; La Griffe repose contre mon cœur.
Et avec elle, la glace qui l'entoure, ruse d'Aoi pour mieux me faire patienter jusqu'à la nuit totale et plus encore car ici l'hiver est froid et le dégel ne se fait qu'à peine sentir contre ma fourrure.
C'est une humidité qui m'enlace et m'apaise.
J'attrape la patte d'Aoi, elle si discrète, elle désireuse d'arpenter l'inconnu, elle qui a su remplacer la lumière de Salomé par la sienne, plus éclatante et plus belle que jamais.
Et je m'avance avec elle tandis que les ténèbres nous assiègent et avec eux, la nuit qui glisse et nous obstrue l'horizon, marche à l'aveugle adoucie par sa présence tiède et rassurante.
, Ça goutte légèrement.
Ça fond tout autant.
Le glaçon fait son office, relégué au rang de bulle pour protéger mon Faulkner du pouvoir de la Griffe, pour attendre le bon moment, simple pendentif inspiré de ceux de la furie rousse.
En plus artisanal, peut-être.
En plus éphémère, aussi.
J'approuve d'un hochement de tête et attrape le bras de Faulkner, me blottissant presque contre lui, les étoiles à venir dansant devant moi.
Marcher puis dormir sous la lune.
Marcher puis s'enlacer jusqu'à l'aurore.
Marcher puis s'aimer pour l'éternité.
Marchaimer.
; Les étoiles nous encerclent et nous éclairent.
Partout, du blanc.
Partout, du froid.
Et à ma droite, Aoi.
Et à ma droite, un avenir.
Je ne la lâche pas et elle fait de même, et c'est son petit cœur que je crois entendre battre contre moi, et c'est son souffle discret qui m'inonde et me réconforte, et c'est son regard qui...
, … , vrille le mien, et me transperce de parts en parts avant de me faire chuter contre ce sol qui pourrait être le notre pour une nuit, une semaine, une année, loin de la furie rousse, loin du monde entier, juste ensemble contre le reste d'Adala. Je souris plus encore et le glaçon tangue dangereusement, oscillant entre nos deux corps, se balançant en rythme tandis que ma fourrure croit reconnaître ce froid issu d'une de mes attaques passées, Eclats Glace, et la Griffe Rasoir pour nous épier le long de cette nuit sans lune, le long de cette nuit unique. J'expire...
; … ; et j'inspire, les cailloux dans mon dos m'agresseraient presque ; semblant de lames qui ont tout à envier à mes griffes. Je râle et elle rit davantage, tendre et presque silencieuse, comme toujours, me faisant monter le rouge à la gueule car il n'y a qu'elle pour m'intimider d'un seul de ses cris, d'une seule de ses œillades, d'un seul tout ou de presque rien. J'écarte la caillasse et me retourne vers Aoi, me serrant contre elle, le glaçon désormais séparé par nous et rien d'autre, protégés dans ce semblant de tanière abandonnée, au moins pour aujourd'hui.
, Il tremble.
Tout entier.
De froid ? De peur ? De crainte ?
De joie ?
Ma tête repose contre lui et j'attends qu'il se calme enfin, qu'il fasse taire l'enfant qu'il est encore, cet éternel adolescent qui n'a pas suffisamment grandi pendant sa presque année d'errance et de vagabondages.
C'est un presque adulte qui m'accompagne cette nuit.
; Alors je me souviens de cette ritournelle qui n'appartenait qu'à elle.
Et ces quelques mots qui m'habitent.
, Le ciel hurle.
C'est mon cœur que je lui offre.
; Cueillir des étoiles des neiges.
, Et les observer pousser.
; Ferme les yeux
, Le ciel crie, et moi avec
; S'étreindre jusqu'à l'aube
, S'éteindre avec la nuit
; Partir à ses côtés
, Par-delà les je t'aime
; Et s'en aller à la conquête
, De son corps,
; De son cœur ;
, Et puis recommencer
; Et puis lui murmurer
, Et puis lui murmurer
; Danse
, Danse
Danse
Juste elle et moi ;
Deux corps qui sifflent
Deux corps qui soufflent
Juste lui et moi,
Je t'enlace ; tu t'élances,
Ta Griffe se balance béante,
Et c'est moi qu'elle observe ;
Et c'est toi qui la frôle,
Je t'attrape ; tu me tâtes, je m'étire,
Je suis à lui, je suis à elle ;
Je t'effleure, tu m'affleures.
Puis nous lier
Pour l'éternité
Moi contre lui, elle contre moi ;
Nous oublier pour mieux nous confondre
Et nous effacer
D,';un geste,;
D,'; un battement,;
D,'; une caresse,;
D,'; une Griffe,;
D,'; une lumière,;
; À jamais uni à la nuit et à Aoi.
À jamais mon pelage de jais et une couronne de rubis.
À jamais mes griffes jumelles orphelines désormais aînée, cadette, benjamine.
À jamais ma plume perdue au coin de l'oreille maintenant multipliée.
, Disparue, la Griffe.
Envolé, le glaçon.
Ne reste plus que Faulkner et son regard de rubis.
Faulkner qui a de sombres airs avec la furie rousse.
; C'est l'hiver qui se noie dans ses yeux, et moi avec.
C'est mon cœur qui s'inonde de ses horizons magnifiques.
C'est ma patte qui caresse la sienne et moi qui me pelote contre elle.
C'est l'écru de sa fourrure qui m'aveugle depuis son corps ému.
C'est son parfum de rosée du matin qui m'enivre.
, D'une nuit consumée, disparu le Farfuret.
Et moi qui me penche vers lui, et moi qui veux me grandir à ses côtés, et moi qui veux juste lui offrir un bout de moi, un bout de lui, un bout de nous.
; Il n'y a plus rien à dire.
Il n'y a plus rien à faire.
Juste Aoi à mes côtés.
Et les étoiles qui filent dans le lointain.
Et les étoiles qui sourient sûrement.
Et Aoi aussi.
, Sa patte qui se balance au gré de la mienne, et moi qui observe la neige qui se remet à tomber.
Il est un blanc si pur capable de nous enterrer.
Juste du froid qui se heurte au seuil de nous deux abrités.
; Elle me semble si petite désormais.
Si fragile.
Cela aurait dû être elle, mais elle a décidé que ce serait moi.
Alors quoi ?
Il n'y a plus de Griffe désormais.
Je resserre un peu plus mon étreinte à ses côtés car pourtant...
, … , je le vois encore...
; … ; elle aurait pu briller aujourd'hui.
;,; Parce qu'il n'y a que la lumière pour survivre à la nuit. ;,;
HRP :
Evolution de Faulkner en Dimoret.