Marie dansait.
Du moins, elle essayait. Ce n'était pas cinq minutes passées aux côtés d'une Plumeline qui allaient faire d'elle une danseuse étoile, c'était sûr.
Au fur et à mesure que la Mentali tentait tant bien que mal de reproduire les poses du Pokémon, celui-ci prenait une mine pensive. Progressivement, son calme apparent laissait place à une certaine perplexité, mêlée à une grande incompréhension en dévisageant Marie. Cette jeune inconnue lui paraissait... Étrangement familière.
Et la-dite inconnue remarqua bien rapidement l'air perturbé de la Plumeline. Alors que jusqu'à présent, chacune de ses postures était droite et assurée, l'oiseau de feu mettait un peu plus de temps à réaliser les enchaînements, perdu dans ses pensées. Cessant tout bonnement ses imitations, Marie reprit une position correcte, avant de s'accroupir pour regarder le Pokémon droit dans les yeux.
« -Il y a un problème ? »Là où Marie aurait pu s'attendre à un mouvement de recul, comme tout bon Pokémon sauvage, elle ne vit qu'une soudaine tristesse dans les yeux de la Plumeline. Eh bien, qu'est-ce qu'il lui arrive ? Pourquoi un tel air nostalgique ? La Mentali pencha la tête sur le côté, remettant au passage une mèche en place, et tenta de comprendre ce qui n'allait pas.
« -Tu... Cela fait longtemps que tu n'as pas dansé avec un partenaire ?... Tu n'es manifestement pas un Pokémon sauvage, peut-être que... Tu as été abandonnée par ton ancien dresseur ? »Plumeline regarda Marie, puis détourna la tête en fermant les yeux, comme pour reprendre ses esprits.
A ce moment là, une voix s'éleva depuis le dos de la jeune fille.
« -En quelques sortes, oui. »La Mentali tourna à peine la tête, d'abord surprise par cette apparition, mais ne fut pas plus étonnée que cela en comprenant de qui il s'agissait. Elle se redressa, et se retourna, pour reconnaître la vieille dame qu'elle avait aidé à la Colline Mémento. Cette dernière lui fit un immense sourire quand leurs regards se croisèrent.
« -Je craignais que tu ne viennes pas...-Vous me tutoyer, désormais ? »La question surprit Salomé – Marie supposait que c'était bien son nom, qu'elle avait indiqué sur le papier, mais elle ne se laissa guère déconcerter.
« -Désolée, cela te dérange ?-Pas spécialement. Mais n’en attendez guère autant de moi. » Elle hocha la tête, confiante.
« -Cela me convient. Tu es bien méfiante, Marie, je le vois, et... Je te comprends. Tu dois sans doute te poser des questions. » Marie détourna le regard, et observa plutôt la Plumeline, qui se contentait de suivre la discussion des yeux.
« -En effet, mais finalement pas celles escomptées. » elle regarda à nouveau madame Zavatta
« Vous dîtes que ce Pokémon a été délaissé ?... »La vieille dame baissa les yeux, et soupira.
« -Oui, hélas. Et pas de la meilleure des façons... »La Mentali sentit que Salomé n'était pas certaine de vouloir continuer, et l'interrompit donc avec une nouvelle question, qui lui brûlait les lèvres.
« -D'abord le Fantominus de la Colline Mémento, maintenant cette Plumeline... Vous semblez bien familière avec les Pokémon sauvages, non ?-Oh ? Je me suis simplement faite quelques amis au fil des ans... Et puis, je considère Douceline comme mon propre Pokémon, même si je n'utilise pas sa Pokéball.-Douceline ? » Marie observa à nouveau la Plumeline
« Voila un patronyme qui lui convient parfaitement. -Tu trouves ? J'ai toujours eu un peu de mal avec les prénoms donnés par ma fille... Elle disait vouloir transmettre une certaine.... Attitude, via ceux-ci. »Un léger sourire se dessina sur le visage de Marie.
« -Dulcis. Doux, agréable... Il semblerait que Douceline s'y applique à merveille. » La Plumeline, appréciant visiblement le compliment, fit une petite révérence reconnaissante envers la blanche. La concernée le lui rendit d'un léger hochement de tête, puis s'adressa une nouvelle fois à Salomé.
« -Votre fille était donc la dresseuse de ce Pokémon ?-Hmm ? Euh, oui... Mais tu sais, je ne suis pas certaine que soit là le principal intérêt de ta ve--C'est à elle, que vous avez rendu honneur, au cimetière ? »La question arrêta net l'adulte. Elle tenta de garder son sourire, voulant paraître peu affectée par la question, mais ne parvint pas à cacher le voile de tristesse qui s'abattit sur son visage. Marie resta tout à fait inexpressive face au désarroi soudain de Salomé, qui finit par se retourner après d'interminables secondes.
« -Viens. L'endroit n'est pas vraiment adapté à la discussion. » Puis elle avança sur les pontons du jardin d'Ula-Ula. Marie jeta un bref coup d’œil à Douceline, qui s'avançait déjà en direction de la veille dame, et se décida à faire de même après une légère hésitation. Elle n'était toujours pas certaine de la raison de sa venue en ces lieux, mais elle espérait en avoir le cœur net.
Dans le plus grand des silences, Salomé guida Marie jusqu'à l'autre bout du jardin. Au bout du ponton, la route offrait deux directions distinctes : l'adulte emprunta celle de droite, et mena Marie jusqu'à une vieille bicoque placée à quelques minutes de là.
Sa maison était tout ce qu'il y avait de plus modeste. Elle ne devait pas faire plus de trois pièces, et était relativement petite, mais convenait sans doute à Salomé. Puisqu'elle semblait seule, elle n'avait ainsi pas trop de mal à l'entretenir... Et puis, la proximité avec le jardin d'Ula-Ula devait occupée une place importante dans le choix d'habiter ici.
Salomé invita Marie à rentrer à l'intérieur, et à s'asseoir sur le canapé au centre du salon-cuisine. La maison avait une certaine odeur de renfermé, mais n'était pas spécialement désagréable à observer. Il n'y avait que le strict du strict nécessaire, à savoir un canapé, une table et des chaises, et le nécessaire de cuisine. Pas de télévision, mais une étagère avec de nombreux bouquins ; et dans un coin, des affaires de couture. En terme de décoration, elle ne s'était visiblement pas embarrassée, puisque les seuls éléments présents étaient un ancien tapis et des rideaux tout à fait classique.
Marie s'installa, et observa ainsi l'ensemble de la pièce, pendant que Salomé se dirigeait en cuisine.
« -Un peu de thé ? »Refroidie par son expérience avec Mémé Marguerite, Marie refusa poliment. La vieille dame servit donc une tasse seule, avant de déposer une coupelle d'eau au bord d'une fenêtre, sur laquelle se percha immédiatement Douceline.
Salomé vint s'asseoir en face de la Mentali.
« -Tu voudrais savoir pourquoi je t'ai posé toutes ces questions, la fois dernière, je suppose... » Marie se contenta d'un hochement de tête
« Avant de te répondre, j'aimerai m'assurer d'une chose. Tu dis provenir de Véterville, mais quelle est ton histoire exactement ? » -Je... » bien qu'un peu gênée par la question, Marie y répondit sincèrement
« Je ne suis pas tout à fait originaire d'Almia. J'y étais de passage, avant d'y être abandonnée, alors que j'étais âgée de... Six ans ? Je ne me souviens plus très bien. Ma véritable date de naissance m'est inconnue, d’ailleurs... Après cela, j'ai été adoptée par les derniers héritiers de la lignée Uana qui, bien que vivant principalement à Kalos, étaient régulièrement de passage à Almia. Puis j'ai été envoyée étudier à la Pokémon Community, basée sur l'île Lansat, pour... » elle s'interrompit, peu certaine de vouloir dire la suite, puis reprit
« … Y faire un cursus de Pokémon Ranger, en reconnaissance envers ceux qui m'ont recueilli. »La vieille dame hocha longuement la tête, en signe d'attention. Lorsque Marie eut terminé son bref récit, elle la questionna aussitôt.
« -Te souviens-tu de ta vie, avant ton adoption ? »La Mentali acquiesça.
« -Je faisais partie d'une troupe gitane. Dans laquelle ne figurait ni mon père, ni ma mère. » elle inclina légèrement la tête vers l'avant, et regarda Salomé droit dans les yeux
« … N'est-ce pas ? »Madame Zavatta eut un sourire, et émit un petit ricanement cynique.
« -Ta mémoire est bonne, Marie. »L'expression de la Mentali se fit alors plus grave.
« -Vous en faisiez partie, vous aussi ? »Salomé hocha lentement la tête.
Marie se tendit.
« -... Que me voulez-vous ? »Son interlocutrice saisit sa tasse de thé pour en boire une gorgée, et répondit sereinement.
« -Je pensais simplement que tu apprécierais recevoir certaines... Explications. »Marie se fit acerbe.
« -Hmpf. Quelles explications ? »Elle se leva.
« -Vous m'avez abandonné, non ? »Salomé reposa sa tasse, et regarda Marie calmement, droit dans les yeux.
« -Les choses étaient plus compliquées que ça... »La Mentali croisa les bras, et fusilla Salomé du regard.
« -Vous m'avez abandonné. »Elle se dirigea vers la sortie.
« -Le reste n'a aucu-»Elle fut interrompue par Salomé, qui la retint en attrapant sa main.
« -Attends ! Je me doute que tu dois être pleine de rancœur, mais je tenais à ce que... »Marie se dégagea d'un mouvement sec, mais resta sur place.
« -De la rancœur ? Vous vous trompez. Voyez plutôt cela comme... Du désintérêt. »Elle durcit son ton, bien que celui-ci restait étrangement calme.
« -Vous m'avez abandonné. Est arrivé un moment dans votre vie, ou celle de mes tuteurs de l'époque, quels qu'ils soient, de faire un choix entre partir à ma recherche, et poursuivre votre vie. Peut-être il y avait-il des raisons bien fondés à la décision alors prise, peut-être même qu'elle ne fut pas de votre ressort... Mais les faits sont là. Vous m'avez abandonné. »Elle détourna le regard.
« -Dès lors, je n'ai aucune raison de m'intéresser à vous. Vous n'aviez pas envie de vous occuper de moi, pièce rapportée que j'étais ? Soit, c'était dans votre droit. Et puisque vous n'avez pas daigné m'apporter la moindre attention... Il est également de mon droit d'en faire de même. »Marie se précipita vers la porte, et ouvrit celle-ci. Salomé voulut répliquer autre chose, mais la Mentali se retourna, et lui coupa la parole.
« -Je ne vous dois rien. »Elle franchit le seuil, et avant de complètement refermer l'entrée, lança quelques dernières paroles.
« -Adieu, madame Zavatta. »Et elle referma la porte.
Le silence retomba dans la bicoque. Douceline, restée immobile depuis son perchoir, avait observé l'intégralité de la scène sans pipé mot. Salomé, le regard encore figé sur la porte, eut besoin de quelques secondes supplémentaires pour réellement comprendre ce qui venait d'arriver. Se laissant retomber dans son fauteuil, elle passa une main sur son front, fatiguée.
« -... Oooh... Je me doutais qu'elle ne serait pas forcément ravie, mais... Tout de même... Aaaah, ma vieille Salomé, qu'espérais-tu ?... Tu aurais dû t'en douter, pourtant... »La Plumeline voleta jusqu'aux genoux de la vieille dame, et chercha à la rassurer de quelques caresses. Salomé passa sa main dans son plumage, et lui sourit.
« -... Elles se ressemblent, pas vrai ? »Son regard dirigé droit vers la porte, Douceline hocha lentement la tête. Salomé soupira.
« -Même si elle semble avoir une vision bien rigide des choses... Cette fille a bon cœur. Tout à l'heure... Elle s'était plutôt intéressée à ton cas qu'au sien, alors que vous veniez à peine de vous rencontrer. Et lorsqu'elle a fait face à Tinus... Elle avait préféré faire usage de son appareil plutôt que de faire combattre son Pokémon. Elle semble leur prêter beaucoup d'attention... Pas sûre qu'elle en fasse autant envers les humains, par contre, héhé. »La vieille dame souffla. Elle aurait apprécié pouvoir en apprendre plus sur cette Marie, que le sort avait remis sur sa route. Le destin lui avait donné une deuxième chance concernant la demoiselle, et elle avait réussi à tout gâcher... Dommage. Salomé aurait été bien curieuse de voir comment Marie avait grandi, depuis que...
Madame Zavatta ferma les yeux, et passa une fois de plus ses doigts dans le plumage de Douceline.
« -Tu veux la rejoindre ? »La Plumeline afficha une expression surprise. Salomé n'avait pas manqué, son regard insistant en direction de la porte... Le Pokémon sembla d'abord refuser, mais son hôte insista.
« -J'ai vu à quel point cela t'a fait plaisir, d'à nouveau danser en compagnie de quelqu'un... Comme au bon vieux temps. Et je me dis que... » Salomé pointa du doigt le cœur du Pokémon
« … Même si Marie ne semble guère vouloir connaître son héritage, cela ne peut pas lui faire de mal d'apprendre ce que tu as à lui transmettre. Tu n'es pas d'accord ? » Douceline suivit des yeux le doigt de la vieille dame, puis observa à nouveau la porte, pensive. Madame Zavatta sourit à nouveau, et se pencha pour attraper une boîte rangé sous son canapé, sans pour autant déranger la Plumeline. Elle la posa sur ses genoux, juste à côté du Pokémon, et l'ouvrit, pour en sortir une Pokéball poussiéreuse, rattaché à un petit fil...
« -Tiens. Et file, avant qu'il soit trop tard. » Elle posa la sphère entre les ailes de Douceline. Celle-ci observa Salomé avec un air inquiet.
« -Ne t'en fais pas pour moi ! J'aurai toujours Tinus pour me tenir compagnie. Et puis... J'espère bien ne pas en avoir tout à fait fini, avec Marie. » elle marqua une courte pause
« Prends soin d'elle, d'accord ? Comme j'ai été incapable de le faire moi-même... » La Plumeline baissa les yeux... Et se colla contre la vieille dame. L'humaine posa une main dans son dos en guise de câlin, et garda toujours le même sourire au bord des lèvres. Puis Douceline se décolla, et fixa une dernière fois Salomé droit dans les yeux.
« -Va. » Douceline hocha la tête. Puis, à l'aide de ses pattes, elle saisit le fil auquel était attaché la Pokéball, et déploya ses ailes. Après un dernier regard vers la vieille dame, elle décolla, et disparut à travers la fenêtre de la bicoque...
Toujours assise sur son fauteuil, Salomé sourit tristement.
« -Que la bénédiction de Lunala vous accompagne... »***
Marie restait parfaitement silencieuse.
Progressant sur les planches en bois du jardin d'Ula-Ula, la Mentali était pensive. Voila que cette histoire qu'elle pensait enterrée à jamais refaisait surface... En pleine région d'Alola, en plus ? Ah, si elle s'y attendait !... Elle était donc originaire de ces îles qui lui semblaient pourtant si étrangères ?... Bien qu'elle tenta de le rejeter, un sentiment de mal à l'aise affecta Marie. Cette retrouvaille la perturbait bien plus que ce qu'elle voulait croire...
Mais dans tous les cas, hors de question de faire demi-tour. Ce qu'elle avait dit à Salomé, elle le pensait sincèrement : son seul regret fut peut-être de s'être montrée si crue envers la vieille dame... Mais à côté de la souffrance que lui avait valu son abandon, ce n'était pas grand chose. Marie n'allait clairement pas culpabiliser pour ça...
Un son de battement vint jusqu'à elle. La Mentali s'arrêta, et se retourna, pour voir arriver juqu'à elle... Douceline. Et elle tenait... Une Pokéball ?
Passée la surprise de voir arriver le Pokémon vers elle, vint l'incompréhension de son attitude. Douceline venait de se poser juste devant Marie, et fit rouler la Pokéball, qu'elle tenait par un fil, jusqu'à elle. La blanche fronça les sourcils, et regarda autour d'elle pour vérifier s'il n'y avait pas Salomé dans les parages. Mais personne.
Alors elle baissa les yeux, et dévisagea Douceline avec incompréhension.
« -Tu souhaites... Venir avec moi ? »La Plumeline opina.
« -... Malgré tout ce que j'ai dit à Salomé ? »Elle acquiesça à nouveau.
« -Mais... Pourquoi ? »En guise de réponde, Douceline fit une petite révérence, et lui tendit une aile, le regard baissé.
Marie n'en revenait pas vraiment. Et puis, pouvait-elle réellement se permettre d'emmener avec elle le Pokémon de la fille de Salomé, décédée ? Il s'agissait peut-être là du dernier souvenir qu'elle avait d'elle...
La Mentali fronça les sourcils. Salomé lui avait dit qu'elle ne se servait plus de la Pokéball de Douceline. Donc c'est bien qu'elle l'avait... Et si Douceline avait pu l’amener jusqu'à elle, c'est que Salomé la lui avait rendu.
Marie soupira intérieurement. On dirait bien qu'elle n'avait pas fini d'entendre parler de cette vieille dame...
Après quelques instants de réflexions, elle se baissa, et dans une révérence similaire à celle de Douceline, lui attrapa l'aile d'une main.
« -Soit.»Elle releva la tête, et fixa Douceline.
« -Je serai ta cavalière. »HRP :
(Théoriquement, me reste que 8 Pokéballs) (Quoique, INRP Marie n'en a pas utilisé une seule, donc c'est bon en fait ? /PAN)
Merci pour la modération !