Mon histoire commence il y a quinze ans. Un soir de pleine lune, en 2005, les habitants d’une petite maison en campagne s’agitent. Il devait être proche de minuit, quelque chose comme ça, et les lumières du logement éclairaient la nuit douce et fraiche. A l’intérieur, une femme, ma mère, est allongée sur son lit, et peste contre des douleurs, alors qu’elle s’apprête à me donner vie. Un homme, mon père, commence à paniquer. Il faut croire que la naissance de mon grand frère, onze ans plus tôt, ne l’a pas aidé. Il n’en avait rien appris. Soudain, on frappe à la porte. Soupir de soulagement pour Monsieur. Le médecin est là, avec une collègue, pour aider Madame à donner naissance à la plus fabuleuse et magnifique des enfants : moi.
Les minutes se transforment en heures et, peu après que minuit ait sonné, mes premiers cris se firent entendre. Arrachée dans un premier temps à cette douceur maternelle qui m’était due pendant neuf longs mois, j’exprimais mon désir de retourner auprès de ma mère, ce qui ne tarda pas. Lovée dans ses bras, contre sa poitrine, je m’apaisais doucement alors qu’elle me susurrait des mots doux. Maman, comme je l’appellerais désormais si souvent, était ma seule raison, mon unique monde. Mais avant de s’endormir, Maman avait encore une tâche à accomplir. Je n’étais que « la petite fille » ou « le bébé ». Mais cela allait changer. Maintenant.
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Bienvenue dans ce monde, Diana.Ainsi donc, pour le reste de ma vie, je m’appellerai Diana, Diana Blackstone. Je ne pouvais contredire cette volonté presque divine de Maman de m’appeler ainsi, et je ne pouvais qu’aimer ce nom qui m’avait été offert. Ma vie allait désormais commencer ici, et maintenant.
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Ta vie fut linéaire et centrée sur ta maman, et ce pendant quelques mois. Au terme de ces quelques mois de bonheur, un jour, Maman se réveilla vers 8h00. Papa se préparait pour aller au travail. Il était employé de bureau, et le resterait probablement jusqu’à la find e sa vie. Il n’était pas très ambitieux, et ne voulait pas faire de Maman la reine d’un château qu’elle aurait amplement mérité. C’était Maman après tout. Elle méritait même de gouverner le monde entier. Tu l’aimais. Mais heureusement, tu n’allais pas rester seule à la maison. Maman était une femme au foyer. Elle offrait toute sa vie et son énergie pour ses enfants. Toi qui te croyais seule, tu n’allais pas tarder à découvrir un grand-frère de onze ans. Son nom ? …
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Julius, viens donc dire bonjour à ta petite sœur.Voilà, c’était dit. Julius. Cet enfant de onze ans, qui était ton frère. Un grand-frère. Tu ne l’aimais pas. Il demandait l’attention de TA maman. Maman, elle était à toi, pas à lui. Mais… Que fait-il ? Oooh, un câlin ? Pas mal. Mais pas suffisant. Tu te mis à pleurer : tu ne l’aimais pas. Point. Il y eut un rire, ta maman partit. Pourquoi Maman ? Où vas-tu ? Tu pleurs encore plus. Si Maman part, alors ton monde n’était plus. Mais. Oh. Ce grand-frère. Il avait un biberon dans les mains ? Tu tendis tes petites mains grassouillettes. S’il te nourrissait, alors tu l’aimais. « Areuh areuh ». « Donne-moi ce biberon, et je t’aimerai ». Et il le fit, le bougre ! Ainsi, ton monde était Maman, et Grand-frère. Il était gentil. Tu l’aimais bien. Papa n’était pas beaucoup là, mais il ne tarda pas à entrer lui aussi dans ton monde, en te gâtant comme il le pouvait.
Les années passèrent, et jusqu’à tes huit ans, tout allait bien. Tu étais une bonne élève à l’école, tu avais beaucoup d’amis, tu étais capricieuse, mais tu étais aussi un ange. Tu étais « parfaite ». On t’aimait, chez toi et dehors. Comblée comme jamais, rien n’aurait dû changer. Mais ton grand-frère avait eu dix-neuf ans. Loin derrière lui les études, il quitta la maison. Il quitta « ton » monde. Au début, tu en pleuras, tous les jours, réclamant à ce que ton sujet revienne dans ton royaume. Mais rapidement, tu compris. Son absence recentrait l’attention sur toi. Et uniquement toi. En fin de compte, qu’il ne revienne pas, cet idiot. Tu étais la seule sur le trône maintenant. Un pleur, un cri, une plainte, et tu avais tout ce que tu voulais. Tu profitas de ce droit pour tout demander. Ainsi, la petite ange devint l’incroyable tyran qui réclamait toujours plus, qui demandait encore et encore. Et ce n’était que le début…
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M’an, j’veux un pokémon.-
Mais enfin ma chérie, on ne demande pas ça com-…-
J’ai dit. Je. Veux. Un. Pokémon.La sentence était irrévocable. Tu grognais presque, tu piquas une crise, des larmes, beaucoup de larmes et des mots, durs, très durs.
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De toute façon j’sais vous m’aimez pas !Une porte qui claque, celle de ta chambre. La crise cesse, le sourire se dessine. Tu venais de blesser ta mère, mais c’était dans l’unique but d’avoir ce que tu voulais. Tu savais que Maman n’aimait pas que tu dises ça, que ça la touchait, et qu’elle venait, presque en larmes, pour s’excuser. Et c’est ce qu’elle fit. Elle toqua à la porte, tu repris les larmes.
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Désolé ma chérie. Je sais que c’est dur pour toi… Depuis que Julius est parti, tu dois te sentir seule.Bingo. Tu eus droit à un câlin, et la promesse de ce pokémon. Deux jours plus tard, tu déchantas : un Keunotor. Voilà tout ce que tu avais mérité ? En voyant le pokémon, tu lanças tes jouets à son visage en criant « J’en veux pas, il est moche ! Il est nul ! Mes copines elles ont des pokémons mignons ! J’veux un Laporeille ! ». Une crise existentielle. Mais cette fois, Papa n’était pas d’accord. Il te gronda, tu hurlas, et tu claquas la porte. Avec un peu de chance, ça allait fonctionner. Tu attendis, encore et encore. Une dispute ? C’est ce que tu entendis. Papa et Maman ? A propos du pokémon ? Qu’importe. Tu t’en fichais… Mais tu n’aurais pas dû. Tu ne l’appris que trop tard… Mais qu’importe, là, tu ne le savais pas. Et le lendemain, plus de Keunotor. Et à la place, posé sur la table, une autre pokéball. Tu la pris. Laporeille ! C’était génial, tu étais contente. Tu pris le pokémon dans tes bras et tu courus partout, heureuse, aux anges. Le pokémon t’adorait. « Lappy ». C’était son nom. Lappy et toi étiez les meilleurs amis du monde. Tu le montrais à tout le monde, les premiers jours, les premières semaines…
Au bout de trois mois, la réalité te revint en pleine face. Un pokémon, ça s’entretient. Ca se nourrit, ça se soigne. C’était chiant, hein ? Personne ne voulait le faire à ta place, pas même tes parents. Ils venaient de se liguer contre toi : « Ecoute ma chérie, tu l’as voulu, et tu l’as eu, ce n’est pas un jouet ». Encore une crise. Cette fois, tu jetas la pokéball en affirmant que tu ne voulais plus de ce fardeau. Et plus jamais tu n’approchas le pokémon. Ta mère le récupéra, et s’en occupa, le cœur fendu par une telle réaction. T’avaient-ils trop gâté ? Etais-tu devenue la pire des enfants, à la fois tyrannique et égoïste ? Ils craignaient le pire… Mais tu étais toujours une bonne élève, et tu avais beaucoup d’amis, alors ils se disaient que ce n’était qu’une phase, et que tout irait bien.
Ton monde s'écroula un peu plus l'année d'après. Tu n'avais pas fait attention à ta maman, tu n'avais fait que remarquer son absence de plus en plus. Ce que tu ne savais pas, tu le découvris un matin, en été. Il faisait chaud, mais c'était agréable, il n'y avait pas un nuage à l'horizon. Tu vis la Laporeille se presser dans la chambre de Maman, paniqué, suivi de ton père. Quelques minutes plus tard, on sonna à la porte. Ce fut toi, petite Diana de neuf ans, qui ouvrit. Tu découvris un homme et une femme, habillés de blouse blanches et avec un sac à la main. Ils te disaient vaguement quelque chose. Ce que tu ne savais pas, c'est qu'il s'agissait du couple de médecin qui t'avait mise au monde. Et qu'ils s'apprêtaient à répéter leur action.
La porte de la chambre se referma sur toi, t'empêchant de voir ce qu'il s'y passait. Des cris, des soupirs, quelques mots et… des pleurs. Derrière la porte, tu serrais les poings. Ces pleurs étaient ceux d'un bébé. Maman t'avait trahi et avait donné son monde à un autre enfant. Ariana. Une fille. Une petite soeur. Une créature immonde que tu n'aimerais jamais. D'autant plus qu'elle demandait toute l'attention que tu avais eu jusqu'à maintenant. Ariana. Ta mort sera mon jour de joie. Cette naissance ne fit que renforcer tes crises. Tu devais assoir ton pouvoir et mater ce petit monstre.
Seulement voilà. Tu détestais ouvertement la petite, cette Ariana qui n'avait rien demandé, et tes crises ne faisaient plus d'effet. « Plus tard Diana ». Combien de fois avais-tu entendu ces mots ? Ils renforçaient la rage qui t'animait, et ta haine envers ta petite sœur n'en était que plus intense. Tu la haïssais maintenant, mais chaque fois que tu t'exprimais, les paroles de tes parents devenaient de plus en plus dures. « Tu es grande maintenant, cesse tes caprices », « C'est ta petite sœur. Tu dois l'aimer », « Ariana n'y est pour rien, Diana. La détester n'y changera rien ! ».
Tu passas quatre ans ainsi, à continuer de tenter, à redevenir la petite ange que tu avais été. Meilleures notes, bonnes actions, sourires… Tu avais tout donné… Mais rien n'y faisait. Tour était pareil. Toujours elle, jamais toi… Tu t'enfermais lentement dans ton propre monde, excluant désormais tes propres parents. Et le mot de trop, l'action qui réduisit à néant tes efforts, qui brisa tes espoirs sans pitié, fut le jour où, petite Ariana de quatre ans, vit s'offrir un Keunotor ET un Laporeille. Tu pouvais les reconnaître entre mille. Ces deux pokémons qui avaient croisé ta route. Que tu avais repoussé. Ils appartenaient désormais à l'immonde et horrible sœur qui se tenait devant toi. Ariana, ton désespoir sera ma fierté. Tu ne voulais plus juste la haïr, tu voulais la détruire, elle qui avait changé tes parents, qui était entrée dans ta vie avant de tout briser. Elle, Charivari dans un magasin de porcelaine. Il ne restait plus rien. La crise commença. La vraie crise. L'enfer sur terre. La fin du monde.
Au début, ce ne fut que des cours manqués. Bientôt, tu ne révisas plus, tes notes chutèrent lentement et, tel une descente infernale, cela empirait de jour en jour. Tu remis en cause l'autorité de tes parents, tu criais lorsqu'ils te sermonnaient, tu hurlais lorsqu'on t'imposait l'autorité. Tu étais une furie, tu cassais les jouets d'Ariana, tu maltraitais ses pokémons. Mais ce n'était pas suffisant. Tu commenças à t'attaquer directement à ta petite sœur. Tu la mettais en danger intentionnellement. Tu devins hautaine, tu mettais tes parents au défi. Tu te complaisais dans ce rôle de rebelle à tel point que tu commenças à fréquenter des groupes douteux. Des racailles, des délinquants. Et bientôt, tu adoptas leur posture, leurs mots. Tu devins vulgaire, intenable, sans éducation. Mais cela ne suffisait toujours pas. Tu n'avais pas l'attention que tu voulais. Ce n'était pas suffisant.
Le jour de tes quatorze ans, à l'aube même, tu fugas. Ouvrant la fenêtre de ta chambre, tu sauras avant de fuir cette maison. Tu voulais marquer le coup. Quelque chose d'énorme. Tu te refugias chez un de ces « amis » délinquants. Le jour de ton anniversaire, vers 9h00, ta mère monta pour te réveiller.
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Surprise Diana ! Bon anniver...saire…? Diana ? Diana !Panique totale. Tu n'étais plus là. Ta mère fouilla ta chambre avant de dévaler les escaliers. Elle se rua dans la cuisine et se jeta dans les bras de son mari. Elle pleurait toutes les larmes de son corps, et annonça que toi, Diana, tu avais fugué. Ton père commença à paniquer aussi, et se reprit. Il téléphona à tes amis connus mais personne ne t'avait vu. Tu avais simplement disparu. L'inquiétude les rongea pendant deux jours… Puis la porte s'ouvrit lentement, dans un grincement, te laissant apparaître dans l'entrée. L'inquiétude laissa place au soulagement. Ta mère te prit dans ses bras et pleura. Objectif atteint. C'est ce que tu crus. Ton père, quant à lui, s'approcha lentement et t'asséna la plus mortelle des gifles. Clair, net, précis. Tu le fixas, totalement choquée.
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On était mort d'inquiétude, et toi, tu reviens, deux jours plus tard, avec ce putain de sourire ?!Tu te tournas lentement vers le miroir. Tu vis d'abord la marque rouge que tu avais à la joue, puis ce dont il parlait. Tu te plaisais de voir tes parents inquiets, et tu souriais de ce malheur. Tu massas ta joue avant de fusiller ton père du regard. Désormais, tu avais les larmes aux yeux. Tu hurlais avant de te tuer dans ta chambre. Clac. Clic. Fermé à clé. Tu avais la rage aux joues. Tu saccageas ta propre chambre, et non sans faire le plus de bruit. Tu avais la haine. Il avait tout gâché. Lorsque tu te calmas, tu te laissas tomber sur le lit. Le silence. C'était agréable. Mais ça ne dura pas. Tu entendis une dispute. Encore ? Tu avais une impression de déjà-vu. Cela durait depuis un moment. Depuis que Julius était parti. Était-ce de ta faute ? Oui, totalement. Mais tu ne le savais pas, et quand bien même, tu n'oserais jamais l'avouer. Ne supportant plus cette ambiance, tu commenças à sortir, à fuguer, à chaque dispute. Tu traînais dehors, tu étais avec ces personnes peu recommandables.
Un an. Ce fut le temps que tes parents arrivèrent à tenir avec l'ouragan que tu étais devenu. Au cours de ta quinzième année, le verdict tomba. Tu irais à Adala. La négociation n'était absolument pas possible. Tu tentes de fuir, mais la surveillance fut extrême : impossible de quitter la maison sans être vue. Dans 15 jours, tu partirais. Loin de cette famille, loin de chez toi. Pour une nouvelle vie.
Bref, tu arrivas en bateau, résignée à vivre à Adala, vu que tes parents t’avaient mis à la porte. Le reste fut aussi rapide que simple. Tu allas à la Pokemon Community, tu signalas ta présence, on t’assigna un dortoir et une chambre et on te demanda d’aller voir un vieux monsieur dans un bunker. Woaw. Et il était carrément timbré. Il te posa des millions de question, cela dura bien trente bonnes minutes avant d’imposer un silence morbide pendant quelques secondes. Et tu te retrouvas avec une pokéball. Tu n’avais pas vraiment compris mais ce n’était pas grave. Il t’en donna deux vides, et tu sortis de cet étrange endroit. Ce ne fut qu’une fois rentrée dans ton « nouveau chez toi » que tu découvris quelle immondice il t’avait donné : Fantyrm. Tu lâchas un cri de dégout. Toi, ne pas aimer les têtes de lézard ? TOTALEMENT. Ce sale petit truc était aussi minuscule que dégueulasse. Il ne ressemblait à rien et il était totalement abruti ! Il se léchait l’œil en te fixant comme s’il voulait te bouffer ! Décidément, Adala allait t’en faire voir de toute les couleurs… Mais c’était probablement mieux que d’être chez tes parents. Enfin… Rien n’était moins sûr. Surtout avec ce Fantyrm. Skjalg. Il s’appellerait comme ça tient. C’est moche, ça lui va bien. Immonde bestiole reptilienne. Ils nous domineront tous un jour.