GINJI LABELVI
feat Livia Yamada« Loin des yeux, près du cœur »
Mes lèvres bougent trèèèèès lentement. De sorte à ce qu’il soit aisé de suivre leur mouvement.
« -Pa… Pa… »
Valériane lève ses deux bras, et crie avec conviction.
« -DADA ! »
Je secoue la tête de gauche à droite, et répète, en articulant toujours pas.
« -P ! P ! Répète… Pa… Pa… ! »
Ennuyée, son attention se détourne peu à peu de moi.
« -Dada… ! »
De ses petites mains, elle prend appui sur le sol, et essaye doucement de se lever. Son équilibre est encore un peu précaire, mais elle tient à peu près debout. Je vois que son regard est captivé par une peluche de Zébibron, un peu plus loin, et qu’elle va pour l’attraper. Mes yeux s’emplissent immédiatement d’espoir alors que je la vois avancer un pied.
« -O-Oui… Oui, vas-y… ! »
Elle bouge sa jambe, les bras tendus pour maintenir un semblant d’équilibre. Puis elle va pour poser son pied, et…
… Tombe.
Peu perturbée par la perte de sa bipédie, Valériane finit par aller chercher son jouet à quatre pattes. Je pousse un soupir, qui mêle soulagement et déception. D’un côté, j’aurai aimé la voir faire son premier pas, de l’autre, pas sûr qu’Erika aurait apprécié que ça arrive en son absence.
« -Papa ! Papa ! »
Mon attention est alors récupérée par Tanguy, qui tire sur mon t-shirt avec insistance. Tous deux arrivent très bien à dire « maman », mais il semblerait que sa sœur a plus de difficulté que son frère avec le mot « papa ». A contrario, Valériane arrive déjà à se tenir debout ; une étape qui n’est pas encore tout à fait maîtrisée par son jumeau.
Je me tourne vers mon fils, et lui ébouriffe gentiment les cheveux. Ce dernier tend les bras pour un câlin, que je lui accorde.
Aujourd’hui, c’est moi qui m’occupe des enfants, pendant qu’Erika est au travail. Comme je bosse en indépendant, je peux faire en sorte d’arranger mes journées pour que l’un de nous soit toujours disponibles. Cela dit, ma fiancée ne devrait pas trop tarder non plus…
Le son de notre sonnette retentit subitement dans la maison, ce qui me prend un peu par surprise. Je n’attends personne en particulier, et Erika ne m’a pas prévenu d’une visite potentielle. Délicatement, j’outrepasse la volonté de Tanguy à rester dans mes bras pour le reposer par terre, et me lève.
« -Lucina, je te laisse les surveiller ? »
Allongée dans un coin de la pièce, la Luxray se contente de battre de la queue, tout en lâchant un grognement. Les sachant entre de bonnes pattes, je m’éloigne sans trop d’inquiétude, et vais jusqu’à la porte d’entrée.
Un bref coup d’œil à travers le judas me permet de constater que non, cette personne ne me dit absolument rien. Loin d’être dans l’optique de lui mettre un vent, j’ouvre malgré tout.
« -Bonjour… ? »
C’est une femme, certainement plus âgée que moi, au teint clair et aux longs cheveux. Un peu hésitante, elle me demande si nous sommes bien chez Erika, ce à quoi j’acquiesce.
« -Oui, tout à fait. Vous êtes une collègue… ? »
Son allure me fait vaguement penser à celles des geishas. Mais lorsqu’elle se présente, c’est une réponse toute autre qui s’offre à moi.
« -Sa cousine… ! »
Je savais qu’Erika entretenait une correspondance avec elle. Livia Yamada… J’ai beaucoup vu ce nom sur des enveloppes. Quelque fois, il m’arrivait d’aller poster la lettre à sa place, quand c’était plus arrangeant.
Par contre, ce que j’ignorais, c’est qu’elle était sur Mythis… Et qu’elle venait nous rendre visite ! Ma confusion se lit alors clairement sur mon visage.
« -Oh ! Enchanté ! Je suis Ginji, son fiancé. J’imagine qu’Erika a dû vous parler de moi… ? »
Je lui tends une main polie en guise de salutations. Aussitôt après, je me gratte la joue, gêné.
« -Hum… Elle est encore au boulot, à cette heure-ci. Mais… »
Je tire mon Ipok de ma poche, et observe brièvement l’heure dessus.
« -Elle devrait rentrer d’ici maximum une heure. »
Puis je m’écarte, et ouvre la porte en grand.
« -Vous n’avez qu’à rentrer, et l’attendre à l’intérieur ! »
Je lui fais signe d’avancer, ce qu’elle finit par faire. Notre maison débouche directement sur les escaliers menant à l’étage, mais je la guide plutôt vers le salon, où sont installés Valériane, Tanguy et Lucina. Cette dernière toise la nouvelle arrivante avec attention, sans pour autant émettre de mouvements.
D’une main, je lui désigne le canapé.
« -Vous pouvez vous installer là, si vous voulez. Ah, et du coup… »
J’indique un à un les autres occupants de la pièce.
« -Voici Lucina, ma Luxray, et… Nos enfants. La petite qui fait une prise de judo à la peluche Zébibron, c’est Valériane, et ce petit gars, c’est Tanguy ! »
Ma fille est effectivement en train d’enserrer très fort sa peluche, à moitié avachie par terre. Son frère est simplement assis à proximité de ma Luxray, et garde ses yeux rivés sur Livia, la bouche entrouverte.
Toujours debout, je me tourne vers notre invitée.
« -Vous… Voulez boire quelque chose ? Et, euh… »
Assez incertain, je désigne mon téléphone.
« -Est-ce que je dois prévenir Erika que vous êtes ici ? »
Il a vraiment l’air gentil. C’est véritablement la première impression que Ginji inspire à Livia. Elle ne peut s’empêcher de le regarder, de le détailler, de remarquer son geste de gêne après qu’elle lui ait délicatement serré la main. Pour la jeune femme, c’était comme si elle se retrouvait face à un personnage de roman, une première rencontre qui suit des années de lecture de lettres.
