La créature la fixait. Il ne faisait que la fixer. Rien d’autre, n’est-ce pas ? Après tout, les Reptincel sont des Pokémon gentils, pas vrai ? Si elle lui sourit, il sera gentil, très gentil. Peut-être même qu’il lui sourira en retour ! Comment ça, non ? Mais que pouvait-elle faire d’autre ? Mais tant qu’il la fixait, il n’allait pas la dévorer, non ? Et puis, un Reptincel, ce n’était qu’un petit dragon après tout ! Et comme tous les contes de fée, quand un dragon agresse une princesse, un prince venait la sauver ! Si si, toujours ! Surtout quand cette dernière voyage seule dans des contrées corrompues dominées par la grisaille.
Et ce prince ne fut autre que Sir Yusse ! Ohlala, enfin une personne censée sur cette île corrompue ! Enfin, outre Mademoiselle la Présidente, évidemment. Personne ne pouvait rivaliser avec elle, ne serait-ce lui arriver à la cheville. D’ailleurs, il était évident que le dragon de feu avait besoin d’applaudissements pour se sentir mieux dans sa peau, pour pouvoir relâcher toute la pression qui lui pesait sur ses frêles épaules. Devrait-elle l’applaudir ?
Le Reptincel fut attiré par autre chose que la chair fraîche qui se trouvait devant lui. Une petite friandise qui retomba de l’autre côté de l’enclos. Mais d’où cela venait-il ? De personne d’autre que Sir Yusse bien sûr ! Quel homme ! L’instant d’après, le voilà aux côtés de la fillette, pour s’assurer que cette dernière allait bien.
« Tu vas bien ? Il t’a blessée ? »
La galanterie d’un homme, incroyable ! La fillette prit un moment pour reprendre ses esprits. Mais, et le Reptincel ? Allait-il bien ? N’avait-il donc pas besoin d’applaudissement pour être heureux ? Seulement une friandise ? Après tout, pourquoi pas. Tant qu’il était heureux, c’était le principal ! Il y avait bien d’autre moyen de rentre les citoyens de son futur royaume heureux, même si les applaudissements pouvaient énormément aider.
« Oh, non, je vais bien. Merci beaucoup ! »
C’est avec une certaine résignation que Lise dut admettre que se renseigner au sujet des pensionnaires serait utile. Mais était-ce vraiment à elle de faire cette part du travail ? Certes, elle ne pouvait blâmer les pauvres Pokémon maltraités en ces terres corrompues de ne pas ressentir la prestance que dégageait leur future princesse, mais entre ça et faire un travail de plébien, il y avait tout un monde. Non pas que Sir Yusse soit un plébien, loin de là ! Mais il y avait tant d’autres choses à faire pour une princesse, voyez-vous.
Enfin bon, elle essaya ensuite de faire fonctionner ses neurones tant bien que mal afin d’assimiler les informations que le jeune homme lui transmit. De toute évidence, les pensionnaires de ces enclos n’avaient pas eu une vie facile. Vivre dans un tel lieu les aidait-il vraiment ? Peut-être que s’ils avaient un château à leur disposition, ils pourront se réintégrer à la société – la vraie société, pas cette chose corrompue infestée par la plèbe – plus rapidement ? Hum, si elle voulait se montrer digne d’une prétendante au trône, cela devait faire partie de ses préoccupations. Elle y reviendra dessus plus tard. Pour le moment, la priorité était sur le repas de ces pauvres pensionnaires.
La distribution de nourriture se déroula, non sans difficulté. En effet, connecter ses neurones un à un afin de se souvenir des moindres détails auxquels elle devait faire attention avant de finir en pâté pour Snubull. Être une princesse, c’est surtout répondre aux attentes de ses citoyens, aussi inférieurs soient-ils. Se souvenir de n’émettre aucun son en entrant dans l’enclos du Ramboum, faire attention à où poser les pieds dans l’enclos du Seviper, nourrir le Monaflemit directement sans quoi il se laisserait mourir, nourrir l’Osselait avec une perche au risque de se recevoir de violents coups d’os.
Enfin, la distribution prit fin. Lise soupira, extenuée. Pourquoi la vie de plébienne était si dure ? Mais était-ce vraiment une vie de plébienne qu’elle était en train de mener ? S’assurer du bien-être de ses citoyens faisait partie de ses devoirs après tout. Décidément, la vie de princesse est d’un compliqué. Heureusement que Sir Yusse était là pour l’épauler dans cette épreuve difficile ! Le voilà qu’il planifiait déjà la prochaine tâche à laquelle ils devront s’atteler ! Et ce n’était autre que… Du nettoyage. Plus précisément, du ramassage d’excrément. De fiente. Parfait ! Rien de telle pour occuper une si belle journée ! Lise observa son binôme s’éloigné, poussant une brouette, une pelle à la main. Un peu dépitée, elle attrapa une pelle à son tour. Il fallait se mettre au travail, bien qu’il fallait bien avouer qu’elle n’était pas spécialement motivée.
Elle poussa un portillon au hasard, soupira lorsque la douce odeur fécale vint lui chatouiller les narines. Gé-nial. Un ronflement sonore retentit. Elle leva la tête. Le Monaflémit. Parfait. Elle fit un premier tour de l’enclot, à la recherche de d’excrément qu’elle pourrait ramasser afin d’accomplir sa tâche. Mais rien. Rien de rien ! Comment ça, était-ce un Pokémon propre ? Mais comment s’était-il débarrassé de ses fientes tout seul ? Surtout quand le concerné ne faisait rien d’autre de ses journées autre que dormir ? Et surtout, comme justifier cette odeur désagréable qui venait agresser les narines de Lise ? Elle refit un tour de l’enclot, puis aperçut enfin cette tâche coupable. Cette tâche brunâtre, sale, dégueulasse, qui dépassait du dos du Monaflemit. Oh non. La fillette ne put retenir une grimace. Pourquoi une princesse devait donc subir cela ? Et elle ne pouvait de toute évidence pas gérer une telle affaire toute seule. Inspirer. Expirer. Il lui fallait de l’aide. Elle revint alors sur ses pas pour retrouver Sir Yusse.
« Hum, permets-moi de te déranger, Sir Yusse ? Il semblerait que le principal à débarrasser de l’enclos du Monaflemit se trouverait dans son dos, sous le corps du concerné, elle déglutit, vu qu’il ne se lève jamais. Du coup, il faudra qu’on s’en occupe à deux. Si tu as un peu de temps bien sûr. »