Il y avait dans les yeux limpides de la richissime étudiante un mélange incertain de je-m’en-foutisme et de surprise. Penchée sur un ridicule miroir de proche, elle s’appliquait de ses mains graciles à réordonner sa chevelure. Je roulais des yeux. La rose me semblait si superficielle à cet instant précis. J’aurais craché par terre de dégoût si nous n’avions pas été en pleine mission. Si. Avec des si on pourrait mettre Illumis en bouteille je suppose. Fortement contrariée je laissais le soin à Bel de commencer à désintégrer les arbustes en coup de patte réguliers. Il était volontaire mais comme je m’y attendais mais sa petite taille le rendait profondément inefficace. Je maudissais un peu de ne pas avoir songé à prendre Thor qui du haut de ses soixante-cinq centimètre aurait fait bien plus de dégâts. Quelle imbécile. J’eus le plaisir de découvrir que malgré ses activités ô combien passionnantes et prioritaires Avril avait fini par faire le lien entre ma grimace et la broussaille qui dévorait l’accès à la nouvelle de demeure. Dire que nous ne connaissions pas le nom des gens pour qui nous exécutions ce travail…
L’ennui m’arracha un soupir et je me focalisais bientôt sur le bruit de lames régulières de l’Insécateur. La souplesse de ses mouvements lorsqu’ils tracés des arcs aériens et mortels me fascinait. La Coordinatrice prenait le temps d’aiguiser les lames de son gardien ? Je jaugeais rapidement son visage pétri de lassitude et inscrivait un « non » définitif. Les premiers végétaux terrassés, cette idée de soin des lames tourna dans mon esprit. Plus notre progression avancée plus je lançais de fréquent coup d’œil à la dresseuse, j’étais démangée par l’idée de la prévenir. Lorsqu’un arbre un peu plus large que les autres tomba en bourdonnant, je n’y tenais plus.
« Tu savais que les lames d’un Insécateur sont réputées pour s’émousser rapidement ? De nombreux soins sont proposés pour ça. En tant que Coordinatrice, tu devrais te renseigner. »
Juste après avoir dit ça, un sentiment me noua l’estomac. J’étais en train d’oublier quelque chose. Le sentiment d’être passé juste à côté d’un élément important pesait sur mon crâne comme le soleil à son zénith. Je mordillais ma lèvre inférieure en dressant une liste mentale de ce qui nous était arrivé quand la voix grave et familière du troisième me fit sortir brutalement de mes pensées. Il est déjà arrivé ? Je regardais le brun et tous ses pansements. Prince ? Le scientifique avait-il éborgné mon comparse dans ses manœuvres. Une colère maternelle fit étinceler mon regard avant que je ne vois la tête d’hélium surgit gaiement aux côtés du Phyllali. L’angoisse tomba bien que je ne puisse retenir un grognement.
« J’espère que tu as été raisonnable. »
Nous faisions chemin commun vers la maison. Elle me rappela étrangement celle de mon enfance, faisant ressurgir quelques souvenirs inquiétants. Je déglutissais. Les tuiles rouges harmonieusement disposé et les quelques Nirondelles qui pépiaient joyeusement semblaient tout droit sortis d’un souvenir. La chaire de mes bras s’étaient hérissés et je m’engouffrais nerveusement dans le logis. J’en ressortais presque aussitôt. Je n’aimais pas. Cela me serrait définitivement le cœur de faire le rapprochement entre cet endroit et celui qui avait donné naissance à tant de drames par le passé. Bel m’observait curieusement en trottinant silencieusement près de moi. Je lui enjoignais d’aller jouer plus loin. J’avais besoin d’être un peu seule. Je mettais un point d’honneur à remplir la maison de cartons, soulevant sans grimacer les blocs de « Sucre d’Orge » qui pour certains pesaient presque aussi lourd que mon Obalie. Cette énergie partait d’un désir simple, plus vite j’aurais terminé plus vite cette mission serait achevé. Les Tarsals avaient été redoutables, soignant le part de travail jusqu’à distribuer les cartons dans la pièce correspondante. Les abrutis, maintenant le petit groupe allait être obligé de faire pareil. J’en étais à mon quatrième aller-retour et je commençais déjà à me transformer en flaque de sueur. La chose qui m’avait échappé plus tôt revint me frapper comme la foudre. Un arbre un peu plus large que les autres tomba en bourdonnant. Les arbres ne bourdonnent pas. Glacé d’effroi de je me tournais lentement vers la baie ou une nuée de Dartagnan arrivés épée en avant. Sur le coup de la surprise je lâchais mon chargement qui écrasa mon pied droit. La douleur fulgurante me déstabilisa alors que je sautillais de façon tout à fait disgracieuse réprimant de grosses larmes. Ma stupidité me fit perdre un temps précieux et la part encore rationnel qu’il y avait chez moi s’efforça de palier.
« Bel ! Enflamme ces intrus ! TOUT DE SUITE ! »
Le rongeur hésita. Doux Arceus ! Il n’allait pas se la jouer protecteur de la faune local tout de même ?! Ces grosses guêpes ne se priveraient pas pour nous infliger des dommages conséquents. D’autant qu’elles se rapprochaient a vu d’œil. Du calme. Si l’Héricendre refusait de la carboniser, soit. Il me fallait un autre plan. J’arrachais sans ménagement le scotch du carton que je m’étais faite tombé sur l’arpion et sortait vivement brosse, grattoir, jouets… Quand enfin je mettais la main sur ce que je cherchais : un paquet de Poffins. Je priais pour qu’il s’agisse d’un goût Pêche ou Oran et non pas Remoraid ou Poissirène et le jetais à nos agresseurs. Ceci fait j’attrapais Bel sous mon bras et fonçais me réfugier dans la maison, ce n’était qu’une manœuvre pour gagner du temps. Les courants d’air m’apprirent que toutes les fenêtres avaient été ouvertes surement par notre lady de service. Gé-nial. Je m’empressais de fermer celle du rez-de-chaussée.
« ASPLIN ! Ferme les fenêtres de l’étage vite ! »
Je réalisais que je n’avais aucune idée de là où pouvait être Noctis. Le scientifique avait-il eut le temps de regagner l’abri ? Passablement inquiète j’interpellais à nouveau la rose.
« Tu sais où est Noctis ? »
L’interpellé déboula en sueur, la mine peu réjouie. Mon faciès se tordit dans une grimace d’appréhension. Rien n’était coordonné. S’il revenait de l’extérieur dans cet état, c’est qu’il avait probablement échoué à repousser l’assaut des guêpes. Peut-être même avait-il attisé leur hargne. J’étais piquée de colère à l’idée qu’il est empiré la situation mais je n’osais pas le dire à voix haute. J’étais rouge de honte d’avoir omis ce détail en nous frayant un chemin dans les bois. Plan ? A la blague ! C’est sûr qu’en quelques minutes, acharnées que nous l’étions à empiler les cartons où fermer fenêtres et volets nous risquions d’avoir un plan ! Il faisait bien sombre à présent dans l’habitation, l’odeur de la poussière et le bourdonnement incessant des Dartagnan m’oppressait. Je claquais des doigts et le dos de Bel s’hérissa de flamme. L’Héricendre me coula un regard doux, apaisant. Pendant ce temps Avril – qui semblait enfin se soucier d’autre chose que sa personne – parlait d’attendre. Hypothèse que je trouvais excellente, les animaux s’excitaient rapidement mais dans l’absence de résultat leur agressivité redoublait comme un soufflet. J’avais pu de nombreux Rattata sauver leur fourrure en se cachant ainsi entre les racines d’un arbre.
Bien sûr qu’ils avaient une cheminée, j’étais passée au moins deux fois devant en déplaçant les cartons. Mes sourcils se froncèrent. La rose pensait-elle à une échappatoire propice ? Y faire brûler un feu ? Je me glaçais. Et si… Sortie, entrée, guêpier. Mon cerveau se mis à chauffer. Agir. Je bondissais vers la pièce à vivre où était l’âtre, mon partenaire sur les talons. Révélée par la lumière vacillante des flammes du rongeur, j’eus la joie de découvrir que les Dartagnan n’avaient pas encore eu la même idée que nous. J’attrapais un tisonnier noir et le brandissais prête à en découdre avec nos invités inopinés. Mais le vrombissement colossal qu’ils dégageaient faisant trembler les murs de la baraque parut réduire. Je ne savais pas comment l’interpréter, jusqu’à la voix criarde bien familière désormais retentisse derrière les maisons. Plutôt mourir que d’être désignée responsable. Avril pouvait bien passer pour une égoïste sans moi. L’angoisse que j’avais pour ma propre réputation était parfaitement méprisable aussi je me forçais à cogiter sur une façon d’aider le jeune couple en détresse. Marion était-elle seule ou très bien accompagnée ? Hum… Information inutile. Je faisais le vœu que l’exubérante rousse ne soit pas venue en vélo ou à pieds, sinon il valait peut-être mieux se préparer à ramasser une loque violacée tout de suite.
Nos agresseurs insectes n’étaient pas franchement des créatures tendres et pour avoir observé les dégâts d’une unique piqûre venimeuse sur un imbécile de Joliberges je n’avais pas franchement envie d’expérimenter. Ou bien juste pour approfondir la connaissance scientifique que je pouvais en avoir et… Ce n’était pas le moment. Armée de mon tisonnier je passais le palier de la porte. En voyant la nuée de bête encerclant la petite auto rouge de Marion, je me liquéfiais sur place. Pourquoi ? Quel courage ridicule pouvait bien m’avoir fait quitté mon précieux abri ? Un couinement près de ma cheville fit écho à mes pensées. Bel m’avait suivie. Plus que de l’étonnement, c’était presque de l’abasourdissement de le voir bravé ses démons pour me suivre. Mon cœur oscillait entre une grande gratitude et une terrible colère. Il risquait d’être blessé et ne serait qu’un fardeau avec son abstinence au combat. Un autre glapissement de sa part me prévint de l’arrivé d’une très laide bête jaune rayée de noir. De mon épée de fortune je la repoussais. Un autre surgit et je répétais mon geste. Je m’étais toujours cru dénuée de talent dans les jeux d’escrime aussi j’étais surprise d’atteindre mes cibles et d’esquiver les coups. Etait-ce l’instinct de survie qui décuplait ainsi mon agilité.
Mon cœur tambourinait. J’avais du mal à me concentrer sur autre chose que les dards qui pointaient sur moi. En fait je n’y arrivais pas du tout. J’entendais les braillements de Marion. Du soulagement ? De l’horreur ? Comment faire la différence. Mes alliés avaient-ils agi pendant les interminables minutes où je défendais becs et ongles ma chair d’aiguilles qui suintait un liquide couleur violine. Je vais peut-être pouvoir faire un rapport détaillé sur les effets de ce poison finalement… Je m’épuisais de secondes en secondes, chaque assaut me paraissant plus rapide et brutal que le précédent. J’avais la rage au cœur. Je ne voulais pas être la première à céder, ce qui était inévitable au rythme où allaient les choses. Promis si je m’en sors, je m’inscris à un club d’escrime.
Et puis il y avait Belzébuth à côté. Il s’était d’abord tassé contre mes pieds, mais en avait été éjecté dès les premières secondes. Je crois qu’il souffrait d’être impuissant. Mais je ne le voyais pas. Jusqu’à ce que des flammes lèches mes bras qu’un terrible bruit d’agonie ne détruise l’un de mes agresseurs. Mes bras sentaient le roussi, le corps du malheureux aussi. La bravoure dont il faisait preuve me redonna un peu de vigueur que j’investissais contre le flot de bêtes. Etaient-elles toutes sur moi ? La question m’effleura avant que le bruit de cisaille d’un dard n’étincèle près de ma tempe. Je me laissais de nouveau emporter par le rythme de la parade et des coups. De sa frêle poitrine qu’il gonflait, l’Héricendre parvenait à faire des chaos nets. Mais cela ne suffisait pas. Cela ne suffisait pas à empêcher mes forces de se détraquer. J’étais épuisée et ruisselante, un coup de dard frappa mon tisonnier qui s’envola bien haut dans le ciel. Au même moment le corps de Bel devint une forme lumineuse qui grandissait. Un nouvel être au corps gracile naquit. J’observais avec fascination la courbe allongée de son corps, les pattes plus musclées ainsi que la longue crête de feu sur son dos. Mais surtout c’était l’étincelle or qui habitait désormais son regard sans peur. L’animal s’ébroua avant de se transformer en roue de feu. Le mouvement de rotation l’empêchait de tomber, il éliminait ses opposants de façon brève et efficace. J’admirais en haletant sa silhouette neuve de combattant infliger des dégâts conséquents.
Nous fûmes de nouveaux deux. En sécurité dans le vaste jardin de la propriété. Une pénible odeur de brulé s’insinuait dans mes poumons chaque fois que j’inspirais mais pour rien au monde je n’aurais souhaité être ailleurs. Une pudeur toute naturelle m’empêcha de féliciter oralement mon starter mais mes yeux chargés de fierté parlaient pour moi. L’image de Noctis et Avril m’assaillit. Allaient-ils biens ? Avions nous vraiment détruit l’intégrité de l’essaim ? Je jetais des regards furtifs autours de moi et tombais sur les fesses. J’étais vide et livide, inutile d’imaginer affronter une seconde vague dans ces conditions.
J’entendais le feu qui crépitait dans l’âtre comme un démon sauvage qu’on aurait mal encageait. Ma peau s’était hérissée au moment où la dextre salutaire de Noctis s’était refermée sur la mienne. Ca ne me rassurait pas. Cela me soutenait au mieux. Mais l’esprit farouche de demoiselle sauvage s’insurgeait si fort que je demeurais de marbre devant cette attention. Je guettais du coin de l’œil Belzébuth, le fier, le preux Belzébuth que l’évolution semblait avoir délesté de l’angoisse qui rongeait sa vie jusque alors. Ma gorge se noua. Et s’il ne m’aimait plus ? Si sous cette forme où le danger n’était plus un obstacle mon titre de maîtresse devenait fioriture et qu’il se moquait impunément de ce que nous avions partagé ? J’étais faible de penser ainsi, avec autant de sentiments mous et gluants dont étaient pétris les sots.
Je secouais ma tête avec douceur de gauche à droite. J’étais fatiguée. La fatigue embuait mon esprit. Il fallait rester lucide, se concentrer sur l’essentiel. Je toisais à la dérobée le grand brun qui sans jamais se départir de son calme avait simplement escorté la rousse pimpante et exprimer maintenant avec calme ma non-culpabilité dans l’affaire. Au lieu d’être reconnaissante, je lui en voulus d’atténuer l’affaire. J’avais échoué, j’avais failli et c’était uniquement de mon ressort. Une poupée comme Avril n’aurait pu calculer ce genre de chose à l’avance. Mettre une couche de « c’était un accident » semblait au contraire accentué mon tort. Sous les accusations de mon esprit, j ployais, trop fragile et épuisée pour opposer une logique solide et raisonnable à ces mauvaises pensées.
Comme des Nirondelles, mes coéquipiers s’enfuirent en tout hâte de la maudite maisons de propriétaires. Je restais là. Bientôt de nouveau assise dans l’herbe à regarder les tuiles rouges du toit en caressant la courte fourrure de Bel qui ne ronronnait plus. Seuls ses yeux fermés prouvés qu’il était sensible au geste. Haut dans le ciel, Prince regardait aussi avec un désarroi non-feint son seul ami partir. Peut-être pour toujours. Marion vint m’apporter de la tisane à deux reprises, elle tremblait et je déclinais son offre, deux fois. Quand le soleil devint crépusculaire j’enfermais le Feurisson dans sa sphère et ordonnais au Baudrive de me portais hors des bois. Le vent soufflait fort et dans le bon sens aussi mes pieds une fois sur le bon sentier regagnèrent vite l’établissement. Le micro-onde ! Et zut.