Ce qui naît d'une morsure Andrew Stansfield / Max Sorcion Si vous saviez comme les petits restaurants de l'avenue Vendémiaire lui manquaient! Andrew, féru depuis tout petit de gastronomie, était tombé amoureux du raffinement des mets Kalosien, et c'est avec regret qu'il constatait son absence à Touga. Des brochettes parfumées, des quartiers de fruits exotiques, des juliennes de légumes pimentées, ça oui, il n'en manquait pas! Mais si vous cherchiez un tourne-dos Rossini exécuté avec brio, ou bien une bouteille de château Margaux de 1965, les désillusions se révélaient cruelles. Cruelles oui, oh cruelles! Iris ne manquait pas de le savoir, vu qu'il lui en rabattait les oreilles depuis ce matin, accompagnant ses plaintes de gémissements frustrés. - Ça ne peut plus durer... il me faut de la vraie nourriture! Iris, on va chercher un café digne de ce nom! Quelques heures plus tard, les deux compères étaient attablés à la terrasse du "Pijako pimpant", une charmante gargote avec vue imprenable sur le seul et unique oasis de Touga. Drew, la mine ravie, consultait la carte du menu d'un œil de gourmet aguerri. Il conviait Iris à en faire de même, à commander tous les plats imaginables si ça lui chantait, n'ayant cure de savoir ô combien la note serait salée. L'argent ne fait peur à personne quand l'on a, dans la poche intérieure de son manteau, sous le cuir de portefeuille, une carte de crédit noire comme la nuit, gravée d'un Némélios et d'une couronne, une "black card", comme on dit. Vous pourriez acheter la Terre entière, avec une "black card". Le garçon ne jouait pas beaucoup avec ce gadget, considérant avec dédain cela comme un accord tacite avec James Stansfield, qui à défaut d'être un bon père, achetait au moins la tranquillité de sa conscience en permettant à son fils toutes les folies possibles. "La seule chose qui fait battre son cœur est le frisson du jeu" riait-il amèrement. Un génie de la bourse oui, un des maîtres incontestés des banques Volucitiennes et Kalosiennes même, mais un père? Un beau salopard, selon les dires du narrateur. Mais je m'égare. - Hé, garçon ! Le serveur accourut rapidement vers le nouveau client de la table 12: un joli garçon, pensait-il. Le jeune homme avait des cheveux couleur de vin peignés à l'anglaise, et son visage aux traits fins était charmant; son corps s'adossait à la chaise avec nonchalance, souple comme un Chacripan, mais dans ses allures et ses façons de faire, il étai aisé de comprendre qu'il était issu d'un... certain milieu. Élégant comme pas deux, et poli avec ça; il passait commande en connaisseur, choisissant avec adresse les condiments, les sauces pour son petit déjeuner, avec un sourire qui ferait fondre n'importe quelle demoiselle. Sur la chaise en face, son Pokémon visiblement, un Kraknoix, posait un œil interrogateur sur son visage: ils semblaient être de connivence pour choisir ce qu'il y avait de plus royal sur la carte. Et le serveur notait d'une écriture hachée les souhaits de ses deux clients, avec la sensation que le "Pijako pimpant" s'était transformé en restaurant de haute gastronomie, comme le Firmament... à Illumis. Andrew traînait toujours avec lui, un brin d'Illumis. Relevant le nez de son carnet de note, le jeune commis croisa le regard de son client. Imaginez des yeux de Vivaldaim, bruns comme des marrons glacés, très doux, et à la fois tranchants comme des aiguillons... il y a de la malice, de l'insolence, de la tendresse, une sorte d'amertume aussi, et une touche de... mélancolie? Le regard disparut. Le garçon, gêné, inclinait légèrement la tête vers l'Oasis. - Vous avez tout noté ? - Je... je vais vous chercher ça tout de suite. Ce n'était pas la première fois que son regard attisait la curiosité. On lui disait souvent, enfant, qu'il tenait de sa mère leur beauté, et de son père leur poigne saisissante. Savoir cela ne lui plaisait pas trop, étant donné qu'il ne les portait pas dans son cœur. Enfin, l'incident fut vite oublié lorsque la table une fois dressée, accueillit le thé et les pâtisseries nappées de crème anglaise. Drew plongeait déjà sa main vers un éclair au chocolat, tandis qu'Iris sautait de la chaise en direction du terrain sablonneux près de l'Oasis. Son dresseur lui demanda d'un air curieux: - Iris, ou-vas tu? - Kraaa... - Tu as vu un ami? - Kraaaa! - Ah, un autre Pokémon ! - Kraa... kraaaa.... Kraaaa! Kraa! - Oui oui vas-y si tu le souhaites, sois juste prudente ! Et Drew de croquer dans l'éclair au chocolat, au comble du bonheur. Sa victime dévorée, l'Illumisien constatait qu'il avait perdu de vue son sarter. Elle devait être en train de creuser ses galeries, comme d'habitude. L'instinct de la Kraknoix revenait de temps en temps, et elle plongeait sans crier au gare dans les entrailles de la terre. Bon, qu'y avait-il à voir sur cette place de sable? Ah, il est amusant celui-là! Il venait de repérer un gamin qui se livrait à une sorte de danse... pardon, d'étirements, assez incongrus du reste. Et à y bien voir, c'était en réalité... une fille? Ses cheveux noirs coupés courts, ses bottes dix fois trop grandes et cette... horrible chemise avec des bananes, masquaient de manière effarante sa féminité. C'est une atteinte au bon goût de premier ordre se disait-il dégoûté. Jamais des motifs de bananes, jamais! Du haut de son look BCBG immaculé, Drew jugeait les affronts faits à la mode comme un manque cruel de bon sens! Donc, miss.. bananes? essayait de convaincre ses Pokémons à participer aux entraînements matinaux. Son Zigzaton paressait. Le Baudrive tentait, sans grande conviction, de suivre sa maîtresse dans la quadrille. Quelle fine équipe! Drew allait détourner le regard, quand le premier Pokémon fut pris d'un instant de folie. Il reniflait le sable à s'en brûler la truffe, cherchait on ne sait quoi... puis trouvant, semblerait-il, l'objet de ses convoitises, se mit à déblayer quantité de terre, avant de.. se faire mordre?! La fille venait de déchanter: une forme bleue et polie brillait maintenant sous le soleil. Drew la reconnaissait entre mille. - Iris ? Avant qu'il n'ai pu comprendre le pourquoi du comment, miss Bananes avait déjà commencé "l'excavation", le diable au corps. Drew sentait la panique d'Iris comme les Sharpedos captent l'odeur du sang. Et cette gamine continuait d'essayer de l'arracher au sable! Elle poussait, dans sa rage, et Iris, prise de panique, s'enfonçait encore plus profondément! En un battement de cils, Drew s'était élancé en direction du groupe. Elle allait déguster. Bien que les contacts de physiques l’écœuraient usuellement, il n'avait pas hésité à poser une main ferme sur l'épaule de la jeune fille. D'ailleurs, il se retenait pour ne pas la broyer. D'un ton qui se voulait calme, l'Illumisien l'interpella: - Hey, miss Bananes, je crois que tu ferais mieux de calmer tes ardeurs. Ce truc bleu que tu malmènes depuis tout à l'heure, il a un nom et c'est Iris. Mon Kraknoix. "Qui se voulait calme", traduction : un ton terriblement dédaigneux, colérique, froid, caché avec peine, mais d’où perce une violence inouïe. |
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