C'était moins une. Un peu plus et la bleue allait dire les quatre vérités en face à la pauvre Barbie, ou au moins mettre les points sur les i. Certes, ça aurait été marrant à voir. Mais pour le bien de la mission, mieux valait éviter ce genre d'incident. Respecter le client était une règle d'or, bien que parfois rageante, injuste ou même pire. Mais lorsqu'on était pris dans le feu de l'action, on oubliait assez vite les petits détails ce genre et restait focalisé sur le plus important, c'est-à-dire la mission.
Audrey semblait avoir compris là où la rousse voulait en venir, mais elle proposa tout de même son idée. C'était assez ingénieux et surtout plus rapide que de faire circuler une simple rumeur. Oui, ça pouvait marcher. Et en plus de ça, ce stratagème collait parfaitement à la peau de sa créatrice, c'est-à-dire bruyant, qui attire l'attention et surtout qui faisait l'effet d'une bombe, si l'on pouvait le dire ainsi. Mais le mauvais côté dans toute cette histoire, c'est que la rousse allait se retrouver obligée de fréquenter Barbie, femme en plastique et au cerveau en gelée. Malheur, Ô grand malheur ! C'est pour le bien de la mission, pensa-t-elle à répétition comme pour se rassurer et se réconforter de son propre sort.
– Ok ... Ne me souhaite pas bonne chance, ça va me porter encore plus malheur qu'actuellement.
Haussant les épaules, Ruby prit la feuille et le fameux crayon, espérant fortement que la fashion victim soit en mesure de dessiner quelque chose de semblable. Puis, prenant son courage à deux mains, elle s'approcha de Pot-de-Peinture-chan, aspirant et expirant bruyamment. Elle attira ensuite son attention d'une petite tape "amicale" sur l'épaule. Graisse de Wailord se retourna, la rousse manqua de sursauter, ayant oublié à quel point toutes ces couches de maquillages étaient affreuses une fois ensembles. Elle déglutit et rattrapa une seconde fois son courage.
– Donc il faut que vous nous dessiniez un modèle des bagues afin d'en reproduire des fausses.
La jeune offrit le crayon et le papier avec indifférence et alla s'asseoir péniblement sur une chaise. Malheureusement, l'autre l'avait suivi et commença à griffonner le papier, en parlant de tout et de n'importe quoi. Et, n'ayant d'autres choix pour faire bonne impression, la belle se retrouva forcée d'écouter tous les bavardages de la poupée vivante. C'était ennuyant ! se dit-elle sans cesse, à chaque seconde, à chaque mot, à chaque son prononcé avec la voix perçante de piaf de cette blondasse sans cervelle. Mais bon, ça ira. Il ne fallait la supporter que durant ... Quelques longues minutes ! Qu'Arceus ait pitié d'elle.
– Alooooors ! Là, c'était un os je crois et ... OH NON ! Il était plutôt par ici, un peu incliné comme ça tu vois. Parce que mon chéri et moi, nous voulions que face au soleil, nos bagues donnent un peu un effet de ... Comment qu'on appelle ça déjà ? Tu sais, le truc qui donne l'heure, qui est gros et tout ! Même qu'il y a trois aiguilles, une qui bouge tout le temps et les deux autres qui bougent moins vite ! HORLOGE. Voilà ! Bref. On voulait qu'au soleil, l'os fasse comme une horloge tu vois ? Sauf qu'il ne donne pas l'heure, parce qu'on est pas encore en 2050 hein ! Les petits trucs qui donnent l'heure, c'est pas très perfectionné aujourd'hui. Enfin, sauf quand c'est rose bien sûr ! Parce qu'en rose, ça fait tout de suite plus moderne et esthétique ! Tu n'es pas d'accord avec moi ?
Ruby soupira, agacée. Et le pire c'est que ça avait continué comme ça pendant de très longues et pénibles minutes, jusqu'à ce que la voix de sa coéquipière brise la conversation et occasionnellement toutes les autres de la ville. Pauvres personnes âgées qui faisaient la sieste, dommage pour eux. Mais pour la rousse, ce fut une occasion en or qu'il fallait saisir. Elle prit donc la feuille et le crayon avec une certaine brutalité et se leva, furibonde. Bien heureusement, Audrey fut de retour avant que Barbie ne prononce ne serait-ce qu'un mot de plus. Et un esprit de sauvé, un !
– Tant qu'elle et son "Kenichou" sont heureux, elle s'en fiche totalement, faut croire. Et euh ... Qu'est-ce que tu veux dire par là-AAAAAAH ! Elle sursauta, poussant un cri de surprise et rougissant brutalement. Une main sur sa poitrine, une seule. Mais ça suffisait déjà pour la même mal à l'aise, en plus de la proposition qui avait été faite par la suite. Ruby se recula et cligna des yeux à plusieurs reprises en regardant Audrey. Avait-elle bien entendu ou n'était-ce qu'une tromperie auditive imaginée de toute pièce par son fourbe de cerveau ? Non. Vrai, vérité, réalité. Rien de plus authentique. C'est pour le travail. C'est pour le travail. C'est pour le travail. Elle se ressassait un milliard de fois cette pensée en tête. Mais je ... Si tu insistes ... Elle lui rendit ensuite la feuille et le crayon. Finalement, la Barbie n'avait dessiné que des anneaux simples avec un os sur chaque. Quel énorme effort graphique. Puis elle partit.
La demoiselle ne se sentait cependant pas sûre d'elle et de ses capacités. Qu'elle possède un certain charme naturel ou non, certes. Mais l'exploiter, c'était une tâche très corsée pour elle, la grande timide. Même en s'imaginant être dans un film au contenu un peu osé, elle n'arrivait pas à s'imaginer en tant qu'actrice de celui-ci. Bien trop compliqué. Et pourtant, elle se lança sur sa première "victime". Un grand homme brun qui venait tout juste de rentrer dans le bâtiment. Ruby l'aborda timidement, avec un regard plus ballant au sol qu'autre chose. Mais elle leva finalement les yeux versions lui, toute rouge, et réussit à s'accrocher à son bras. Rien que cela lui avait demandé une force mentale des plus conséquentes. Elle était presque déjà à bout mais elle savait très bien qu'il fallait "jouer" pour réussir. Le bras de l'inconnu se vit tiré jusqu'entre les modestes formes de la jeune.
Et là, premier échec. L'inconnu se libéra, précisant qu'il avait déjà quelqu'un. Fantastique ! En plus de rater, pourquoi ne pas se forger une magnifique réputation assez dégueulasse en ville ? Génial, vraiment. Ruby soupira et alla s'asseoir dans un coin avec un air attristé et abattu, se disant qu'elle n'était qu'une bonne à rien. Et c'est à cet instant qu'ils débarquèrent, les célibataires un peu en manque, m'voyez. À croire qu'une jeune fille presque au bord des larmes, c'était la proie idéale. Mais maintenant, Ruby s'en fichait. Elle s'était pris un cuisant échec en pleine figure et avait du mal à s'en remettre, si bien que quelques courageux osèrent l'enlacer, et d'autre allaient même plus loin. Mais elle se releva avant, d'un bond, et criant.
– M-mais ... ARRÊTEZ. JE NE SUIS PAS VOTRE OBJET !
Attirer l'attention de tout le monde : mission accomplie. Si seulement elle avait eu la jugeote d'hurler dès le début, ça lui aurait évité une certaine mésaventure.