Il commençait, évidemment, à prendre l'habitude de ces fuites forcées et répétitives vers le bungalow loué, seul refuge contre les incontinences célestes toutes aussi rébarbatives et redondantes, intrinsèquement, puisque l'une était liée à l'autre inextricablement. Ce qui était inhabituel, cependant, étaient les rencontres inopinées que l'on pouvait faire durant ce genre d'évènements, car, justement, l'évènement en question attirait les gens non pas sur une plage imbibée jusqu'à la lie, mais plutôt dans leurs habitations respectives, devant un bon feu ou un livre tout aussi excellent. D'ailleurs, notre protagoniste comptait bien en faire autant, rejoindre un endroit fermé, plus accueillant et nettement plus salvateur pour les bronches. Il marchait à grands pas, à défaut de courir, afin d'atteindre au plus vite son abri, qui devenait de plus en plus indispensable à mesure que le nombre de gouttes par seconde commençait à s'accroître de façon exponentielle. Ce fut à ce moment qu'eut lieu un formidable tintamarre, composé de hurlement divers, d'ordres donnés sur un ton qui n'admettait pas de réplique, tout en agressant les oreilles de façon injustifiée, du moins pour un auditeur extérieur, des bruits de pas martelant le sol, indiquant par là qu'un grand nombre d'individus se ruait sur ce morceau de paradis qui allait se retrouver, en quelques secondes, ravagé par les eaux. Dyö regarda dans la direction des cris, vit une bonne dizaine de policiers arpenter la plage avec tout le bruit qu'ils pouvaient générer. Ils cherchaient quelqu'un, évidemment, sûrement un voleur ou quelque chose dans le genre, mais le médecin n'était pas homme à se soucier de ce genre de choses, et il préféra détourner la tête, avant d'apercevoir, très brièvement, une sorte d'ombre. Puis, durant une seconde, il y eut devant lui un visage totalement inconnu, quoique celui d'une femme. Il ne la vit que fugitivement durant cette seconde, mais eut l'occasion de détailler sa physionomie de plus près lorsque, violemment, elle saisit son bras et plaqua dans un premier temps son dos contre une cabane de bambou, puis, dans un deuxième, ses lèvres contre les siennes, dans une attitude qui ne laissait pas la place aux sous-entendus.
Tout cela s'était passé en quelques secondes à peine, rien n'avait pu le préparer à une telle attaque, et il arrivait à peine à concevoir ce qu'il s'était passé. Il sentait les douces lèvres de l'inconnue contre les siennes, sentait une chaleur de feu se répandre dans tout son corps, il se savait rougir de la plus belle des façons, mais ne s'en souciait positivement pas. Heureusement que Jude n'avait pas voulu sortir de son habitacle rouge et blanc, car le dresseur savait pertinemment qu'il aurait cru à une attaque de la part de l'inconnue, et aurait certainement cherché à l'évincer, avec plus ou moins de violence. Les martèlements continuaient, et plusieurs agents de l'ordre les dépassèrent, sans même faire attention à eux, sauf un peut-être, mais qui ne dû point avoir envie de déranger deux amoureux en train de se bécoter, quoique ce besoin d'unir leurs lèvres sous ces gouttes de plus en plus nombreuses lui parut vraisemblablement étrange, voire suspect. Cependant, il décida de ne pas s'en mêler et repartit à la chasse au fugitif avec ses collègues, ce qui eut le don, d'une part, de soulager le dresseur qui n'avait aucune envie de connaitre des démêlés avec la justice et, d'autre part, de décoller la jeune femme de sa bouche, car, quoique la sensation fut plutôt agréable, il trouvait vraiment très gênant d'embrasser une complète inconnue – qui, d'ailleurs, se servait de cette mascarade pour semer ses poursuivants. Elle se tourna ensuite vers lui, et ses cheveux, étonnamment verts, assez longs, suivirent le mouvement, et il eut tout le loisir de l'observer. La première constatation qu'il fit fut qu'elle était belle, très belle, d'une beauté délicate et rude à la fois, d'une beauté qui ne pouvait laisser personne indifférent, quels que soient les sentiments d'un quidam à son égard. Elle avait des traits fins, des yeux légèrement vairons qui, tels un océan ravageur, semblait pouvoir emporter tous les cœurs échoués sur les rivages de l'amour. Qui pouvait-elle être ?
Il n'eut point le loisir de s'attarder sur ce genre de question car la jeune femme, qui devait avoir à peu près le même âge que lui, parla d'une voix rapide, qui, si elle exprimait une question, laissait sous-entendre très clairement un ordre. Le médecin choisit de ne pas s'en offusquer le moins du monde, légèrement sonné par l'aventure qui venait de lui arriver. "Hé bien... Je... Je suis ravi d'avoir pu vous venir en... aide, et d'avoir contribué à la sauvegarde de votre séjour en ce monde." Il y eut un instant de flottement, durant lequel il chercha ses mots. La couleur pivoine teintait toujours ses joues."Je pense qu'avec toute cette pluie, - et il jeta un regard en biais vers les policiers alentours, qui s'éparpillaient maintenant – il serait plus... sécurisant de venir chez moi, afin que nous puissions éviter d'être totalement trempés. Enfin, je pourrai beaucoup mieux résoudre les problèmes de votre ami." Il n'avait pas réellement réfléchi, en disant cela, le simple fait d'entendre une prière de soin l'empêchait de refuser quoi que ce soit, aussi, il avait préféré faire au mieux, et aider cette femme. De fait la véritable pluie commençait, et de grosses gouttes froides assaillaient les yeux et la peau, la visibilité s'en trouvait largement réduite, ce qui n'arrangeait pas le médecin, puisque retrouver son bungalow sous cette ondée serait bien difficile, quoiqu'il connût le chemin par cœur. Réellement, il aimait la pluie. Toute cette eau tombant sur son corps, sur son visage, en un délicieux rafraîchissement le ravissait, et il aurait été heureux de continuer à la recevoir sur sa peau, à faire durer ce moment jusqu'à ce que le Soleil revienne et chasse les dernières gouttes, si seulement l'urgence ne le tenaillait pas. A part quelques cris des gendarmes, le silence était de mise. Les quatre membres de son équipe regardaient la nouvelle venue avec un intérêt certain. "Dyö. Il faut que tu saches que cette femme essaie de t'embobiner, peut-être est-ce simplement pour que tu soignes son Pokémon, puisqu'elle t'a fiché comme médecin en voyant ta trousse de secours... J'espère juste que cela n'ira pas trop loin." Ainsi avait parlé Prude, qui, toujours, essayait d'inciter son dresseur à la prudence, en n'allant pas s'acoquiner avec n'importe quelle personne et qui, visiblement, n'avait pas apprécié le comportement et la présence de l'invitée du jour. Et Dyö ne répondit pas.
Cependant, ils arrivèrent tout de même dans l'habitation, et à l'instant où le plus gros de la pluie commençait à tomber. Comprenant qu'il n'y aurait jamais assez de place pour tout ce petit monde, le médecin fit rentrer son Mackogneur et son Tartard, qui semblait être enchanté par toute cette pluie. Il y eut un silence tendu, durant lequel Dyö commença par monter le chauffage, sortit une théière, et y fit bouillir de l'eau, puis posa trois serviettes soigneusement pliées sur un des lits de l'habitacle tandis qu'il s'enveloppait dans une quatrième et que ses compagnons en faisaient autant, quoiqu'ils restèrent à l'écart, près de la porte. "Bien et, maintenant, si vous me montriez votre ami ? Je ne possède pas tout le matériel que je peux utiliser dans un hôpital, mais si les blessures ne sont pas trop conséquentes." Pour toute réponse, la jeune femme fit sortir son "ami" de sa PokéBall : il s'agissait d'un Absol, mais en assez mauvais état, quoique les blessures qu'il avait reçu ne semblaient pas, à première vue, très profondes ; de plus, elles étaient fraîches, elles devaient être dûes, directement ou non, à la poursuite de tout à l'heure. Ce qui l'inquiétait plus était le fait que le Pokémon semblait être forcé à lever une de ses pattes arrières, dont le blanc s'ornait de pourpre ; du sang gouttait lentement. Il n'en fallait pas plus au dresseur pour se mettre au travail. Mais pas avant d'avoir retiré la théière et d'avoir plongé un sachet de thé dans l'eau bouillante.
Malgré les protestations du Pokémon, il réussit à le coucher sur un deuxième lit, grâce à son Mackogneur, qu'il fit venir spécialement pour l'occasion, qui envoya le Pokémon au pays des rêves à l'aide d'un bon coup du tranchant de la main derrière la nuque. S'armant de gants, il commença par examiner la plaie qui, au niveau du mollet, laissait passer du sang, dans laquelle était fiché un petit morceau de quelque chose que le médecin n'arriva pas à définir dans un premier temps. Prenant une petite pince, avec mille précautions, car la plaie était de la même dimension que l'objet qui était fiché dedans. Heureusement, ce dernier ne s'était pas enfoncé profondément, et il fut vite retiré. Dyö mit rapidement une compresse sur la blessure, qui, privée de son "bouchon" laissait passer le sang contenu, souillant les draps, et l'attacha fermement grâce à une bande de gaz. Enfin, il termina l'opération en attachant une attelle à la patte blessée et, quoiqu'elle ne fut pas vraiment adaptée à une patte d'Absol, elle saurait convenir pour le moment. Pour les autres plaies, qui ressemblaient bien plus à des égratignures qu'à de véritables coupures, un peu de désinfectant, couplé à un bandage eu largement raison de ces légères blessures. Enfin, il jeta ses gants, referma sa trousse, prit cinq chopes, les remplit de thé, en offrit une à son Lucario, à sa Charmina, en posa une sur sa table basse, devant la jeune femme aux cheveux verts, versa une poudre blanche dans la quatrième, qu'il mit également devant son invitée et en prit la cinquième pour lui-même, puis se mit en tailleur sur un pouf qui faisait office de chaise, tout en en laissant un à la fugitive. "La deuxième chope que je vous ai donnée est à faire boire à votre Absol. La poudre est censée le revitaliser." Il but une gorgée de son thé. "Votre Pokémon est maintenant hors de danger, si tant est qu'il y en eût, ce dont je doute fortement. Maintenant, ne pourriez-vous me dire ce qu'il vous est arrivé ?"