Alternance Eleveur #1 (3)
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feat Desmond Clifford - Non mais sérieusement, vous avez vu vos prix ?! Comment voulez-vous que je finance un service pareil ?!Alban retint un soupir et la réplique sarcastique qu’il rêvait de sortir. Professionnel cependant, il se contenta de glisser un papier vers le futur/ex client qui tempêtait devant le guichet.
- Je suis désolé mais ce n’est pas moi qui fixe les prix. Je vous invite à écrire un mot à notre directeur et à le glisser dans la Boîte aux Suggestions. Toutes les propositions et les critiques constructives sont lues avec attention. N’oubliez cependant pas que nos prix prennent en compte les frais d’hébergement et le coût des repas, que vous auriez dû financer sans l’aide de la Pension. Ce qui peut expliquer le prix quelque peu élevé, récita-t-il comme un automate, sans l’ombre d’une expression sur le visage.
Il avait appris ce discours auprès d’Isaac et de Tomas, après avoir eu affaire à son premier client mécontent. De façon générale, sur une quinzaine de personnes dans la journée, il y avait au moins un ou deux petits malins qui venaient leur hurler dessus concernant les tarifs de leurs prestations. Si au départ Alban s’était senti mal face à ces agressions injustifiées et souvent peu polies, il avait appris à ne plus y faire attention. Les tarifs d’une Pension étaient élevés, certes. Pour autant, les gens ne se rendaient pas compte du travail et de l’entretien que cela demandait. Régulièrement, Alban voyait Isaac faire appel à un jardinier paysagiste qui venait arranger le domaine pour qu’il soit le plus sain et paisible possible. Il le voyait également faire ses courses pendant de longues heures, sélectionnant les meilleures matières premières dans la gamme de prix allouée pour confectionner de bons repas pour les Pokémon. Il y avait également les salaires de Tomas et Alicia à payer. Les deux Eleveurs avaient une certaine expertise et évidemment, tout travail bien mené méritait une paie en conséquent. Quant au matériel pour les bébés Pokémon… on pouvait dire que ce n’était pas donné.
Mais Isaac lui avait conseillé de ne pas prendre ces critiques trop à cœur. Les gens pouvaient être nombrilistes, avait-il dit. Cependant, ce n’était pas pour autant que leur travail avait moins de valeur.
Mécontent d’avoir eu une réponse qui ne lui satisfaisait pas, le client jeta la feuille par terre et tourna les talons pour sortir de la Pension. Sur son passage, la cloche émit un tintement joyeux, et Alban s’appuya contre le dossier de sa chaise en soupirant.
Il détestait faire le standard. C’était selon lui une perte de temps, alors qu’il aurait pu faire des choses beaucoup plus intéressantes avec les Pokémon dont il avait la charge. Néanmoins, cela faisait partie du métier et il se devait de relayer Tomas et Alicia à cette tâche, pour que ces derniers puissent travailler sur d'autres sujets. Au travail, on ne pouvait malheureusement pas faire uniquement ce qui nous plaisait.
Se levant donc pour aller ramasser la feuille, Alban jeta un coup d’œil par la fenêtre, d’où il avait une vue imprenable sur le jardin du domaine. Tomas, près de la mare, était en train de jouer avec les Pokémon aquatiques. Souhaitant être plus à l’aise, il avait troqué son habituel tablier rouge d’Eleveur contre un caleçon de plage. En dehors, il était torse nu et riait aux éclats. Alban eut un sourire face à cette vision de son collègue - et à présent ami - autant épanoui et heureux. Puis, son regard dévia vers Alicia, quelques mètres plus loin, et son visage s’assombri.
Très rapidement, Alban avait compris qu’il se tramait quelque chose entre les deux Eleveurs. Curieusement, Alicia, qui bredouillait à peine quelques mots en sa présence en temps normal, avait bravé sa timidité pour venir lui demander de prendre le standard entre 14 et 15h. Au départ, le Voltali n’avait pas réellement compris d’où venait cette requête particulière. Au fil des journées cependant, il avait très bien cerné de quoi il en retournait. Il n’y avait qu’entre 14 et 15h que Tomas se mettait torse nu pour barboter dans la mare. Et, étrangement, il n’y avait qu’entre 14 et 15h qu’Alicia ne souhaitait pas faire le standard. Mignonne histoire que voilà.
Le problème, c’était que les sentiments visiblement évidents d’Alicia envers Tomas n’étaient pas du tout partagés.
Alban le savait. Il voyait régulièrement Tomas partir en compagnie de cette fille particulièrement mignonne qui venait parfois le chercher à la sortie du boulot. Il captait cette expression qu’il reconnaissait entre milles, lorsque l’Eleveur se penchait par-dessus la barrière de la Pension pour chuchoter à l’oreille de cette même fille. Il avait l’impression de se voir, lorsqu’il était en présence de Maxine. Et, lorsqu’il tournait les yeux vers Alicia, son monde s’écroulait. Alicia, c’était un peu lui également, lorsqu’il avait été amoureux de Calliope et qu’il la voyait en compagnie de Leonidas. Et honnêtement, il ne savait pas pour qui il devait compatir. Même s’il se sentait plus proche de Tomas, il ne pouvait pas se réjouir totalement de son bonheur. Pas en sachant que de l’autre côté du jardin, il y aurait Alicia, le visage douloureux, le cœur en miettes.
Cette situation était compliquée à vivre. Alors, il détourna les yeux et retourna derrière son comptoir. D’ici quelques jours, il terminerait son Alternance et n’aurait plus à vivre ce cruel dilemme. C’était un peu comme laisser un problème de côté, mais disons qu’il ne pouvait actuellement rien y faire. Et puis soyons honnête ; ce n’était pas vraiment à lui de régler cette histoire. Tomas était heureux. Il n’allait pas risquer de gâcher ça.
La cloche accrochée en haut de la porte sonna avec douceur. Alban leva les yeux et vit un grand garçon brun s’avancer vers lui. Lui adressant automatiquement un sourire, il fut néanmoins surpris lorsqu’il vit l’autre gambader dans sa direction. Pressé ? Il en avait l’air. Ce qui était plus surprenant encore, c’était plutôt qu’il venait de sortir un iPok, et de taper frénétiquement dessus. Une voix robotique s’éleva alors de l’appareil, et Alban écouta le message en méditant sur l’étrangeté de la situation. Alors, récapitulons. Un garçon pressé venait de débouler dans la Pension, de sortir un iPok, de parler avec, et d’avouer qu’un de ses Pokémon avait pénétré par effraction dans le domaine ? Bon ok. Normal. Totalement normal.
Ou pas.
- Heuuu bonjour. Il n’y a pas de soucis, tu ne déranges pas. Laisse-moi deviner, il est entré par le petit trou dans le grillage ? Enfin bon, ce n’est pas important. Viens avec moi, ce sera plus simple pour le retrouver. A quoi est-ce qu’il ressemble ?Il se leva et fit signe au brun de le suivre. Il déposa une pancarte « absent, merci de sonner » sur le comptoir, puis ouvrit la porte qui menait au jardin. Là, il mit un pied sur l’herbe, et regarda tout autour de lui.
Tomas avait disparu de la mare, et était probablement allé se changer. De fait, Alicia était sûrement en train de travailler, quelque part, loin du point d’eau. Bon. Ni l’un ni l’autre n’avait remarqué le Pokémon étranger, puisqu’ils n’étaient pas à proximité en train de se demander d’où il sortait. Flûte.
- Quel genre d’endroits il apprécie ? Il est entré pour une raison particulière, tu penses ? Ah et au fait, je m’appelle Alban. Tu viens de l’académie de Lansat, n’est-ce pas ?Il pointa du doigt l’iPok vert que le brun avait à la main. D’aussi loin qu’il se souvienne, le Voltali n’avait vu ce genre d’appareils que sur Lansat. Ailleurs, les gens utilisaient des téléphones normaux. Marrante en tout cas, cette façon de communiquer avec un iPok. Voilà quelque chose qui serait sûrement plus pratique qu’une tablette, pour Nolan. Il allait devoir penser à lui suggérer l’idée. M’enfin… Tout comme Nolan, ce garçon devait être muet, n’est-ce pas ? A moins qu’il soit juste aphone pour la journée… M’enfin non, il avait l’air bien trop habile avec son iPok pour que ce soit temporaire. Alban était à peu près certain qu'il avait pas mal d’entraînement… Ne souhaitant néanmoins pas demander de but en blanc à son interlocuteur s’il avait un handicap, le châtain se tourna vers lui et lui sourit.
- Au fait, je connais la langue des signes, si tu préfères. Je ne suis pas non plus super bon, mais je sais tenir une conversation basique.Des fois que. Peut-être que pour chercher un Pokémon, ce mode de communication serait plus utile que celui nécessitant d’avoir les yeux rivés sur un écran ?