
Impatient, Sokka sautillait d’une patte sur l’autre, attendant que sa dresseuse finisse de préparer ses affaires. Depuis qu’elle avait soumis l’idée d’une promenade d’entraînement dans la jungle, le Riolu était comme un fou, et les mots pour signifier qu’il voulait y aller maintenant étaient assez faibles. Bref, il était chiant. Surtout depuis l’évolution de Lucki, en fait. Mais d’un côté, Aileen le comprenait. Son modèle avait évolué, et alors qu’il commençait à être assez ancien dans l’équipe, il voyait ses camarades changer de forme alors que lui-même restait petit et faiblard. Il y avait de quoi être agacé. Et c’était aussi pour ça qu’Aileen avait décidé de lui faire plaisir en lui proposant une petite expédition sportive. Ce ne serait pas grand-chose, mais ce serait déjà ça. Au programme, ils allaient traverser la jungle pour atteindre un point d’eau où coulait une cascade, et s’ils étaient motivés, ils tenteraient de remonter la cascade en escaladant la paroi rocheuse où cette dernière coulait. Avec un peu de chances, ça dériderait le Riolu, qui tournait comme un Némélios en cage depuis leur arrivée sur l’île Touga. Il s’ennuyait. Depuis un mois, il n’y avait plus de sport matinal, son seul exercice étant de courir dans le sable pendant que sa dresseuse profitait des vacances. Autant dire qu’il devenait fou. Aussi, l’idée de partir en journée randonnée le rendait fou de joie. Enfin un peu d’exercice ! Enfin, si sa dresseuse arrivait à terminer son sac… Comme si elle lisait dans ses pensées, la préfète en chef releva la tête, plantant son regard améthyste dans les yeux bruns de son Pokémon, avant que sa voix ne s’élève, calme et imperturbable, mais porteuse d’une vérité difficile à nier.
« Ca irait beaucoup plus vite si tu me donnais un coup de main, Sokka. »Après une légère seconde, le Riolu soupira, et semblant se dire qu’elle avait raison, cessa de faire le pied de grue devant la porte pour aller lui filer un coup de main. Il leur fallut moins de temps que prévu pour tout empaqueter, et finalement, la Pyroli put mettre son sac à dos, le sangler correctement, et sortir de la chambre… Avant qu’une vague de froid ne l’agresse brutalement. Avec un grognement, la préfète grimaça. Elle avait oublié que cet idiot de Ginji avait décidé de faire un igloo dans le salon. Quand Aileen, légèrement agacée par cette mauvaise surprise, lui avait demandé pourquoi, le Voltali, tout joyeux, lui avait montré son Amagara en disant que comme ça, Arlo aussi pouvait profiter des vacances, et que Sissi, sa Momartik, avait beaucoup aidé à la construction, en plus. Cette dernière, en entendant ça, s’était vite planquée dans l’igloo pour ne pas se faire gronder, et quand Aileen avait rétorqué que quand même, son machin prenait de la place, et il faisait un froid pas possible, Ginji avait répliqué que ça changeait de l’extérieur où il faisait une chaleur à mourir. La brune avait râlé, mais ne pouvait pas faire plus. Elle était en face d’un Voltali, et malgré son statut de préfète en chef, elle ne se sentait pas suffisamment bien placée pour rabrouer quelqu’un n’étant pas de son dortoir. C’était un peu lâche, aussi, mais elle n’avait pas voulu se prendre la tête avec la bonne humeur perpétuelle de Ginji, donc elle avait décidé de laisser ça à Orren. Et vu que l’igloo était toujours là, cet imbécile de jaune devait sans doute penser que cette banquise en plein salon était le moyen idéal de renforcer ses machines de destruction massive… A tous les coups, c’était à cause de son récent combat contre Goyah, ça avait dû lui donner des idées, à ce crétin. En râlant un peu, elle traversa l’épreuve du froid, première épreuve de sa randonnée athlétique. Il y aurait de quoi dire. Le froid était violent, elle n’était pas assez couverte, elle allait mourir d’une hypothermie dans quelques secondes, mais heureusement, elle voit la porte, et tend sa main gelée et ses doigts noirs de froid vers la poignée, pour la pousser et s’engouffrer dehors…
« Et l’expédition Pôle Nord est un succès ! » La Pyroli leva les bras en l’air, victorieuse, s’attirant un regard blasé de son Riolu.
« Oh, ça va, un peu d’humour Sokka, t’es vraiment pas marrant en ce moment ! »Le Riolu ne broncha pas, faisant soupirer sa dresseuse. Il partit le premier, pressé de commencer, et Aileen le suivit, Sphax sur ses talons. Ce dernier la suivait comme une ombre silencieuse pour s’assurer qu’il ne lui arrive rien. Avec sa poisse naturelle, elle serait capable de se perdre entre deux huttes, s’il n’était pas là pour la guider… Malgré le fait qu’ils avaient été placés proche d’un grand lac, pour la plus grande joie de Naveen et Soledad, ils n’étaient pas trop loin de la jungle, qu’ils atteignirent en quelques minutes de marche. Il fallait qu’elle fasse attention. D’après ce qu’elle avait compris, la jungle était pleine de Pokémon Insecte et Poison. Se faire empoisonner aurait été un peu dommage, tout de même. Sokka était parti loin devant, et Aileen ne put s’empêcher de soupirer à nouveau. C’était quoi, son problème, à la fin ? Était-il si pressé de faire du sport qu’il en oubliait le reste ? Tant pis pour lui. S’il lui arrivait quoi que ce soit, ce serait son problème, vu qu’il avait volontairement décidé de mettre une bonne distance entre l’équipe et lui, comme pour leur prouver qu’il pouvait y arriver tout seul. S’engageant dans la forêt, la Pyroli tendit un bras pour éloigner les lianes tombantes histoire de faciliter sa progression. Elle n’était pas du tout à son aise dans la forêt. C’était le domaine de Dahlia, ou des rangers, pas le sien. Elle préférait l’univers cosmopolite des villes, leurs toits, leurs ruelles où se cacher. Cette jungle était pour elle un univers inconnu et pas vraiment rassurant. Heureusement que Sphax, lui, était resté avec elle, et que, sentant son indécision, il venait de passer devant elle pour lui ouvrir la voie, l’encourageant à s’enfoncer dans les terres pour retrouver la cascade dont elle avait entendu parler. La végétation, incroyablement dense, l’empêchait de progresser à son aise. Et pour ne rien arranger, il n’y avait pas de chemin préétabli. Elle était bien dans une jungle, tiens. Il faisait assez moite, et la Pyroli avait quand même très envie de faire demi-tour. A la base, c’était pour faire plaisir à son Riolu, mais ce dernier était parti devant sans l’attendre. L’envie de le planter là et de faire demi-tour était assez violente, mais son Absol, qui continuait à progresser devant lui, lui prouvait que lui aussi avait besoin de se dégourdir les pattes. Et refuser ça à son Absol… Non, rien à faire, elle ne parviendrait pas à lui dire non. Au bout de quelques minutes de marche, la brune s’arrêta pour s’asseoir sur un gros rocher, et son starter revint placidement vers elle, attendant qu’elle se repose un peu.
« Dis-moi que ça fait plusieurs heures qu’on marche et qu’on va bientôt atteindre le point d’eau, s’il te plaît. »Impitoyable, son starter fit non de la tête, avant de la tourner vers l’endroit d’où ils venaient. Le suivant machinalement, la brune soupira en voyant, entre les arbres, les huttes placées près de la jungle. Génial. Elle avait marché cinq minutes et était déjà épuisée. Bon sang, ce qu’elle pouvait détester la jungle ! Avec un grognement, elle se leva pour repartir, maudissant la forêt, les cailloux, la chaleur, l’humidité, et son foutu Riolu qui avait disparu dans la nature hostile. Un court instant, elle sourit en se disant qu’elle aurait dû emporter une machette pour se la jouer Indiana Jones. Mais il ne fallait pas abuser. Malgré ses exagérations, la jungle n’était pas si imposante que ça… Et ce fut à ce moment précis qu’elle se prit les pieds dans une racine, et qu’elle se vautra sèchement au sol, ne réussissant que de peu à se rattraper avec ses bras avant de s’exploser la mâchoire contre la terre. Inquiet, Sphax bondit à ses côtés pour l’aider à se redresser, et devant le regard plus qu’agacé de sa dresseuse, il comprit que leur petite expédition nature s’arrêterait là. Il la comprenait un peu, cela dit. Elle avait fait ça pour Sokka, et il s’était volatilisé dès qu’ils étaient sortis du chalet. En temps normal, jamais la Pyroli ne se serait aventurée dans cet endroit où elle était loin d’être à son aise.
« Ca suffit, j’en ai marre, on s’en va. Si monsieur Sokka veut se la jouer cavalier seul, qu’il fasse comme bon lui semble, je n’ai pas envie de lui courir après. »Faisant volte-face, la Pyroli prit le chemin du retour à grands pas, se fichant bien de ce qu’il pourrait arriver à son Riolu. S’il voulait faire son entraînement tout seul, grand bien lui en fasse ! Mais alors qu’elle allait quitter la jungle, quelque chose de coloré attira son attention. Curieuse malgré son irritation, elle s’approcha, et pâlit en reconnaissant le foulard qu’elle avait acheté dans une boutique de l’île Touga. Ce foulard, elle l’avait passé au cou de son Riolu avant de partir. Que faisait-il coincé entre deux branches cassées ? Y avait-il eu un combat ? Les traces de lutte autour semblaient l’attester. Sokka avait-il eu des ennuis ? Sphax, qui la rejoignait, grogna quand elle lui tendit le foulard. Quoi ? S’attendait-elle à ce qu’elle le renifle, comme un vulgaire chien policier ? Cependant, l’empressement de sa dresseuse, et le soupçon de peur qu’il voyait dans ses yeux, le convainquirent de passer outre sa fierté naturelle pour s’approcher du foulard et le renifler brièvement. L’odeur de Sokka se détachait de celle de sa dresseuse, et en reniflant les alentours, il lui était facile de savoir quel chemin le Riolu avait pris. D’un bon pas, il s’enfonça dans la jungle, et sa dresseuse le suivit, plus qu’inquiète pour son Riolu. Elle aurait dû insister pour qu’il reste avec elle, l’empêcher de s’en aller comme ça. Et s’il lui était arrivé quelque chose de grave ? Au final, ce fut presque en courant qu’elle suivit son Absol, ce dernier accélérant le rythme jusqu’à, finalement, sortir de la jungle, pour atteindre le point d’eau où elle voulait aller au début. Là-bas se tenait un Riolu, debout près de l’eau, qui semblait quelque peu inquiet et agité, regardant tout autour de lui, comme s’il attendait impatiemment quelque chose.
« Sokka ! »Le Riolu sursauta, et tourna la tête vers elle. Son inquiétude se mua en soulagement, puis en imperturbabilité. Cependant, Aileen avait compris. Il était arrivé le premier, était prêt à crâner, mais ne voyant pas venir sa dresseuse, avait commencé à s’inquiéter. La voir enfin arrivée était un soulagement pour lui, parce qu’il était heureux de ne pas avoir été laissé tout seul… Et parce que comme ça, il pourrait lui signaler qu’il était arrivé avant elle. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’était l’animosité de sa dresseuse qui, elle aussi, s’était inquiétée pour lui. Et avant qu’il n’ait pu fanfaronner, elle leva la main dans laquelle elle tenait encore le foulard pour lui agiter sous le nez, une pointe de colère perçant dans sa voix.
« Mais t’étais passé où ?! Ca va pas de disparaître comme ça ?! Est-ce que tu te rends compte que j’étais inquiète moi ?! Si ça, pour toi, c’est faire du sport en équipe, je préfère tout autant te laisser faire ça tout seul, pour ce que ça change ! » Le Riolu grogna, prêt à protester, mais elle ne lui en laissa pas le temps.
« Tu crois que ton précieux Lucki aurait agi de la sorte ? Qu’il serait parti de son côté en laissant Cael se démerder tout seul ? Qu’il se serait volontairement détaché du groupe en abandonnant Cael dans la jungle, exposé au danger ? Tu crois vraiment qu’en agissant comme un abruti, tu peux prétendre ressembler à Lucki ? Avec ce comportement, tu ne lui arrives même pas à la plante de la patte, Sokka ! »Très en colère, la brune le planta là, insensible à l’orgueil bafoué de son Riolu, et alla s’asseoir lourdement au bord de l’eau. Elle avait besoin de se calmer. Sokka aussi. Vexé, il était parti s’asseoir loin d’eux, seul dans son coin, ne se mêlant pas aux Pokémon qui jouaient autour d’eux, ne portant aucune attention à Naveen qui, après avoir plongé, remontait en mâchonnant des algues, pendant que les autres s'éloignaient pour aller chercher des baies à manger, coupant les branches pour en ramasser quelques-unes. Il restait seul. Il restait toujours seul. Et, bien entendu, maintenant, Aileen regrettait. Sokka se sentait petit et ridicule par rapport aux autres, et malgré tous ses efforts, il ne parvenait pas à évoluer. Et quand il voulait lui prouver, mais surtout se prouver, qu’il pouvait le faire, il se faisait engueuler comme un gosse. Quelque part, Aileen était en train de devenir comme sa mère, qui l’avait empêchée de grandir sans jamais vraiment la soutenir. Abandonnant ses Pokémon à la garde d’Hilda, Aileen se leva pour se diriger vers Sokka, qui leva la tête vers elle, comme indifférent. Menteur. Aileen lui tendit la main, et après un moment d’hésitation, Sokka s’en saisit pour se relever sans un mot.
« Maintenant qu’on est là, autant l’escalader, cette cascade, non ? » Sokka, méfiant, hocha prudemment la tête, avant de la lever vers la paroi rocheuse. D’un coup d’œil, il fit le même constat que sa dresseuse. Ca allait être un jeu d’enfant à grimper. Les prises rocheuses étaient nombreuses, et se détachaient, nettes et précises, comme pour les inviter à grimper sans risque. Alors qu’il allait s’en approcher, la main de sa dresseuse l’arrêta. Et, sans un mot, elle leva l’autre main pour lui montrer les deux lianes que Sphax venait de poser dedans après être allé les chercher dans la forêt.
« Arriver là-haut sera d’une facilité déconcertante pour toi… C’est pour ça que j’ai décidé de te compliquer un peu la tâche. »Choqué, surpris, le Riolu la regarda se pencher pour ligoter ses jambes avec la liane, et se redresser pour en faire de même avec ses pattes. Bien qu’il y ait du lest, la liane l’empêchait de véritablement bouger les pattes, et ne lui permettrait pas d’être aussi rapide qu’à son habitude. Avec un léger sourire, Aileen le dépassa pour s’accrocher à la paroi, et commencer à grimper.
« Allez, en route, Sokka, elle ne va pas se monter seule, cette paroi ! »