-Et miiince, comment je vais faire....
A peine arrivé à la Pokémon Community, tu as déjà un problème. N'est-ce pas, Sylvabel ? Et aujourd'hui, au repas du midi, tu ne sais tout simplement pas comment tu vas faire pour porter ton plateau. Parce que ta béquille est toujours là pour t'handicaper, dans ce type de situation. Porter un plateau, tenir une béquille, et effectuer les deux actions en même temps... C'est quelque chose de très complexe. Et à tes côtés, Arwen te fixe avec un regard las. Ta petite Laporeille semble agacée par ton attitude, et ne semble en rien souhaiter te taquiner, comme elle a pourtant l'habitude de le faire. Elle te dévisage. Ses petits yeux se portent sur les autres, qui te passent à côté alors que toi, tu es adossé contre le mur, bras croisés. Ta béquille posée à côté de toi, tu sembles être plongé en pleine réflexion. Mais ce qui doit être le pire, dans tout cela, c'est que lorsqu'un élève passe près de toi, remarque que tu sembles avoir un souci et te propose gentiment son aide... Tu lui rends le regard le plus fier du monde, et te contente simplement de lui dire :
-Oh, ne t'en fais pas cher élève, je suis bien capable de m'en sortir moi-même ! Il me faut juste le temps de trouver une petite solution, comment je vais m'y prendre, tu sais...
Et tu parles, tu parles, tu continues ton long discours sans même t’apercevoir que l'élève est déjà parti sans daigner écouter la fin de ta phrase. Arwen te file une petite tape sur la jambe, et tu te contentes d'afficher un air benêt en contemplant les autres autour de toi. C'est cela, aussi, de vouloir prouver à tout le monde que tu es le meilleur et que tu es capable de t'en sortir malgré toutes les difficultés... Tu te retrouves dans des situations que même la personne la plus débile du monde comprendrait que ce que tu fais est loin d'être la meilleur solution. Tu as lu beaucoup trop de bouquins. Alors tu baisses le regard, tu exécutes de grands gestes pour expliquer quelque chose à ta starter, qui vient frapper sa petite patte contre son crâne, l'air bien plus agacé. Je crois bien qu'Arwen n'a pas souhait de plaisanter, aujourd'hui. Et toi tu souris toujours, l'air idiot, persuadé que tu pourras avancer avec ta béquille et supporter ton plateau. Je crois que tu ne sembles pas avoir compris que ce n'était pas simple. Mais tu es serein. Tu te fiches bien de ce que tu fais. Tu es loin de ta famille. Tu es loin de ta mère. De Nadia. Elles, elles t'ont toujours jugé, quoi que tu faisais, quoi que tu disais. Elles t'ont toujours fait sentir emprisonné, enfermé. Désormais, tu es loin d'elle. Alors quoi que l'on puisse te dire, quoi que tu puisses faire, tu ne te sentiras jamais plus enfermé que lorsque tu étais avec celles qui t'ont toujours rejeté. Tu as beau venir d'arriver, tu te sens bien. Et tu veux tenter même tout ce que l'on qualifierait d'impossible. Tu es courageux... ou bien très stupide. Tu as peut-être lu trop de livres. Mais comme dans certains de ces bouquins que tu as déjà lus, tu veux être de ceux qui parviennent à prouver aux personnes qui les sous-estiment que tu n'es pas si incompétent que cela.
Tu te dis que peut-être, tu devrais abandonner ta béquille et porter ton plateau. Sauf que ta jambe te ferais mal. Mais tu est têtu ; tu ne veux pas avoir à recevoir d'aide. Alors peu importe ce que tu pourras faire, tu veux te débrouiller seul. Et au final, tu lâches un énorme soupir, le visage aussi lassé que celui d'Arwen. Tu grognes. Tu ne veux pas d'aide, car tu ne veux pas te conforter dans l'idée que tu es faible. Alors tant pis, tu te débrouilleras seul. Tu es un peu imbécile, non ? Pour ne pas dire absolument stupide. Tu as conscience que tu as un problème à la jambe ? On ne dirait pas. Arwen te fixe, l'air désespéré, alors que tu déposes ta béquille contre le mur et va en sautillant récupérer un plateau. Les autres te dévisagent. Ils se demandent pourquoi tu as refusé leur aide. Et tu entends leur murmure. Mais tu ne te démontes pas. Air fier mais crispé par la douleur, tu te redresses et les fixe avec un étrange sourire.
-Moi, Sylvabel, je veux prouver que je suis plus fort que ma condition physique ne le laisse paraître ! Je n'ai nul besoin d'aide, je peux me débrouiller seul ! Peu importe cette béquille, peu importe cet handicap, moi, je suis capable de braver toutes les difficultés !
…et c'est là que tu parais le plus idiot. Tu n'as pas fini de te ridiculiser ? Alors que toi tu observes les autres élèves avec ton sourire le plus fier, le plus déterminé, eux te regardent avec un air étonné. Ils te trouvent étrange. Mais tu n'as pas l'air de vouloir le comprendre, mon cher Sylvabel. Enfin, un jour viendra où tu cesseras d'être aussi têtu que tu ne l'es.
Boitant, tu traverses doucement le réfectoire. Tu promènes ton regard sur le réfectoire, tu sembles plongé en pleine réflexion. Où vas-tu aller t'asseoir ? Seul ? Les autres te repoussent alors que tu essaies d'aller les voir. En même temps, si tu ne débitais pas d'énormes paroles en un très petit délais, peut-être qu'on te laisserait plus de chances... Ah, j'ai oublié de préciser que tu as abandonné ta béquille pour porter ton plateau à une table, et que tu es pratiquement tordu de douleur dès que tu poses ton pied par terre. Tu sais que cela ne va pas t'aider, n'est-ce pas ? A vouloir faire le fier... Tu te murmures que ce n'est pas grave, que ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Tu veux montrer que tu n'es pas faible. Tu en as eu assez que l'on te traite comme tel, après tout. Mais est-ce nécessaire de t'infliger une douleur pareille ? Tu as mal. Ta jambe te fait mal. Pourtant, tu continues de marcher au milieu du réfectoire, boitant, l'air se décomposant petit à petit. Tu te mords les lèvres, tu continues d'avancer. Tu te répètes que tu peux te débrouiller seul, et que l'aide de quiconque te sera futile. Est-ce que ça vaut vraiment la peine que tu accentues ta douleur comme cela juste pour montrer que tu es fort ?
Une vague de soulagement fini par déferler sur toi. Tu sens comme une sorte d’apaisement lorsque devant tes yeux, apparaît une table libre. Libre, enfin... Jusqu'à ce qu'une jeune fille, plus jeune que toi en tout cas, vole ta place et ne vienne s'installer. Tu grimaces. Toi qui pensais avoir enfin trouvé un petit coin où t'asseoir. Mais tu pourrais toujours t'asseoir près d'elle, si elle ne te repousse pas. Tu n'as qu'à éviter les longs discours inutiles, cela passera tout seul. Mais je crois que tu as trop mal pour t'attarder sur ce genre de détails. A la hâte, et te fichant bien de ce que la jeune fille peut penser, c'est presque comme si tu claquais ton plateau sur la table en grognant. Tu tires la chaise, presque à te laisser tomber dessus. Si dans ta tête, tu as l'impression d'être un genre de héros qui vient de réussir l'insurmontable, je crois qu'aux yeux des autres tu as seulement l'air d'être quelqu'un de très bizarre. Alors tu soupires. C'est tout ce que tu peux faire. Être jugé, tu as cela pour habitude. Ta mère et Nadia t'ont tellement critiqué lorsque tu étais auprès d'elle. Mais tu ne trouveras jamais de remarque plus blessante que les leur. Alors quelque part, tu n'en as pas grand chose à faire.
Ignorant la jeune fille, tu fais un bond de ta chaise. Ta béquille, c'est vrai. Il faut que tu la récupères. Avec un peu moins de mal cette fois-ci, tu parviens à te rendre à l'endroit où tu l'avais déposée. Tu la saisis avec une grande rapidité, et t'appuie dessus en poussant un immense soupir de soulagement. Tu n'auras plus à forcer sur ta jambe pour te déplacer. Abruti.. C'est ce que signifie le regard d'Arwen. Mais toi, tu ne sembles pas vouloir le comprendre. Avec le maigre espoir que la jeune fille soit restée, tu regagnes la table. Un petit sourire se dessine sur ton visage alors que tu l'aperçoit. Tout va bien, elle est toujours là. Tu ne t'es pas réellement fait d'amis depuis ton arrivée. Les autres ont souvent tendance à te fuir. Tu ne sais pas pourquoi. On dirait bien que tu ne souhaites pas comprendre ces raisons qui leur paraissent pourtant évidentes. Tu es trop bavard, trop intrusif, trop... trop sûr de toi. C'est pour cela que l'on t'évite. On te trouve un peu idiot. Pour ne pas dire trop. Alors tu te laisses tomber sur la chaise que tu avais tirée, Arwen bondit sur tes genoux. Avec un grand sourire, tu poses tes yeux sur l'adolescente assise en face de toi.
-Salut ! Désolé si je parais intrusif, on a eu idée de s'asseoir à la même table alors autant la partager.
Tu te penches légèrement, tendant ta main, adoucissant le sourire sur tes lèvres.
-Moi c'est Sylvabel, et toi ?