Appel d'Offre
Le Fond de l'Etang
Iléa Alézar
Tu as l’impression que vos méthodes opposées peuvent donner un résultat et son opposé. C’est un cadre spécifique avec une compagnie des plus singulière dans un lieu que tu n’aurais jamais imaginé visiter avec de telles personnes. Mais c’est là que réside les grands imprévus de la vie. Les grandes lignes sont tracées, mais c’est dans le détail qu’il vous appartient de sculpter vos singularités. Tu peux sentir l’éducatrice sous tension, tu n’es pas réellement le bienvenu dans son entourage professionnel, surtout que si vous étiez vus ensembles, à Sinnoh, là où les familles peuvent tout voir, il est probable que les rumeurs circulent et cela prend du temps de les étouffer… plus longtemps que quelques gorges étranglées.
Sur le navire, tu ne discutes pas ses remarques, ce qui compte, c’est la finalité, si elle tient à communiquer sur tout, alors que tout cela soit fait, dans un travail de groupe la synchronisation et l’entraide sont la clé, mais tu n’es pas sûr que Yade soit un atout charismatique de taille. Les talents de sa pédagogie sont indéniables, mais pour ça, il faudrait encore qu’on l’écoute. Chaque détail à régler viendra à son temps. Tu es curieux de savoir si les Alézar auront vent de cette vision, connaissance de cette union professionnelle qui vous unis.
Le trajet à cheval n’apporte rien d’extraordinaire, un calme relative avant la tempête, les prémices de l’ouragan, pas un vent, pas un bruit, Gorgô fait sa loin parmi les cieux. Devant cet immense manoir, tu te demandes déjà comment faire pour ne pas te perdre. Tu sèmeras le miel d’Aliénor, quitte à déguelasser le sol, tant pis, ce n’est pas toi qui lave de toute manière. Les enfants pourront récurer à leur bon vouloir.
Devant le manoir, à pied, tu laisses la Bourinnos et la Bleuseille dehors, tu viendras les rappeler plus tard, mais visiblement, il n’est pas très bienvenue de laisser tes grands pokémons avec toi. Tu consent à suivre la pédagogie de la jeune éducatrice et rappel tout le monde sauf Néron et Aliénor. Ils sont assez petits et doux pour endormir les soupçons, il faudra réellement former Néron, car si ta Démolosse commence à s’occuper de la sécurité à sa place, c’est qu’il y a un problème.
- Si il vous plaît, mademoiselle Alézar et je doute que l’imposant Steelix de monsieur Yade soit approprié en un tel endroit.
L’éducatrice se charge de la première approche et si tu t’attendais à cet accueil… Spoiler alerte, oui, tu connais Rachin, votre milieu le connaît, il s’occupe surtout du sud de la région, profitant de son accès à la mer et un lieu isolé pour blanchir sans trop de mal ses différents trafics de drogue ici. Tu n’es pas là pour débusquer un trafique régional, pas comme ça et surtout sans rien à y gagner. Le ton est froid, méprisable, c’est normal. Iléa n’a peut-être pas l’habitude de ces types, mais toi, tu sais bien qu’il se sent en confiance à domicile, mais tu n’es là pour qu’il conserve sa confiance, au contraire. Tu comptes bien lui faire prendre conscience que tu es partout chez toi et que peut importe où tu es, même tes hôtes sont en réalité tes humbles invités qui doivent se plier à ta seule et unique volonté.
Le bureau est impeccable et de sa place centrale dans le bâtiment, le contrôle est absolu. Meubles raffinés, bibliothèques, cheminée, vitres renforcées et sûrement des tiroirs à doubles fonds, le tapis à cette disposition familière pour vous. Il est trop droit pour être réellement un tapis d’usage, à croire que personne ou rien ne peut le déplacer, pas même quelques personnes qui trébuchent. Tu laisses donc la rouquine se fait humilier, vu le mépris affiché, Rachin veut juste que vous partiez, avant la conférence si possible, chaque minute de votre présence est une intrusion majeur.
Monsieur Yade tente tant bien que mal d’expliquer sa position d’enseignant-chercheur, que la transmission du savoir. Le rire narquois du chauve suffit à insinuer qu’ici, personne n’est apte à prendre en considération son savoir.
-Je suis heureux de constater monsieur Rachin que vous considérez toujours avec autant d’humanité les enfants que vous abritez. Votre dévotion à la cause sociale me touche profondément. Je suis heureux d’être présent ici en temps que partenaire professionnel de la Pokémon Community, au fond, vous et moi sommes pareil… La volonté de former la nouvelle génération au monde du travail.
Ton regard glacial transperce ses yeux noirâtres, il y a une haine qui ressurgit, oui, il y a bien quelques mômes ici qui sont là à cause de votre ambition. Mais chaque être humain mérite son morceau de pain sur terre, rien n’est dû et les plus gros morceaux appartiennent aux affamés et ambitieux. Tu en fais parti.
-Monsieur Reece, je suis persuadé que vous apprécierez la présence des jeunes Collins et Ebrusque, ces jeunes travaillaient avec leur famille dans le domaine de l’alcool également, comme il est dommage que leurs maisons aient fait faillites, peut-être pourriez prendre à charge votre rôle de futur chef de famille et leur offrir une deuxième chance ?
Le ton qu’il a avec toi est différent, la langue de bois qu’il affiche témoigne d’un mépris plus haut encore qu’à l’encontre d’Iléa qui écope au moins d’un franc parlé. Tu souris humblement avant de te lever avant de repositionner ici ton nœud papillon.
-Vous oubliez qu’aux Reece, il incombe de transmettre le respect de l’autorité aux zones anarchiques. J’espère pouvoir remplir vos fonctions durant ces deux journées afin de vous enseigner quelques basiques de pédagogie que j’ai acquis ces dernières années.
-Si vous avez l'espoir de sans cesse vous croire chez vous, j'espère que vous connaissez mieux la maison que nos pensionnaires. Car vous pourriez bien vous y perdre dans ce manoir et pas seulement physiquement.
-J'ai hâte de goûter à vos limbes monsieur Rachin.
Tu disposes alors, suivit par le vrombissement délicat de ta Apitrini. La présence des jeunes Collins et Ebrusque va clairement vous compliquer la tâche et surtout tes chances de survie. Les Reece ont coulé ces deux familles, pliés financièrement, moralement, qualitativement, psychologiquement. Les parents Collins se sont suicider en tentant de faire exploser votre distillerie et les parents Ebrusque sont en prison pour trafic d’armes gouvernemental et trafi d’organes pokémons. Il faut dire que certains rhums arrangés du marché noir ne devraient jamais voir le jour. Il se peut que vous ayez fait circulé l’information avec des preuves… il se peut que vous ayez vous-mêmes donné des indications aux Collins pour les attirer et faire croire à un suicide… Les affaires de ton père, ça te regarde pas encore exactement. En sortant, tu fermes la porte, ton regard à Iléa est dur, ce dont il faut discuter, tu n’en fera pas part à Yade qui doit croire que tout se passera bien.
-Direction le réfectoire. Nous y parviendront aisément, il suffit de suivre l’odeur.
Elle n’est pas goûtue, mais elle indique que la cuisinière à du savoir-faire pour cuisiner pareils poissons. Vous mangerez bien au moins. Durant votre descente, le cri strident de la sonnerie retenti, tu as cet instinct de survie de libérer le passage et te loger entre deux gros placards. Une foule d’élève se ruent vers le réfectoire. Ils sont habillés en blanc, long pantalons, souvent débraillés. Ils courent, crient, jurent, rien de bien poétique, ils ont entre dix et dix-sept ans, puis ils sont jetés dans le monde du travail avec un apprentissage s’ils ont de la chance. Tu préserves tes vêtements et tes épaules, ils n’auraient aucune pitié, tu parviens presque à t’effacer et lorsque les couloirs se vident, tu ressors, observant tes deux collègues.
-Prometteur.
Tu claques les portes battantes avant d’entrer, ta vue donne sur une immense allée centrale où les tables se remplissent progressivement, mais pas de façon uniforme. Tu n’as besoin que d’un regard pour comprendre qu’il y a une organisation hiérarchique en fonction de l’accès aux ressources. Les élèves les plus intimidants, ceux qui font la loi sont proches du chauffage, du distributeur d’eau, au contraire, les reclus, les faibles, sont proches des poubelles, ont les bancs en mauvais état, c’est déplorable, mais c’est la jungle et pour ne pas vous faire pouffer, il faudra immédiatement vous imposer comme des personnes fortes, mais pas des ennemis. Puisque vos affaires sont à la loge d’entrée avec le concierge, vous ne craignez rien. Le personnel semble disposer d’une aile spéciale pour manger, à l’écart dans une pièce vitrée et teintée. Ça te dégoûte. Tu as beau être un connard, tu as du mal à te faire à l’idée qu’on puisse ainsi aimer l’humiliation quotidienne. Tu n’infliges ça qu’à celles et ceux qui ont bafoués ton nom.
-Je refuse qu’on mange avec le corps enseignant. On va manger avec élèves, puisqu’on est pas les bienvenus ici, on va leur montrer qu’on est les bienvenus où nous le voulons.
La queue avance vite, les assiettes sont remplies à la louche, éclaboussées, les entrées et desserts sont plus loin, ce qui libère le passage. Les employés de cuisine n’ont pas envie d’être ici, il y a un malaise lorsque tu récupères ton assiette de ragoût au poisson. Tu te saisis d’une pomme, moche, mais au moins tu sais que celle là, elle a un avenir plus lumineux que les gamins ici. Difficile d’imaginer que tous les financements supposés ne suffisent pas à offrir mieux à ces mômes. Tu prends la route des endroits proches du chauffage. Il y a quelques places, on te regarde mal, vous êtes dévisagés, vous êtes des étrangers. Tu prends alors place, mais une voix adulte attire ton attention.
-Pardonnez mon intrusion, je suis Père Maxence, l’enseignant de théologie et qui tient également la petite chapelle. Peut-être seriez-vous mieux avec les enseignants ?
Il a peur, il n’a pas mauvais fond, ça s’entend à sa voix et se sent à sa posture. Un homme de foi, convaincu de pouvoir sauver des âmes. Ses mains sont rouges à cause du froid.
-Il y a suffisamment de place ?
-Non, hélas, toutes sont prises à l’exception d’une, mais nous pouvons nous arranger, vous avez de quoi boire ?
-Ne vous embêtez pas, vos doigts semblent bien mal supporter le froid, nous aurons l’occasion de converser plus amplement. Monsieur Yade, peut-être, devriez-vous prendre part à vos collègues enseignants, je présume qu’ils ont beaucoup à vous apprendre. Tu glisses à voix plus discrète. Nous sommes là, puis reprends plus fort. Je préfère vous savoir bien installé. Père Maxence vous êtes bien aimable.
-Venez monsieur Yade, je vais vous indiquer. La pièce est rustique, mais dispose de son confort! Je présume que vous apprécierez en temps qu'historien nos vieux meubles en provenance de Hoenn
Tu n’offres pas à l’enseignant d’histoire de réagir puisque tu t’assois ensuite. De là où tu es, tu avises clairement les frères Collins et Ebrusque sont sur la table qui te fait face. Ils t’ont reconnu, les lames de rasoir au nœud papillon sont une véritable signature. Vous êtes deux et tu sais qu’à cette table, le matériel ne te jouera pas de tours. Avant de converser, tu te lèves pour t’approcher de la cantinière sous le regard certainement intrigué d’Iléa.
-Je vous saurais gré de me fournir quelques gamelles, mes pokémons ont fait un long voyage… Cinq assiettes s’il vous plaît.
-Vous pensez que c’est un hôtel monsieur ? Rétorque une voix dans l’assemblée.
-S’il vous plaît, fais-tu en ignorant les paroles d'un ton très menaçant.
La cantinière te donne quatre assiettes, à peine remplies, traduisant la pensée des pensionnaires. Tu reviens avec un soupire, lorsque sur la route, un gamin vient te donner son assiette.
-Je n’ai plus faim monsieur et si vous avez fait un long trajet, mangez, ici de toute façon, nous pouvons apprécier la bonne gastronomie.
Blond, venant du fond, dos aux importants, pas de signes d’angoisse particulière, juste un gamin qui n’a plus faim ? Tes talents de serveur permettent la prise d’une assiette de plus.
-Ton nom jeune homme.
-Chabert.
-Merci Chabert, tu peux disposer.
Ce nom te dit rien, sûrement un orphelin ou un gamin abandonné. Visiblement, sans avenir, ses yeux pétillent, il y a quelque chose de bizarre chez lui. Il semble résigné à son sort et révolté de ne pas être au chose. Iléa doit être plus apte que toi à jauger les enfants. En revenant, tu déposes les assiettes au sol. Tu libères alors tes pokémons sauf Tomyris, trop imposante, elle ferait tâche, puis elle peut jeûner un repas, son organisme lui permet.
-Y en a aussi pour vos deux pokémons.
Tu laisses ton assiette à Néron et la pomme à Aliénor, tu mangeras autre chose, plus tard ou demain, la faim n’est pas non plus un problème. L’apparition de ta Démolosse et Bleuseille fait son effet, la fumée cramoisie de Boadicée, le regard meurtrier de Gorgô.
-Que voulez-vous faire ensuite ? Je répondrai à vos questions personnelles ce soir. En toute discrétion.

BBDragon