Life is too short to skip dessert
feat Mikato Sozuy
Marie regardait la fenêtre.
Rêvassait-elle ? Non. Observait-elle quelqu'un, ou quelque chose ? Non plus. Attendait-elle un événement quelconque, alors ? Encore moins. Mais alors, que faisait-elle ? Eh bien, je vous l'ai dit. Elle regardait la fenêtre.
C'est qu'elle jugeait cela très important ! Si elle ne l'analysait pas sous tous ses détails, jamais elle ne parviendrait... A la peindre convenablement.
Assise à côté d'un chevalet, sur lequel reposait une toile parfaitement vierge, Marie observait la fenêtre, son extérieur et ses alentours avec une trèèès grande attention. Un crayon à papier entre les doigts, elle tentait de visualiser la façon dont elle allait procéder. D'abord le cadre ? Les alentours ? Faire un schéma grossier, puis affiner les détails ? Toute sorte de question du genre affluait dans son esprit.
Judicieux choix, que de prendre une nature morte en guise de chef d’œuvre. Qui aurait la patience de servir de sujet à une peinture prenant déjà une bonne heure pour commencer ? Certainement pas Stahl et Sumia, en tout cas. Le Grindur posé sur le bureau, la Carmache se tenant debout juste à côté, les deux Pokémon s'échangèrent un regard sceptique face à l'absence de mouvement de la Mentali. Cela faisait combien de temps, qu'elle était assise comme ça, à ne rien faire ?... Elle comptait faire quelque chose, au final, ou... ? Est-ce qu'au moins elle était encore... Vivante? Le doute submergea Sumia pendant un instant, mais fort heureusement, un battement de cil vint la réconforter presque aussitôt. Ça va encore que Marie devait parfois cligner des yeux ! Si si, je vous jure, elle est bel et bien humaine.
Le lot d'aquarelle que lui avait offert Nolan était posé juste à côté de Stahl, et était pratiquement intact. Marie faisait toujours une sorte de blocage quand venait le moment de s'essayer à cet art lui étant complètement inédit. Elle ne savait jamais par quoi commencer – ni comment, d'ailleurs. Et elle craignait de gâcher inutilement les belles toiles et la peinture que lui avait offert le Voltali... C'était un cadeau ! Elle ne pouvait tout simplement pas s'autoriser à ruiner un cadeau, n'est-ce pas ? Non ! Surtout pas ! Elle ne se le pardonnerait jamais. Et puis, elle avait bien réussi à garder le bracelet offert par Alban en très bon état, elle allait bien réussir à faire de même avec ces toiles ! Il fallait juste qu'elle trouve... Le bon feeling... La petite intuition, ou l'étincelle qui lui permette, d'enfin, se lancer...
Voila pourquoi elle restait si longuement immobile. Elle aurait pu, comme n'importe qui s'essayant à la peinture, commencer par toute sorte de croquis, de brouillons et autres premiers jets infructueux, mais non ! Marie visait la perfection, et ce dès la première tentative. Chose impossible, évidemment, sauf dans quelques rares récits de fiction absurdes dans lesquels le héro s'avère être virtuose dans un domaine précis. Evidemment, sans entraînement préalable, mais grâce à sa simple capacité innée dont il a hérité, et non mérité ; ceci au détriment de quelques personnages secondaires qui doivent se démener pour arriver à un tel résultat.
Mais ici, rassurez-vous, pas de facilité scénaristique clichée et immorale ! Marie foirera lamentablement son premier essai. Comment ? Du spoil ? Eh bien, peut-être pas... Attendez de voir par vous-même, avant toute de chose ! Regardez, voilà que Marie s'élance ! Je vous le jure !
Au bout d'une intense et interminable réflexion, la Ranger se décida à faire bouger sa main. Sumia et Stahl en écarquillèrent les yeux de stupeur. Elle allait faire. Elle rapprochait le crayon de la toile ! D'ici quelques fractions secondes, elle allait poser la mine par dessus, et, d'un mouvement souple, élégant, gracile, elle s'élancerait, traçant d'un simple revers un trait, fin, précis, et net, qu'elle pourrait alors compléter avec d'autres, et les joindre, ensemble, en une harmonie parfaite, divine ! Elle n'avait plus qu'à toucher la toile pour y arriver ! Elle y était presque ! Enfin, l'inspiration lui venait !
Quelqu'un frappa à la porte.
Alors que seuls quelques millimètres séparaient la mine de la toile, Marie cessa tout mouvement, et tourna plutôt un regard assassin en direction de l'entrée. Sumia et Stahl s'échangèrent un nouveau regard, inquiet, cette fois-ci. Oups.
La personne qui venait de déranger leur dresseuse, quelle qu'elle soit, venait, sans le savoir, de commettre une erreur de plus impardonnables. Déranger Marie. Il ne fallait jamais, au grand JAMAIS déranger Marie. Surtout lorsqu'elle s'apprêtait à réaliser quelque chose pour laquelle elle se préparait depuis longtemps. Surtout lorsque ses Pokémon venaient de poireauter plusieurs dizaines de minute pour finalement quedale... Enfin, non pas qu'elle s'en soucie, cela dit.
Fixant la porte quelques secondes, à mi chemin entre la frustration, la colère et le désarroi à un tiers du chemin, du coup, non?, il fallut un petit délai supplémentaire à Marie pour qu'elle décide de poser le crayon au pied de la toile, puis de se lever. Lente, elle se rapprocha de l'entrée de sa chambre, puis posa sa main sur la poignée, avant d'ouvrir cette fameuse porte derrière laquelle l'attendaient, souvent, de biens mauvais augures.
Et, AH, STUPEFACTION ! Une... UNE FILLE ! IL Y AVAIT QUELQU'UN QUI VOULAIT PARLER A MARIE ! M-m-m-mais le protocole n'indique aucune direction à suivre pour ce genre de situation ! On n'avait jamais prévu qu'un jour, il y ait quelqu'un d'assez fou sur terre pour vouloir PARLER à Marie ! Argh, qu'est-ce qu'on fait, qu'est-ce qu'on fait, qu'est-ce qu'on faiiiiiiiit ?!
Si une telle réaction de la part des petits êtres colorés dans la tête de Marie vous permet d'expliquer un bug provoquant l'expression vide et amorphe de la Mentali, au moment d'arriver devant la préfète Mentali, grand bien vous en fasse.
Dans tous les cas, la Ranger ne semblait pas émue pour un sou par la visite surprise, et pas moins malvenue, de la jeune Mikato Sozuy. Cela dit, dire qu'elle était parfaitement insensible à celle-ci serait mensonge : Marie éprouvait bien quelque chose, mais hélas, rien de bien réjouissant. A la frustration découlant de la gênée occasionnée, s'ajoutait le mépris habituel de la miss Uana envers les préfets. Elle n'aimait PAS les préfets, et celle à la tête de « son » dortoir ne faisait pas exception à la règle.
Parfaitement silencieuse, Marie décida néanmoins qu'elle écouterait ce que Mikato avait à dire avant de la remballer. Sait-on jamais, sur un malentendu, peut-être avait-elle quelque chose d'intéressant à faire entendre, et puis... Ooooh, attendez. C'était quoi, ce qu'elle tenait ? Voila un objet bien curieux...
Après avoir écouté les quelques bafouillements de son interlocutrice, qui, à n'en point douter, devaient sûrement être des salutations, Marie fit fi du fait que oui, elle la dérangeait, et observa plutôt ce que Mikato lui tendait. Fronçant les sourcils, elle voulut s'en saisir, et le regarder de plus près.
« -Puis-je ? »
Yep, elle pouvait. D'un hochement de tête, la préfète autorisa Marie à se saisir du bout de papier, qu'elle saisit avec une grande délicatesse. Il semblait extrêmement ancien. Mais genre, EXTRÊMEMENT ancien. Ce bout de papier était certainement plus vieux que Maître Miyagi !... Ok, d'accord, il n'y avait rien de particulièrement exceptionnel à cela, mais à vrai dire, cela ne surprendrait pas Marie d'apprendre que son mentor était en vérité âgé de 267 ans. Vu sa constitution, il devait être tenace, le bougre.
Dans un silence quasiment religieux, Marie déplia ce qui semblait être un parchemin, et observa avec incompréhension les traces écrites présentes sur celui-ci. Cette écriture lui était parfaitement inconnue, et compte tenu de l'état de l'encre... Elles étaient en présence d'un artefact VRAIMENT très ancien.
Après avoir refermé le parchemin, la Ranger leva vers Mikato un regard méfiant, mais pas moins sévère.
« -Où l'avez-vous trouvé ? »
Selon les dires de la demoiselle, ce vieil objet se trouvait dans l'une des pyramides de l'île Touga, auxquels les élèves avaient eu accès pendant leurs dernières vacances estivales. Un miracle que l'on puisse encore trouver des objets dans un tel état de conservation après le passage de si nombreux élèves inconscients...
Mais Mikato ne s'arrêta pas là, et avoua enfin ses intentions à Marie : elle espérait que la Ranger puisse être capable de traduire pour elle le parchemin. La concernée fronça une nouvelle fois les sourcils, et croisa les bras.
« -Et pourquoi devrai-je vous aider ? De plus, je ne suis pas Archéologue. Vous pensez que, sous prétexte que je puisse comprendre quelques tournures linguistiques, je suis apte à décrypter un tel trésor scientifique ? »
Marie pivota sur elle-même, tournant le dos à Mikato, et sans transition, conclut par une réponse tout à fait cohérente avec le reste de son discours.
« -J'accepte. Veuillez entrer. »
Qui que quand quoi ?! 'Faudrait savoir, Marie ! Comment peut-on passer du coq à l'âne en seulement une rotation ?!
Simplement, la Mentali n'avait pas pu s'empêcher de dire le fond de sa pensée. Mikato s'enorgueillissait-elle de son statut de préfète au point de croire que tout lui était dû ? Était-elle simplette au point de croire que déchiffrer un texte antique était le travail d'une Ranger ? Avait-elle la bêtise de penser que quelques joutes verbales suffisaient à démontrer la capacité linguistique de quiconque ? Oui, oui, et oui, selon Marie. Refusait-elle pour autant de laisser passer une telle occasion d'enrichir ses connaissances culturelles ? Certainement pas !
Après être rentrée dans sa propre chambre, et s'attendant à ce que Mikato fasse de même, Marie se hâta d'aller ranger son assortiment d'aquarelle et sa toile – vierge – sous son bureau. Sumia, agréablement surprise de voir débarquer de la visite, s'approcha rapidement de Mikato et voulut l'aider à se débarrasser de quelques unes de ses affaires, avant de vivement saluer l'Evoli et le Kirlia qui l'accompagnaient.
Lorsque Marie eut terminé son petit rangement, elle se posta devant Mikato, et... Fit une brève courbette, avant de lui tendre la main en guise de salutation.
« -Marie Rosalina Uana, enchantée. Ma Carmache se nomme Sumia, et mon Grindur Stahl. Vous devriez vite cesser de croire que votre réputation de préfète vous précède, et donc de vous penser dispensée de toute présentation lors d'une première rencontre, cela est fort déplaisant. »
On pouvait dire que Marie savait s'y prendre pour mettre à l'aise ses invités ! Ses deux Pokémon firent un mouvement de la tête gêné au moment des présentations, tandis que, à l'aide de son bras, elle indiquait son lit à Mikato. Elle invita celle-ci et ses Pokémon à s'asseoir dessus, avant d'à nouveau lui demander le parchemin. Dès lors que celui-ci fut à nouveau en sa possession, la Ranger se dirigea tout droit vers son bureau, et, avec la même délicatesse que lors de sa première lecture, l'étala dessus. Elle se pencha sur le texte, et entreprit d'analyser plus en détail celui-ci. Ce n'était qu'après quelques longues secondes de silence qu'elle se redressa, et se tourna vers Mikato.
« -C'est un bien bel objet, que vous avez là. Dans l'immédiat, je suis tout bonnement incapable de vous le dater, le traduire, ou même de certifier sa véracité, mais en menant quelques recherches approfondies... Peut-être m'est-il possible d'aboutir à un résultat acceptable. » elle marqua une courte pause, et alla s’asseoir sur sa chaise « Je serai ravie de vous apporter mon aide. Si vous acceptez de me confier ce parchemin, je m'efforcerai de vous apporter une réponse dans les plus brefs délais. Évidemment, je ne demanderai aucune rémunération ; je n'ai après tout aucune qualification officielle pour exécuter un tel travail. Le seul apport scientifique de cette découverte suffira. Cela vous convient-il ? »
© Mzlle Alice.