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Lissa Labelvi
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Lissa Labelvi
est un Coordinateur Éleveur
???

Quelque part dans le monde, un être perce sa coquille.

Perdu dans la masse, une lumière l’éblouit. Il ignore tout de ce qu’il fait là, mais… Ce qui l’éclaire est radieux, chaleureux et éblouissant.

Sa première pensée lui vient alors à l’esprit.

« Cette lumière… Qu’elle est belle... »

Elle est aussitôt suivie de la seconde.

« Moi aussi… Je veux briller... »

Alors il tend une patte.

Il peine à maintenir ses yeux ouverts, mais pourtant, il reste résolument tourné vers elle. Il tire sur son bras. Agite le bout de ses doigts. Et cherche à l’atteindre. Il effectue là son premier effort, découvre ses premières sensations, éprouve son premier tiraillement. Mais il n’y accorde pas vraiment d’attention.

A peine née, cette créature désire cet éclat. Il est déjà obnubilé par lui. Il souhaite le toucher du bout de ses pattes. Se l’approprier. Et le faire sien.

Mais il n’y arrivera pas.

Il n’y arrivera pas car il est bien trop petit. Et l’éclairage suspendu au dessus de lui est fermement accroché au plafond. Il aura beau tendre les bras, il ne fera que s’agiter en vain, et n’atteindra jamais cette lumière. D’ailleurs, il finit par retomber sur le dos, tout pataud qu’il est, dans les restes de sa coquille.

Après avoir éprouvé la vue et le toucher, c’est son ouïe qui s’active. Des expirations s’élèvent, au dessus de lui. Et s’il est encore bien incapable d’en comprendre le sens…

« -…. Oh ! Regarde ça !
-Qu’est-ce que…. ? Arceus ! Est-ce que… C’est ce que je pense ?!…
-Je crois bien oui ! Regarde… L’éclat de sa peau ! L’étincelle dans son regard !
-Oui… Oui, aucun doute ! C’est… C’est sublime ! On dirait bien que nous avons touché le gros lot !
-C’est… C’est un spécimen magnifique ! Probablement le plus beau que nous ayons jamais eu ! »

… Ce qu’il perçoit dans ces voix, c’est… Un sentiment. Le même… Qu’il a éprouvé à la vue de cette lumière.

Ce sentiment, c’est…

De la fascination.

De l’admiration.

De l’envie.

Lentement, il se redresse. Toutes ces éloges… Lui plaisent. Il n’est pas certain de comprendre pourquoi. Il ne sait même pas comment. Mais cette chaleur, cet enthousiasme qu’elles dégagent…

Elles font battre son petit cœur.

A pleine vitesse.



Il y a juste…

Un problème.

Un petit problème.

Un petit, et anodin, problème.

Il le réalise lorsqu’il tourne la tête. Qu’il constate qu’autour de ses fragments de coquille, il y a plein d’autres fragments de coquille. Et que sur ses fragments de coquille, il y a plein d’autres petits êtres, comme lui. Que tous ces petits êtres, lui ressemblent étrangement. Que tous, eux aussi, à leur rythme, s’éveillent à la lumière. S’éveillent à la vie. Et prennent conscience de leur existence.

Tous… Sauf un.

Un être d’exception. Un être étincelant. Un être… Lumineux.

D’une différente couleur. D’une taille plus grande. Placé très exactement au centre de la pièce. Et… Entouré d’une sorte…

D’aura.

Une aura qui, à contrario de ses comparses...

Semble…

Grandiose.

Toutes ces éloges. Tous ces compliments.

Toute cette admiration qu’il vient de percevoir.

Elles ne sont pas pour lui.

Mais pour cet être sublime.

Et hypnotisant.

Qui se tient juste là…

Au milieu de cette masse d’êtres semblables et interchangeables.

Il brille.



Et tout ça, il n’a pas besoin de suivre le regard fasciné des humains pour le comprendre.

Il le réalise très bien tout seul, rien qu’en posant ses yeux sur sa silhouette.

Il vient juste de naître. Il ne saisit pas tout.

Mais malgré ça, il comprend.





Il comprend qu’ils ne sont pas tout à fait les mêmes.





C’est ainsi que notre petit être découvre ce sentiment appelé déception.







***

Rapidement, notre petit être, Vipélierre de son état, s’est vu attribuer une étiquette à la patte.

Avec un nom, inscrit sur cette dernière.

Numéro 7.

Voilà. C’est ça. C’est son nom.

Numéro 7.

Numéro 7 est né dans ce qu’on appelle un élevage en batterie.

Il se trouve que les membres de son espèce sont très appréciés par les dresseurs débutants d’une certaine région, et donc, que la demande est conséquente. Certains dresseurs se spécialisent ainsi dans la production et l’élevage de ces espèces très demandées, et Numéro 7 est né dans l’un de ces centres.

D’ailleurs, ils sont treize à y être nés le même jour.

Numéro 3 est un Vipélierre quelque peu paresseux, peut-être un poil narcoleptique. Numéro 10 semble avoir un système immunitaire plus sensible que ses semblables : il a déjà attrapé froid. Numéro 5 est une flipette, qui préfère bien souvent se cacher derrière Numéro 8, qui elle, déteste qu’on la touche. Numéro 11 est toujours dans la lune, et puisque Numéro 2 a une mauvaise vue, ils se rentrent souvent dedans. Numéro 6 a tendance à piquer dans la gamelle des autres ; même si cela ne se voit pas encore, elle risque de prendre plus de poids que ses frères et sœurs. Numéro 4 essaye généralement de s’isoler de ses confrères, alors qu’à l’inverse, Numéro 13 ne supporte pas d’être laissée seule. Numéro 9 est plutôt soupe au lait, et à cause de la maladresse de Numéro 12, il s’énerve souvent.

En dehors de ces particularités…

Ils sont tous les mêmes.

Les mêmes Pokémon Serpentherbes, d’environ 60 centimètres pour 8,1 kilogrammes. Ils ont un petit corps longiligne vert clair, avec un ventre couleur crème ; une rayure jaune qui traverse leur dos et leur queue sur toute la longueur ; qui fait écho aux marques jaunes sous leurs grands yeux marron ; et deux feuilles de même couleur qui émanent de leurs épaules. Trois doigts à chaque patte supérieure, mais aucun orteil ; la queue se termine par une grande feuille à trois pointes, et deux petits traits noirs traversent leurs bustes de part en part.

Ils sont de nature plutôt calme et sereine, mais sont exigeants. Ils aiment bien le soleil et l’eau, mais détestent la saleté. Quand ils sont tristes, leur queue pend piteusement, mais le reste du temps, ils affichent une démarche fière et assurée.

Tous sont des Vipélierre, avec des caractéristiques de Vipélierre, un comportement de Vipélierre et une apparence de Vipélierre.

Et tous ont un défaut, qui constitue leur seul et unique trait de caractère distinctif.

C’est ça, l’élevage en batterie. On ne cherche pas à produire des Pokémon de qualité, mais en quantité. Ce n’est pas grave s’ils n’ont pas de capacités innées, des statistiques incroyables ou des natures optimisées. La seule chose qui importe est qu’ils soient viables pour les dresseurs débutants qui en hériteront.

Alors, c’est un procédé qui laisse la part belle aux imperfections.

Et puis…

Il y a Numéro 1.

Elle est née chromatique. Possède un potentiel incroyable pour la coordination. Des IV parfaits pour les combats. Et, même si elle en est à ses prémices, elle semble développer une étonnante appétence pour le langage humain.

En somme, Numéro 1 n’a pas le moindre défaut.

Numéro 1 est parfaite.

Dans cette machinerie de production bien huilée, une anomalie est née. Mais une anomalie bienvenue, un produit incroyable, qui n’avait qu’une chance infime d’apparaître. Il fallait que les étoiles s’alignent, que le ciel bénisse sa conception et que la génétique fasse son office.

Numéro 1 est si différente de ses frères et sœurs qu’elle a le droit à un régime dédié ; de la nourriture plus haut gamme, et servie à la calorie près. Sa propre lampe à UV, dont il est possible de changer l’éclairage et l’inclinaison ; ainsi qu’un couffin plus confortable, plus rebondi, et dont le rouge éclatant fait ressortir les nuances incroyables de sa peau bleutée.

Et bien évidemment, Numéro 1 ne partage pas la même cage que les autres.

Il ne faudrait pas qu’ils s’approprient son équipement, lui prennent sa nourriture ou même, chahutent avec elle. D’ailleurs, sa cage est nettoyée plus régulièrement que celle de ses frères et sœurs, et même si elle n’est pas aussi grande que la leur, elle y dispose de bien plus d’espace qu’eux, qui doivent pratiquement dormir les uns sur les autres.

Malgré tout, Numéro 1 n’est pas totalement isolée de ses semblables.

Bien qu’ils passent une bonne majorité de leur temps dans leurs cages, les Pokémon sont parfois amenés à prendre l’air à l’extérieur. Après tout, cela reste des spécimens de type Plante : ils ont donc besoin de lumière naturelle pour s’épanouir. Être au contact d’herbe fraîche et se détendre à ciel ouvert est bon pour leur moral ; bien que les propriétaires soient là pour produire en nombre, ils ne tiennent pas non plus à maltraiter leur gagne-pain.

Ainsi, il arrive quelques fois que la portée tout entière soit réunie à l’occasion d’une sortie au grand air, dans le parc extérieur. Ce sont là les rares moments où Numéro 1 peut interagir avec ses semblables.

Enfin. « Semblables ».

Numéro 1 leur est tant supérieure en tout point qu’il est difficile de les considérer comme semblables. Mais… Vous m’avez compris.

Le reste du temps, la cage de Numéro 1 est posée bien en évidence, sur une table qui surplombe celle de ses frères et sœurs. S’ils sont suffisamment proches pour pouvoir communiquer entre eux, les membres de la fratrie ont tacitement accepté l’écart qui les séparent comme une invitation à rester chacun dans leur coin…

Pour autant, les Numéros 2 à 13 ne peuvent pas non plus faire comme si Numéro 1 n’existait pas. Parfois, leurs regards se posent sur sa cage, et observent avec un mélange d’envie et de curiosité cette vie si différente de la leur.



***

« -A votre avis, ça a quel goût ? »

Lorsque cette question sort de nulle part, Numéro 6 attire sur elle l’attention de tous ses frères et sœurs. Ses pattes sont enroulées autour des barreaux de leur cage, tandis que ses yeux restent résolument rivés sur le logis de Numéro 1. Cette dernière leur tourne le dos, actuellement occupée à ingérer son repas : des croquettes aux formes et couleurs plus généreuses que les leurs.

Numéro 8 la toise d’un œil circonspect.

« -Comment ça ? Quel goût c’est censé avoir ?... La même chose que d’habitude, non ? »

Mais la vorace se montre sceptique.

« -Hier, j’ai laissé Numéro 1 manger une de mes granulées, seulement si elle acceptait de me donner une des siennes la prochaine fois qu’on se verrait. Elle m’a alors dit que les nôtres étaient ˝insipides˝.
-In… Insipides ? Qu’est-ce que ça signifie… ? »

A la question de Numéro 12, Numéro 6 hausse les épaules. Numéro 2 affiche un air plus dépité.

« -On mange toujours la même chose, c’est difficile à dire. La seule différence que je constate, c’est leur texture. Quand on les laisse trop longtemps dans la gamelle, elles ramollissent… Je trouve ça moins bon. »

Par la suite, la discussion s’articule autour de la meilleure façon de manger leur seul et unique repas. Dès la sortie du sachet ? Plusieurs minutes après ? Voire heures ? Ou alors, trempé dans un peu d’eau ?

Depuis son coin, Numéro 7 observe l’échange en silence. Le petit être peine à croire que c’est là leur seule préoccupation. Si cela ne tenait qu’à lui, il s’en irait, les bras croisés, et s’installerait ailleurs, dans le calme : hélas, il est coincé dans cette cage, avec eux, et n’a nulle part où se réfugier.

Alors, plutôt que de rester le spectateur passif de cette ennuyante discussion, il intervient soudainement dans cette dernière.

« -Vous ne trouvez pas ça anormal, vous ? »

C’est désormais lui qui attire tous les regards. Loin de s’en formaliser, le sien se tourne vers la cage de Numéro 1.

« -Pourquoi a-t-elle droit à tout ça, et nous non ? Je trouve ça plutôt injuste, personnellement. Je ne vois pas pourquoi elle pourrait avoir son propre nid et pas nous. »

Un claquement de langue se fait entendre de l’autre côté de la cage. Numéro 9, visiblement tout aussi agacé que Numéro 7, si ce n’est plus, fixe Numéro 1 d’un air mauvais.

« -C’est évident non ? Elle est… Différente. Numéro 1 ne vit pas dans le même monde que nous. Il y a… Quelque chose chez elle… Qui la rend… Spéciale. »

Il baisse la tête en un soupir.

« -C’est frustrant, mais… Même si ça me saoule de l’admettre, elle est différente. C’est comme ça. »

L’expression de Numéro 7 se renfrogne. Il est contrarié, à la fois car il trouve cette justification vide de sens… Et en même temps, car il comprend parfaitement ce que son homologue insinue.

Numéro 1 dégage une grâce, une élégance naturelle qui la rendent hors du commun. Et ce n’est pas seulement dû à sa peau azurée ou à son éclat : il y a quelque chose de plus profond, de mystique, qui émane de tout son être.

Et Numéro 7 en a conscience.

Donc ça l’agace d’autant plus.

« -Moi… Je ne trouve pas que sa position soit très enviable. »

Lorsque Numéro 13 s’avance, elle balaye chacun de ses frères et sœurs du regard.

« -Elle doit se sentir seule, non ?... En tout cas, à choisir, je préfère être avec vous.
-M… Moi aussi. »

Numéro 5 vient timidement approuver ses paroles, suivi par quelques autres hochements de tête. Cela arrache un soupir à Numéro 7, qui est visiblement le seul que la situation révolte.

Il n’insiste guère pour autant, et préfère clôturer la conversation.

« -Oui… Vous devez avoir raison. »

Il ne se sent pas d’humeur à en débattre avec ses homologues.



***

La météo est radieuse en ce jour. Le soleil darde ses rayons, et le ciel est dégagé. Une journée propice pour une sortie au grand air.

Dans l’un des parcs extérieurs du centre d’élevage, treize Vipélierre profitent de leur bain solaire. Pour la majorité du moins : trois d’entre eux se sont regroupés, à l’écart, et semblent plus agités que leurs confrères et sœurs.

« -Et…. Ya ! »

En une gestuelle gracile, un être illuminé de mille feux tournoie sur lui-même. Sur son passage, elle lève une volée de feuilles bleutées. Le scintillement qui les auréole est sublimé par l’éclat du soleil, tandis qu’elles s’envolent vers le ciel en décrivant un cercle parfait.

D’un mouvement assuré, Numéro 1 s’immobilise avec élégance.

« -Phytomixeur ! C’est comme ça que les humains appellent cette attaque !
-Oooh !
-Wooow !.... »

L’éclat de ses feuilles persiste dans les regards impressionnés de Numéro 10 et Numéro 3. Les deux Vipélierre, côte à côte, applaudissent la performance de leur sœur.

« -C’était si beau !
-Et c’est avec ça que tu as battu ce… Rhinocorne, tu dis ? »

La chromatique acquiesce.

« -Oui ! C’était un grand Pokémon, j’ai eu un peu peur, au début. Mais j’ai appliqué ce que nos maîtres m’ont appris, et finalement, cela s’est bien passé.
-Wow !
-Trop forte !
-… »

Arrivant dans leur dos, Numéro 7 observe la scène en silence depuis un moment déjà. Lui qui espérait pouvoir faire sa photosynthèse au calme, a rapidement dû déchanter. En le voyant approcher, Numéro 1 lui fait un vif signe de la patte.

« -Numéro 7 ! Tu veux voir mon attaque, toi aussi ? »

Le concerné se contente d’expirer longuement du nez.

« -… Non, c’est bon. J’ai pu voir, d’où j’étais. »

Il détourne la tête, dédaigneux.

« -Si tu veux mon avis, ce n’était pas aussi impressionnant que ça. Le Pokémon que tu as battu devait être plus faible que d’apparence, c’est tout.
-Oh. Vraiment… ? »

Taquine, Numéro 1 se rapproche de son frère.

« -Allez… Avoue que c’est une belle capacité, quand même !
-Tss… ! »

Il tourne encore plus la tête dans l’optique de ne pas croiser son regard. Mais devant son insistance, Numéro 7 n’a d’autres choix que de concéder.

« -… D’accord, ça avait un certain charme. Mais… » il pointe le buste de la chromatique de la patte « Ca n’a rien de grandiose pour autant ! Je suis sûr que je peux en faire autant ! »

Son interlocutrice recule en un sourire.

« -Tu penses ?... Très bien ! Alors, montre-nous.
-… ! »

Elle vient se placer entre Numéro 3 et Numéro 10, qui observent désormais Numéro 7 avec de grands yeux. Le concerné se tend, réalisant tout juste où sa bravade l’a mené.

Peut-être est-il encore temps pour lui de se raviser ?

« -O… Ok ! Vous allez voir ! »

Ou peut-être pas.

Numéro 7 recule, et serre ses poings. Se concentrant sur un carré d’herbe dégagé, le Vipélierre essaye de réfléchir à ce qu’il peut faire. Il sent qu’il a un pouvoir en lui, celui de manipuler la flore, à l’instar de Numéro 1. Mais il n’est pas non plus certain de savoir comment procéder exactement…

Il glisse un coup d’œil aux trois Vipélierre qui l’observent. Il doit faire quelque chose, et vite. Alors, Numéro 7 ferme les yeux un instant, et se focalise… Son pouvoir… Est en lui, il le sait… Il n’y a aucune raison que Numéro 1 soit capable de le maitriser… Et pas lui…

Une énergie habite son corps. Il doit juste apprendre à la diriger.

Lorsqu’il en prend conscience… Il rouvre les yeux, et tend vaillamment un bras.

« -Ya ! »

Quelque chose remonte du fond de son ventre, passe par son buste et suit le prolongement de son bras jusqu’à atteindre l’extrémité de ses doigts…

Pour finalement…

Jaillir !

Plof.

Une petite liane, verte, et toute mollassonne, surgit de terre.

« -…
-…
-…
-… »

Puis plus rien. Elle ne grandit plus, ne bouge pas. Brille encore moins. Circonspects, ses deux frères s’échangent des regards incertains.

« -C’était… ?
-… Quelque chose ? »

Numéro 1 souffle du nez, amusée.

« -C’est la capacité Fouet Lianes. Mais vous ne la maitrisez pas encore, vous n’êtes pas assez entrainés.
-Comment ça ?... »

La chromatique tend ses deux bras, et fait surgir du sol quatre lianes, qui viennent encercler Numéro 7 de part en part. Celles-ci sont bien plus épaisses, plus rigides, et surtout, plus hautes que celle créée par son frère. Le concerné a un sursaut de surprise en se retrouvant ainsi pris au piège.


« -Que… ?!
-Les maîtres disent qu’ils ne peuvent pas vous faire combattre, car vous devez rester faibles pour vos premiers dresseurs. Ce sont eux qui vous apprendront à utiliser vos attaques.
-Mais alors… Pourquoi toi, tu peux combattre ? »

Numéro 1 hausse les épaules.

« -Ils prétendent qu’un sort différent m’attend. Que ma place sera parmi les plus grands. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire, mais… Je pense que ça me plait bien !
-Ce n’est pas juste ! »

Depuis sa prison végétale, Numéro 7 proteste.

« -S’ils nous laissaient nous entrainer, je suis sûr qu’on serait aussi forts que toi ! Si ce n’est plus ! »

Le rictus de la chromatique s’accentue, et elle croise les bras.

« -Peut-être. Ou peut-être pas. Nous ne le saurons jamais… Après tout… »

Elle lui tourne le dos, et commence à s’éloigner.

« -Qu’est-ce qu’on peut y faire ? Ce n’est pas comme si nous faisions les règles. Tu ferais mieux de t’y résigner, Numéro 7… »

Son interlocuteur souhaite l’interrompre, mais il n’en a pas le temps. Numéro 1 claque des doigts, et les lianes qui l’étreignent se résorbent d’un coup, provoquant sa chute vers l’avant. Numéro 7 s’affale au sol, tandis que sa sœur s’éloigne.

Tout en grommelant, il se redresse. Face à lui, ses deux frères ne savent pas trop comment réagir.
Numéro 7 peste, et les relance de lui-même.

« -C’est trop nul ! Vous n’aimeriez pas pouvoir combattre, vous aussi… ? »

Numéro 3 tire une moue peu convaincue.

« -Numéro 1 m’a raconté ses entraînements. Ça a surtout l’air épuisant… »

Numéro 10 opine du chef.

« -Oui, et dangereux ! Déjà que je tombe malade facilement… »

Numéro 7 finit de se relever, et se dépoussière le bras.

« -… Ouais, d’accord. Laissez tomber. »

Attristé, il tourne le dos à ses frères, et s’éloigne.



***

Une goutte de sueur perle sur son front.

Il a le souffle saccadé. Dans sa poitrine, il sent son cœur battre à vive allure. Il pulse à toute vitesse afin de maintenir le rythme de l’effort.

Ses membres s’engourdissent, mais il peut faire fi de cette désagréable sensation. A force de la ressentir, il finit par en faire abstraction. Même s’ils fatiguent, ils peuvent encore se mouvoir, et s’ils peuvent se mouvoir, alors c’est qu’il peut continuer.

Il ne s’arrêtera pas.

Initialement, c’est son égo blessé qui l’a poussé à commencer. Le besoin de faire ses preuves, de prouver qu’il valait quelque chose. Puis, lorsque les premières difficultés se sont montrées, son sentiment de rivalité a pris le dessus. Abandonner aurait été reconnaître qu’elle avait raison, ce qu’il s’est refusé de faire. Finalement…

Quand les premiers signes d’amélioration sont arrivés, quand il a commencé à sentir un progrès, c’est sa satisfaction personnelle qui est devenue son principal moteur. Il éprouve du plaisir à développer sa force, à s’endurcir, et à se dépasser chaque jour un peu plus.

Il a atteint un stade où le simple fait de s’exercer suffit à lui injecter sa dose de sérotonine.

C’est grâce à ça qu’il persévère.

« -HA ! »

Un geste du bras, et des lianes surgissent de terre. Celles-ci viennent s’abattre sur un pauvre morceau de bois, déjà éprouvé par les attaques. Mais cette fois, l’assaut lui sera fatal, puisque dans un fracas distinctif, le tronc se brise en deux et s’effondre sur lui-même.

Numéro 7 tombe aussitôt à genoux, à bout de souffle.  

« -HhHh… »

Cela fait un moment désormais qu’il profite des sorties en extérieur pour s’entrainer. Depuis sa dernière interaction avec Numéro 1, pour être exact. Ce qui correspond à la dernière fois qu’elle a pu sortir avec eux, à peu de choses près. Mais pour lui, ce n’est pas un mal. L’avoir sur le dos pendant qu’il s’exerce n’aurait fait que l’agacer, donc… Il s’en satisfait.  

Heureusement, il n’a pas une telle hostilité envers ses autres frères et sœurs.

« -Je peux… Savoir ce que tu cherches à faire ? »

Lorsqu’il tourne la tête, c’est pour constater que Numéro 4 s’est approché. Il n’est pas le plus bavard des Vipélierre, préférant souvent rester dans son coin ; alors le voir s’intéresser à lui le surprend quelque peu.

Le regard de Numéro 4 se pose sur le bout de bois cassé en deux, puis sur la barrière qui les sépare du monde extérieur.

« -Si tu espères sortir d’ici, tu as mieux fait d’attendre qu’un humain vienne t’adopter. »

Terminant de reprendre son souffle, Numéro 7 se redresse.

« -Tu n’y es pas… Je veux simplement montrer que moi aussi, je peux être fort. Comme Numéro 1 ! »

Numéro 4 penche la tête sur le côté, sceptique.

« -… Et comment tu comptes t’y prendre ? Aucun de nous ne sait se battre, donc nous affronter ne prouverait rien. Et les maîtres ne nous laissent pas côtoyer les autres Pokémon, donc…
-Il n’a qu’à combattre Numéro 1 ! »

Les deux tournent la tête en direction de Numéro 11 lorsque, dans son errance, le Vipélierre passe à côté d’eux.

« -S’il affronte Numéro 1 et qu’il la bat… C’est qu’il est plus fort, non ? »

Ses deux frères s’échangent un regard pensif.

« -J’ai entendu dire qu’ils comptaient la laisser sortir avec nous d’ici quelques jours.
-Vous… Pensez qu’elle accepterait ?
-C’est… Difficile à dire. »

Numéro 4 croise les bras, perplexe.

« -Elle doit faire attention à ne pas se blesser sévèrement, tu te souviens ? Donc un combat non surveillé pourrait représenter un risque, pour elle. D’un autre côté… »

Il plisse les yeux, et désigne Numéro 7 du doigt.

« -Elle ne pensera pas un seul instant que tu représentes une menace. Alors, peut-être qu’elle prendra ton défi à la légère et l’acceptera quand même. »

Le concerné frotte ses deux pattes entre elles, pour les débarrasser de l’engourdissement provoqué par son entraînement. Songeur, son attention se perd dans le vide à mesure qu’il réfléchit à cette possibilité.

Affronter Numéro 1 en duel… ?

S’il gagne, alors qu’il n’a reçu aucun entrainement d’un humain…

Cela prouvera à leurs maîtres qu’il vaut autant, si ce n’est plus qu’elle.



***

Treize Vipélierre se sont regroupés dans leur parc extérieur.

Parmi eux, seuls deux se sont détachés de la masse. Ils se font désormais face.

De nombreux murmures parcourent le reste de l’assemblée, qui observe, dans un mélange de curiosité, crainte et intérêt, la scène.

« -Pourquoi est-ce qu’ils font ça ?
-Vous croyez qu’ils vont se faire mal ?
-Ils ont le droit au moins ?
-A ton avis, qui va gagner ? »

Des réponses viendront à ces questions. Mais pas tout de suite.

Pour l’instant, Numéro 1 et Numéro 7 se toisent en Ponchien de faïence.  

Ce n’est que lorsque les messes basses se tariront que la chromatique prendra la parole.

« -… Que cherches-tu à prouver, au juste ? »

Son frère baisse un instant les yeux. Lui-même n’est pas certain de savoir où tout cela le mène. Néanmoins, sa réponse reste inchangée.

« -Que je peux être aussi doué que toi. »

Cela lui arrache un fin rictus. Numéro 1 croise alors les bras.

« -D’accord. Dans ce cas, je reformule… » avant de le pointer d’une patte « A qui veux-tu le prouver ? »

Numéro 7 redresse la tête, interpellé par son interrogation.

« -A nos frères et sœurs ? A nos maîtres ? A moi ? Ou… » elle plisse les yeux « A toi-même ?
-… »

Les poings de Numéro 7 se resserrent. C’est quoi, cette question ? Et surtout, quelle importance ça a ? Il veut juste prouver qu’il est tout aussi bon, si ce n’est plus qu’elle. Il n’a pas besoin d’autres motivations : la volonté de faire ses preuves suffit. Peu importe auprès de qui.

Alors, plutôt que de donner une réponse, c’est à son tour de la pointer du doigt.

« -Et toi, alors ? Pourquoi as-tu accepté ?
-… ? »

Puisqu’elle ne semble pas comprendre où il veut en venir, il développe.

« -Si tu te blesses, tu te feras réprimander par nos maîtres. Et si je te bats, tu perdras sans doute de la valeur à leurs yeux. Tu as tout à perdre à accepter ce défi, mais rien à y gagner. Alors… Pourquoi ? »

Numéro 1 expire du nez, amusée.

« -Me blesser ?.... Me battre ? »

Son sourire se renforce.

« -Essaye, pour voir. »

L’expression de Numéro 7 se renfrogne. Son regard vient alors capter celui de Numéro 4, placé dans la foule parmi ses frères et sœurs.

Il avait raison.

Elle le sous-estime.

« -Ne viens pas te plaindre. »

Numéro 7 tend un bras, et une liane surgit du sol. Celle-ci se dirige droit vers Numéro 1, qui écarquille les yeux en la voyant arriver. La chromatique effectue cependant un bond vers sa droite, qui lui permet d’esquiver l’attaque de justesse. Après s’être réceptionnée à l’aide d’une patte avant, elle se redresse, et toise son adversaire.

« -… Tu as appris à utiliser l’attaque Fouet Lianes ?
-A ton avis ? »

Il profite qu’elle se soit immobilisée pour en faire surgir une seconde, juste sous ses pieds. A nouveau, Numéro 1 manque d’être prise de court. La liane a le temps de percer la terre en dessous d’elle au moment où elle saute en arrière. A nouveau, la capacité la rate de peu.

Mais lorsqu’elle se réceptionne cette fois-ci, les sens de la chromatique sont en alerte. Elle est déjà redressée, les poings serrés.

« -… Très bien, je vois que tu ne plaisantes pas ! »

A son tour de tendre le bras, et de faire surgir du sol non pas une, mais deux lianes. Elles viennent attaquer Numéro 7 de front. Mais celui-ci se tient aux aguets, et plutôt que de sauter, sprint pour les éviter. Les fouets s’abattent sur son ancienne position juste après qu’il l’ait quittée.

Il ne s’arrête pas de courir, et contourne les lianes pour se rapprocher de sa cible. Cette fois, le mouvement effectué par sa patte est plus incliné.  

« -Prends ça ! »

Sa première attaque est arrivée de face, la seconde sous les pieds de Numéro 1. La troisième surgira à sa droite : sa sœur doit de nouveau effectuer un bond de côté pour esquiver la capacité.

Son sourire persiste lorsqu’elle se réceptionne.

« -Tss… Moi aussi, je peux t’avoir en traître ! »

Ses deux bras se croisent pour former un X. De part et d’autre de Numéro 7, des lianes surgissent pour le prendre en tenaille. S’il parvient à esquiver celle arrivant par sa gauche, il n’aura pas le temps de se retourner pour anticiper celle de droite : d’un pas maladroit, il cherche à l’éviter, mais la liane lui érafle l’épaule.

« -Ah !... »

Spectateurs, leurs onze frères et sœurs entrouvrent la bouche de surprise. Numéro 1, elle, sourit.

« -Touché ! »

C’est la première fois qu’il subit un dégât. Après avoir reculé, il se saisit le bras avec sa patte de libre. Il a désormais une égratignure sur l’épaule. Ça pique. Mais ce n’est pas insurmontable. Des bobos de ce genre, il s’en est déjà fait involontairement en tombant par terre ou en percutant quelqu’un.

Son regard se rive sur Numéro 1, qui s’est immobilisée pour guetter sa réaction. Lorsqu’elle voit Numéro 7 lever son bras blessé, elle comprend qu’il ne compte pas s’arrêter pour si peu. Une fois encore, il fait surgir une liane à proximité d’elle, mais cette fois-ci, dans son dos. Elle l’esquive sans aucune difficulté en avançant d’un bond.

A nouveau sauve, elle lâche un bref soupir.

« -C’est bien beau de savoir utiliser l’attaque Fouet Lianes… Mais ce n’est pas en générant qu’une liane à la fois que tu parviendras à me rattraper ! »

Numéro 7 plisse les yeux.

« -Que tu crois. »

Puis il se contente de relever les doigts.

Les quatre fouets qu’il a généré depuis le début du combat sont restés en position. Les déplacements effectués par Numéro 1 ont formé un carré, au centre duquel elle se trouve désormais.

Les lianes qui se trouvent donc à ses extrémités se redressent subitement, et viennent s’enchevêtrer autour de la chromatique. Cette dernière ne remarque d’abord que celles situées devant elles, et quand elle capte du mouvement dans son dos, elle comprend la stratégie qu’il a mis en place.

Hélas pour elle, cette fois-ci c’est trop tard. Sa seule échappatoire aurait été de bondir vers le haut avant que les fouets ne se referment sur elle. Mais ils forment déjà une prison de liane tout autour de son corps, dont les interstices lui permettent seulement d’observer l’air satisfait de son adversaire.  

« -… Attrapée. ~ »

Des applaudissements retentissent, joints à quelques cris stupéfaits. C’est finalement Numéro 7 qui a pris l’avantage dans le combat, à la surprise générale. Il le sait, et ne peut s’empêcher de sourire : voilà ! Lui aussi, est capable !

Il lui a rendue la monnaie sa pièce, après l’humiliation de l’autre jour. Et cette fois, toute leur fratrie est là pour en profiter…

Prise au piège, Numéro 1 fulmine. Elle s’est fait avoir comme une bleue ! Ses poings sont aussi serrés que sa mâchoire, et son regard noir fusille son frère. Ce dernier ne se sent hélas que peu menacé.

« -… Alors ? » il croise les bras, hardi « Ça fait quoi ? Remarque… Tu devrais te sentir à ton aise. Après tout… »

Un sourire narquois se dessine sur son visage.

« -… Tu as l’habitude de rester seule en cage.
-… ! »

Elle s’apprête à rétorquer, mais se retient à la toute dernière seconde. Refermant sa bouche, Numéro 1 ferme les yeux et expire longuement.

Si elle s’emporte… Sa capacité d’analyse et sa réactivité s’en retrouveront altérés. Elle s’est déjà fait avoir une fois en pensant que son frère se contentait d’attaquer bêtement… Elle n’a pas besoin de lui donner d’autres opportunités dont il pourra profiter.

Et puis, de toute façon…

« -… Tu es loin d’avoir gagné ce combat, cher frère.
-… ? »

Elle rouvre les yeux, et écarte brusquement ses deux bras.

« -YA ! »

Une tempête de feuille se génère sur sa position. De loin, on penserait qu’elle n’a pas seulement invoqué les feuilles, mais le vent qui va avec. Elles tournoient à vive allure, au point de légèrement soulever la Vipélierre de terre. A chaque fois que son attaque Phytomixeur rentre en contact avec les lianes de son frère, ces dernières se font entailler. Petit à petit, la tornade de feuille gagne en terrain et en ampleur, jusqu’à ce que, finalement, les fouets se fassent entièrement charcutés, et tombent en lambeaux.

« -… ! »

Numéro 7 perd toute assurance en voyant sa prison se faire réduire en miette. Il défait sa posture, et recule d’un pas par réflexe. Face à lui, l’attaque Phytomixeur de Numéro 1 s’estompe peu à peu, lui permettant de réattérir tranquillement au sol.

Cette dernière relève lentement la tête.

« -Puisque tu ne veux pas comprendre qu’il y a un fossé entre nous… »

Et le toise droit dans les yeux.

« -Je vais devoir te l’inculquer de force. »

Une rafale souffle dans le parc lorsque Numéro 1 plie les jambes, et s’élance. Décrivant une parfaite ligne droite, elle réduit en quelques secondes l’espace qui les sépare l’un de l’autre. Numéro 7 a à peine le temps de réaliser que son adversaire fond sur sa position, que déjà… Elle est à sa hauteur.

« -Aéropique. »

C’est avec un flegme glacial et un calme absolu qu’elle lâchera ce seul mot, au moment de l’atteindre.

La seconde d’après, Numéro 7 sentira son corps se faire taillader par tous les côtés. Une douleur qui n’est en rien comparable avec celle de l’attaque Fouet Lianes qu’il a subi plus tôt. Même le choc de ses entraînements, et le tiraillement de ses muscles paraissent supportables, par rapport à cette souffrance. Sa peau se déchire, et il ressent une vive brûlure qui en émane. Sur son bras, sur son torse, sur sa jambe, dans sa nuque… Tout son être y passe. L’accumulation de ces plaies mettent petit à petit son corps en feu. Ce n’est évidemment que figuratif, mais l’analogie est assez parlante : le Vipélierre pourrait être en train de brûler actuellement qu’il éprouverait la même intensité en termes de douleur.

Lorsque Numéro 1 cesse son attaque, elle s’immobilise, et s’écarte d’un bond. Sur place, elle laisse un Numéro 7 en état de choc, et complètement amorphe. La bouche grande ouverte, il ne parvient même pas à articuler un cri de douleur.

Des larmes perlent aux coins de ses yeux alors qu’il s’effondre sur le ventre.

Le bruit de sa chute signe l’arrêt du combat. Complètement abasourdis, leurs frères et sœurs observent la scène avec stupeur.

Quant à Numéro 1, elle le toise de haut.

« -… Tu vois ? »

Elle croise les bras.

« -Je t’avais dit que je ne craignais rien en t’affrontant. »

Numéro 7 souhaite protester, mais son cri s’estompe à nouveau dans sa gorge. Il doit fermer sa bouche et ravaler sa salive pour, tant bien que mal, réussir à articuler quelque chose.

« -C’est…. I-injuste…. !! »

Fébrile, il cherche à capter le regard de sa sœur, bien qu’il soit toujours à terre.

« -Tu as le droit… A de la meilleure nourriture… Un meilleur confort, e-et…. Des entraînements spécialisés ! Cette victoire… Ne… Prouve rien… ! »

Mais Numéro 1 ne semble pas de cet avis-là.

« -Tu fais erreur. Avec ou sans humain, avec ou sans entraînement, j’aurai quand même gagné. »

Elle le pointe du doigt.

« -Pendant tout ce combat, tu n’as fait qu’utiliser la capacité Fouet Lianes. Pourtant, tu dois bien connaître les attaques Charge et Groz’Yeux, comme tous nos frères et sœurs ? »

Numéro 7 serre les dents.

« -O-oui, et… Et alors ? Fouet Lianes est l’attaque… La plus forte que je connaisse. Je n’ai pas pu… En apprendre d’autres comme toi !
-C’est exactement là que tu te trompes.
-… ! »

Elle détourne le regard, pensive.

« -Sur le papier, il est vrai que ton attaque Fouet Lianes est la plus puissante. Elle inflige plus de dégâts que Charge, et encore plus que Groz’Yeux qui n’en fait aucun. Tu t’es donc dit que le seul moyen de me vaincre était d’utiliser à répétition ta plus forte capacité… »

Elle le toise sévèrement.

« -Sauf que ton raisonnement ne prend rien d’autre en compte que la puissance brute. Nous sommes tous les deux des Pokémon du type Plante, une attaque comme Fouet Lianes a donc une puissance amoindrie sur des spécimens comme nous. A cause de ça, utiliser Charge aurait été une option toute aussi valable, en plus de varier tes attaques et te rendre moins prévisible. De plus… »

Numéro 1 hoche doucement la tête, en accord avec elle-même.

« -Groz’Yeux ne fait peut-être pas de dégâts, mais c’est une capacité qui peut déstabiliser ton adversaire et amoindrir ses défenses. Charge et Fouet Lianes étant toutes deux des capacités physiques, cela t’aurait été fort utile pour m’infliger des dégâts… »

Elle souffle du nez.

« -Je te félicite d’avoir su reproduire ma prison de lianes et de ne pas avoir utilisé bêtement cette attaque à répétition. Mais à cause d’une stratégie aussi limitée, tu n’as pas été en mesure de m’infliger le moindre dommage. Rapports de type, effet de statut… Si nous avions été au même niveau… J’aurai utilisé les spécificités de ces capacités pour les combiner entre elles, et t’infliger de lourds dégâts. »

Malgré son explication, le vaincu n’en démord pas.

« -C’est… Facile à dire ! Nos maîtres t’ont tout appris ! Moi…» péniblement, il essaye de se relever, en vain « J’ai dû me débrouiller tout seul ! »

Sa sœur lève un doigt, et l’agite doucement de gauche à droite.

« -Tu fais encore erreur. Tout ça, je l’ai appris de moi-même. »

Son regard s’égare alors qu’elle observe l’herbe à ses pieds.

« -L’eau peut éteindre les flammes, les flammes brûlent les plantes, et nous autres, plantes, nous nourrissons d’eau. C’est quelque chose que j’ai compris intuitivement, très tôt… Et cela ne s’arrête pas là. » elle redirige son attention sur Numéro 7 « De façon analogue, une plante ne pourra pas prendre racine là où une autre plante s’est déjà installée. Mais… Un vent suffisamment agité est capable de la déraciner. »

Elle esquisse un sourire.

« -Tu n’as utilisé qu’une capacité Plante, et la dernière attaque que j’ai utilisée était de type Vol. Ce sont donc ces rapports de type qui ont provoqué ta perte. Et, tout ça… »

Il s’efface.

« -Ce ne sont pas les humains qui me l’ont appris. Je l’ai assimilé par moi-même. Et mis en application… C’est tout. »

La mâchoire de Numéro 7 tremble, alors qu’il cherche quelque chose à répliquer. Mais incapable de faire quoi que ce soit d’autre que de dévisager son opposante, celle-ci se retourne, et détaille ses frères et sœurs un à un.

« -Il n’y a pas que ça. En vérité, je suis plus rapide que chacun d’entre vous. Plus forte, aussi. Et plus endurante. Donc, même à niveau égal, et à stratégie égale, je vous surpasserai. Vous aurez beau… Vous entraîner… Et faire tous les efforts du monde… »

Son regard se dirige droit vers Numéro 7, toujours blessé, et à terre.

Un regard froid, dans lequel se traduit une réalité implacable.

« -Vous n’arriverez jamais à me rattraper. »

Quelques murmures émanent parmi l’attroupement de Vipélierre. Celui se trouvant au sol serre la mâchoire, puis baisse la tête. Au bord des larmes, il fait de son mieux pour se contenir et ne pas fondre en pleurs.

Ses blessures lui font mal, ses muscles le tiraillent, une haine folle lui ronge le ventre et une tristesse infinie parcourt tout le reste de son corps. Donc… Tout cet entraînement… Tout ce qu’il a fait… N’a servi à rien ? Rien, à part recevoir cette ignoble et infâme douleur ? Et tout ça pour, finalement, se faire humilier devant toute sa fratrie ? Uniquement parce que… Il n’est pas… Suffisamment… Bon de base ?

Est-ce que…

Cela signifie que dès sa naissance, il est voué à échouer sur tous les plans ?

Qu’il ne peut rien y faire ?

Rien, à part accepter ce fait ?

« -Par contre... Il y a un point sur lequel tu as raison. »

Lorsqu’il relève la tête, il constate que Numéro 1 a détourné les yeux.

« -C’est injuste. »

Empreinte d’une subite mélancolie, le ton de sa voix se fait moins tranchant.

« -Vous pourrez passer votre vie à me courir après, j’aurai toujours une longueur d’avance sur vous. Et je n’ai rien fait de spécial pour cela. Je suis juste… Née différente. Mais… Il faut voir le bon côté des choses. »

Elle regarde à nouveau le reste de sa famille.

« -Bientôt, vous serez confiés à des humains. Chaque humain a son rêve, son ambition… Votre dresseur vous chérira, et vous donnera tout l’amour que nos maîtres ne vous ont jamais octroyé. Et… Vous serez alors libres de le suivre, ou non, sur la voie qu’il a décidé d’emprunter. Et ainsi… Vous tracerez votre propre route. Quant à moi… »

Numéro 1 ramène ses poings contre elle, et baisse les yeux.

« -Mon avenir est déjà tracé. »

Elle relève aussitôt le menton.

« -Aujourd’hui… Était la dernière fois que nous passions du temps ensemble, mes chers frères et sœurs. Nos maîtres m’ont trouvé un propriétaire humain… Dès ce soir, je partirai le rejoindre.
-Q… Quoi ?
-Comment ?
-Tu… Tu t’en vas ?
-… »

Alors que des cris surpris émanent de toute la fratrie, Numéro 7 est le seul à ne pas réagir. Les yeux rivés sur le sol, il ne cherche même plus à regarder sa sœur.

« -Il m’a même déjà donné un nom. "Perfection". C’est un peu pompeux, pas vrai… ? »

Elle a un souffle amusé, qui se transforme rapidement en sourire triste.

« -Je… Doute que nous nous revoyons un jour. Alors… Je ne peux que… Vous souhaiter bonne chance pour la suite, et... »

Lentement, Numéro 1 leur tourne le dos, à tous.

« -J’espère… Que vous trouverez un dresseur qui vous convient. »

Elle leur fait finalement un bref signe de la patte.

« -Soyez heureux ! »

Monopolisant la parole depuis longtemps déjà, la chromatique se tait, et avance sobrement pour retourner à l’intérieur. Elle n’attend pas vraiment de réaction ou d’au-revoir de la part du reste de sa famille, et s’en va, purement et promptement.

Elle sait de toute façon que leur lien n’est que factice.

Elle n’a jamais vraiment fait partie de leur groupe, après tout.  

Alors que l’agitation se fait plus présente chez les Vipélierre, deux d’entre eux se détachent de la masse, et se précipitent vers Numéro 7. Il s’agit de Numéro 5 et Numéro 12.

« -Est-ce que… Tu vas bien ?! »

La première se penche auprès du vaincu, et veut l’aider à se relever.  

Mais Numéro 7 dégagera la patte qu’elle lui tend à l’aide de la sienne.

« -Fous moi la paix. »

Péniblement, il finit par se relever de lui-même, sous le regard inquiet de Numéro 12.

« -A… Attends ! On peut au moins t’aider à marcher jusqu’…
-FOUS MOI LA PAIX ! »

Lorsque Numéro 7 se retourne pour lui hurler dessus, l’ensemble des Vipélierre se tait. Surprise, Numéro 12 fait un pas en arrière, et trébuche. Maintenant assise par terre, elle dévisage avec stupeur le visage enragé de son frère.

« -EH ! Je peux savoir ce qui te prend ?! »

C’est au tour de Numéro 9 d’émaner la foule, suivi de près par Numéro 8. Tous deux viennent rejoindre leurs sœurs, et se placent entre elles et Numéro 7.

« -Ce n’est pas de sa faute si tu as perdu, pas la peine de lui crier dessus !… Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même !
-Taisez-vous. TAISEZ-VOUS TOUS ! »

Bouillonnant de colère, Numéro 7 les dévisage avec fureur.

« -Vous m’ENERVEZ ! Vous me sortez par les yeux ! TOUS ! Vous êtes là, à attendre bêtement qu’un humain vienne vous chercher… Et en attendant, elle fait quoi ? Elle profite de la vie ! Du monde extérieur ! Et de tout le confort qu’elle désire ! Juste parce que… Elle est née meilleure que nous ?! VRAIMENT ?! Vous… Ca vous VA, d’être des MOINS QUE RIEN ?!  
-NUMERO 7 ! »

Le Numéro 9 s’est rapproché encore plus, afin de regarder son frère droit dans les yeux.

« -Qu’est-ce que tu viens de dire ?!... C’est vraiment comme ça que tu nous vois ?! DES MOINS QUE RIEN ?! »

Celui-ci répond sans broncher.

« -Oui. » il les pointe du doigt, un par un « Vous êtes des minables. Tous autant que vous êtes. Et… » il se désigne finalement lui-même « JE REFUSE DE DEVENIR COMME VOUS ! ET JE VOUS JURE QUE PLUS JAMAIS, PLUS JAMAIS, JE NE LAISSERAI QUI QUE CE SOIT ME METTRE UNE RACLEE, OU ME DIRE QUOI FAIRE ! »

C’est écumant de rage que Numéro 7 finit par se détourner de ses homologues. D’un pas lourd et brut, il prend la direction opposée à Numéro 1, et va simplement s’isoler dans un coin.

Pendant que Numéro 8 et Numéro 5 aident Numéro 12 à se redresser, Numéro 9 l’observe s’éloigner en silence.

« -… »

Normalement, s’énerver, c’est son truc à lui. Personne parmi les Vipélierre ne monte autant dans les tons que lui. C’est comme ça. C’est son trait de caractère. Numéro 9 est le plus colérique de la bande.

D’ailleurs, en suivant cette logique…

Numéro 3 est le plus paresseux.
Numéro 10 est le plus fragile.
Numéro 5 est la plus impressionnable.
Numéro 8 est la plus maniaque.
Numéro 11 est le plus distrait.
Numéro 2 est le plus myope.
Numéro 6 est la plus vorace.
Numéro 4 est le plus solitaire.
Numéro 13 est la plus collante.
Numéro 9, on l’a dit, est le plus colérique.
Numéro 12 est la plus maladroite.

Numéro 1, elle, est la plus parfaite.

Quant à Numéro 7…

Assez déterminé pour s’entraîner seul, mais pas au point d’aller au bout du combat. Il n’aime pas forcément la présence des autres, mais a quand même besoin d’attention. Il ne mange pas trop, ni pas assez. Il est appliqué, mais parfois, fait montre de paresse. Il fait attention à la saleté, mais n’ira jamais jusqu’à nettoyer toute la cage. Quand il le faut, il est capable de se concentrer, mais le reste du temps, il est dans son monde. Il n’est pas le plus agile de ses pattes, mais n’est pas non plus complètement gauche. Il n’est ni le plus vaillant, ni le plus peureux. Ni le plus grand, ni le plus petit. Ni poissard, ni chanceux. Effacé, mais pas complètement non plus. Sans qualité ni défaut particulier.

En somme…

Et de toute la fratrie des Vipélierre…

Numéro 7 est le plus quelconque.  

Le plus intermédiaire.

Le plus moyen.

Il est neutre.

Interchangeable.





Ordinaire.





Ou du moins, il l’était.

Une feuille vierge n’est rien d’autre qu’une feuille vierge. Ce n’est ni positif, ni négatif.

Si vous prenez une feuille blanche et que vous la confiez à un artiste talentueux, il en fera une belle œuvre d’art. Mais si vous la placez dans un environnement inadéquat, qu’elle se froisse, se fait tordre, entailler, tremper, vous n’obtiendrez qu’un déchet.

Numéro 7 a ruminé seul ses pensées. A force de constater sa propre insignifiance, il a voulu la contester, mais s’est heurté à l’indifférence de ses confrères. Isolé, il a malgré tout essayé de combattre, et de se surpasser de lui-même. Cela l’a conduit à une cuisante défaite, le constat que ses efforts sont vains, et surtout, qu’il est incapable de changer les choses.  

Numéro 7 n’est donc devenu qu’un ego blessé.

Orgueilleux, buté, jaloux, irritable, morose…

Dorénavant, on allait pouvoir lui coller des tas d’étiquette sur le dos.  



***

Les jours suivants, une triste ambiance a régné sur la fratrie des Vipélierre.

Numéro 1 n’a jamais vraiment été des leurs. Souvent absente, et quand elle était là, c’était pour être dans sa propre cage. Ils se voyaient de temps à temps à l’extérieur, mais leurs relations sont restées cordiales, amicales tout au plus. Jamais aucun des frères ni sœurs n’a forgé de réel lien avec elle.

Pourtant, son absence se fait ressentir. C’est étrange, non ? Ils ne la voyaient pas plus que ça, mais désormais, ils savent qu’elle est partie, pour de bon, et qu’ils ne la reverront plus.

C’est probablement pour ça qu’ils ressentent un tel vide.

Très clairement, Numéro 7 a été le plus affecté par son départ. Ou alors, est-ce à cause de son engueulade avec Numéro 9 ? Ou de la morale dispensée par Numéro 1 ? Voire, à cause de la défaite infligée par cette dernière…  

Chacun des onze Vipélierre a son propre avis sur la question. Mais aucun d’entre eux n’a jamais essayé de le confirmer. Que ce soit auprès de leur camarade, ou du concerné.

Numéro 7 n’est désormais plus qu’une ombre. Il a laissé tomber son entraînement. Ne parle plus avec personne. Et ne laisse personne lui parler. Il dort dans son coin, mange dans son coin, vit dans son coin. Même Numéro 4, friand de tranquillité, n’a jamais atteint un tel degré de solitude.

Désormais, il passe ses journées roulé en boule, dans un coin de la cage, à broyer du noir.

Il a perdu tout intérêt à… Tout. Après tout, quoi qu’il fasse, il ne progressera jamais. Il est condamné à rester un Pokémon frêle et misérable, tel qu’il est né. Il n’aura pas d’avenir grandiose, pas de nid confortable, personne pour le considérer et l’apprécier.

Et jamais il ne brillera.

Jamais.

Jamais.

Jamais…



***

Les jours se sont écoulés.

Et au cours de ces journées, alors que leur maître offrait une visite des lieux à un parfait inconnu, quelque chose s’est produit.

« -Désolé d’avoir fait appel à vous en catastrophe. En général, je capture mes Pokémon moi-même, mais j’ai été pris de court par la rentrée à venir…
-Aucun problème ! Nous avons toujours des starters à disposition. J’espère que ceux-ci vous conviendront. »

Un homme, à la grande blouse blanche et aux lunettes singulières, compte une dernière fois les Pokéballs qui lui ont été confiées. C’est alors qu’il s’interrompt, et affiche un air contrarié.

« -Vous auriez moyen de me vendre un Vipélierre en plus ? Il m’en faudrait un dernier, si je veux avoir suffisamment d'options pour les élèves…
-Hmm… »

Son interlocuteur réfléchit un instant, tout en se grattant le menton. Puis, il s’approche d’une cage, dont il ouvre le couvercle.

« -Malheureusement, vous m’avez pris les derniers membres de la portée. Mais je peux vous en confier un parmi celle-ci. Ils sont plus jeunes, mais de deux semaines à peine. »

Tous les Vipélierre ont levé la tête au moment où la grille s’est soulevée.

Tous, sauf Numéro 7.

Occupé à… Rien, il ne voit pas les deux mains venues l’encercler, ni les regards surpris du reste de sa famille. Lorsqu’il se fait attraper, le petit être se tend, mais ne peut hélas guère opposer plus de résistance.

« -Celui-ci, il vous irait ? »

L’instant d’après, Numéro 7 se retrouve ausculté par le regard analytique de l’humain réfugié derrière ses épaisses lunettes.

« -Oui… Il fera l’affaire. Lui ou un autre, de toute façon… »

Son maître acquiesce doucement, et referme la cage. Après quoi, il entraîne le Pokémon avec lui, à la suite du Collectionneur.

Emmené, le Vipélierre cherche à se retourner. Son regard scrute les différentes cages de la pièce, et se pose sur celle de ses frères et sœurs. Ces derniers se sont tous précipités au niveau de la grille, et le regardent s’en aller avec stupeur.

Une porte vient alors se clore, coupant toute visibilité entre eux et lui.

Pas le temps d’un au-revoir. Pas le temps d’une salutation.

Le voilà séparé d’eux à tout jamais.




Le dernier souvenir qu’il aura du centre d’élevage, est la sensation étrange qu’il a éprouvé au moment où on lui a retiré son étiquette. Elle avait beau ne plus être là, il avait encore l’impression de la sentir.

Pour être plus précis, sa dernière vision sera celle du bracelet portant l’inscription « Numéro 7 », chutant au sol.

L’instant d’après, on le faisait rentrer dans une Pokéball.




LISSA LABELVI

rp solo
« L’ordinaire »


***
Quatre ans plus tard

Majesté rouvre lentement les yeux.

Sa gorge est sèche. Il a froid. Il a faim. Ses muscles sont endoloris, et il parvient à peine à bouger ses membres.

Vient-il de rêver… ?

Ou vient-il de voir sa vie défiler devant ses yeux ?

Il serait incapable de dire à quand remonte la dernière fois qu’il a mangé.

Il en vient à se demander s’il a déjà été affamé.

Que ça soit dans le centre d’élevage, chez le Collectionneur, ou auprès de Lissa… Il y a toujours eu quelqu’un pour le nourrir.

Oui…

Quelqu’un…

Mais Majesté lève la tête, et constate qu’il n’y a personne.

Perché sur son rocher, du haut de sa montagne, il est seul.

Cela fait combien de temps. Deux jours ?

Trois jours ?

Quatre jours ?

Plus… ?

Il commence à atteindre les limites de ce que la photosynthèse peut lui apporter, en terme de nutriment. Il faut qu’il boive. Il faut qu’il mange.

Il faut qu’il bouge.

Lissa ne reviendra pas. C’est sûr, maintenant.

Au début, il était convaincu du contraire. Puis, il a pensé qu’elle voulait le faire mariner un peu. Au bout d’un moment, il s’est dit que la punition commençait à être lourde, et il s’est demandé s’il ne lui était pas arrivé quelque chose.

Finalement, là maintenant, il comprend.

Il comprend qu’elle était sérieuse.

Et qu’elle l’a abandonné.

Pour de vrai.

Lissa ne reviendra pas.

« -… »

Une étrange douleur l’étreint lorsqu’il bouge une patte. Depuis combien de temps est-il immobile, au juste… ? Le simple fait de se redresser lui fait ressentir l’ankylose dans ses muscles, et le dissuade de se mouvoir plus.

Mais il le faut. Alors, serrant les dents, Majesté pousse sur ses bras, et bondit à terre.

Ce n’est qu’une fois cela fait qu’il regarde autour de lui.

« -… »

Bon…

Il va falloir qu’il apprenne comment survivre.




«  Je suis une Labelvi ! Fille de la campagne ! Je n’ai pas peur de traîner dans la boue, ni de me salir ! Alors, ce n’est pas un parquet tout propre tout ciré qui va me faire peur… »
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