Samedi matin, mon moment favori de la semaine. Je pouvais faire tout ce dont j'avais envie, peu importe qu'il s'agisse de demeurer dans mon lit en m'enroulant dans la couverture ou de me lever tôt pour parcourir l'école. Coiffant ma chevelure de miel d'une main distraite, je posai mes lunettes sur le bout de mon nez, trop fatigué pour vouloir mener un combat acharné avec mes verres de contact. Me raclant la gorge pour chasser les restes d'une mauvaise grippe, j'avais enfilé mes jeans et un t-shirt, complétant le tout par une chemise laissée ouverte, les manches roulées jusqu'aux coudes. À la fois décontracté et stylé, un heureux mélange dont je ne me priverais pas. J'allais me diriger vers la porte lorsqu'une voix m'interpella en provenance du lit voisin. Un colocataire qui semblait encore endormi, maugréant plus qu'il ne parlait clairement. Je réussi toutefois à en tirer quelque chose de cohérent par pure chance. Il s'était engagé auprès d'autres individus pour la journée, ayant promis de participer à un entraînement au stadium. Pas besoin d'un diplôme pour comprendre qu'il n'était pas en état d'y aller. Il me revint donc de faire acte de présence afin de combler cette place libre. N'ayant rien d'autre de prévu, j'acceptai et me mis en route, suivit de près par Vicious.
Nous n'avions pas franchi les portes du Stadium que le sneasel s'aiguisait déjà les griffes. Passionné de combats et désirant profiter de la moindre excuse pour prouver sa valeur, l'engagement de mon camarade n'avait pas cessé d'augmenter dans les derniers jours. Encouragé par l'impression que quelque chose se tramait, j'avais donc pris l'habitude de transporter ma griffe rasoir partout avec moi, dissimulée dans mon sac à bandoulière. Peut-être s'agissait-il d'une précaution superflue, mais je ne pouvais m'enlever ce sentiment de la tête, m'attendant presque à le voir s'illuminer dès que commençait un affrontement. Cette journée n'y ferait pas exception. Le grand terrain sablonneux était occupé par une bonne dizaine de Pokémons, l'air plus costauds les uns que les autres. À côté d'eux, le furet ténébreux paraissait plutôt petit, d'autant plus qu'il était faible au type combat que certains ici possédaient. Est-ce que le Aerial Ace que je lui avais enseigné suffirait à nous accorder une victoire? Nous ne le saurions qu'en croisant le fer.
Je franchis la bande de protection et gagnai le premier rang des gradins pour attendre mon tour bien sagement. Vicious m'avait suivit, mais n'avait pas pris la peine de s'asseoir. La perspective de combattre était bien trop tentante pour lui. Moi? J'avais sorti un cube rubik de mon sac pour m'occuper, à son grand damne. Je n'étais pas trop pressé d'en découdre, pour une fois, n'étant sur les lieux que pour rendre service. Un affrontement ici ne valait rien en comparaison des résultats des combats contre Goyah, résultats qui tardaient toujours à arriver d'ailleurs. Enfin, toujours est-il que deux rangées plus loin, derrière moi et sur ma droite, une conversation piqua ma curiosité. Un duo de topdresseurs était occupé à contempler l'entraînement d'une jeune fille solitaire. Emphase sur le mot jeune. Et sur le mot solitaire. Enfin, bref, vous voyez le genre. Délaissant mon puzzle cubique, je relevai le nez en direction de l'albinos, nullement incommodé par les reflets des spots du stade qui emplissaient mes lunettes sans demander la permission.
Tiens tiens, serait-ce une Pyroli? Ses vêtements et son occupation étaient plus que caractéristiques des demoiselles du dortoir d'Aileen. Avec elle, un eevee se démenait à éviter les dangereuses balles lancées avec conviction par sa dresseuse. Voilà une activité beaucoup plus passionnante que la mienne, à n'en pas douter. Rangeant mon accessoire coloré, je quittai mon siège, appuyai ma main sur la bande et enjambai une nouvelle fois la frontière entre le stade et les gradins, effectuant le tout avec une agilité garantie par mes grandes jambes. D'un bond, presque un sursaut, Vicious m'emboîta le pas, se dirigeant déjà vers les autres dresseurs au pas de course, un long sourire sur le visage. Je fus presque attristé de devoir le rappeler à l'ordre, désolé de devoir briser ses espoirs pour plutôt lui demander de me suivre dans l'accomplissement de mes propres intérêts. À croire que ma curiosité passait avant tout, même les désirs de mon plus fidèle combattant. Hmm... Ouais, c'était exactement ça.
- Pas tout de suite. On s'en va par là.
Rongeant son frein et plissant les yeux, le furet me suivit néanmoins avec une mine renfrognée. Bientôt, ce serait son heure. Enfin, peut-être, peut-être pas. Toujours est-il que la présumée Pyroli ne m'avait pas remarqué, poursuivant ses exercices sans m'accorder le moindre regard. Voilà qui n'était pas plus mal, la concentration est clé dans ce genre d'entraînement. Le seul problème, là-dedans, c'est que je m'étais exposé aux tirs perdus en me rapprochant et une balle faisait justement route vers mon visage à vive allure.
- Vicious.
L'appel, avec le sourire toujours, suffisait. Ce n'est pas par hasard que je lui offrais toute ma confiance, sans réserve aucune. Usant de sa Quick Attack, le Pokémon ténèbres quitta le sol avec un bruit triomphant, ses griffes acérées stoppant net la balle dans son élan pour l'orienter dans une autre direction. Il retomba au sol avec le torse bombé, fier qu'il était d'avoir réussi à protéger son dresseur. Quant à moi, j'aurais été bien plus impressionné si cette nouvelle trajectoire n'avait pas impliqué un grand arc de cercle terminant son chemin sur le dessus de ma tête. Laissant échapper un petit Aie!, je récupérai finalement le projectile dans la fin de sa chute d'une main tout en me massant le dessus de la tête de l'autre. Devant moi, Vicious tombait des nues, cherchant à s'excuser comme il le pouvait, ce qui ne servit qu'à me faire rire.
- Ça va, plus de peur que de mal.
Dis-je autant pour lui que pour la jeune fille restée plus loin. La sphère avait au moins été ralentie par l'intervention de Vicious et, comme je pouvais pleinement le constater maintenant qu'elle se trouvait dans ma main, la balle était plutôt molle. Ce faisant, il ne se passa que quelques secondes avant que la douleur causée par le choc ne s'évanouisse, comme si ce n'était même pas arrivé. C'est ensuite à la demoiselle que j'adressai un sourire, m'approchant avec une main dans la poche de mon jeans et l'autre occupée à jouer avec la fameuse balle, la lançant en l'air avant de la rattraper. Que puis-je y faire, j'aime garder mes mains occupées.
- Vous m'avez l'air d'une bien plus agréable compagnie que tous ces topdresseurs dégoulinants de sueur, puis-je me joindre à vous?