Les pas s’enchainant dans les chemins de terre battue, la danseuse ne leur trouve pourtant que peu d’harmonie. La vie lui a appris à danser, mais aussi à marcher avec la même grâce et assurance que les plus grands. Mais aujourd’hui, c’est comme si tout s’était envolé. Plus aucune assurance. Plus aucune grâce. Plus rien. Seulement des pas hésitants, des pas incapables de trouver leur chemin. Ou en tout cas sur le long terme. Car là tout de suite, la pointe de ses pieds marque une véritable direction, celle du Hameau de Skiddo. Là-haut, presque au sommet de la montagne, s’élève cette Eglise qu’elle affectionne tout particulièrement. Une des dernières traces des cultes les plus anciens mais toujours aussi présent dans son cœur. Honorer Arceus, encore et toujours. Ranya espère sincèrement qu’aujourd’hui, une prière saura lui remettre les idées en place.

Pourtant sur le papier, tout semble aller pour la scientifique en herbe. Les cours se poursuivent sans encombre et ses notes se maintiennent à une moyenne tout à fait convenable aux yeux de la blonde. Les opportunités sont de plus en plus nombreuses et ses exposés avancent à leur rythme. Malgré une longue pause, elle cherche à reprendre un rythme plus soutenu dans ses publications, histoire de se faire un autre nom que celui d’Illusion, l’enfant danseuse prodige. Sur le plan sentimental également, son histoire avec Angel se poursuit et trouve une certaine stabilité. Les deux adolescents y trouvent leur compte et les jours passant, la blonde y trouve même un certain plaisir qu’elle tente de dissimuler aux yeux de son petit ami qui serait bien trop heureux d’entendre une telle nouvelle. Une rivalité entre eux comme au premier jour, et qui n’a fait se renforcer malgré l’évolution de leur relation. Le souci Salomé continue de persister dans l’esprit de la jeune fille mais parvient petit à petit à s’effacer, ou en tout cas à prendre moins d’importance. La gitane vit sa vie, une vie dans laquelle la danseuse ne veut pas avoir de place.

Mais à côté de cette stabilité éphémère, Ranya s’inquiète pour l’avenir. D’abord à moyen terme, la situation avec l’AES s’est profondément dégradée. Après la partie de paintball dans l’hôtel, l’AES a été sévèrement sanctionnée malgré l’implication de tous les élèves de la PC et même si l’école a elle aussi eu le droit à une punition méritée, l’AES est la responsable dans l’esprit collectif de ce qui s’est passé dans cette classe verte. Une information erronée que même la danseuse est obligée de reconnaitre. Et même si son esprit de compétition n’est pas entaché, la jeune fille se doute que cette nouvelle situation ne va pas simplifier les choses sur Adala et que les conséquences de leurs actes se ressentiront tôt ou tard. Quant à son avenir sur le long terme, la danseuse à l’impression de nager dans le flou, incapable de savoir quelle place accorder à la danse et à sa carrière d’archéologue. Beaucoup de projets mais incapable de les ordonner. La pression de son passé, les espérances pour l’avenir, et Ranya bloquée entre ses deux idéaux.

Arrivée au niveau du hameau, la danseuse semble respirer enfin. Approcher d’un lieu de culte la calme, la réconforte. Prête à pénétrer dans cette petite église pour adresser une prière au Dieu des pokemons et des Hommes, elle espère que cet instant de recueillement saura l’éclairer pour lui montrer la marche à suivre. Le village est toujours aussi calme et même si au cours de sa dernière visite elle s’était permise une danse avec Paul au milieu de la neige, aujourd’hui sous la chaleur écrasante du soleil d’été, le cœur n’y est pas. Le cœur cherche des réponses, qu’elle espère pouvoir trouver ici, là où plus personne ne pourra l’influencer dans ses choix, et surtout dans ses croyances.

La porte de l’Eglise passée, la blonde constate à quel point le lieu de culte est aussi calme et apaisant. Personne n’est présent, si ce n’est une vieille femme dans le fond qu’elle ignore plus ou moins afin de se diriger vers l’avant du bâtiment, toujours aussi fascinée par le vitrail représentant le panthéon des dieux. Chaque détail passe sous les yeux experts de Ranya, toujours aussi admirative du travail fourni par ses prédécesseurs plusieurs centaines d’années avant sa naissance. La précision est sans égale et les couleurs ne semblent pas avoir faibli malgré le nombre d’années passées et la présence d’un soleil étincelant créant de superbes reflets dans la petite Eglise aux multiples charmes.

Mains jointes, yeux clos, la danseuse se sent bien ainsi. Vraiment bien. Connectée. Libérée. Enfin ça s’est si la vieille femme présente au fond de l’église n’avait pas décidé de se mettre à baragouiner de manière incompréhensible. Dérangée, non loin de l’irritation, la jeune fille se relève de sa place et se dirige vers cette autre croyante visiblement incapable de respecter le silence du lieu de culte. D’une voix douce mais suffisamment affirmée pour être entendue « Excusez-moi Madame, vous pourriez faire moins de bruit ? » Cependant, elle n’a pas l’aide s’en soucier et continue de parler, comme si elle racontait une histoire à laquelle la danseuse semble trouver de l’intérêt « En fait, vous pouvez répéter depuis le début ? »

Ranya ne s’attendait pas à être dérangée de la sorte par cette vielle femme. Il est clair que la plupart de ses visites à l’Eglise se font dans la plus grande des solitudes. Il faut croire qu’à l’heure où elle décide de se rendre dans ce lieu sacré, les habitants d’Adala sont occupés à autre chose qu’à prier, et viennent par conséquent à d’autres moments. La danseuse n’arrive pas à accepter le fait que petit à petit, tout le monde se détourne du divin, perdant la foi. Alors, même si elle a été dérangée dans sa prière par cette vieille dame, la blonde apprécie de voir qu’elle n’est finalement pas la seule à y croire.

Installée désormais tout près de la vieille femme, Ranya comprend un peu mieux ce qu’elle dit. En vérité elle récite une vieille prière à Arceus. Une prière qui n’est plus très courante mais qui s’explique par l’âge avancée de l’habitante du hameau et du coin reculé d’Adala. La modernité ne doit que rarement les atteindre, d’autant plus face aux croyances qui mettent beaucoup plus de temps à évoluer. Elle genre d’ailleurs Arceus au féminin, ce que relève la danseuse, plus habituer à genrer le Dieu des pokemons au masculin. Mais il n’y a pas de règles exactes. Après tout Arceus est asexué selon les scientifiques. Il est le père et le dieu de tous les pokemons, comme elle est la mère et la déesse de tous les humains.

Une fois sa prière terminée, la croyante réalise enfin que Ranya est présente et se relève pour lui adresser quelques mots « Ce n’est pas grave. Ça me rassure de voir que je ne suis pas la seule à prier ici. Et je ne suis pas abandonnée je suis… » Mais étrangement, les mots ne parviennent pas à sortir de la bouche de l’enfant. Elle n’est certes pas abandonnée au sens commun du terme. Mais ne serait-elle pas abandonnée dans ses croyances ? La plupart de ses connaissances ne croit pas en l’existence des pokemons légendaires. Et pour ceux qui y croient, c’est tout juste s’ils acceptent leur existence. Angel n’a jamais tenu à la suivre dans ses prières, et il est très loin d’être le seul. Alors peut-être que cette femme a raison. Peut-être qu’elle est une enfant abandonnée.

La jeune fille secoue la tête pour tenter de se ressaisir et écouter la suite de ce que raconte cette dame. Et ce qu’elle dit est beaucoup plus intéressant aux yeux de Ranya « Le divin s’est enfui ? Il y avait un gardien de cette île ? De qui il s’agissait ? » Intriguée, la danseuse espère mille fois que la croyante saura lui répondre. Même si les protecteurs des grandes régions du monde sont faciles à attribuer, pour des îles pour Adala ou Lansat, beaucoup plus éloignés du continent, rien n’est moins simple. Si cette femme peut lui en apprendre plus c’est le moment ou jamais. Chaque mot est assimilé avec beaucoup de précotions pour en tirer le maximum d’information. La blonde aimerait bien lui dire qu’elle a déjà été touchée par le divin, qu’elle a déjà été en présence d’un des dieux de ce monde. Mais, par peur de l’interrompre, elle préfère ne rien dire pour se concentrer sur ces quelques mots, disparaissant dans le silence de l’Eglise. Puis ses quelques pas l’emmènent vers l’extérieur, de quoi surprendre Ranya « Attendez s’il vous plait, j’ai encore plein de chose à vous demander ! »

Mais lorsque l’étudiante quitte l’Eglise, la vieille femme a déjà disparu, comme volatilisée. La danseuse soupire. On aurait dit un mirage mais pourtant c’était réelle. Dans un geste rapide, Ranya libère Fàfnir de sa pokeball. La spectre est étonnée de sa présence, d’habitude non conviée aux prières de sa dresseuse. Mais comprenant bien vite que la blonde n’est plus dans ce mood, elle essaie de comprendre tout ce que la jeune fille lui dit « Ecoute Fàfnir tu vas pas me croire mais je viens de voir une dame très étrange. Elle a parlé de trucs bizarres. Du divin qui avait quitté l’île il y a longtemps. Ca veut dire qu’un pokemon légendaire devait vivre ici ! Tu trouves pas ça génial ? » La strater de la scientifique en herbe se contente de hocher la tête. Elle n’a pas envie de se moquer d’elle, pas cette fois. Parce que s’il y a bien une chose que respecte Fàfnir, ce sont les croyances de sa dresseuse. « Elle a aussi dit qu’il était parti au changement de millénaire. Donc en l’an 2000. Effectivement c’était bien avant ma naissance ».

L’adolescente tourne toute seule pendant quelques instants, réfléchissant à toutes ces nouvelles informations. Après tout, même si ça ne ressemble à rien de ce qu’elle a pu lire jusqu’à maintenant, c’est peut-être l’occasion d’en apprendre plus sur les mythes cachés de l’île. Reboostée, l’enfant s’adresse à son pokemon « Je suis sûre qu’il y a une poste à creuser ! Viens on redescend et on va commencer des recherches »

Au final, Ranya n’aura même pas prié.