« Le Grand Marathon »Le visage enfoui dans mes mains, je reste parfaitement silencieux.
Caroline me toise avec un air interdit.
« -… Sérieusement ? »-… Sérieusement. »Elle explose de rire.
Tout en cherchant son souffle, elle se détourne pour attraper quelque chose sur les meubles de sa cuisine.
« -AHAHA ! Oh Arceus ! C’est excellent ! AHAHA ! »Installé à la table de son appartement, je garde le visage dissimulé à cause de la gêne, et ne relève la tête que lorsque je l’entends poser quelque chose devant moi. J’attrape ainsi la tasse de chocolat chaud qu’elle m’a amené sans dissimuler mon contentement, et elle s’installe en face de moi, sourire narquois aux lèvres.
« -… Vas-y, raconte moi tout. Je veux savoir comment c’est arrivé. »Je laisse s’échapper un court soupir, et la toise d’un air piteux.
« -Vraiment ?-Ouiiiiiiiiii ! » Elle tapote du pied pour manifester son enthousiasme. J’expire d’un air las, et m’y résigne, sachant de toute façon à l’avance que je n’y couperai pas en venant lui rendre visite tout de suite après la compétition Pokéathlète.
« -C’était au moment d’approcher la ligne d’arrivée. J’ai voulu gagner du temps et...-Non non non ! » elle m’interrompt brusquement en donnant quelques rapides coups sur la table
« Raconte moi tout. Depuis le début. J’ai été occupée toute la journée et je n’ai pas pu suivre la retransmission à la télé, donc je veux savoir tout ce qu’il s’est passé ! »Nouveau soupir, et mes épaules s’affaissent.
« -…. Vraiment ?-Ouiiiiiiiiii ! » Elle tapote du pied avec toujours autant d’enthousiasme. Je prends une profonde inspiration, et remets les choses en ordre dans ma tête.
« -Bon. » Mon coude sur la table, je cale ma joue contre ma main d’un air dépité.
« -Déjà, ‘faut savoir qu’à la base... » ***
Deux semaines plus tôt.
On loupe difficilement l’effervescence qui anime l’académie, ces derniers jours.
Cela peut se comprendre. Les dernières compétitions avaient été organisées durant les vacances à Alola… Et celles de cette année n’ont pas pu avoir lieu à cause du brusque départ de Lansat. Alors, à leur annonce il y a peu, par le nouveau directeur en personne, tous les élèves sont montés à ébullition.
Je m’en tire bien dans mon malheur, au final. Si j’avais passé une ou deux semaines de plus dans mon coma, j’aurai pu faire une croix dessus. Et rater un affrontement contre un champion d’arène… C’est hors de question ! Je serai encore en rééducation que je m’y serai quand même inscrit. Et je me serai rendu dans le stadium en fauteuil roulant s’il l’avait fallu !
Heureusement, je n’ai pas à en arriver à de telles extrémités. Bien qu’il ne se soit pas encore passé un mois depuis mon départ de Rivamar et que je n’ai pas tout à fait rattrapé mon retard en cours, mes Pokémon et moi sommes en parfaite santé. Pas dans des conditions aussi optimales qu’il y a six mois, mais… En parfaite santé.
Et même si nous ne sommes plus au top du top, je ne compte pas passer à côté d’une telle occasion. Quitte à ce que nous perdons ! Au moins je n’aurai aucun regret.
C’est dans cette mentalité que j’appose mon nom en bas de la liste des inscriptions. Je contemple le tableau une dernière fois avec une certaine satisfaction, et m’en détourne pour permettre aux autres étudiants, agglutinés autour, de faire de même.
Et alors que j’espère pouvoir tranquillement rejoindre mon dortoir, quelqu’un m’interpelle.
« -Eh ! Ginji ! »Je me retourne, cherchant dans la nuée d’adolescents lequel peut bien m’avoir appelé. Une petite tête finit par s’en détacher pour me rejoindre, et même si j’ai quelques secondes d’hésitation, je parviens à l’identifier.
« -Nino ! Cela fait longtemps ! »Le garçon n’a pas bien grandi la dernière fois, à la différence de son Pokémon devenu un imposant Dardargnan. Lui a toujours les mêmes courts cheveux verts, des binocles rectangulaires, et… Wow, mais c’est qu’il a gagné en muscle !
« -Oui ! Je… Je suis content de te revoir en forme. Tu sais, je… J’avais appris pour ton… Hum… Coma... Mais je n’ai pas osé… »Je l’interromps d’une main, souriant.
« -C’est bon. T’en fais pas. Tout va bien maintenant. »Il acquiesce, un peu plus serein, et change brusquement de sujet.
« -Je te verrai à la compétition Pokéathlète ? »Sa question a le don de me prendre de court, et j’écarquille légèrement les yeux.
« -Euh. Bah. C’est que. Non, justement. Comme je reprends tout juste l’exercice physique et que je n’ai pas encore récupéré de muscle... »Je peux lire tout la déception dans leur regard, à lui et son Pokémon.
« -Oh… C’est que, comme tu m’as battu aux deux premières compétitions où nous nous sommes rencontrés, et que je ne t’ai pas vu à la dernière, nous espérions enfin pouvoir prendre notre revanche, Hymeno et moi… »Je me gratte l’arrière du crâne avec un sourire désolé.
« -Ah. Pardon. Mais comme dit… »Il m’interrompt, les poings remontés et serrés.
« -Je ne vois pas où est le problème ! Tu as remporté la Course Maritime alors que tu commençais tout juste ta carrière de Pokéathlète, et tu n’étais pas plus musclé à l’époque qu’aujourd’hui ! »La bouche entrouverte, je cherche à répliquer, mais la referme après quelques secondes de total mutisme. Il voit là l’occasion de renchérir.
« -Allez ! Cela permettra de te remettre en selle, et surtout, de prouver à tout le monde que ce ne sont pas quatre mois à l’hôpital qui auront raison de toi ! »Mon expression n’est pas plus confiante.
« -Tu as conscience que si tu me bats, ça ne sera pas avec notre meilleur niveau, à mon équipe et môa ? »Il acquiesce.
« -Ce n’est pas grave ! Au moins tu pourras constater de tes propres yeux les progrès que nous avons fait, de notre côté. »Je soupire, un sourire résigné aux lèvres.
« -Ok. Si tu veux. »///
« -Attends, mais c’est qui ce fanboy ? »Je cligne des yeux, surpris par la question de Caroline.
« -Euh. Nino Muller, un Noctali. Il est élève Agent à l’académie. Nous nous sommes rencontrés lors de la Course Maritime que tu as filmé, tu te souviens ? Il est avec môa durant une bonne partie de la vidéo. A l’époque, son Pokémon n’était encore qu’un Aspicot, et lui était maigre comme un clou. »Elle dirige son regard vers le plafond, faisant mine de réfléchir, avant de sourire d’un air sadique.
« -Hmm. Je me souviens surtout de t’avoir vu percuter un poteau après la ligne d’arrivée. ~ »Blasé, je bois une gorgée de mon chocolat chaud, avant de reprendre.
« -… Ouais, bref. Du coup, j’ai fini par m’inscrire, et j’ai repris l’entraînement de plus belle... »***
Quelques jours plus tôt.
Ma respiration saccadée créé des petits volutes de buée au niveau de mon visage.
« -… Vingt-sept... »Les mains derrières la tête, je redresse mon buste, et le rabaisse aussitôt après.
« -… V-… Vingt-huit... »Le froid ambiant me fait légèrement trembler.
« -…Hh… Vingt-neuf... »Je serre les dents, épuisé. Malgré tout, je tire de toutes mes forces après le vingt-neuvième abdominal, dans l’espoir d’accomplir le trentième.
« -… T… Tr… » Je retombe brusquement en arrière, bien avant d’avoir terminé.
Je laisse s’étendre mes bras, et reste parfaitement immobile, allongé dans la neige. Le regard rivé vers le ciel nuageux, ma respiration se fait encore plus rapide et les gouttes de sueur sur mon visage plus perceptibles. Ressassant l’effort ainsi achevé, je profite au passage du silence environnant au plateau du Mont Skiddo.
« -… Bon sang… Hh… Même pas trente… Hh… J’suis tellement pas prêt... » La compétition approche, et je sens encore mes muscles hurler de douleur au moindre effort physique prolongé. Ce n’est pas avec ça que je vais pouvoir offrir une performance correcte lors du marathon… Il va falloir espérer que la partie réservée au dresseur ne soit pas trop importante, et que l’adrénaline fasse le reste.
« -… » … Non. Je ne peux pas me contenter de ça.
« -Allez, on reprend. » Je repasse mes mains derrière la tête, et tire sur mon buste. Abandonner n’est pas Ginji ! Si je prends pas à cette course, je dois faire en sorte que les conditions soient les plus optimales possibles, même quand elles ne le sont pas… Donc on se motive, et on reprend ! Go go go !
« -Un… Deux... » ///
Ma grande soeur me toise avec dédain.
« -Sérieux ? »Je lui rends son regard, incrédule.
« -… Sérieux quoi ? »Elle s’appuie contre le dossier de sa chaise, et abaisse sa main dans ma direction.
« -Monsieur a réussi l’épreuve du doyen, donc monsieur en profite pour s’isoler en solitaire au sommet de la montagne pour s’entraîner tout seul dans la neige ? Tu ne veux pas faire plus cliché, encore ? »Je la foudroie du regard.
« -Eh, c’est un super spot ! »Elle lève les yeux au ciel, et repose ses mains sur la table.
« -Ouais si tu veux, mais on s’en fout de tout ça. » elle s’appuie un peu plus en avant avec un sourire, trouvant visiblement plus d’intérêt dans la suite
« Raconte moi plutôt le début de la compétition. Il y avait du monde ? »Je hausse les sourcils.
« -Oh, ça, pour avoir du monde…. »***
Le jour même.
« -Mes amis c’est incroyable ce qu’il est en train de se préparer ici, juste sous nos yeux, en cette magnifique matinée d’hiver ! »Il aura fallu une quantité folle d’enceintes pour permettre à la voix de Charlie Hudson, l’assistant à la mairie du Nuevo, de couvrir le brouhaha ambiant. Depuis sa plate-forme élevée juste derrière la ligne de départ, l’homme debrief le public sur les modalités de l’épreuve que nous nous apprêtons à disputer.
Quelque peu impressionné, j’observe les gradins et les écrans géant ayant fait leur apparition au beau milieu du port de Nuevo. Ce lieu est le premier où j’ai mis les pieds en arrivant à Adala, et je peine à le reconnaître, alors que cela remonte à quelques semaines seulement ! Cette île n’a absolument rien à voir avec Lansat, ça c’est sûr. Cela change complètement de la masse de parents d’élèves entassés sur des rangées en bois bricolées à la va-vite par Gaston…
Mon regard est alors attiré par les mouvements nerveux de Sharon, sur qui je suis positionné au niveau de la ligne de départ. La Ptéra jette elle aussi de nombreux coups d’oeil autour d’elle, mais surtout à cause d’un sévère – et correct – sentiment d’être épié. Je frotte son buste en signe de réconfort, et me penche en avant pour lui parler doucement à l’oreille.
« -Ne t’en fais pas. Dès qu’ils donnent le signal, on décolle loin de tous ces regards indiscrets. » je me redresse, et scrute les alentours
« Et après, c’est comme à l’entraînement.-RAAAAAAAA ! »Son rugissement fait sursauter les concurrents alentours, et m’arrache un sourire. Si Sharon paraît si mal à l’aise, c’est non pas à cause d’une timidité soudaine, mais par instinct de préservation. Elle ne se doute pas forcément que son espèce attire les regards, et elle voit tous ses yeux braqués vers elle comme autant de prédateurs potentiels… Hmm, j’espère que ce n’est pas aujourd’hui qu’elle a décidé de m’apprendre qu’elle devient violente en situation de stress, parce que ça risque d’être embêtant pour la suite.
Genre, un chouïa.
Reste à prier que le remake de Jurassic Park soit prévu pour un prochain épisode, et concentrons-nous plutôt sur la situation : le marathon à venir.
Un parcours, tout le long d’Adala. On part de Nuevo au sud-ouest, on longe la côte à dos de nos montures jusqu’à Malnova, au nord-ouest, et on fait mumuse avec les cerceaux, ensuite, on fait le trajet à pied jusqu’au Lac Keldeo, qu’on traverse à la nage, et arrivés au niveau des cascades, on se repose sur nos Pokémon, le temps seulement de franchir le courant puisque après, il nous faudra faire une course à pieds le long de la plage, puis retourner à l’eau faire plouf-plouf et récupérer des foulards, pour enfin finir la course à dos du Pokémon marin.
*inhale*
Pfiouh. Easy.
Plus sérieusement, j’aime bien ce programme… Ma crainte était que, à l’instar de l’Examen H, on soit contraint de faire la quasi-totalité de la compétition de nous-même, à pieds – ce qui est UN PEU le principe d’un marathon, on ne va pas se mentir. Et si ça avait effectivement été le cas, la diminution de ma condition physique au lendemain de mon coma aurait été quelque peu pénalisante… Certes, elle l’est toujours, mais dans notre contexte, les deux passages nécessitant ma force physique seule sont suivis d’un trajet à dos de Pokémon. Je vais donc pouvoir laisser mes compagnons prendre le relai et récupérer un peu, au moins physiquement.
Sharon s’ébroue, impatiente de décoller, et j’inspire profondément. Invité par Charlie, le public entame le décompte du départ.
Trois. Je sens les muscles de mon dos s’étirer.
Deux. Je me penche en avant.
Un. Mes mains agrippent fermement les côtes de Sharon.
GO.« -RAAAAAAAAAAAAAA ! »Pas besoin de donner le signal à Sharon, les cris des spectateurs et le déploiement soudain des ailes des autres concurrents sont assez explicites. Battant des ailes pour commencer à s’élever du sol, elle décolle en poussant un nouvel hurlement : direction, tout droit.
Nos nombreux allers-retours de l’académie au sommet de la montagne ne m’auront pas seulement fait gagner du temps. Ils auront également permis à la Ptéra de s’habituer à ma charge sur son dos, et moi, à appréhender le vide qui s’étend sous mes pieds.
Sharon est mon tout premier Pokémon volant, et je l’ai obtenu de manière quelque peu précipitée au beau milieu d’une guerre civile. Le lendemain, on fuyait Lansat, puis Cobaba tout de suite après, et deux semaines plus tard, je tombais dans le coma. Pas vraiment eu le temps de faire connaissance, donc.
En fait, quand nous nous sommes revus, quatre mois et trois semaines plus tard, elle ne m’a même pas reconnu.
Cela n’a pas été trop difficile d’à nouveau l’apprivoiser, ayant côtoyé les humains depuis toujours, mais le choc a été rude. Pendant un instant, j’ai bien cru que l’ensemble de mon équipe était passé à autre chose… Heureusement, elle a été la seule.
‘Fin. « Heureusement ».
En récupérant Sharon auprès de Palladium, j’ai promis à elle et la scientifique à sa charge de lui offrir le ciel qu’elle désirait tant. Et à cause de moi, elle a été trimballée de région en région pour finir immobilisée dans les environs de Rivamar, loin de son compagnon Terry.
Il lui aura fallu attendre mon réveil et la fin de ma rééducation pour enfin trouver un territoire où il lui est possible de voler sans retenu. Adala est grand mais facilement limité dans l’espace, en plus de proposer des hauteurs vraiment variées : c’est un terrain de jeu parfait pour elle qui souhaite appuyer sa domination du ciel.
Peut-être que son espèce s’est éteinte, jadis, mais Sharon tient bien trop à sa place dans la chaîne alimentaire pour se laisser abattre aujourd’hui.
C’est pourquoi je lui fais pleinement confiance pour la première partie de ce marathon. Mes cheveux s’agitent au vent, même ceux en partie dissimulés par mon masque Pikachu, calé sur le coin supérieur gauche de ma tête. Ma combinaison d’eau aussi est pas mal secouée, mais pas de quoi-
///
« -Attends, t’as concouru avec ce masque débile sur le crâne ?-… »Caroline pointe du doigt l’accessoire vissé à l’emplacement de mon ancienne blessure. Passant outre sa remarque, je lui réponds d’une voix monocorde.
« -J’ai pris l’habitude de le garder depuis que je suis sorti du coma. Mes cheveux n’ont pas encore repoussé à cet endroit.-Ouais mais… Quand même… Tu ne te sens pas trop ridicule, avec ?-…. »Je porte ma main jusqu’au-dit masque, et tire une petite moue attristée.
« -Je l’aime bien môa... » j’abaisse ensuite mon bras
« Mais, euh, qu’importe. J’étais en train de parler, veux-tu ?… Bref, juste après le départ... »***
Sharon et moi survolons la côté ouest d’Adala, encerclés par des tas d’autres compétiteurs. Mais assez rapidement, la distance qui nous sépare se creuse, et gagne en importance au fur et à mesure que les secondes passent. La raison ? Elle est purement mathématique. Avec une base de Vitesse de 130, Ptéra est ni plus ni moins que le plus rapide des Pokémon Vol. Enfin, pas tout à fait : l’espèce est battue par Ninjask, qui atteint la vélocité monstrueuse de 160, mais est bien trop petit et faible pour porter qui que ce soit. Et le seul autre Pokémon Vol a avoir également une Vitesse supérieur à 130 n’est nul autre que… Méga-Ptéra, dont la Vitesse passe à 150 après Méga-Évolution. Alors bon, autant vous dire que niveau concurrence, je ne m’en fais pas trop.
Par contre, si personne ne la bat… Il y a bien une espèce de Pokémon capable d’égaliser…
« -Salut Ginji. » Je tourne brusquement la tête lorsqu’une silhouette vient se positionner à notre hauteur. Nino a troqué ses verres rectangulaires contre des lunettes d’aviation plus adaptées au vol à grande vitesse, et se maintient sans le moindre mal sur le Nostenfer qui avance à même allure que Sharon.
« -Elle est imposante, la bête que tu as ramenée ! Je ne pensais pas que tu avais ce genre de Pokémon... » Avec le vent et la vitesse, nous sommes contraints de parler très fort pour nous entendre, mais parvenons malgré tout à communiquer.
« -A vrai dire, c’est le seul Pokémon capable de voler avec môa que je possède ! En tout cas, c’est bien joué de ta part. Tu profites de ta petite taille pour voler à dos d’un Pokémon tout aussi rapide et moins apte au transport. »Il sourit, visiblement fier de son coup.
« -Et encore, tu n’as rien vu. Chiro ! Fonce ! » Il n’en faut pas plus à la créature pour gagner encore plus en vitesse, et nous dépasser, Sharon et moi. Je le regarde filer droit devant avec des yeux ahuris, mais me ressaisis toutefois très rapidement. Nino est un Pokéathlète qui n’a pas perdu une seconde d’entraînement depuis notre dernière rencontre, normal que son Nostenfer soit plus rapide que ma Ptéra entraînée depuis tout juste deux semaines ! Pas de quoi se décourager, cependant, nous sommes toujours devant une bonne partie des autres candidats, et il reste de nombreuses épreuves pour nous départager…
« -Vas-y Sharon ! Montre-lui ce que tu as dans le ventre !-Ptéééééééééé…. !-N-non ! Je ne t’ai pas dit d’utiliser Ultralaser ! Annule cette attaque t-tout de suite ! »La pauvre a tout juste entrouvert la gueule et chargé un début de rayon énergétique que je l’interromps. Elle se ravise donc en un grognement contrarié, et décide de diriger sa frustration vers le battement de ses ailes, dont la cadence augmente.
Je me gratte la joue et souris nerveusement, bien content qu’elle se soit arrêtée à temps. Déjà parce que si Nino avait été carbonisé, j’aurai eu des problèmes (bah oui, un peu quand même), et ensuite parce que les capacités sont strictement interdites durant le marathon… J’avoue trouver le concept un peu bizarre, le fait de voler ou nager à dos de nos compagnons équivalant à une capacité Vol ou Surf selon la législation de certaines régions. Et puis, si je n’ai pas le droit de me servir de toutes les ressources de mes Pokémon, je vais être un peu frustré, moi ! Mais bon, si on veut l’emporter loyalement, il va falloir s’y plier, donc pas l’choix. L’Ultralaser sera pour plus tard ! En attendant, on doit purement et simplement tracer jusqu’au premier véritable obstacle…
Les cerceaux.
Le château de Malnova se détache de la côte, et avec, un étrange parcours de disques en suspension dans l’air. Ils forment un chemin très précis qui n’a pas l’air bien compliqué à deviner : ce qui va être plus délicat, c’est réussir à passer au travers de chacun des cerceaux en une seule fois. On se croirait dans ces jeux-vidéos, où manquer un cerceau revient à faire un demi-tour cassant toute inertie…
On va voir si le gameplay est jouable.
« -Dès qu’on passe dans l’un d’eux, replie tes ailes ! »Sharon acquiesce, et se concentre pour traverser sa première cible. Le premier cerceau se trouve simplement en suspension au dessus de la mer, le second se rapproche un peu plus des côtes, et les suivants… Oh non, ils n’ont pas fait ça, quand même ?
Après que ma Ptéra ait traversé le deuxième, elle se dirige tout naturellement vers les remparts du château, où se trouve le troisième. Une foule s’est amassée au sein de ceux-ci ainsi que dans la cour du monument, et attend avec impatience le passage des concurrents, qu’ils vont pouvoir voir de près : les cerceaux prolongeant le reste du parcours traversent le château de Malnova lui-même ! Les quatrièmes et cinquièmes demandent de prendre un peu d’altitude au dessus des jardins et de redescendre tout de suite après, puis le sixième nous oblige à passer par une arche en pierre, et le septième… Attendez, ils ont ouvert la salle de bal pour nous faire passer au travers ?! Ils n’ont pas peur pour leur patrimoine, dîtes donc… Sharon et moi passons donc l’imposante baie vitrée qui donne normalement sur la terrasse de cette gigantesque salle, et n’avons qu’à foncer tout droit pour ressortir par la grande porte. Le huitième nous fait ensuite traverser l’entrée du fort et survoler son pont-levis, et le neuvième nous dirige droit vers…. Le sol. La fin du parcours ! Je peux déjà voir d’autres montures volantes posées non loin ainsi que d’autres élèves qui s’élancent dans la forêt à pieds. Les Pokémon déjà présents ne sont pas très nombreux, une dizaine tout au plus, et je reconnais sans mal Chiro, le Nostenfer de Nino... Allez, on a du retard à rattraper !
« -Vas-y Sharon, t’y es presque !-RAAAAAAAAAAAA ! »Son rugissement guerrier vient glorifier son arrivée triomphale, après qu’elle se soit posée en un bruit assourdissant. C’est définitif, elle n’y va jamais dans la délicatesse ! Mais peu importe, d’un bond, je descends de son dos, et passe une main sur son encolure.
« -T’as géré ma grande. Repose-toi bien. »En courant, je passe devant un membre de l’organisation chargé du soin des montures, et lui adresse un petit sourire.
« -Je pense qu’elle est affamée, ne tardez pas trop à la nourrir ! »Il coule un regard interdit en direction de la Ptéra, qui hurle à nouveau, et je m’élance en direction de la forêt sans plus m’en préoccuper.
S’il y a une chose que l’on ne peut pas imputer à ce marathon, c’est qu’il nous fait découvrir Adala en long et en large. Un bien joli coup de la mairie pour faire découvrir ses panoramas au reste du monde tout en les distrayant… Mais malheureusement pour moi, je n’ai pas le temps pour une visite guidée ! C’est avec le pas vif et régulier que je foule le sol de ce bois m’étant totalement inconnu, et dont le seul sentier indique très clairement la marche à suivre. J’espérais pouvoir rattraper mon retard sur Nino avec cette nouvelle étape, mais je me rends bien vite à l’évidence :
Mon corps n’est plus ce qu’il était.
Ou plutôt, il est redevenu ce qu’il était avant que je devienne Pokéathlète. Faible, peu endurant et facilement mis à l’amende. Ma vitesse de déplacement actuelle ne me convient pas du tout, mais je sais que si j’accélère encore plus, je vais claquer avant même d’arriver au bout du parcours. Et il reste encore la traversée du lac derrière… Tant pis si je perds mon avance sur les concurrents laissés à l’arrière pendant la course aérienne, il vaut mieux ça qu’être écarté définitivement de l’épreuve.
C’est donc la boule au ventre que j’approche des premiers signes de constructions humaines. Deuxième épreuve : le parcours d’obstacle. Du made in Jackie… Naïf que j’ai été de croire que son nouveau poste à la direction de l’académie m’éviterait d’avoir un jour à y regoûter.
C’est du classique. Je vais pouvoir pallier l’inconvénient de mon hospitalisation par mon ancienneté à l’académie… Je connais les tours de la Générale sur le bout des doigts ! D’abord, on passe le mur en bois en s’élançant dès la base pour agripper le sommet. Ensuite, on rampe sous le filet en utilisant ses coudes et ses genoux, et les barreaux en tirant sur les bras. Vient ensuite la succession de saut de haies et de barres à éviter : des petits bonds et abaissement réguliers, au plus près des obstacles, sont ce qu’il y a de mieux pour gagner un maximum de temps. Reste ensuite le passage en équilibre sur la poutre, le seul truc pour lequel je suis à peu près à l’aise, et je devrai pouvoir arriver près du lac...
« -Hiiiiiiii ! Je n’ai pas signé pour ça, moi ! »… Si tu parles du contrat que fait émarger Jackie à chaque nouvel élève, chère inconnue, sache que tu as accepté la possibilité de ta mort imminente.
Une élève s’est immobilisée à peine plus loin. En sueur, mais pourtant loin d’être essoufflée, la raison qui l’a visiblement poussée à s’arrêter est une série de fils tendus entre les arbres de part et d’autres du sentiers… Un labyrinthe de corde ? Pas de quoi faire un drame, non ? Ce n’est certes pas très habituel de la part de Jackie, mais cela reste un obstacle comme un autre…
Le souffle court, j’arrive à sa hauteur, et ralentit doucement l’allure pour l’observer. Je crois aussitôt comprendre la source de son embarras… Des Mimigal sont postés au dessus des différents fils, qui s’avèrent être leur toile, et attendent qu’une proie vienne s’empêtrer dedans, les yeux fermement clos. Je profite de la nécessité d’une analyse plus poussée pour reprendre mon souffle, et observer le tout avec attention.
C’est un miracle que leur piège soit encore debout après le passage des premiers concurrents… Remarquez, si les élèves devant ont été suffisamment rapides pour maintenir leur distance avec Sharon, ils sont certainement aussi doués pour passer au travers de ce genre de chausse-trape. Et nul doute que l’adolescente à mes côtés y serait elle aussi arrivée si une certaine crainte des Pokémon Insecte ne l’avait pas entravée. Mais ça, ce n’est pas oignons…
Délicatement, je tends un bras, avance un pied, et d’un mouvement du bassin, passe en dessous d’un premier fil. Je m’immobilise aussitôt que la concurrente m’interpelle, tendu.
« -N’y va pas ! Tu ne vois pas que c’est bourré d’insectes creepy ?! »J’inspire profondément pour maintenir mon équilibre et mon calme, mais ne réponds pas. A la place, je fais un pas de plus, toujours en délicatesse, et pose ma main au sol pour y attraper le bâton qui s’y trouve. J’avise alors les différents Mimigal suspendus au dessus de moi, et arme mon mouvement.
« -Si tu veux passer, sois réactive.-… Pardon ? »Ces paroles n’ont pas beaucoup de sens pour elle jusqu’à ce que je lance le bâton. Direction : la toile fixée sur l’arbre en face.
A peine le bâton a-t-il effleuré et agité le fil que tous les Mimigal ouvrent les yeux d’un même mouvement, et se dirigent vers celui-ci de leurs petites pattes velues. Je me redresse et m’élance tout de suite après, profitant de leur agitation pour traverser la nuée de fil sans me soucier de rentrer en contact avec ou non.
Quelques secondes de sprint et d’enjambement me permettent de venir à bout de ce pèle-mêle. Je jette quand même un rapide coup d’œil en arrière pour voir que les Mimigal se dispersent déjà, et que l’adolescente n’a visiblement pas eu le cran de passer à ma suite.
Tant pis pour elle, moi je fonce ! Déjà bien assez ralenti par ce piège, je reprends ma course en direction du Lac Keldeo….
///
« -Wait, wait, wait. Il y a un truc que je pige pas. »Caroline me coupe à nouveau dans mon récit, perplexe.
« -Comment t’es censé pouvoir traverser d’une traite un entremêlement de toiles de Pokémon Insecte ? Ce n’est pas hyper gluant ces machins ?... Et à quoi ça t’a servi de faire doucement au début s’il n’y avait pas besoin de faire gaffe, au final ? »Je secoue la tête de droite à gauche, et rapproche mon pouce et mon index de très près pour mimer un tout petit espacement.
« -Les toiles des Mimigal ne sont pas comme celles des autres Pokémon. Leur fil n’est pas aussi collant, plus fin, et beaucoup plus résistant. Tu pourrais t’en servir pour tendre une corde au sol et te prendre les pieds dedans sans même le casser. » j’abaisse ma main, et croise mes bras sur la table
« De plus, elles ont le fonctionnement d’un véritable système nerveux. Il suffit d’effleurer sa toile pour qu’un Mimigal sache immédiatement où se diriger pour attraper et empoisonner sa proie. J’ai donc attendu qu’ils soient distraits par le bout de bois pour passer : si j’avais touché les fils avant, ils seraient jetés sur moi et m’auraient dévoré tout cru. »Elle fronce les sourcils.
« -… Et ça ne choque personne que votre vice-directrice installe ce genre de piège ? »Je hausse les épaules, un peu habitué par le style de la maison. Caro roule des yeux, et se reconcentre.
« -Soit. Et du coup, le lac ? T’as pu gérer malgré la fatigue ?-Pfeuh. » je souris, et acquiesce avec assurance
« Tu me connais… Rien ne m’arrête ! »***
« -JE VEUX MOURIIIIIIIR, QUAND EST-CE QUE CA SE TERMINE ?! * kof kof * »Il n’a pas de fin ce lac ou quoi ?! Ça fait au moins… vingt-cinq ans que je nage, là ! Et je suis à bout de force ! Mes bras et mes jambes me hurlent de m’arrêter, j’ai bu au moins cinq fois la tasse, l’eau est gelée, je n’ai plus le moindre souffle, et ma vitesse est celle d’une enclume obèse et amputée de ses membres ! Et en plus ce que je dis n’a plus le moindre sens, JE VEUX QUE CA S’ARRÊTE ! Je vous en supplie, faîtes que cette épreuve se termine bientôt ! Je veux rentrer à la maisooooooooon, participer à ce marathon a été l’une des pires idées de ma vie avec mon affrontement contre la Team Rouage et l’invention du cocktail banane-caramel-épinards-anchois (je savais qu’y rajouter de la crème était un mauvais plan, mais eh, il fallait que je teste pour la science !).
« -Pouaaaaaaah…. Je n’en peux pluuuuuuuuuuuus…. * bloup * »Ça y est, je le sens, c’est la fin. Mon corps coule et vient s’échouer contre le sable qui tapit le fond du lac, je vais reposer là et me laisser noyer pour ensuite devenir de la neige marine et finir dévorer par un blobfish. Voila le seul sort que ma faiblesse physique mérite…
« -… I… »Qu… Qui est-ce ? Quelqu’un me parle…
« -… In… »Ah… Ça y est… Arceus en personne est venu me chercher…
« -… Tin… ? »… Tiens ? C’est étrange, pourquoi la voix d’Arceus me semble aussi familière ?
« -EH, CRETIN !-SBAF.-AIEUH ! »Quelque chose vient brusquement me frapper à la tête, et je me redresse au quart de tour. Je réalise alors que je ne suis pas au fond du lac mais juste bêtement échoué sur la berge, au niveau de l’étape où nous sommes censés récupérer nos Pokémon surfeurs…
Et c’est Oz se tient juste au dessus de moi, en lévitation sur sa queue.
Il me toise, pattes croisés, regard blasé, et m’indique la rivière à peine plus loin.
« -Parcours ? »Je me redresse, trempé, épuisé, et gelé.
« -Euh… Je t’avoue que je le sens plus trop, là… »Mes membres sont en compote, et lorsque j’observe la quantité de Pokémon qui attendent encore l’arrivée de leur dresseur, je réalise que j’ai pris du retard par rapport à tout à l’heure. Je ne saurai pas dire combien de temps j’ai mis pour arriver là à la nage (ou en dérivant, allez savoir), mais c’est clairement beaucoup trop comparé à ce que j’aurai dû accomplir.
L’air complètement indifférent, mon starter se contente de se décaler sur l’extrémité de sa queue, et me désigne l’autre d’un mouvement de la tête.
« -Je occuper. Toi grimper. »La télépathie approximative du Raichu d’Alola m’arrache un sourire. Heureusement qu’il a plus facilement maîtrisé la télékinésie et les champs électriques… Saisissant la patte qu’il me tend, je me place sur la planche de surf qui lui sert d’appendice, juste derrière lui, et m’agrippe à ses épaules.
« -Vas-y !-Rai ! »Un crépitement électrique résonne autour de lui, et la seconde suivante, il s’élance à toute allure pour rallier la rivière.
Le courant de celui-ci est bien agité, et je vois bien que les élèves avec des Pokémon Eau peu puissants galèrent à le remonter. Pour en avoir fait l’expérience lors du coaching d’Ali et Sheitan, je sais de quoi je parle ! Cette fois-ci, je n’évolue plus en milieu inconnu, mais bien sur un terrain familier. J’ai fait de très nombreux trajets à pieds de l’académie jusqu’au Lac Keldeo en longeant cette rivière, donc… Je sais ce qui nous attend !
« -Attention aux rapides au prochain virage ! L’eau est plus profonde et le remous plus présent, pense à adapter ta lévitation. »Il acquiesce, extrêmement concentré. Apprendre à flotter en suspension au dessus du sol, c’est une chose, le faire sur l’eau, une eau agitée de surcroît, c’en est une autre. Je n’ai pas la certitude absolu que Oz parvienne à maintenir le cap tout du long, et choisir Soul ou Meg aurait peut-être été plus sécuritaire. Mais…
Même s’il a moins d’expérience, Oz me paraît être le Pokémon de prédilection pour cette épreuve. A l’instar de Sharon qui s’est avérée être l’espèce parfaite pour la course aérienne, le Raichu d’Alola a l’avantage de pouvoir surfer sans subir la force du courant. Là où tous nos concurrents font face à la puissance de la rivière et découvrent les joies de l’énergie cinétique et des frottements, Oz se contente d’avancer le long d’un terrain pas tout à fait rectiligne, montant et remontant au fil des « splatch » que fait sa queue au contact de l’eau.
« -Le pont, dans dix secondes ! Saute au dessus !-D’accord ! »…. Aaaaaaanh qu’il est chou à me répondre sur un ton hyper sérieux quand je lui donne un ordre ♥ Qu’est-ce que j’aime cette nouvelle forme ! Elle est pratique et en plus elle est toute fluff, ses joues sont toutes squishies et elles dégagent un parfum sucré lorsqu’on les pince ! Qu’est-ce qu’il a bien grandi mon Pikachu chéri ! Si seulement il me laissait lui faire plus de papouilles…
« -TOI ARRÊTER !-AÏAÏE ! Ma tête ! »Le hurlement mental d’Oz est comme une foreuse qui me perce le crâne. Ok, je veux bien le reconnaître, ta forme n’a pas que des avantages : dès que je laisse mes pensées un peu trop dériver, je n’ai plus la moindre intimité !
« -Déjà que tu me laisses pas squisher tes joues dans la vrai vie, tu pourrais au moins me laisser le faire dans ma tête...-Crétin créer moi dans rêve. Toi faire assez dégâts comme ça. »Ok, elle est bonne celle-là. Je lâche un petit rire amusé par l’auto-dérision de mon starter (comme quoi il n’y a pas que moi qu’il rabaisse), et me concentre à nouveau sur la course. A voir les yeux plissés d’Oz et son regard déterminé, il se donne à fond pour faire correctement son job, donc je ne peux pas me permettre de me laisser distraire !
« -Fais gaffe à ce niveau, les arbres sont plus proches du bord et les branches dépassent. » Il acquiesce, et nous remontons la rivière de plus belle. Les cascades n’opposent pas la moindre difficulté puisque Oz peut les passer d’un bond, quelque peu soutenu par ses pouvoirs psychiques. Il comble ainsi une partie du retard que j’ai pris lors de la traversée du lac, et ainsi, finit par se dessiner devant nous…
« -La plage ! » Oui, c’est elle ! Dans quelques mètres, la rivière finit par se jeter à la mer, et le niveau du sol revient à celui de l’océan, à contrario des falaises qui longent toute la côte nord-est d’Adala.
« -Parfait ! Encore un petit effort et-WAAAAAAAAAAAAAAAAH ! » AAAAAAAAAAAH MAIS IL FAIT QUOI L’AUTRE ?! Au lieu de bondir hors de la rivière et atterrir convenablement sur la plage, Oz s’arrête net juste au bord de la berge…. M’éjectant ainsi de sa queue. J’effectue donc un joli vol plané grâce à la vitesse accumulée, et fini par atterrir la tête la première dans le sable. En un
« Grmph ! » parfaitement crédible, je m’en extirpe, et fusille du regard mon starter.
« -T’étais vraiment obligé de faire ça ?! » La seule réponse à laquelle j’ai le droit, c’est son rire satisfait. Il commence alors à se déporter en direction de la mer, sans me quitter du regard.
« -Moi contourner sable. Toi récupérer foulard. »Je me redresse, et hoche la tête. Oz a toujours détesté le sable et malgré qu’il soit désormais capable de léviter au dessus, il ne paraît toujours pas prêt à se réconcilier avec lui… Cela tombe bien, cette partie du marathon doit de toute façon se faire à pieds ! Puisque c’est le Raichu d’Alola qui a fourni tout les efforts physiques (ou psychiques, osef) de ces dernières minutes, et que j’ai juste eu à m’accrocher, j’ai eu le temps de récupérer de mes déboires aquatiques. Et surtout…
Je me débarrasse purement et promptement de mes chaussures d’eau, bien plus à l’aise pieds nus. J’ai passé mon enfance à jouer sur la plage de la route 222, croyez-moi que ce ne sont pas quelques cailloux ou coquillages qui vont m’arrêter ! Je coupe donc en ligne droite, observant du coin de l’œil Oz effectuer son détour pour me rejoindre à hauteur des ruines.
Puisque je suis trempé de la tête aux pieds, je sens aisément le souffle du vent, et positionne mon bras en prévision pour éviter les grains de sable malencontreux. Parce que ouais, il y a que dans les films que les héros courent le long de la plage devant une mer agitée sans recevoir le moindre truc dans les yeux. Je parviens ainsi à franchir la distance qui me sépare de notre destination sans le moindre mal, revigoré par les senteurs marines environnantes.
Et je vais d’ailleurs devoir payer le prix de notre rapide traversée de la rivière dans quelques secondes à peine. Certes, les autres Pokémon aquatiques sont soumis à la force du courant, mais eux au moins peuvent mener leur dresseur jusqu’aux foulards situés sous l’eau… On ne peut pas vraiment dire que c’est le cas de mon starter. Déjà qu’il n’aime pas le sable, vous vous dotez que l’eau de mer… C’est chouette, hein ? D’avoir un Pokémon doté par la nature de tout le nécessaire pour faire du surf, mais qui n’aime pas ça, j’entends.
A peine je me rapproche de l’eau que je hurle à son intention.
« -Génère une bulle autour de ma tête ! Vite ! »J’arrache mon masque Pikachu et le lui jette, par crainte de le perdre une fois dans l’eau, et il le réceptionne avec les yeux écarquillés en grand.
« -Moi faire comment ?-Môa pas savoir, mais toi faire vite ! »Et sans attendre, je commence à m’enfoncer dans la mer, avant de bondir dans l’eau, les joues gonflées.
Je la sens qui s’agite autour de moi dans un joli désordre, et l’espace de quelques secondes, une vive douleur me vrille le crâne. Mais malgré cette manipulation hasardeuse de mon environnement proche, Oz parvient à écarter l’eau dans un court périmètre autour de ma tête, me permettant d’ainsi respirer et voir pleinement. Je saisis alors un rocher reposant au fond de la mer, et son poids me permet de me maintenir à bas niveau.
Je peux donc longer sans trop de complications le tapis sablonneux océanique qui descend encore plus au fur et à mesure que nous nous éloignons de la côte. La vision de tout un tas de silhouettes humaines et Pokémon allant et venant plus loin m’informent de la position des foulards, desquels je me rapproche. Ils sont simplement noués sur des bâtons plantés sous l’eau, et même s’il me faudra lâcher mon rocher pour en détacher un, je peux rester à basse altitude en me tenant au bout de bois. J’entreprends de défaire un nœud, et mon regard dévie vers le reste des fonds marins, pour s’arrêter sur les ruines visibles plus loin encore.
Wow. Elles sont sacrément impressionnantes. Rien à voir avec l’épave à bateau de Lansat… Que ce soit l’imposante architecture, les gravures encore visibles sur ses parois ou tout simplement le décor sous-marin, tout semble en place pour sublimer le lieu.
Ouais voila. Sublime. C’est ça le mot.
Et c’est précisément cette propension qu’a Adala à vouloir tout faire en mieux que notre précédente île qui me fait détester cet endroit.
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Caroline fait claquer sa langue, et lève les yeux au ciel d’un air agacé.
« -Ca vaaaaaa. Tu ne vas pas non plus reprocher la perte de Lansat à Adala et ses habitants, quand même ? »Pendant que mes mains entourent fermement ma tasse, je soupire, et détourne le regard.
« -Non, bien sûr, mais… » je lâche un petit râle frustré
« Ça me saoule. J’ai l’impression qu’absolument tout ici a été pensé de sorte à ce qu’on oublie Lansat. La nouvelle académie flambant neuve, les compétitions qui deviennent un événement régional, et l’adoration que paraissent avoir les habitants pour notre école… Môa ça m’énerve. C’tout. »Elle sourit, cynique.
« -Ce n’est pas ça qui va faire oublier l’île à tes camarades, crois moi. Mais tu pourrais juste faire comme eux et tourner la page, tu ne crois pas ? »Je la regarde en coin, grave.
« -Ils ont eu plus de cinq mois pour ça. Moi pas. »Coupée par ma réponse, elle reste parfaitement silencieuse. Elle me toise d’un air impassible pendant plusieurs secondes dans le mutisme le plus total, et finit par balayer la discussion d’un mouvement de main.
« -Ouais, bon, passons. » elle se réinstalle confortablement sur sa chaise, et affiche à nouveau son rictus rayonnant
« T’as récupéré le foulard, et après ? »Je me décontracte moi aussi, et me concentre à nouveau sur mon récit.