« Caaaaaarteeeeeer ! » appela Andreas Heartnett, de sa voix chantante.
Avec une pirouette, l’enseignant Coordinateur arriva devant la jeune rouquine et tira une rose des profondeurs de… on ne savait trop où, qu’il glissa entre ses dents en prenant un air charmeur. Smeagol, sa fidèle laideur pustuleuse, se tenait près de lui avec un air rayonnant et un regard qu’il voulait de braise. Cleve hésita à prendre les jambes à son cou pour aller vomir dans la poubelle la plus proche, mais la diva la retenait plaquée contre un casier.
« T-t-t-t-t-t-trop près… » baragouina la Pokémécanicienne en se reculant le plus possible, comme si elle avait voulu se fondre dans le métal.
Elle tenait ses cahiers contre elle, et ses joues étaient rouges d’embarras. Et dire que la journée avait commencé comme n’importe quelle journée banale. Des cours, un peu de bricolage dans la remise, et voilà qu’en chemin pour savourer une douche bien méritée, ce psychopathe aux cheveux d’une couleur révoltante venait lui faire son numéros de précieuse. Prenant cependant l’attitude de Cleve comme une preuve que la jeune fille succombait à son charme ravageur, Andreas passa une mèche de ses cheveux derrière son oreille, lui adressa un clin d’œil et lui tendit la rose.
« J’aurais un service à te demander, ma mignonne. Mission à la Pension de l’île Fraive ce samedi, pour s’occuper de la charmante marmaille fraichement sortie d’œufs –ahaha, encore quelque uns qui auront la chance de ne pas finir en omelette de cette douce Melty-. Qu’en dis-tu ? »
« Je… » commença Cleve, avant qu’Andreas ne l’interrompe en applaudissant.
« Merci, merci ! Je savais que je pouvais compter sur toi ! A samedi, donc ! Je t’envoie les informations par iPok ! » la coupa-t-il en faisant une nouvelle pirouette et en glissant sa rose rouge qu’elle tardait à prendre, entre deux mèches de ses cheveux roux. « J’ai ton numéro, évidemment… » ajouta-t-il d’une voix suave et mystérieuse, avant de lui envoyer un baiser invisible, et de disparaître dans un tourbillon de couleurs et de paillettes.
Cleve toussa et se retrouva recouverte de paillettes, qu’elle s’empressa de dépoussiérer de ses vêtements. La rose rouge tomba alors de ses cheveux, et elle remarqua le morceau de papier glissé entre les pétales. « A samedi Carter ♥ »
« Et merdeeee… » marmonna-t-elle, avant de jeter cette horreur du bout des doigts dans la première corbeille qu’elle croisa.
***
9h00 – Sur le paquebot
Le temps était plutôt clément aujourd’hui, ce qui rassura la jeune fille. Le bateau glissait doucement sur l’eau calme et Cleve respira une grande bouffée d’air marin. Peppéroni, à ses côtés, surveillait d’un air courroucé Andreas Heartnett qui se livrait à une véritable prestation de Coordinateur sur le pont, et distribuait à toutes les filles présentes des roses qu’il sortait de nulle part. La Mécanicienne soupira. Elle aurait pu passer son week end dans son atelier, à continuer son Casque Traducteur, mais non… il fallait qu’elle passe la journée à faire du baby-sitting, alors qu’elle n’en voyait vraiment pas l’intérêt. En plus, elle ne pourrait même pas récolter de données intéressantes, puisque les bébés Pokémon, tout comme les bébés humains, ne parlaient pas encore. Elle aurait beau enregistrer des sons, elle n’en traduirait que des baragouinages en langage humain. D’après ce qu’elle avait vu également, ni Leonidas, ni Chypre ne faisaient partie de l’expédition. De ce fait, elle se retrouverait probablement avec quelqu’un qu’elle ne connaissait pas, et qui avait potentiellement la chance –enfin le malheur- d’être particulièrement exécrable avec elle. Pour le moment, elle avait toujours eu de la veine de tomber sur des gens biens, mais cela n’allait pas durer éternellement. Ennuyée avant même d’avoir commencé, la rousse sirota une briquette de jus de raisin, et caressa d’un air absent la tête de Pep’.
***
10h00 – île Fraive
A peine furent-ils descendus du bateau, qu’Andreas se précipita à la Pension comme si sa petite vessie avait décidé de relâcher les chutes du Niagara. Un coup d’œil à l’intérieur de l’habitat permis aux élèves de se rendre compte du fait que le bellâtre avait juste envie de satisfaire ses bas instincts narcissiques en s’admirant copieusement dans le grand miroir de la salle de séjour. Soupirants et se regardant les uns les autres, ils se posèrent un instant la question de savoir quoi faire, avant qu’un élève des Phyllalis ne fasse passer une liste des binômes formés. Le couple qui gérait la Pension vint les voir quelques minutes en les remerciant d’être venus les aider, puis attribuèrent 6 bébés Pokémon à chaque groupe. Chacun pu ensuite occuper un espace du jardin ou de l’intérieur de la Pension pour prendre soin de leurs poulains, et Cleve fut la dernière à voir la liste des duos.
Lorsqu’elle trouva enfin son nom sur le morceau de papier griffonné à la hâte par Andreas, elle remarqua qu’elle était en paire avec un certain Allen Wills, du dortoir des Noctalis. Bizarrement, ce nom lui disait vaguement quelque chose même si elle ne parvenait pas à remettre l’orteil dessus. Elle chercha donc des yeux son collègue, et se dirigea naturellement vers la seule personne qui était encore seule. Un blond aux grands yeux bleus et aux traits harmonieux. Elle s’approcha avec un sourire timide, suivie de Peppéroni, et se figea lorsqu’elle reconnut le garçon. Lui. Allen Wills. La Gazette du Dresseur. Comment avait-elle pu oublier ça ?
Evidemment. Le « pervers ». Celui qui aimait « tripoter » les filles, d’après cette chère Ezra et sa plume acerbe. Damnation. Peppéroni, à ses côtés, grogna et montra les dents lorsqu’il vit Allen. Non seulement ce type était un mâle –et en plus il empestait le mâle alpha à des kilomètres à la ronde, il n’allait PAS laisser passer ça, voyons-, mais en plus il avait une réputation de coureur de jupons. Ce n’était clairement pas un partenaire à associer avec Cleve. S’interposant entre les deux étudiants, le Lokhlass toisa de haut le Noctali, et souffla des narines pour essayer de l’intimider. Cleve, que la peur rendait complètement pétrifiée, s’accroupit derrière la grande carapace de Pep’, se cachant la tête dans les mains, espérant qu’elle pourrait ainsi disparaître.
« B-b-b-b-bonjour… » couina-t-elle en pratiquant la technique de l’autruche.
La journée s’annonçait difficile.
Cleve continuait de se cacher derrière la carapace de Peppéroni, la tête coincée entre ses bras. Cela ne pouvait pas être possible. Non… Non… Non… Elle était morte de peur, MORTE DE PEUR. Vraiment, quelle idée avait eu ce fichu Andreas Heartnett de les mettre ensemble tous les deux ? Il voulait qu’elle soit traumatisée à vie ou quoi ? Il avait tiré les binômes au jeu des fléchettes ? Si c’était le cas, Cleve se promis qu’elle irait lui donner des cours sur la façon dont on devait décocher des vraies flèches, en se servant de sa tête de stupide Coordinateur comme cible d’entraînement. Allen Wills. Avant même qu’il se présente, elle savait déjà qui il était. Et, comme si de rien n’était, avec sa gueule d’ange et ses cheveux blonds semblables à ceux de ce cher *tousse* Vice-Directeur, le Noctali s’approcha d’elle et la salua. Il essayait de l’amadouer, hein ? C’était comme ça qu’il s’y prenait, pour embobiner les cibles sans défense qu’il finissait par tripatouiller allègrement à des endroits inavouables. Quel petit diable ! Pep’ ne se laissait cependant pas berner, et il claqua une nouvelle fois des mâchoires pour faire reculer ce petit opportuniste –« Arrière vil maraud ! Arrière ! »-. Loin de se démonter pour autant, le Topdresseur gardait un sourire commercial, dévoilant une dentition parfaite d’un blanc Colgate. Le petit Emolga qui trônait sur le haut de son crâne semblait d’ailleurs ravi de faire de nouvelles rencontres, couinant comme un Chacripan à qui on offrait sa première pelote de laine. Cleve reconnaissait ce spécimen pour en avoir vu un, un jour en cours de Botanique, se prendre une des têtes de Bounty dans la tronche avant de finir inanimé dans un pot de terre. Elle se méfiait cependant de ces petits diables aux bouilles craquantes –c’était d’ailleurs le cas du jeune Wills, mais lui, il était carrément auréolé d’une aura malsaine-. Dieu seul savait ce que ce duo ravageur pourrait lui faire subir !
Elle garda donc le silence un moment, avant de se rendre compte que c’était à son tour de se présenter, et qu’il n’était pas poli de foutre un vent à celui avec qui elle serait obligée de travailler toute la journée durant. Elle ouvrit donc un peu ses doigts pour voir Allen à travers, dévoilant ses grands yeux d’une couleur ambrée, et couina de sa petite voix de souris :
« C-c-c-c-cleve. »
Elle retourna ensuite se cacher derrière Pep’, rougissante. Elle aurait bien ajouté un « Enchantée », pour la forme, mais elle ne pouvait se résoudre à un mensonge aussi gros. Après tout, elle était loin d’être « Enchantée ». C’était la pire des situations possibles pour cette journée. On la mettait avec le Grand Pervers de l’Académie et on espérait qu’elle allait se dire « Oh allons-y c’est le Printemps, soyons fous ! Tiens j’enlève ma chemise, il fait chauuud, hein ? ». Balivernes ! Par chance, elle n’était pas obligée de se désapper, cette fois-ci –on remerciera Roseverte et ses idées plus que lumineusesvieux vicelard-. Ça aurait été la porte ouverte aux attouchements ça, tiens… Enfin bon.
Le long silence qui s’était installé entre les deux protagonistes fut bien heureusement brisé par les vioques de la Pension qui vinrent vers eux avec la charmante marmaille à surveiller. Six Pokémon. Selon Cleve, c’était encore une solution gérable si elle utilisait ses Pokémon. Elle n’avait même pas besoin d’Allen, d’ailleurs ! Elle se serait très bien débrouillé toute seule. Applepie, son Evoli, bien qu’encore très jeune et inexpérimenté, aurait fait un chaperon exemplaire. Son sens de la discipline était en effet très développé, et il n’aurait eu aucun souci à se faire respecter des autres. Pep’, quant à lui, pouvait compter sur son grand format et sa tronche à faire peur pour régner par la terreur. Avec ce gros tas de graisse à peau bleue, les gosses avaient intérêt à se tenir à carreaux s’ils ne voulaient pas subir son horrible attaque Plaquage. Dans le reste de l’équipe, il y avait ensuite Biske, Curl et Cherryl. La Givrali était cependant sceptique à l’idée d’utiliser respectivement un Azumarill farceur, un Psystigri inexpressif et sans vie, et un Mélofée qui… aurait fabriqué des poupées vaudou de tout un chacun et les aurait écrasé du talon en espérant les faire mourir dans d’atroces souffrances. Non sérieusement, il n’y avait que Pep’ et Apple’ qu’elle pourrait utiliser pour cette Mission. Elle fit donc sortir le petit Evoli à robe caramel de sa Pokéball, et le laissa s’accommoder à la lumière avant de lui présenter les nouveaux venus.
Les garnements semblaient tous avoir des caractères bien distincts. L’Elekid, plutôt violent de nature, asséna un coup à l’Emolga d’Allen, et Cleve resta à distance respectable de ce petit truc jaunâtre. Elle allait le laisser à son camarade celui-là, tiens. Au lieu de quoi elle se dirigea plutôt vers le Lippouti, l’Azurill et le Mime Jr. Elle s’accroupit à leur niveau et leur adressa un sourire doux. Ramenant ses longs cheveux roux en une queue de cheval haute, elle présenta ensuite sa main aux trois bébés, leur laissant le temps de la renifler, la toucher, et s’accommoder à sa présence. Rapidement, les Pokémon se regroupèrent autour d’elle et attrapèrent sitôt un pan de ses habits, sitôt un bout de jambe nue. Le Pichu, voyant qu’il se passait quelque chose du côté de la Givrali, grimpa rapidement sur son chemisier et élu domicile sur son épaule. L’Elekid semblait cependant avoir beaucoup d’affection pour Allen, et il restait près de ses pattes avec un regard qui semblait dire « J’attends que la Miss ait le dos tourné, et tu peux dire adieu à tes bijoux de famille. » Le Togepi était quant à lui cloitré dans un coin, avec l’air d’être de très mauvaise humeur.
Toute la petite assemblée se dirigea ensuite vers le coin « Toilettage », et Cleve fut ravie de voir que les bébés la suivaient en piaillant joyeusement. Pour le moment, tout se passait bien. Enfin… Jusqu’à ce qu’Allen ne balance une réplique à l’égard de la rousse, accompagnée d’un petit sourire en coin suggestif. La Pokémécanicienne cligna des yeux. Que venait-il de dire ? OH MON DIEU. Est-ce que cela était une façon détournée de lui dire qu’il serait ravi de la voir mouillée des pieds à la tête, pour pouvoir reluquer à travers son chemisier en transparence ? Diantre ! Le Pervers Allen n’avait pas de limites… Au bord des larmes, la jeune fille détourna le regard sans répondre, complètement paniquée.
« J-j-j-j-j-e peux m’en occuper toute seule… T-t-t-t-tu peux aller faire autre chose en attendant. » baragouina-t-elle finalement, la voix tremblante.
Au même moment, Peppéroni avait attrapé dans sa gueule le Togepi par un bout de sa coquille pour le transporter jusqu’au lieu de rendez-vous. Bien peu satisfait de se faire trimballer comme un vulgaire sac à patate, le Pokémon œuf asséna un coup de poing dans la gueule du Lokhlass, ce qui eut pour effet de passablement l’énerver. D’un coup de gueule, il envoya valser le Togepi, qui décrivit un arc de cercle et alla s’écraser dans la piscine dans un grand bruit d’éclaboussures. Cleve, et Allen qui se trouvaient juste devant la piscine, furent copieusement arrosés. La frange détrempée, l’eau ruisselant sur ses vêtements, la Givrali baissa les yeux. ERGL. Clairement, on voyait à travers sa chemise blanche les contours de son soutien-gorge. Marie Jésus Joseph. Qu’avait-elle fait au bon seigneur pour qu’on lui inflige pareil traitement ?!
Elle se protégea instinctivement la poitrine en lançant un regard apeuré à Allen. Avait-il vu ? N’avait-il pas vu ? Pendant ce temps, les bébés entraient tour à tour dans la piscine, sous la directive d’Applepie. L’Evoli les avait en effet fait se mettre à la queue leu leu, et les avait fait sauter dans l’eau. Se recentrant rapidement sur son travail, Cleve détourna la tête du blond des Noctalis, et décida de l’ignorer superbement. Elle n’allait pas être déconcentrée à cause d’un Pervers, allons ! Sortant une éponge d’un seau disposé à cet endroit pour eux, la rousse commença à savonner le Lippouti qui flottait, maintenu à la surface de l’eau par une bouée en forme de donut. Il ne fallait pas qu’elle pense au fait que le Topdresseur avait probablement ses yeux vicieux posés sur elle. Il ne fallait surtout pas ! ARGH !
La phrase d’Allen s’était perdue sous les bruits d’éclaboussures et de chute du Togepi dans la piscine. Cependant, les préoccupations de Cleve avaient été tout autre lorsqu’elle s’était retrouvée trempée des pieds à la tête. Evidemment, la jeune fille n’allait pas avoir pour premier réflexe de se tourner tout sourire vers le Topdresseur pour lui demander en minaudant « Kyah~ désolée je suis toute mouillée~ Peux-tu répéter ce que tu disais, s’il te plaît ? J’ai pas entendu. » A la place, son état d’esprit était plutôt le suivant « PAR LA SACREE SAINTE CHAUSSETTE DE MA GRAND MERE ! QUI EST L’ABRUTI QUI A BALANCE CE TRUC DANS L’EAU ?! MAINTENANT ON PEUT VOIR MON FI. CHU. SOUTIF. » Enfin. Ça, c’était ce qu’elle pensait intérieurement sans pour autant réagir de façon aussi excessive en dehors. Pétrifiée. Elle était complètement pétrifiée et clairement au bord des larmes. Pep’, au loin, s’était figé lorsqu’il s’était rendu compte qu’il avait fait une énorme bêtise. Il ne pensa même pas à claquer des dents pour menacer mâle-alpha-Allen-Wills-à-la-chevelure-blonde-parce-que-je-le-vaux-bien, mais finit par s’avancer d’un air coupable vers sa dresseuse pour essayer de la réconforter. Postant ses nageoires autour d’elle pour éviter que les petits crétins tout plein d’hormones ne se rincent allègrement l’œil, de Lokhlass coula un regard acide vers le Noctali lorsque celui-ci revint avec quelques serviettes et un t-shirt qu’il déposa dans un coin d’herbe pour Cleve. Mouais. Clairement, ce bipède rachitique venait de gagner des points dans l’estime du Pokémon Transport, mais ce n’était pas encore tout à fait ça.
Cleve se contenta cependant d’ignorer Allen, les joues rouges pivoines, frottant énergiquement les bébés Pokémon pour les laver des saletés dans lesquelles ils s’étaient roulés tout au long de la matinée. Elle essayait de masquer sa gêne apparente en se concentrant sur une autre tâche et en évitant soigneusement tout contact oculaire avec le jeune homme, mais elle était tellement perturbée qu’elle fit tomber la brosse plusieurs fois au fond de l’eau. Les bébés semblaient cependant apprécier qu’on s’occupe d’eux, et certains barbotaient en agitant leurs petites pattes et en couinant de contentement. Une fois qu’ils furent tous lavés, ils remarquèrent Allen frotter son Emolga et le petit Elekid dans des serviettes éponges, et ils se précipitèrent tous en dehors de la piscine pour qu’on les dorlote également. Seul le grognon Togepi continuait de flotter sur une bouée, ses yeux lançant des éclairs en direction de l’imposant Lokhlass.
Curieuse, Cleve regarda furtivement le blond en train de s’occuper des Pokémon, rougit de nouveau, et détourna le regard. Finalement, le Noctali n’avait pas l’air si horrible que la Gazette le laissait penser, mais la rouquine émettait des réserves quant à son sujet. Ce n’était pas parce que ce garçon était gentil avec les Pokémon que sa réputation de pervers était infondée. L’un n’empêchait pas l’autre ; on pouvait même dire d’ailleurs qu’il n’y avait aucun rapport. La Givrali pris malgré tout son courage à deux mains, porta le petit Togepi dans ses bras, et se dirigea vers l’intérieur de la Pension où elle demanda une chambre pour se changer. Enlevant son chemisier mouillé, elle enfila le t-shirt noir apporté par Allen et qui lui tombait un peu en dessous des fesses, puis abandonna son jean trempé pour un short de rechange qu’elle avait dans son sac à dos. Elle remarqua que le Togepi, assis sur un panier en osier, la regardait avec un air malsain pendant qu’elle était en train de se changer, mais n’y prêta pas plus d’attention. En quelques minutes, elle était déjà de retour à l’extérieur, proche d’Allen qui venait de réunir tous les bébés autour de lui.
Il était dos à Cleve, et celle-ci pu l’observer un moment sans craindre de croiser son regard. Comme ça, entouré de la petite troupe de bambins, il avait l’air totalement inoffensif. Il fit cependant sortir un immense Onix de sa Pokéball, ce qui sema la panique parmi la cohorte. Courant dans tous les sens, fuyant face à ce géant de pierres, le Lippouti et le Mime Jr. se cognèrent l’un à l’autre et tombèrent à la renverse en chouinant. L’Azumarill revint se perdre dans les pattes de Cleve, les larmes aux yeux, et celle-ci l’accueillit dans ses bras pour le bercer et le rassurer. Elle alla ensuite trouver les deux Pokémon presque mis K.O par le choc et leur chute, et les calma en leur frottant doucement la tête.
« Voilà un pansement magique pour vous. » leur dit-elle avec un grand sourire, en déposant un baiser sur leurs fronts.
Aussitôt, ils cessèrent de pleurer et s’accrochèrent à ses jambes, tandis qu’Allen jouait avec les trois Pokémon Electrik. Cleve, hésitante, s’apprêta finalement à le rejoindre lorsque le gérant de la Pension arriva paniqué vers lui, un Œuf à la main. La rouquine supposa qu’il s’agissait également d’un des Œufs ramassés lors de l’étrange journée de Pâque, et elle observa avec curiosité le blond se précipiter vers la piscine pour y déposer un Pokémon en forme d’étoile. L’Azurill dans ses bras était totalement intrigué par ce Stari nouvellement né, et il tira sur le t-shirt de la Givrali pour lui demander de l’amener là-bas. La jeune fille se dirigea donc vers la piscine, arrivant furtivement derrière le blond.
« Elle est jolie. » commenta Cleve en observant la gemme rougeâtre au cœur des cinq branches.
Puis, se rendant compte qu’elle venait certainement de ficher la trouille de sa vie à Allen en intervenant de façon si brusque et inattendue, elle rougit et se recula de quelques pas.
« Heu… je veux dire… je… » bredouilla-t-elle, alors que le Lippouti et le Mime Jr. la regardaient d’un air intrigué.
« Merci pour le t-shirt. » finit-elle par lâcher d’une voix à peine audible, avant de prendre la fuite pour se réfugier derrière les grosses pierres de l’Onix d’Allen.
Le cœur battant, la Givrali enjamba le corps du Pokémon roche pour se cacher à l’intérieur du cercle délimité. Remarquant au bout de quelques secondes que les deux bébés Pokémon dont elle avait la charge l’avaient suivie et essayaient sans grand succès d’escalader les pierres de l’Onix pour la rejoindre à l’intérieur, Cleve déposa l’Azurill qu’elle avait dans les bras et aida les deux autres à retourner auprès d’elle. Retrouvant le sourire, elle s’amusa en demandant à Pep’ de former des sortes de balles de glace, et en le faisant jongler sur son museau. L’attraction amusait grandement les trois bébés Pokémon, qui suivaient du regard les balles, riant aux éclats lorsque le Lokhlass faisait semblant de les faire tomber avant de les rattraper in extremis. Le Togepi, assis comme un Prince sur la tête du Pokémon d’Allen, soupirait avec nonchalance. Cleve ne savait pas vraiment quoi faire avec celui-ci, ni comment l’inciter à s’amuser avec les autres, mais plus elle le regardait, et plus il lui semblait vaguement familier…
Soupirant, elle préféra se concentrer sur les autres bébés, qui étaient à présent tous allongés sur le ventre, agitant les pieds et regardant leur nounou dujour avec de grands yeux brillants. Elle eut alors l’idée de passer à l’attraction suivante. S’asseyant en tailleur, elle respira un grand coup et commença à chantonner des comptines pour enfants dont elle avait de vagues souvenirs. Sa voix, claire et douce, n’était pas digne de celles des plus grandes cantatrices de l’académie, mais on pouvait aisément dire que Cleve se débrouillait en chant. Cela semblait d’ailleurs beaucoup plaire aux Pokémon, qui battaient des jambes en rythme, poussant des petits cris mélodieux en essayant de suivre les airs chantés par la Givrali.
Ils s’amusaient tous bien, et, perdant un instant sa concentration, Cleve ne remarqua pas que le Togepi suivait également le rythme. Battant des pattes à gauche et à droite, le Pokémon œuf avait un regard de plus en plus malsain. Ses mains commençaient à briller, prêtes à lancer une attaque Métronome sur Cleve et les autres bébés un peu trop bruyants à son goût, sans qu'ils ne s’aperçoivent de rien… Leur seul salut venait éventuellement d'Allen, qui était assez loin pour voir toute la scène et s'y immiscer. Qu’allait-il se passer ?
La petite assemblée s’habituait de plus en plus à leurs baby-sitters d’un jour. Cleve, avec sa douceur naturelle et ses sourires charmants semblait avoir gagné l’affection des petits, même si ceux-ci restaient encore timides vis-à-vis de la rouquine. L’Azumarill dans ses bras n’échappait pas à la règle. Même si blottit contre la Scientifique, il semblait heureux comme un Magicarpe dans l’eau, ses joues rondes et blanches avaient viré au rouge pourpre et il s’agitait comme un enfant qui aurait fait une bêtise et rirait à gorge déployée de se faire prendre la main dans le sac. Sur la demande du Pokémon eau, Cleve s’était dirigée vers Allen pour voir le nouvellement né Stari qui flottait paisiblement dans la piscine, manipulé avec le plus grand des soins par son dresseur. D’un œil curieux et intrigué, la demoiselle observait son partenaire, délicat et attentionné avec l’étoile couleur terre. Le petit bébé dans ses bras agitait sa queue extensible à droite et à gauche en faisant frémir ses oreilles rondes, lorgnant sur ce nouveau camarade de jeu, hésitant à sauter dans la piscine pour aller batifoler gaiement. Allen avait rapidement réagit au commentaire de la Givrali, répondait d’un air absent avant de se rendre compte brusquement de sa réponse. Avec un cri qui fit sursauter Cleve, il se retourna d’un coup vers elle, ce qui la perturba un instant. Sans attendre une réponse concernant le t-shirt, elle prit la fuite et alla se réfugier auprès de l’Onix.
Pour se calmer, la jeune fille avait alors entonné un chant qui visait à apaiser la petite troupe réunie autour d’elle. Note après note, la rousse s’amusait à manier les paroles, répétant d’une voix cristalline ces mots si simples à retenir pour les nourrissons, et qui pourtant devaient paraître bien abstraits pour ces têtes blondes. Certains commençaient déjà à avoir les yeux qui leurs picotaient, et Pep, posté près de Cleve, eut un sourire en voyant les paupières du Lippouti papillonner, luttant contre le sommeil pour continuer de s’amuser avec ses autres camarades. Bercés par le chant de Cleve, aucun des protagonistes ne remarqua le perfide Togepi qui préparait une grosse attaque. Par chance, Allen avait encore la tête sur les épaules, et il envoya valser le minuscule Pokémon dans les airs, avant de le rattraper. La Givrali s’était brusquement retournée vers eux à ce moment, mais elle aurait perturbé la quiétude des petits si elle s’était arrêtée d’un coup de chanter. Aussi continua-t-elle dans son refrain, lançant de ses grands yeux ambrés, un regard interrogateur à son acolyte. Qu’est-ce qui venait de se passer ? Pourquoi avait-il envoyé balader un de leur protégé comme ça ? Il voulait lui faire frôler la crise cardiaque ou quoi ? La jeune fille ne comprenait pas vraiment, mais le fait qu’Allen attire le Togepi vers lui grâce à son Metang la rassura un peu. Peut-être souhaitait-il simplement s’amuser. Dans tous les cas, le Togepi n’avait rien, si ce n’était qu’il semblait passablement agacé.
*Comme depuis le début de la journée…* soupira Cleve, tout en continuant de chanter.
Il fallait dire que le comportement du Togepi perturbait un peu la jeune fille ; à dire vrai, elle avait beau essayer tout ce qu’elle pouvait pour le faire rire comme les autres petits, elle n’y arrivait pas. Il restait buté, la regardant de ses yeux insolents et perfides, avec parfois un ricanement malsain qui lui rappelait toujours étrangement un autre Pokémon qu’elle avait aperçu auparavant. Mais qui ? Le mystère restait entier, et la Givrali rata une note tant elle avait l’esprit ailleurs. Intrigués par ce changement d’attitude de leur nounou, les Pokémon levèrent les yeux vers Cleve et s’approchèrent d’elle d’un pas hésitant, titubants, rendus quelque peu ensommeillés par la comptine.
Après avoir récupéré le Togepi, le Noctali vint s’inclure au cercle, un sourire gêné sur le visage, remettant le perturbateur dans les bras de Cleve. La voilà qui se retrouvait avec une grande partie de leurs protégés sur ses jambes, tandis que l’Elekid, visiblement entiché d’Allen, se mouvait vers lui en envoyant des coups de pieds aux malheureux qui osaient s’approcher du blond. Cette attitude fit sourire la rouquine, mais lorsqu’elle surprit le regard du Topdresseur, elle détourna précipitamment les yeux. Cela faisait déjà une bonne heure qu’ils avaient commencé à travailler ensemble, et pourtant, Cleve n’arrivait toujours pas à être naturelle avec lui. Cette gêne ne semblait pas avoir échappé à son camarade, et, profitant de ce lourd silence qui s’était installé, il lui posa une question. Aussitôt, la Pokémécanicienne vira au rouge pivoine et se cacha derrière le Togepi qu’elle pris comme bouclier de fortune. Comment avait-il remarqué ça ? Comment avait-il su ? Enfin, à mieux y réfléchir, il ne fallait pas être une lumière pour s’en apercevoir.
Depuis le début de leur mission, Cleve avait démontré un comportement pour le moins singulier envers Allen. Enfin… A vrai dire, c’était son caractère de d’habitude, mais poussé dans ses retranchements les plus extrêmes. Elle avait fui à chacune des apparitions de son collègue, comme s’il était bel et bien le pervers décrit par Ezra Plume. Maintenant qu’il lui expliquait tout ça, elle trouvait ça stupide de sa part. Evidemment… Elle aurait pourtant dû ne pas faire attention à ces ragots, puisqu’elle était assez bien placée pour savoir que la célèbre Journaliste de la Gazette du Dresseur ne faisait pas forcément dans l’info. A mieux y réfléchir, elle ne savait même pas pourquoi elle y avait cru, à la base. Peut-être avait-elle inconsciemment catalogué Allen comme le « pervers de service qui trébuche et tombe toujours le nez sous la jupe d’écolière de la héroïne », personnage malheureusement récurent dans certains de ses jeux vidéo –on ne demandera pas quels genre de jeux vidéo *tousse*-. Quoi qu’il en soit, elle voulut éclater de rire à ce moment, devant tant de stupidité de sa part, mais elle fut interrompue par l’arrivée d’un énorme Kangourex chargé d’un plateau repas. Elle avait été tant absorbée par ses réflexions et par le récit d’Allen concernant Ambre Lawford, qu’elle n’avait pas eu l’occasion d’en placer une.
La cacophonie qui suivi l’arrivée du repas la distrayant un moment, elle se détourna d’Allen pour aider le pauvre Mime Jr. à manger sans s’en mettre partout. Une fois la tâche accomplie, elle retourna jusqu’à son assiette et remarqua que le blond la fixait intensément. Peut-être trop, d’ailleurs. Cette insistance la rendait fébrile, de la même façon que l’étreinte d’Amaoka l’avait perturbée. Ses yeux mordorés soutinrent ce regard, incapable de s’en détacher.
« Eh bien… écoute, je… » commença-t-elle, avant d’être interrompue par l’Elekid qui était revenu vers eux en courant, se jetant sur les jambes d’Allen.
Applepie, qui surveillait les bébés Pokémon alors qu’ils mangeaient, tourna la tête vers le Pokémon Electrik avec un air outré, avant d’être submergé par une vague d’autres bambins. Ecrabouillé, exténué par tant d’activité, l’Evoli à la robe caramel se traina vers Cleve, tentant de rester digne mais n’en menant pas large pour autant. Avec un sourire, la jeune fille le rappela dans sa Pokéball en lui chuchotant qu’il avait bien travaillé et qu’il était à présent temps pour lui de se reposer. Repos qu’il ne devait d’ailleurs pas être le seul à prendre.
Se relevant au signal de la sieste donné par les gérants, Cleve frappa dans ses mains et intima aux bébés de la suivre. Avec l’aide d’Allen, ils allèrent se poser à l’intérieur de la Pension, dans une grande pièce où des futons étaient posés à même le sol. Choisissant un coin vide, la rousse invita ses protégés à s’allonger. La tâche fut plutôt difficile tant ils étaient agités, mais elle parvint cependant à leur faire entendre raison en leur promettant une récompense après le dodo. Voyant Allen un peu à l’écart et le regard dans le vague, la Givrali s’approcha doucement de lui et le fixa droit dans les yeux.
« Erm… Allen… On reparlera de ce dont tu me parlais après les avoir couché, d’accord ? » proposa-t-elle, prenant son courage à deux mains pour prononcer ces simples mots.
Une fois cela fait, elle respira un grand coup et lui adressa un sourire, avant de se rassoir près du Pichu pour le remettre sous ses couvertures.
« Tu veux leur lire une histoire avant de les endormir ? » demanda-t-elle à Allen.
Une idée lui traversa alors l’esprit, et elle fit sortir Cherryl de sa Pokéball. Le Mélofée vint se placer sur la carapace de Peppéroni, et commença aussitôt à confectionner une nouvelle poupée avec tout ce qu’il avait amassé depuis ses précédentes sorties.
« Ou alors on peut les endormir avec mon Mélofée. Ce sera peut-être plus rapide. » poursuivit-elle, laissant à son collègue l’entière décision.
A genoux près d’un futon, Cleve attendait sagement qu’Allen prenne la décision concernant ce qu’ils devraient faire pour endormir les petits. De son côté, Cherryl, perché sur Peppéroni, avait déjà terminé la confection d’une Poképoupée. Admirant un instant son travail, il fixa finalement la masse de Pokémon sous les couvertures, et balança sa fabrication sur la tête d’un des bébés avec un ricanement fourbe. La peluche en forme de Mélofée rebondit sur le crâne de l’Azumarill qui commença à renifler comme s’il allait fondre en larmes, rapidement consolé par Cleve qui lui déposa un baiser sur le front et glissa la poupée sous la couette. Avec un sourire rassuré, l’aquasouris se blottit contre son nouveau jouet et émit un petit couinement de contentement. Contrairement aux autres groupes, Cleve et Allen se débrouillaient relativement bien. La jeune fille acquiesça donc quand le Noctali lui répondit qu’il optait plutôt pour une histoire, et elle sortit son œuf de son sac à dos pour qu’il puisse profiter également de cet agréable moment. La coquille s’agita un instant quand la rouquine la posa sur ses genoux, et la température lui indiquait qu’il risquait d’éclore très prochainement, mais visiblement, ce n’était pas pour maintenant. Elle se fit la réflexion qu’elle profiterait de sa présence à la Pension pour demander aux Gérants s’ils avaient une idée de quand l’œuf allait éclore, et de quel Pokémon il allait s’agir, mais elle n’eut pas le temps d’interpeler le vieil homme lorsque celui-ci apporta la Stari d’Allen. A dire vrai, elle n’avait pas vraiment envie d’élever la voix, de peur de réveiller les rares Pokémon endormis.
Allen venait d’ailleurs de commencer son histoire, et Cleve ferma les yeux pour se laisser bercer par le conte. Cela parlait d’un petit Passerouge qui se perdait dans la forêt. La Givrali imagina dans son esprit le minuscule oisillon rouge, en se souvenant du Pokémon de son amie Chypre. L’histoire était triste, incroyablement triste. Tant et tellement que la jeune fille fut submergée par l’émotion. Allen s’arrêta cependant avant la fin, en se rendant compte du fait que tous leurs bébés s’étaient déjà endormis. Rouvrant précipitamment les yeux et regardant autour d’elle, la Pokémécanicienne constata que les autres bébés dormaient également, grâce aux talents d’orateur du Noctali. Ce dernier se leva d’ailleurs pour retourner s’allonger sur la pelouse. Le suivant de loin en trainant la patte, la rouquine pu voir le gérant s’approcher de son camarade et lui remettre un nouvel œuf, avant de retourner vers sa maison.
La jeune fille était trop bouleversée pour lui demander de l’aide à propos de son œuf. Aussi se contenta-t-elle de se diriger lentement vers Allen, et de s’assoir à côté de lui, sans le regarder. Au bout d’un moment, elle tira un pan du t-shirt du Topdresseur, les larmes aux yeux.
« D…dis… Qu’est ce qui arrive au petit Passerouge à la fin de l’histoire ? » murmura-t-elle avec la voix d’un animal blessé.
Elle eut les lèvres tremblantes un moment, puis sécha précipitamment ses larmes en se rendant compte de son geste. Fichue sensibilité ! Pauvre Allen, il n’allait sûrement pas savoir où se mettre. Estimant cependant qu’elle aurait du mal à s’excuser maintenant de son comportement envers lui, elle se contenta de caresser la coquille de son œuf, faisant courir ses doigts fins et pâles de mécanicienne sur la paroi solide et tachetée. Soudainement, comme s’il répondait à son geste, l’œuf s’agita de plus en plus violemment. Paniquée, la rousse tendit sa possession à bouts de bras, observant avec stupéfaction la coquille être zébrée d’une fine fissure. Des éclats furent dispersés un peu partout, et le haut de l’ovoïde céda enfin, laissant apparaître la tête minuscule, rouge et poilue d’un petit renard. Le Pokémon aux grandes oreilles émergea doucement de sa prison maternelle, regardant avec ses yeux curieux le monde autour de lui. Sa tête était décorée d’une sorte de houppette bouclée et il émit un petit « Gou ! » joyeux, avant de sortir de sa coquille. Il s’ébroua pour se débarrasser des derniers débris, et Cleve pu observer qu’il possédait également une queue arrondie, de la même couleur que sa « coiffe ». Sortant son iPok, elle entendit la voix robotique de Dexter s’élever :
« Goupix ! Le Pokémon Renard ! Quand il naît, le bébé Goupix n'a qu'une seule queue, qui se divisera plus tard en six s'il est bien soigné. Même tout petit, il est parfaitement capable de se défendre car il sait cracher du feu, et si l'ennemi ne recule pas, il envoie une attaque Onde folie. Son pelage tout doux lui donne l'apparence d'une peluche. »
Observant le petit renard, elle pencha la tête de côté. Cette chose était donc de type feu. A vrai dire, c’était la première fois qu’elle voyait un tel specimen, mais son aspect doux lui faisait bonne impression. En espérant qu’il serait aussi docile qu’Applepie.
« Heu… bonjour… » le salua maladroitement Cleve, avant d’approcher sa main pour pouvoir caresser le Goupix.
Avec un bond agile, le renard se faufila sous les bras de sa nouvelle dresseuse et vint se pelotonner sur ses genoux. Ouah. Il était vraiment affectueux, et tout minuscule. Un vrai bébé Pokémon ! Le visage éclairé d’un large sourire, Cleve décida de nommer son nouveau compagnon Omuraisu, en hommage à ce que ce malheureux aurait pu devenir s’il était resté sous les griffes de Melty Potts.
Ouais, ça sonnait plutôt bien ! Fière d’elle-même, la Givrali se tourna vers Allen pour lui présenter son nouvel ami, lorsqu’un bruit sourd se fit entendre dans l’intérieur de la pension. Comme une explosion, ou quelque chose qui n’augurait rien de bon dans tous les cas.
Surprise, Cleve se releva d’un coup, et vit un de ses camarades de la Pokémon Community se diriger vers eux, affolé.
« Venez les gars il faut que vous nous aidiez ! Il y a un Pokémon qui fout un bordel pas possible à l’intérieur, tous les bébés sont paniqués ! Un Togepi je crois, ou je ne sais quoi… Il balance des attaques Métronome dans tous les sens ! »
Il ne fallait pas un long temps de réflexion pour deviner de qui il s’agissait. Se tournant vers son camarade, la Givrali lui attrapa la main sans autre forme de ménagement, son Goupix sous l’autre bras.
« Viens ! » lui dit-elle, avant de se précipiter dans la pension, entrainant le Topdresseur à sa suite.
Leurs autres camarades qui étaient venus se reposer sur la pelouse après qu’Allen ait endormi leurs protégés se levèrent également suite à l’appel du premier garçon, et tous coururent vers la salle de repos. Croisant les doigts, Cleve espérait que la situation serait gérable…
Les larmes qui perlaient sur le visage de Cleve lui rendaient les yeux troubles. Un reniflement plus tard, et ses doigts s’étaient agrippés au t-shirt du Noctalien, demandant d’une voix tremblotante ce qui arrivait au petit Passerouge. Désemparé, Allen regarda la rouquine un court moment, avant de rire comme un enfant. Abasourdie par cette réaction pour le moins inattendue, la jeune Givrali leva la tête vers son camarade qui balaya ses larmes d’un revers de main. Malgré son rire, Allen ne se moquait pas vraiment d’elle. Il devait juste trouver la situation cocasse, sans pour autant penser à mal. Il ne lui raconta cependant pas le reste de l’histoire, la laissant deviner.
La Pokémécanicienne réfléchit. Elle se remémora les moindres détails du conte, et hoqueta en trouvant la combine.
« Le petit Passerouge passait ses journées à rêver de marcher dans la forêt, il voulait devenir comme ses frères et sœurs. » récita-t-elle. « Cela signifie que le Passerouge est en train de faire un cauchemar et qu’il ne s’est pas vraiment perdu ? »
L’air mystérieux d’Allen ne parvenait pas à lui indiquer si sa réponse était bonne ou non, mais il ne s’était pas séparé de son sourire, ce qui signifiait qu’elle avait probablement visé juste. Et puis il s’agissait sûrement d’un happy ending si son collègue en parlait de façon si légère. Etrangement, elle en vint à sourire elle aussi, jusqu’à ce que la coquille de son œuf ne se mette à craqueler.
Etait-ce la proximité avec tant de bébés Pokémon qui avait décidé ce petit nouveau à s’extirper de son cocon ? Cleve se fit la réflexion qu’elle avait sûrement obtenu son œuf en même temps qu’Allen, lors de la chasse aux œufs de Pâques. Ce n’était donc pas aberrant qu’ils aient éclos pratiquement en même temps, même si la Scientifique se promis de demander à Chypre des informations là-dessus, le plus rapidement possible. Omuraisu, le petit Goupix, gambadait joyeusement entre ses bras, mordillant gentiment de temps à autres cette grande main, juste pour jouer. L’ambiance entre les deux étudiants était brusquement devenue plus chaleureuse, mais un événement vint perturber la quiétude de leur repos bien mérité. Accourant vers eux, un de leur camarade les appela à la rescousse.
Le sang de Cleve ne fit qu’un tour, et, sans réfléchir à ce qu’elle faisait, elle attrapa le garçon par la main pour l’entraîner à sa suite. A l’intérieur de la pension, c’était un sacré bordel. Les futons avaient été retournés, les bébés couraient dans tous les sens, et leurs camarades étaient bien loin de maîtriser la situation. Quelque uns étaient parvenus à récupérer leurs protégés, mais ils étaient trop peu nombreux pour rassurer tout le monde. Les Pokémon piaillaient, criaient, pleurnichaient et se rentraient les uns dans les autres.
*Oh là là !* pensa Cleve en regardant deux Pichu se percuter brutalement, et tomber à la renverse en chouinant.
De leurs côtés, Pep’ et Cherryl s’étaient mis dans l’idée de calmer les foules. Le premier, que sa grande carrure rendait imposant, mais sacrément lent également, avait rassemblé quatre bébés sur sa large carapace. Pour éviter qu’ils ne s’enfuient et se blessent ailleurs, il avait créé une sorte de cage en glace ouverte sur le dessus qui retenait les Pokémon prisonniers à l’intérieur. Avec sa gueule, il attrapait la marmaille qu’il passait à Cherryl posté sur sa tête. Le Mélofée se chargeait alors de déposer sans leur faire de mal, les Pokémon à l’intérieur de l’abri. Cleve eut un sourire en voyant ce formidable travail d’équipe, et elle sortit rapidement de ses Pokéballs, Apple’ et Biscuit. L’Evoli modèle, comprenant rapidement la tâche qui l’incombait, bondit en avant pour essayer de rassembler les bébés tel un chien de berger, tandis que Biscuit, sur la demande de sa dresseuse, créait des bulles et de l’écume pour ralentir tout ce beau monde sans leur faire de mal. De quoi nettoyer un peu tout le bordel causé par cette joyeuse assemblée, d’ailleurs !
Omuraisu, qui agitait la queue depuis qu’il avait vu tous ces Pokémon courir dans tous les sens, sauta souplement des bras de Cleve et trottina joyeusement vers les autres. Cependant, tout jeune bébé, il esquissa quelques pas maladroits avant de s’emmêler les pattes et tomber sur le sol en couinant. Reprenant le bébé Goupix dans ses bras, la rousse se tourna vers Allen et assista à son exploit. Utilisant l’Elekid de leur équipe comme d’un opposant au Togepi, il parvint à rétablir la situation. Il envoya ensuite son Metang pour faire léviter tous les Pokémon, et Omuraisu quitta les bras de Cleve en glapissant de terreur. Bientôt, le perturbateur fut maîtrisé, tandis que tout le monde applaudissait. La Givrali, après avoir récupéré son nouveau Pokémon, coula un rapide regard admirateur vers son partenaire d’un jour, avant de détourner précipitamment le regard, rouge de honte.
« Bravo ! » souffla-t-elle à son oreille, après qu’il se soit fait sermonner par le gérant de la Pension.
Elle lui adressa un sourire radieux, avant que celui-ci ne disparaisse en voyant Andreas Heartnett débouler dans la pièce, complètement catastrophé par l’état du la chambrée… ou tout du moins, c’est ce que Cleve pensait avant de se rendre compte qu’il venait simplement de se mettre un mauvais coup de mascara et qu’il avait à présent une longue trainée de maquillage noir au-dessus de son œil droit. Se retenant de pouffer de rire, la jeune fille en déduisit que l’agitation l’avait fait sursauter au point de se louper de la sorte. Elle réprima un sourire bête, regarda Allen dans les yeux et se détourna de lui pour rire doucement.
« Maiiiiiis que s’est-il passé ici ? » cria le Coordinateur, catastrophé. « Qu’est ce qui a bien pu se… hm ? Mais… Que fait-il ici ? » demanda-t-il au gérant en pointant du doigt le petit Togepi. « Ben… ben ça alors ! C’est la secrétaire de Monsieur Rivardi ! Nom de dieu, il sera furieux lorsqu’il se rendra compte qu’il n’a personne pour taper ses rapports ! Il faut absolument qu’on rendre à l’école maintenant. MAINTENANT ! »
Les élèves sursautèrent, puis s’empressèrent de ranger la pièce sous les beuglements incessants –et les pirouettes incessantes- d’Andreas. Cleve, à qui on avait remis un balai, se dirigea d’abord vers Pep’, Cherryl, Apple et Biske pour les féliciter. Elle fit ensuite rentrer les trois derniers dans leurs Pokéballs respectives, puis commença le rangement en compagnie de ses camarades.
Au bout d’un quart d’heure de travail intensif, la chambre était presque remise à neuf, et les élèves purent regagner le navire, après des au revoir déchirants avec leurs petits protégés d’un jour. Cleve, avec un sourire, étreignit chacun des bébés Pokémon qu’elle avait eu à sa charge, et leur offrit quelques poupées que Cherryl avait eu le temps de confectionner lors de leur début de sieste, en souvenir d’Allen et elle. Ils purent ensuite se diriger vers le pont.
Avec un soupir de fatigue, la rousse aperçu Allen au loin et trottina gaiment vers lui. Omuraisu, qui ne quittait plus son épaule depuis la séance nettoyage, émergea du t-shirt de la jeune fille et tira la langue au Noctali.
« Erm… Je laverai ton t-shirt à l’académie et te le rendrait dans la semaine, ça te va ? » demanda-t-elle à son camarade en tirant nerveusement sur l’élastique de son col. « Et sinon hm… je suis désolée d’avoir agis comme je l’ai fait au départ… A vrai dire, je croyais un peu ce qui se racontait dans la Gazette, alors j’avais du mal à être très détendue en ta présence. Je te dois des excuses. J’espère que tu ne m’en voudras pas trop ? »
Elle attendit la réponse puis eut un petit sourire et l’étreignit brièvement.
« On est amis, d’accord ? » demanda-t-elle en lui adressant son plus beau sourire.
Puis, après l’avoir chaleureusement salué, elle remonta sur le ferry en compagnie de Pep’, pour un long trajet vers l’académie. La journée n’avait pas été de tout repos, et il lui tardait d’enfin rentrer chez elle ! Qui sait, peut-être que son nouveau compagnon allait lui apporter tout un lot de nouvelles aventures ?