MARIE R. UANA
« Valse Glacée »Sa main se resserra dans la sienne.
Comme à son habitude, le silence seulement accueillit ses paroles.
A l’accoutumée néanmoins, une gestuelle précise l’accompagnait.
Ici, il n’en était rien.
Marie se laissa simplement entraîner.
Non, plus que cela…
Elle accompagna le mouvement.
Pour autant, c’était Nolan qui guidait. Depuis le début de la soirée, il s’était contenté de sensiblement suivre l’usage. Tandis que désormais, il agissait de son propre chef.
Cet anodin changement comportemental revêtait d’une importance primordiale aux yeux de la blanche. Un sentiment inédit d’excitation faisait vibrer son cœur, et projetait dans ses membres une énergie dont elle ne se savait pas capable. Elle avait envie de jouer. De briser les interdits. Et souhaitait s’accorder cet instant d’euphorie qui manquait tant à sa vie.
Ils passèrent d’allées en allées, de salles en salles, de marches en marches. Ne s’arrêtant qu’un bref moment pour réunir les ingrédients nécessaires à un obscur rituel. Aux yeux de beaucoup, il s’agissait probablement d’actes anodins. Mais pour Marie, ils témoignaient d’une malice infinie. Une malice… Qui se reflétait en d’anormales étincelles, pétillantes dans ses prunelles habituellement vides et éteintes. Un fin sourire sur les lèvres, elle se ressaisit ensuite des doigts de Dèannag, les ancra fermement entre les siens, et resta à sa suite.
Les deux coururent, enfants trop sages qui ne se découvraient qu’à peine. Une musique de fond combla le silence pourtant si apprécié par Marie, le remplaçant par quelque chose d’encore plus exquis. Bientôt, une bourrasque de vent vint rafraîchir son visage, agita ses cheveux, pendant que tous deux s’avançaient sur le toit du gymnase où la magie allait s’exécuter.
Leurs pas se firent plus lents, leurs mouvement plus calculés. Ils s’immobilisèrent un instant au centre, regards dirigés l’un vers l’autre. Ils attendirent seulement de se synchroniser avec la musique qui s’élevait par dessous.
Et ils dansèrent.
Main dans la main. Ils volaient au dessus du gymnase, surplombaient cette académie déserte, et n’étaient plus soumis à la moindre force gravitationnelle. C’était en tout cas ainsi que Marie le percevait. Elle se sentait léviter.
L’expression « se voir pousser des ailes » prenait alors tout son sens. La symbiose, l’alchimie, la résonance de deux cœurs : tous ces concepts abstraits et trop peu Mariesques paraissaient pourtant des plus réels. Pour ce soir, elle était prête à abandonner toutes ces croyances, oublier ses préceptes et laisser son âme s’animer à la chaleur de ce sentiment inconnu.
Oui… Quelque chose s’éveillait en elle. Elle le ressentait, du fond de ses tripes, prenant petit à petit en ampleur, jusqu’à pleinement envahir l’intégralité de son être.
Ce sentiment… C’était….
Elle s’immobilisa soudainement, lorsque la chorégraphie le voulut. La musique continuait, mais voila qu’elle n’était plus qu’au second plan. La mélodie qui la faisait vibrer, désormais, trouvait sa résonance au cœur de sa cage thoracique. Elle se laissait emporter par son tempo enivrant, ressentait la chaleur de Nolan dans son dos. En fermant les yeux, elle se crut même capable de ressentir ses propres battements.
Tous deux ne formaient qu’un.
Elle arrêta de penser, d’être, d’exister. Elle ne voulait plus qu’être définie aux côtés de Nolan. Parcourir de ses doigts sa peau, sentir son souffle sur sa nuque, respirer sa senteur si caractéristique. Plus que tout et plus que jamais, elle ne désirait qu’elle et lui.
Désir partagé.
Ses yeux se rouvrirent à temps pour capter son geste.
Un vif réconfort l’envahit alors.
Elle souhaitait réagir, trouver quelque chose à répondre.
Mais elle n’eut guère le temps.
Son visage se rapprocha du sien.
Ses doigts écartèrent une mèche de cheveux.
Et leurs lèvres s’accolèrent.
***
Mon cœur… Bat.
Il bat… Si fort.
Alors même… Que mon souffle se mêle au sien…
Je respire.
Je respire enfin.
Une bouffée d’air… Envahit mon corps. Emplit mes poumons.
Et fait battre mon cœur.
Je crois qu’enfin…
Je vis.
Pour la première fois…
Depuis mon enfance.
Depuis que j’existe.
Depuis que je foule cette terre.
Je me sens…
Vivre.
J’en ressens…
La raison.
L’envie.
Le besoin.
Je vis…
Et je vivrai.
Via lui.
Avec lui.
Grâce à lui.
Je veux exister.
Perdurer.
Persister.
A ses côtés.
Pour toujours.
L’éternité.
Je veux…
Absolument.
A tout prix.
Et à jamais.
L’aimer.
Je l’aime.
Je l’aime de tout mon cœur.
Je l’aime plus que tout.
Je l’aime… Comme je n’ai jamais aimé.
Mais cet instant n’a rien d’éternel.
Nos bouches se séparent.
Et je le regarde, droit dans les yeux.
Et soudainement…
Un frisson m’envahit.
Une crainte…
Que je pensais éteinte.
Disparue à jamais.
Mon regard s’abaisse. Un poids se forme en mon for intérieur.
Et ma voix, elle, se fait tremblante.
« -Embrasser un homme… Fut autrefois le plus inconsidéré de mes actes. »« -Par ce geste… Je me suis condamnée. » « -A la solitude. A l’indifférence. Au désespoir. »« -Cet homme, que j’avais embrassé… Était supposé devenir mon fiancé. »« -Mais il a pris peur. Fui. Et projeté sur moi un voile de honte, que ma famille ne put tolérer. »« -Je me suis retrouvée seule. Déshéritée. Abandonnée. »« -Perdue dans cette masse de gens à laquelle je ne pouvais m’identifier. »« -Dèannag… J’ignore si je pourrai surmonter cela une seconde fois. »« -Je ressens le besoin… De savoir. »« -D’être rassurée. »« -Donc… Je vous en prie… »« -Dîtes-moi... Si… »« -Il vous paraît… Sensé… »« -Que de croire… »« -Qu’ensemble… »« -Nous pourrions… »« -Tous les deux… »« -Et pour le plus de temps possible… »« -Vivre… »« -… Heureux ? »Je ne redresse que fébrilement la tête.
Et cherche la réponse dans son regard.
HRP :
Ils se pécho.
Puis Marie fait sa dramaqueen.