Alex est plutôt jolie fille, très féminine, contrairement à ce qu'annoncent ses prénoms. C'est une adolescente de quinze ans qui commence tout juste à avoir des formes de femme, mais qui conserve encore ce petit quelque chose de doux et de fragile propre aux fillettes. Ses longs cheveux roux, avec parfois des reflets blonds au soleil, capturent aisément le regard, et l'on se noierait volontiers dans les yeux bleus de la jeune demoiselle. Ses jeunes formes sont généralement mises en valeur par des robes ou des tenues légères, quand ce n'est pas la combinaison rouge qu'elle porte pour voyager. Avec elle, rien n'est pratique : tout est esthétique. Coquette à souhait, la jeune fille regrette amèrement de ne pas avoir pu emporter tout son maquillage avec elle, ni d'autres barrettes que les rouges qui retiennent habituellement ses cheveux — ses préférées. À la place, son sac regorge d'antiseptique et de pansements qu'elle se colle un peu partout sur la peau à la moindre égratignure. Comme quoi, elle est encore plus douillette que coquette. Néanmoins, Alex commence à remarquer son charme, et, jeune Lolita en herbe, elle se croit assez maligne pour en jouer. C'est sans compter sur son mauvais caractère.


Alex soupire, Alex chouine, Alex vous envoie voir ailleurs si elle y est plutôt que d'avouer qu'elle est perdue, qu'elle a froid, faim et peur, et qu'elle a besoin d'aide. Alex crie quand elle voit un pokémon insecte, fuit quand elle rencontre un pokémon spectre, et recule en fait dès qu'elle croise un pokémon tout court. Elle ne sait pas allumer un feu de camp, ne sait pas lire une carte, c'est à peine si elle sait se faire à manger, et elle se plaint qu'elle a mal aux pieds après dix minutes de marche.

Vous l'aurez compris, Alex n'a rien d'une véritable aventurière, bien au contraire. Et en fait, Alex est bourrée de défauts. À commencer par le fait qu'elle corresponde au stéréotype parfait de la petite fille pourrie gâtée capricieuse. Oh oui, elle a toujours tout eu de la parfaite petite princesse égoïste, moi je, moi je, moi je. Elle est douillette, elle veut toujours ce qu'elle n'a pas et jette un regard hautain sur ce qu'elle a déjà, le prend pour quelque chose de garanti, d'évident. Elle est un peu superficielle, voudrait être toujours au top, rêve de grandes villes, de lumières, de boutiques chères et fashion ; le tout, d'entre les murs de sa chambre où elle se sent à l'abri dans cet environnement chaleureux et familier.

Parce qu'Alex, elle parle beaucoup, elle critique beaucoup, elle dit toujours que rien n'est jamais assez bien pour elle ; mais, Alex, elle n'est pas honnête. Et surtout pas avec elle-même. Elle joue un rôle élaboré et sophistiqué, mais elle est beaucoup plus simple qu'il n'y paraît. Elle est tendre, elle a besoin d'affection. Elle n'est pas aussi pourrie qu'elle en a l'air, en fin de compte. Mais elle n'a jamais vraiment appris à le montrer. Elle s'est un peu renfermée, endurcie derrière sa carapace, elle joue à celle qui est au-dessus des autres, au-dessus de tout. Elle mourrait de honte plutôt que d'avouer que son repas préféré, ce sont de simples et vulgaires boulettes de viande. Qu'elle a encore son doudou, caché au fond d'un tiroir, alors qu'elle prétend l'avoir jeté. Qu'elle a déjà été attirée par une fille. Qu'elle aime ce qui est mignon. Qu'elle aurait voulu avoir un petit frère. Qu'elle aime ses parents plus que tout au monde, et qu'au fond elle s'inquiète pour eux à cause de leur naïveté. Et qu'elle est fière des espoirs qu'ils placent en elle. Même ses prénoms aux consonances trop masculines, qu'elle dit toujours détester : finalement, elle est plutôt fière de porter le nom de son père en deuxième prénom.

Peut-être aussi que son mauvais caractère ne serait pas aussi marqué si elle avait reçu une éducation un peu plus stricte. Papa et Maman Lovell étaient deux dresseurs pokémon qui avaient vécu de nombreuses aventures dans leurs jeunes années, qui s'étaient rencontrés au cours de leur voyage initiatique dans la région de Kanto avant de finalement décider de s'établir à Lavanville, et qui se trouvaient être des nostalgiques manifestes de cette belle époque. Alex a mené son premier combat de pokémon à neuf ans, sous la tutelle de Papa Lovell, qui était alors extrêmement fier de sa fillette ; elle, en revanche, était surtout pressée de rentrer regarder la télévision et de mettre le plus de distance possible entre sa personne et le gros sablaireau de son père. Élevée par des parents qui, au fond, étaient toujours des gosses, absolument gagas de leur petit ange, fille unique, Alex avait tout cumulé. Depuis son plus jeune âge, tout n'avait jamais gravité qu'autour d'elle. Elle avait toujours eu tout l'amour et toute l'attention dont elle avait pu rêver, elle avait toujours été gâtée plus que de raison. Ses moindres caprices étaient aussitôt résolus, ses désirs, aussitôt satisfaits. La petite s'habitua à ne jamais manquer de rien et, pire, à toujours obtenir tout ce qu'elle pouvait désirer. Petit à petit, le moindre refus entraîna des colères terribles typiques du syndrome de l'enfant roi, auxquelles les parents, déchirés de voir leur enfant chérie ainsi malheureuse, s'empressaient de mettre un terme en satisfaisant les exigences de leur petite teigne. Il suffisait qu'elle menace de ne plus les aimer pour qu'ils se plient à ses moindres exigences, tout à fait sincères dans leur sollicitude. Et le plus paradoxal dans tout cela, c'est que leur fille ne leur en fut jamais reconnaissante.

En plein dans la crise d'adolescence, Alex vous dira haut et fort qu'elle ne supporte pas ses parents. Elle trouva bien vite leur générosité, leur tendresse et leur naïveté horripilantes. Quelque part, le simple fait qu'ils lui cèdent toujours tout la frustrait au plus haut point. C'était comme si une part d'elle-même se rendait compte que ce n'était pas bon pour elle. C'était trop facile, c'était comme s'ils s'étaient contentés de tout balayer d'un revers de la main, sans opposer de résistance ; comme s'ils refusaient d'affronter la moindre contrariété : Alex chérie n'était pas contente ? Il suffisait de trouver le moyen de lui faire plaisir. Quelque part, la jeune fille leur reprochait leur attention facile, rapide, presque machinale. C'était comme s'ils n'avaient jamais vraiment fait attention à elle. Pour eux, tout allait toujours bien, dans le meilleur des mondes. Et c'était tout bonnement exaspérant. C'est probablement là l'une des nombreuses raisons qui font qu'elle se sente aussi mal à l'aise avec son pokémon. Il lui rappelle ses parents, par cette façon qu'il a de toujours essayer de prévenir ses besoins, de toujours vouloir lui faire plaisir. C'est à se demander s'il le fait exprès, s'il prend un malin plaisir à venir la hanter comme ça.

Oh, pour sûr, Alex pesterait après quiconque lui ferait l'affront de la contrarier. Et pourtant, quelque part au fond d'elle-même, elle en aurait bien besoin. Elle est loin de se remettre en question, elle est loin de chercher à corriger ses nombreux défauts, son sale caractère. Mais au fond, c'est peut-être juste qu'on ne lui a jamais donné l'occasion de le faire. Cette école, elle n'en voulait pas. Elle n'a jamais vraiment aimé les pokémon, elle n'a jamais souhaité s'en occuper. Elle n'a jamais non plus eu envie de voyager, ni de quitter son petit nid douillet, sa petite ville où tout le monde la connaissait, ses habitudes. Et pourtant, vous l'auriez entendue râler contre ce trou paumé et d'un ennui mortel, l'air sec et lourd, l'espèce de résignation tranquille des vieillards, comme érodés par le vent et les années ; et cette horrible tour radio qui lui glaçait le sang ! Petite, elle avait connu le cimetière de la Tour Pokémon, le plus gros cimetière pokémon de la région. Étrangement, l'avoir transformée en tour radio ne l'avait pas plus rassurée que ça. Elle garde un souvenir particulièrement marquant de sa premièe rencontre avec un spectrum, alors que son père l'avait emmenée visiter la toute nouvelle tour radio à l'issue des travaux... Quoi qu'il en soit, à l'entendre, la jeune fille avait eu la vie la plus misérable du monde. Oh oui, combien elle aurait rêvé de pouvoir vivre ailleurs, à Céladopole  par exemple, avec son casino et son grand centre commercial. Ou, mieux encore, à Safrania ! Une grande ville, quel bonheur !

Oui mais voilà, quand ses parents lui avaient offert pour ses quinze ans des études dans une prestigieuse académie pokémon, d'un coup Alex n'avait plus aucune envie de partir. Ils étaient restés sourds à ses protestations, tout à leur enthousiasme, convaincus qu'elle ne pouvait qu'être ravie par un tel cadeau et que rien ne lui ferait plus plaisir que de quitter « cette ville en ruines », comme elle avait si souvent appelé Lavanville. Puis elle avait fini par se résigner, sachant très bien qu'il lui serait impossible d'ébranler l'optimisme aveugle de ses parents ; elle vous dira qu'il l'ont forcée à partir, mais en fait, c'est surtout qu'ils semblaient si heureux et qu'elle n'avait pas le cœur de les décevoir.

En plus, il avait fallu que ce timbré de « collectionneur » lui mette un fantominus entre les pattes ! En assistant, impuissante, à ce coup du destin, la rouquine avait fortement douté de la validité du soit-disant test psychologique du bonhomme. Ça, ou alors c'était un sadique. Et c'est ainsi que, la mort dans l'âme, la jeune Alex a mis les pieds à Pokémon Community. Un peu superficielle et pourtant beaucoup plus banale qu'elle ne le voudrait, beaucoup trop compliquée pour une fille aussi simple, Alex n'est qu'une gamine qui ne connaît encore rien de la vie. Et qui n'a à ce jour qu'une ambition : finir son cursus au plus vite, et rentrer chez elle.