Un sentiment de solitude. Mais de bien être à la fois. Dire que nous avons quatre heures de bateau devant nous et je n’ai aucune envie de me mélanger aux autres. Je suis morose en ce moment, depuis le retour de l’Arène, depuis ce cours si Spécial en compagnie de Léo. Je n’ai aucune envie que mes amis ne me voient comme ça. Non, jamais, bientôt, je retrouverai le vrai Aaron. A ce moment je pourrai rejoindre mes amis. Et si je me trompais sur toute la ligne ? Et si ils étaient là pour me soutenir et m’aider à travers ces épreuves ? Je suis bien trop entêté pour pouvoir me l’avouer. Je fais la moue. Qui me comprendrai ? Alban ? Je trouve notre relation bizarre depuis notre sortie de l’Arène. Depuis qu’il m’a intentionnellement cédé se place de vainqueur. A la vue de toutes les lettres de menaces que j’ai reçues, j’aurais préféré qu’il gagne.

Je m’assois dans un petit coin du navire, bien au calme, assis en cercle avec mes Pokémon. En tailleur, je ferme les yeux pour partir à la recherche de mon calme intérieur. J’inspire et j’expire au rythme du léger vent. Plus je cale ma respiration sur cette brise, plus elle me fait frissonner même à travers mes différentes couches. Il fait un temps clément pour un plein hiver. Cette position me rassure, j’ai l’impression d’avoir la maîtrise sur mon corps, d’entrer dans un état où la Terreur n’a aucune emprise sur moi. J’ai l’impression de nager à la même hauteur qu’elle, sur le même terrain. On se dévisage, on se jauge, on se défie. Ni l’un ni l’autre ne cède mais les deux partis livrent un combat des plus silencieux. Cela me demande une concentration extrême et lorsqu’un élève passe en courant sur le pont je reviens aussitôt à moi. La rage déborde jusqu’à au bord de mes lèvres. Non, Aaron, ne cède pas ce terrain à la Terreur.

Je me contiens tout en redirigeant mon attention sur mes Pokémon. Ils sont tous là, bien assis en cercle comme je leur ai appris. Ces petits moments nous permettent à tous de nous poser, de souffler un bon coup et de repartir de plus belle. Je me prends souvent à les observer en plein concentration. Je me demande aussi si Invy tente l’exercice ou bien s’il est simplement en plein rêve, ce qui ne m'étonnerait guère venant de lui. Phy a les plumes dressés sur sa tête, signe de sa concentration extrême. C’est aussi le cas de Genesy qui remue quelque peu, ainsi que Frey qui tremblote. Vivaldy ne se prête rarement à ces jeux, elles préfère veiller sur les autres. Notre regards se croisent et je lui adresse un sourire, qu’elle répond par des clignement d’yeux. Maky s’est déconcentré depuis longtemps et joue avec ses épines. Quant à Inlay… jamais elle n’oserait fermer l’oeil en ma présence. Elle devient presque étouffante par moment. Là, juste à côté de moi, elle me fixe comme si la Terreur elle me sauter dessus, ou pire, lui sauter dessus.

Finalement, nous parvenons enfin aux abords de l’ïle de Chilan. Les trois professeurs accompagnateurs nous rassemblent pour toujours nous donner les mêmes consignes. Etre prudent. Gnagnagna. Je sais. C’est déjà ma quatrième sortie capture, je deviens un habitué. Quand je vois tout les p’tits nouveaux, dont mon colloc’, tout pressé d’y participer, cela me rappel mon propre entrain. Capturer Vivaldy. Une grande aventure. Ils nous laisse enfin sortir du bateau, c’est le débandade et je suis entraîné par les autres élèves. Certains grimpent directement sur leur Pokémon Vol, d’autres courent vers la forêt et les derniers s’attachent aux bords de plage. Je me décide à quitter cette agitation. Je me dirige aussitôt vers la forêt.

“_ Inlay, passe devant pour nous frayer un chemin à travers les branches, s’il te plait.”

Elle cligne des yeux mais finie par obtempérer. Tout ira bien pour moi, ma belle. Je prends Maky dans mes bras pour éviter à ce gros bébé de traîner derrière. Cela ne l’empêche d’ailleurs pas de s’accrocher à tout les lianes rien que pour avoir le plaisir de les voir tomber sur ma tête. C’est aussi pour le plus grand plaisir de Phy qui, perchée sur mon épaule, se moque bien de moi. Même Genesy fait l'effort de marcher à ma hauteur pour se foutre de ma gueule. Je me prête à leur petit jeux en riant moi aussi. Je ne peux pas nier que ça fasse du bien ! Ma Vivaldaim ferme la marche avec le petit Moustillon sur le dos. Sa tenue d’hiver la gêne plus qu’autre chose pour avancer.

Nous pénétrons de plus en plus profondément dans la jungle. Par chance, nous tombons sur un endroit plus dégagé, une rivière. Elle a le don de me rappeler notre cours avec Léo. Mon coeur se serre. Non, il n’y a pas les jolis Possirènes qui luttent contre le courant. C’est beaucoup moins poétique. Pourtant, il y a bien la cascade. Flûte. Je n’avais pas prévu d’escalade pour cette sortie capture. Je pourrais rebrousser chemin et chercher des Pokémon ailleurs … ? Mais… cette cascade m’interpelle. Je me décide à utiliser le bon que l’on m’a offert à Noël. Je le brandis devant moi et un immense Léviator se dresse dans l’eau devant moi. Je souris et invite toute mon équipe à prendre place. Aussi agile qu’un Roucool dans les airs, le Léviator nous fait grimper jusqu’au haut de la cascade. Il disparaît aussitôt.

L’arrivée sur ce monticule est une déception. Il n’y a rien de plus que la jungle qui continue à perte de vue. Autant ne pas perdre encore plus de temps, moi et mon équipe se mettons alors en quête de Pokémons sauvages. Ils doivent forcément roder dans les environs...

Je me balade aux abords de la rivière, puis, je continue à m'enfoncer dans la forêt environnante. Inlay ouvre toujours la marche. Elle est froide dans ses gestes, méthodique, elle paraît concentrée sur tout autre chose que sa tâche : elle est focalisée sur la Terreur, je le sais. Elle ne parvient pas à s'en détacher. Elle est aussi hantée par elle que moi. Je m’inquiète pour l'Insécateur. A force de rester bloqué sur mon problème, elle s'enferme sur elle-même et je n'ai toujours pas trouvé la solution pour la faire sortir de sa bulle. Seul Maky parvient à l'approcher sans qu'elle ne s'enfuie. Le timide Sablaireau a sa façon à lui de se battre, il est tellement touchant, il fait fondre tout le monde et se préoccupe de tout le monde aussi. Maky et sa petite bouille, il me fait craquer moi aussi, je ne résiste pas à ses yeux doux et ronds comme des billes. Sa présence est rassurante, elle apaise toute l'équipe.

Mais je crois que mes Pokémons les plus proche le jalouse, ils perçoivent ma fascination pour ce petit bout. Phy se détourne dans ses moments, Invy relâche sa prise dans mon dos et Vivaldy… Vivaldy s’éloigne imperceptiblement de moi. Il faut que je me mette sérieusement à les entraîner tous ensemble, au combat, à n’importe quoi. Je pense que ma Vivaldaim et ma petite Natu vont se spécialiser dans les fouilles pour m’aider dans mes recherches de Chercheur Pokémon. Après l’Arène, je pense que Genesy et Frey sont aptes au combat… mon équipe manque encore cruellement d'aplomb et… surtout… elle manque d’un Dresseur digne de ce nom.

Je sers les poings. Le combat n’est vraiment pas ma tasse de thé. Les trois dernières fois où j’ai voulu lancer la moindre attaque, la Terreur a repris le dessus. Le pire, c’est qu’elle est douée. Un peu trop. L’énorme Galegon l’a bien compris ça. Il n’attends que ces opportunités pour se battre pour de vrai. Je ne suis pas de taille à L’affronter. Je dois trouver une solution pour cela aussi. Beaucoup de choses à chercher. Comme toujours. Trop peu de réponses à portée de main. Ca serait bien trop facile… pffff.

Je profite de cette petite balade en forêt pour utiliser l’attaque Coupe qui me permet de récupérer des baies. Je n’ai toujours pas commencé ma serre mais qui sait, cela ne saurait tarder. J’ai besoin d’un petit endroit à moi où passer du temps. Je sais que la Serre serait une excellente idée. Je distribue une partie de la récolte à mes Pokémons et j’en mange moi-même une à pleine dents. Même en hiver, les baies sont délicieuses. Nous sommes dérangés dans notre en-cas. Nous tournons tous la tête tel un seul homme -sauf Invy qui pionce-. Je sens Inlay sur le qui-vive, prête à en découdre. Vivaldy s’est figée et attend les ordres. L’ambiance est éclectique.

Je prends les devants et leur fait signe à tous de se calmer. J’appelle Frey et Phy qui me rejoignent sur mes épaules. Je fais signe à Genesy de veiller sur Maky, le Pokémon Acier était déjà devant lui, barrant le chemin à quiconque voudrait faire du mal au Sablaireau. Je ne peux m’empêcher de sourire. Leur intimité est tellement improbable. Je retourne à ma tâche et j’écarte les buissons qui nous barrent la vue. Un Pokémon Sauvage apparaît devant nos yeux. Un Wattouat. Un Pokémon Electrick. Type qui manque justement à mon équipe. Je souris.

Après tout, nous sommes là pour ça. Je rassemble mes forces. La Terreur n’a pas l’air d’être dans le coin. Tant mieux, je ne voudrais pas un nouveau Pokémon traumatisé par elle. Je prends soin de rester bien caché, je ne sais plus trop quel effet je produis au Pokémon sauvages… autant ne pas prendre de risques.

“_ Frey, tu l’attaque en utilisant Vibraqua directement ! Phy, tu attends de le voir préparer sa riposte, à ce moment tu utiliseras Moi D’abord !”

Ils hochent tout deux la tête et s’exécutent aussitôt. Le rayon d’eau vend l’air et atteint sa cible. J’enjoins Vivaldy de s’approcher. Si cela tourne mal, elle sera la prochaine à entrer en jeu. Je fais aussi signe à Inlay pour qu’elle puisse prêter main forte au grand cerf. Ma maigre stratégie semble pour l’instant fonctionner. Phy parvient à lui renvoyer Eclair avant que lui-même n’ait pu faire quoi que se soit. C’est ma chance ! Je pioche dans les Pokéball de mon sac pour en envoyer un sur le Pokémon Electrick. Puis, j’attends.

Et, pour une fois, tout se passe comme prévu. Plus aucun bruit ne provient de la clairière, tout est silencieux. Tout a été stoppé net par la capture réussie du Wattouat. Je me redresse pour contempler mes efforts, la balle rouge et blanche repose, indemne, au sol. Je souris pour moi-même puis, à mes Pokémons. Je les rejoins sur le terrain de bataille. J’attrape Phy et la pose sur mon épaule en la gratifiant d’une caresse puis je fais la même chose pour Frey. Je ne pensais pas que la capture serait aussi rapide. Voilà qu’il me reste toute une longue après-midi devant moi.

Comme d’habitude, je ne prends pas le risque de faire sortir mon nouveau compagnon. Il faut que je lui trouve un nom de toute façon. Et puis, l’anxiété de le voir s’enfuir dans son milieu naturel est toujours présent. Je vais rentrer à mon chalet, m’installer au calme et j’ouvrirai ce petit Graal. Ce moment est toujours grisant, c’est lors de cette première apparition qu’on découvre le caractère du Pokémon, qu’on comprend le rôle qu’il va jouer dans l’équipe. Je ne préfère jamais trop m’étendre sur ce que je pourrais bien attendre de lui, je risquerai d’être déçu. Alors j’attends, un attente mêlée d’anxiété et d’impatience. C’est toujours une drôle de sensation.

Je me mets à me promener à droite et à gauche mais sans jamais perdre le nord. Je visualise parfaitement d’où je viens et j’ose émettre des hypothèse sur la direction où je me dirige. Mes Pokémons me suivent tantôt perdus, tantôt un peu foufou. Vivaldy profite de son milieu naturel pour engager de folles courses contre Phy. Les résultats sont serrés, la petit Natu a beau avoir l’avantage de la taille et du Vol, Vivaldy se débrouille beaucoup mieux. On l’a sent aisé à travers les lianes et les racines. J’ai l’impression que cela fait longtemps que je ne l’ai pas vu aussi enjouée. Depuis son évolution, je crois, elle a pris un certain recule et se prête moins aux jeux enfantins de Phy. Je ne pourrais expliquer à quel point cela me réjouit de la voir ainsi. Elle est maintenant parfaitement habituée à ses grands bois et les utilisent à bon escient pour se frayer un chemin dans la forêt, on dirait qu’elle est née avec. Son pelage hivernal commence à tomber, je retrouve d’énormes touffes un peu partout dans le chalet. C’est elle qui guide mes saisons, j’aurais donc tendance à penser que le printemps n’est pas loin. Alors que nous sommes à peine début février.

La planète se détraque. Je n’arrive pas à fermer les yeux là-dessus. Les comportements des Pokémons évoluent en même temps, c’est indéniables. C’est une cause pour laquelle j’ai envie de m’engager, comme si elle m’appelait. Mon avenir scolaire m’appartient, la spécialité de Ranger m’appelle. Mais… cela m’engage sur le Parcours TopDresseur et ça, c’est quelque chose qui me fait froid dans le dos. Creed. Lui aussi me fait froid dans le dos. Ses notes me tétanisent et toutes les matières qu’il peut enseigner aussi. Mais, en même temps, ça serait réaliser une partie du rêve de mes parents. Je pourrais rentrer à la maison l’esprit tranquille en leur expliquant que le suis un parcours de TopDresseur ainsi qu’un parcours Scientifique. Le prendraient-ils mieux ? Je remets tout les jours cette question au lendemain. Je ne suis qu’un pauvre ado qui à peur de ses propres conneries.

Je laisse échapper un soupire alors que Maky trotte à mes pieds. Lui seul à le don de me faire retrouver le sourire en un seul regard. Je me mets alors à observer les alentours de façon plus attentives. Je prête oreilles aux bruits environnant, je me laisser bercer par les cris des Pokémons non loin. En tant que Chercheur Pokémon, je pourrais me mettre en quête d’un autre compagnon. Mais l’envie n’y est pas, je veux juste encore me promener un peu et profiter de cette verdure. Même Genesy semble profiter de la balade, Frey est monté sur son dos et Inlay a même pris un peu de distance avec moi. Elle avance en solitaire sur ma gauche, les yeux toujours attentifs. Elle tourne vivement la tête au moindre bruit suspect. Quant à Invy, je me plaît à garder sa petite main dans la sienne, il me rassure autant que je le rassure. Lui est toujours là, il ne m’abandonnera pas, il me soutiendra toujours. C’est apaisant de le savoir à mes côtés. Je ne pense pas qu’aujourd’hui je parviendrai à me séparer de lui.

Nous continuons notre petite balade jusqu’à la fin de l’après-midi. Rien d’extraordinaire se passe à part cette impression d’être seul, de profiter grandement d’un moment de solitude agréable. La Terreur n’est pas là. Il n’y a que moi, mes Pokémons et mon nouveau Wattouat.