Est-il possible de louper un épisode dans sa propre vie ? C'est pourtant ce qu'il m'arrive à ce moment-là. On était tous les deux sur ce banc, l'un contre l'autre, et tout se passait bien. Et en une demie seconde, je me suis retrouvée toute seule sans trop d'explication. Edward vient de me laisser sur ce banc, le banc où je viens de lui dévoiler la plus grande douleur de ma vie, et maintenant, je suis seule. Seule à ne pas comprendre ce qu'il vient d'arriver. Seule et perdue face à la situation. Les filles viennent de me rejoindre, elles aussi intriguées et interrogatives. Elles s'amusaient tellement bien avec les garçons. Je reste là un instant et regarde autour de moi. Edward s'est volatilisé en un rien de temps, je n'ai même pas vu par quel côté il est parti, j'étais tellement choquée.
Les filles me fixent toutes et Rosy vient essuyer mon visage. Effectivement, je pleure. Mais je ne pleure pas de tristesse, enfin si un peu, mais je pleure surtout de rage. Pourquoi ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Je me lève alors pour quitter le parc, les filles me suivent sans rien dire. J'ai l'impression que mon cerveau s'est déconnecté de mon cœur. Mon cœur pleure de tristesse, je viens de quitter l'homme qui ne me trouve pas bizarre et qui m'aime pour ce que je suis. Mais mon cerveau, comme pour me protéger de tout mes sentiments négatifs, me fait pleurer de rage. Comme quoi je suis bizarre. Très bizarre. Trop bizarre. Je descends la rue puis traverse la ville. Je retombe sur tous les endroits où nous étions à deux. D'abord l'épicerie où nous avons acheté une crêpe, puis le bar et enfin, la parfumerie, cette parfumerie, là où tout a commencé. Une autre vague de larmes glissent sur mes joues à cause des souvenirs qui me viennent à l'esprit. C'était tellement bien, chaque moment était parfait et pour rien, je ne voudrais changer ça.
Je me dépêche donc de rattraper le bus pour rentrer chez moi. La musique dans les oreilles, je fixe le paysage et me force à ne plus pleurer pour ne pas attirer l'attention sur moi à nouveau. Je me sens tellement idiote et en même temps, je ne sais pas si je peux lui en vouloir vu que je ne sais pas pourquoi il m'a laissé comme ça. Dans ma tête c'est la pagaille, que faire? Comment interpréter sa disparition rapide ? C'est pour le travail, t'inquiète pas Lou. Je ne peux pas ne pas m'inquiéter ! C'est peut-être sa façon de rompre ou la façon dont il laisse toutes ses conquêtes? Je ne veux même pas y penser. Je suis si bête... Bête d'avoir espéré et de l'avoir cru. Arrête Lou. Tu te fais du mal pour rien. À peine descendue, je faire sortir les filles devant le portique de l'appartement. Elles restent à côté de moi, se collent à mes jambes pour me montrer leur réconfort. Je leur souris, faussement, mais je ne veux pas qu'elles s'inquiètent. Je leur donne à manger et part dans ma chambre pour enfiler la tenue de la dépression : ma combinaison Ronflex. Puis je m'installe dans mon lit et me cache sous la couette pour continuer de pleurer jusqu'au lendemain.
Plusieurs jours se sont écoulés depuis la "disparition" d'Edward, et encore aucune nouvelle n'a fait sonné mon téléphone. Je me suis un peu remise de cet abandon précipité ; en même temps, je n'ai pas trop le choix. Depuis hier, j'hésite à lui envoyer un message, juste pour mettre les choses au clair et savoir si c'est fini ou non... Mais malgré tout, ma fierté me retient. Et la petite voix qui me dit de ne pas fait la fille déjà attachée, pourquoi est ce que tu me compliques aussi la vie?? Il est 16h et je m'apprête à sortir prendre l'air. Soudain on frappe à la porte. Je trouve un homme avec un petit paquet dans les mains (j'avais tellement espoir que ce soit Edward...). Il me le tend, c'est bien à mon nom. Je le remercie et aussitôt il disparaît du palier. Je pose alors la boîte sur la table et la regarde fixement. Je n'ai rien commandé pourtant et il n'y a aucun expéditeur... Je l'entrouvre et je vois une lettre et une autre petite boîte. Délicatement, je prends la lettre. C'est Edward. C'est lui qui m'a envoyé ce colis. Je commence à lire la lettre:
" Ma Chère Petite Lou, encore désolé de t'avoir laissé au parc sans te donner des explications... C'était important, je t'expliquerai à mon retour. Tu peux trouver également dans cette boîte un petit boîtier rouge, ouvre-le. C'est en mémoire de cette soirée, là où tout a réellement commencé. J'espère que tu l'aimeras comme moi je t'aime...
Je reviens vite, Edward."
J'attrape donc la petite boîte en velours rouge et y trouve à l'intérieur un collier d'argent orné d'un pendentif représentant des étoiles avec plusieurs strass. La soirée des étoiles filantes... Il a raison, c'est là que tout a commencé, c'est là que l'on s'est embrassé pour la première fois...
Je passe le collier autour de mon cou. Avec les filles nous sortons faire un tour. Bizarrement, ou instinctivement, on repasse par la ville : la parfumerie, le bar, les petits commerces; cette fois-ci je suis heureuse et je ne pleure plus. Puis on regagne le parc, et notre banc n'est pas pris. Je m'installe donc et je laisse les filles jouer dans l'herbe. Je souris, je me sens tellement bien.
Il ne m'a pas oublié. Il pense même à moi. La vie me réussirait-elle enfin? Une chose est sûre, je l'aime, et il m'aime aussitôt. Et même si c'est une relation compliquée et qu'on sera parfois souvent séparé, on finira toujours par se retrouver. En cette fin d'après-midi, les oiseaux chantent, les gens se promènent, les filles s'amusent, et mon cœur, désormais ne bat plus que pour Edward...