelles !
Thibaut : Dernière connexion il y a six mois, tu t'es bien foutue de notre gueule !
Electr@ : Salut les potes ! Je vous ai manqué ?!
Néron : Oui !
Tanuki : Oui !
Thibaut : Oui !
Tanuki : Attends, j'envoie un message à Max il va pas le croire !
Electr@ : Je me suis promenée on va dire... d'ailleurs je passais juste dire coucou
Néron : C'est pas vrai, tu repars déjà ?
Thibaut : Si on te fait chier dis-le !
Electr@ : Allez les amis, on se retrouve ce soir !
Néron : Ciao !
Vous êtes déconnecté Donc ça, ce sont mes amis d'internet, avec Max qui n'était pas là et Cherrish qui se connecte un peu moins. J'adore faire des codes et cracker des logiciels, ma tante n'est pas très au courant, elle sait que je passe beaucoup de temps sur l'ordinateur mais elle n'est pas vraiment familière avec l'outil. Mais de toute manière je la déteste... Regardez ! Hop et là j'ai accès à toutes les caméras de la baraque, pas mal hein ! Regardez, elle prépare le repas... Elle m'a mis un cadeau sur la table, je me demande ce que c'est. Bref ! Et donc c'est comme ça que je lui parle à ma tante et ça m'arrive souvent, je la vois s'activer et moi depuis ma tour d'ivoire je lui dis tout ce que je ne lui dirai jamais en face. Vous trouvez ça bizarre, pas vrai ? Mais j'en ai besoin... D'ailleurs elle a l'air inquiète tout de suite. Je vais voir !
Je descendais les escaliers après avoir enfilé ma tenue habituelle, j'en avais plusieurs doublons et sans afficher d'expression particulière je me glissais sur la chaise de la cuisine devant laquelle était posé le cadeau. Je ne dis rien, j'attends qu'elle me voit et elle fait tomber son gâteau.
« Oh zut ! Je suis confuse je ne t'avais pas vu. Cela fait quelques heures que je cuisine, je suis un peu fatiguée. Le gâteau ne m'a pas l'air en si mauvais état, je vais tenter de le rattraper. Il y a quelque chose pour toi sur la table, ouvre-le! » Je retire lentement le papier pour découvrir une brochure, la
Pokémon Community ? Mais c'est quoi ça ? Je prends le temps de tout lire... école sur une Île, plusieurs parcours, Pokémon offert, frais d'inscriptions très chers... Je regarde estomaquée ma tante qui s'était mise à suer en me regardant ouvrir la brochure.
« Je... je pense que c'est ce qu'il y a de mieux pour toi Opale. Ne crois pas que je t'en veuille ou quoi mais j'ai trop peur que tu repartes... Je veux te savoir en sécurité dans un lieu où tu pourras te faire des amis. » Mes yeux gonflent mais je n'ai plus de larmes en stock, je la regarde avec toute la haine qu'elle peut m'inspirer, elle avait l'air désolée, perdue, je n'en avais rien à carrer... C'était violent, spontané, car je n'avais pas pris de décision, je ne savais même pas s'il s'agissait d'une bonne chose ? Mais tout cela me donnait le sentiment qu'elle se débarrassait de moi et ça je sais que ce n'est pas un bon sentiment. Alors je pars à toute vitesse, je cours le plus vite possible, mes pieds s'écorchent, peu m'importe, tout le monde voit mes larmes, je m'en fiche, je veux juste fuir.
« Mathis ? Tu es là? » Je m'avançais lentement dans les rues que j'avais été forcée de quitter la veille à la recherche de mon ami que je vous ai présenté précédemment. L'après-midi touchait à sa fin et je l'avais cherché depuis mon départ en trombe de chez ma tante. Je vis en fin la silhouette familière apparaître au détour d'une rue. Je suis tellement heureuse de le voir, j'ai le sentiment de retrouver enfin ma véritable famille. Je cours vers lui pour le serrer dans mes bras mais avant que je ne puisse l'atteindre, il me donne un grand coup dans l'épaule qui me projette sur le sol.
« Alors comme ça t'es une p'tite gosse de riche ? Toute propre ? Bien fringuée ? » Tout mon corps tremble, les mots ne veulent pas sortir, je ne sais pas comment réagir, je le regarde simplement. Cette fois-ci je ne peux pas le prendre dans mes bras pour remplacer les mots. Il me regarde avec tellement de colère et de haine...
« T'as fait mumuse avec nous quelques temps et puis quand t'en as marre tu retournes bouffer du caviar ? Tu crois que ça nous amuse d'être dans la rue ? Qu'on est heureux de voler les gens et de dormir dans les poubelles, hein ? Comment t'as pu nous faire ça ? » Il ponctuait ses phrases de coups de pieds qu'il me donnait dans le ventre. J'étais sous le choc, incapable de réagir, mes yeux écarquillés fixaient le sol et les larmes qui ne pouvaient plus couler furent remplacées par des gouttes de sang qui vinrent tapisser le parterre. Mathis partit aussi brusquement qu'il était apparu. Des heures passèrent où je suis restée allongée amorphe sur le sol... Pourquoi ? Qu'avais-je fait de mal ? Je voulais simplement revivre ce que j'avais connu avant, une vie bohème ? Je voulais être heureuse aussi... égoïstement. Au final, je n'ai réussi qu'à faire souffrir toutes les personnes qui m'aimaient et maintenant c'est à mon tour d'avoir mal... Je les ai tous abandonnés... pas étonnant que ma tante m'abandonne à son tour, que Mathis me rejette...
En rentrant, je laissais une note sur le plan de travail de la cuisine. J'écrivais que je voulais m'y rendre, le plus tôt possible à cette fameuse Pokémon Community. C'est à ce moment là que j'ai appris qu'ils acceptaient les étudiants dès le mois de juillet. Dans un mois, donc, j'étais dans le bateau pour une certaine Île Cobaba.