« Un jour, tu rencontreras une personne pour qui tu compteras plus qu'elle ne pourra te l'avouer... » , une phrase qui t'était tellement originale et pourtant si incompréhensible. Comment pouvait-on apprécier quelqu'un au point de ne pas pouvoir le dire avec autant de mots et/ou de gestes à sa disposition ? Si l'on appréciait une personne, ne devrait-on pas juste le lui dire, le lui faire savoir physiquement que l'on serait toujours là pour elle, peu importe les obstacles et les moments douloureux d'une vie ? Dans ta tête, cette phrase que ta mère t'avait un jour énoncé, résonnait comme quelque chose d'absurde, d'inimaginable, car pour toi, il t'était difficile de te livrer à une personne autre qu'un membre de ta famille, et encore, mais t'accrocher à quelqu'un aussi fort ... ? Cela ne t'avait jamais effleuré l'esprit tant tes relations avec tes "amis" les plus proches étaient quand même assez distantes, comme si tu cherchais à tout prix à te protéger de toi-même et de tes propres sentiments.
Et pourquoi tu réfléchissais soudainement à ce genre de concepts à ce moment précis de la journée ? Tout simplement car tu venais de passer une journée incroyable en la compagnie d'Ikiala, une jeune fille à la chevelure flamboyante, originaire elle aussi de ta sublimissime région de Kantô. Qu'avait-elle donc bien fait pour que tu eus l'envie de commencer à réfléchir au vrai sens du mot "amitié" ? T'avait-elle fait passer une aussi excellente journée à te parler, à se promener avec toi dans des lieux inédits tel que le Mausolée Scorvol ? Son caractère t'avait-il inconsciemment touché dans ton for intérieur pour que tu eus pu commencer à te soucier de l'importance d'autrui sur ton propre bien-être ? Ou alors, cette fille t'avait-elle rappeler tout ce qu'il t'avait manqué à Carmin-sur-mer pour faire la différence auprès de tes compagnons d'études, eux qui avaient choisi de ne pas te suivre dans ton rêve d'intégré le monde des Pokémons, par pur égoïsme et parce qu'ils se considéraient bien plus proches entre eux que tu n'aurais pu l'être en temps normal ? Probablement. Éventuellement. Hypothétiquement. Quoi que maintenant que tu y repensais, le seul mot qui te venais convenablement à l'esprit était le suivant : définitivement.
Mais l'heure n'était pas aux remords, ni aux regrets du temps passé et qui n'était plus à prendre ni même à essayer de rattraper. Désormais, tu te retrouvais de nouveau seul, accompagné de ton Moustillon, revenant de la luxuriante et très humide jungle qui t'avait permis de découvrir cet endroit sacré pour des dresseurs pokémons comme Ikiala : le Mausolée Scorvol. Tu te retrouvas alors de nouveau sur la plage, et là, le décor qui s'y était planté pendant ton absence était tout simplement magnifique et personne sur la plage pour gâcher ce moment de félicité. Tes oreilles voguaient au rythme des clapotis des vagues qui s'échouaient sur le banc de sable fin, chaud et ocre voire légèrement marronné lorsque certaines zones se retrouvaient submergées par l'eau iodée du coin ; ton nez se débouchait de seconde en seconde de par l'air marin qui stagnait à même la plage, une sensation de renaissance, comme si ton esprit usait de ton sens de l'odorat pour se délecter d'une seconde vie spirituelle ; tu t'arrêtais parfois pour frôler les grains de sable avec tes mains, laissant s'échapper les grains à intervalle régulier comme si tu réapprenais à lâcher du leste, à lâcher prise, et à laisser le temps s'écouler sans que tu ne cherches à en avoir une quelconque emprise ; et ton regard se perdait vers l'horizon, admirant alors l'astre solaire qui tentait d'imposer son rayonnement au bleu de l'océan, provoquant même un embrasement divin à même la ligne d'horizon. Un tableau unique, que tu savourais au maximum. Si tu avais été peintre, ou du moins doué en dessin ou en création graphique, tu aurais certainement voulu immortaliser ce moment de plénitude psychique et physique, et te rappeler à jamais de ce moment où ta vie prenait un tout autre sens, une définition nouvelle qui te plaisait de plus en plus.
« Mouss-ti ... mouss-ti ... moustiii ? Mousti ! Mousss ! Moustiiiii-illon ! »
Et alors que tu déambulais nonchalamment sur la côte, ton Moustillon commença à attirer ton attention, et semblait te faire signe de t'arrêter. Sur le coup, tu ne compris pas trop le pourquoi du comment, mais tu savais une chose, c'est que Mouss tentait de communiquer pour la première fois avec toi sans intervention d'une tierce personne. Et ce moment-là, tu ferais en sorte de l'exploiter à son plein potentiel. Tu essayas alors de décoder la gestuelle de ton petit pokémon de type eau, qui semblait indiquer avec ses petites mimines une direction à suivre du regard. Apparemment, tu devais regarder en direction de l'étendue immensément vaste d'eau qui se filait vers le Sud, où tu jetas un bref coup d’œil sans rien remarquer de prime abord. Tu dévoilas ton plus beau sourire à ton compagnon pour lui faire signe que tu avais réussi à la comprendre et à accéder à sa demande. Mais cela ne sembla pas suffire, car ton petit protégé te redemandais de diriger ton regard vers l'endroit qu'il t'annonçait quelques minutes plus tôt. Et là, surprise ! Une personne ... se dirigeant dans l'eau ... alors que le ciel commençait à prendre des tons légèrement pourprés, violacés, pour annoncer que l'embrasement de l'horizon commençait à laisser place au royaume de la nuit.
Tu ne savais pas trop quoi faire. Mouss semblait tout excité, assez pour se mettre derrière toi sans que tu ne pus le remarquer, à pousser tes jambes en direction de cette mystérieuse jeune fille à la silhouette plutôt frêle mais gracile. Il poussait de toutes ses forces en plus le petit chenapan ! Que pouvais-tu faire de plus pour lui faire plaisir si ce n'est accéder une nouvelle fois à sa requête ? Après tout, tu voulais faire en sorte de créer un lien unique avec ton premier pokémon, et tu l'intimas que tu avais compris et que tu allais le faire : aller voir la fille. Sans attendre, ton Moustillon te sauta dessus pour atteindre la pokéball accrochée à ton ceinturon que tu avais réussi à reprendre en passant par les baraquements avant de t'aventure au mausolée, appuya sur le bouton d'ouverture, et s’immisça de lui-même dans la ball. Il devait certainement avoir une idée derrière la tête, et pour en avoir le cœur net, tu allais tenir ton engagement inattendu, et te diriger vers cette nouvelle individu.
Alors tu t'approchas lentement, mais surement. Tu marchais avec délicatesse et rythme, pour ne pas brusquer ton arrivée, ni pour surprendre de trop avec une démarche trop silencieuse, trop sournoise. Tu manquais certes de présence aux yeux des autres, mais tu n'étais pas dépourvu d'un certain sens de la retenue lorsqu'il s'agissait d'aborder une personne seule, sans qu'il n'y ait aucune foule dans les alentours, comme un brigand le ferait dans une ruelle sombre. Petit à petit, le sol sablonneux et granuleux laissait place à une surface lisse et poreuse, s'enfonçant au contact de tes pieds qui laissaient alors leur trace derrière ton passage. Tu ne le remarquas pas tout de suite, mais tu aurais pu jurer que la fille s'était tournée en direction du rivage où tu trouvais, avait fixé un moment dans ta direction, puis s'était retournée face à l'horizon déclinant. Et quelques secondes plus tard, voire une ou deux minutes grand maximum, tu parvins à gagner la partie aqueuse qui annonçait ton arrivée avec succès dans l'eau où se trouvait ton énigmatique invitée nocturne. Et là, tu pouvais préciser les détails la concernant : elle était tout juste aussi grande que toi, soit avoisinant le mètre soixante-dix si tu ne faisais pas d'erreur, une taille qui paraissait normale en soi, mais qui était déjà handicapante pour toi lorsqu'il s'agissait du basketball, où tout le monde mesurait largement dix à vingt centimètres de plus que toi ; une corpulence somme toute légère sans pour autant donner une impression de maigreur ; un gable naissant de jeune femme qui n'augurait que splendeur et charme potentiel pour l'avenir ; une chevelure longue, lisse, légèrement graphique de part une sorte de tressage, et d'une couleur presque rousse, une teinte pêchée te dirais-tu. Tu la trouvais belle, sans pour autant t'abandonner dans des pensées odieuses ou blasphématrices de la condition féminine ... non, tu la trouvais juste belle, agréable à regarder. Même la blancheur de sa peau ne te semblait pas anormal, toi qui avait l'habitude de fréquenter des personnes adeptes des nouvelles technologies, et qui ne vivaient que la nuit. Peut-être que cette fille possédait un hobby semblable, d'où le teint de peau très clair qui signifiait qu'elle n'était pas intéressée par les excursions diurnes.
Une fois l'observation première terminée, tu t'approchas assez discrètement d'elle, jusqu'à venir à sa hauteur. Elle ne te regardas pas, mais te saluas dans un filet de voix plutôt mince, comme si elle venait tout juste d'utiliser assez d'air pour prononcer le mot "salut". Puis elle posa ses yeux sur toi, deux billes couleur amande, animés d'une lueur surprenante, comme si tout son être s'enflammait d'une telle situation exceptionnelle entre deux individus qui n'étaient pas destinés à se rencontrer. Mais ce petit regard ne dura que quelques petites secondes, avant qu'elle ne l'eut re-dissimulé en direction de l'horizon. Puis elle te fit de nouveau l'honneur de rejeter un coup d’œil dans ta direction, et tu les vis : ses pupilles se dilatèrent et prirent un angle qui te faisait dire qu'elle commençait elle aussi à te jauger physiquement, en commençant par ta chevelure si particulière, avec son teint bleu ciel. Une spécificité qui devait l'avoir piquée au vif, car celle-ci prit le temps de se retourner pour te faire face, les yeux dans les yeux, comme si rien ni personne ne pouvait l'accaparer plus dans son attention que toi. Puis elle arbora un mignon petit sourire du coin de ses lèvres, juste assez pour donner une autre dimension à son regard perçant, une dimension plus douce et plus avenante. Alors tu pris la peine de la remercier de son salut en faisant de même.
« Bonsoir ! *petit sourire et regard de sympathie* Je suis désolé de te déranger aussi tardivement dans la journée, au milieu de cet océan, et devant ce sublime coucher de soleil qui, je dois bien l'avouer, me laisse sans voix et m'attire comme un papillon le serait devant une source de lumière jaillissante. *écarquille ses yeux à la vue de l'horizon encore légèrement embrasé par les rayons du soleil* J'espère que je ne t'ai pas effrayée ... ce n'est pas tout le monde qui arrive à garder son calme dans une telle situation. Si jamais je t'indispose, dis-le moi, et je m'éloignerais un peu plus vers le camp de base pour te laisser de quoi apprécier en paix ce paysage ! *petite moue de gêne, sourire crispé, regard timide. Puis poursuit* Histoire de te mettre en confiance, je me présente ... je m'appelle Aaron Lancaster, et je suis arrivé sur cette île ce matin. Ravi de te rencontrer ... euh ... *s'interrompt car se rend compte qu'il n'a pas de prénom en retour pour finir la petite commodité de politesse* »
Tu aurais tant voulu connaitre son prénom pour lui dire à quel point tu étais ravi de la rencontrer. Mais tu en avais déjà peut-être trop dit, et tu l'avais peut-être de nouveau plongé dans le stress de l'inconnu. Tu t'en voulais légèrement de l'avoir accosté aussi naïvement et aussi simplement que tu venais de le faire ... mais ce n'était pas ton style de faire autrement, ou alors, de jouer la carte de l'apparition furtive et fantôme. Non, pas en ces circonstances-là, pas en ce temps-ci. Tu allais devoir compter sur ta chance, et ta chance seule pour que l'adolescente à la chevelure de feu ne daigne te répondre aussi simplement et amicalement que tu ne l'espérais.