Je soufflais sur ma boisson chaude pour en supprimer la fumée qui en sortait et planait plusieurs secondes dans le vide avant de disparaître dans une explosion imperceptible de chaleur. Installé sur une petite table circulaire, seul, sur la terrasse extérieur d'un sublime café dont j'avais entendu parlé peu avant les vacances, et qui m'avait attiré par ses nombreux choix de boissons, chaudes ou froides, et mets qui manquaient souvent de me faire baver de joie à chaque engloutissement. Le paysage qui m'entourait était plaisant : la chaleur étouffante nous quittait peu à peu, s'accrochant désespérément à ce qu'il pouvait pour nous apporter du chaud dans nos corps tout en maintenant une barrière que le vent ne pouvait franchir que par petits souffles doux et porteur d'un froid tout juste capable de décharger l'atmosphère de son air suffocant. Dans la rue, l'activité était proche du zéro absolu. L'heure tournait vers le proche midi, mais il n'annonçait encore que l'arrivé des vagues d'adultes travailleurs qui allaient bientôt fuir une bonne heure leur travail pour manger et se vider de tout cet ennui ou ce stress qui les remplissaient les uns comme les autres. Pour le moment, tout était calme. Quelques véhicules passaient de-ci, de-là, et quelques passants, des chômeurs, des hommes et femmes âgés, des enfants suivant leurs jeunes parents vers leur maison dans un calme apaisant m'offrant la très bonne possibilité de siroter ma boisson sans être interrompu. C'était la Rentrée.
« Salut Lucas ! Retrouves-moi au réfectoire, s'il te plaît ! »
Je venais de recevoir ce message anonyme tout juste après avoir achevé mon boisson, qui s'avérait être un bon thé aux baies tropicales, un délice. Dans une sonnerie personnalisé, une musique d'un groupe de musiques que j'appréciais énormément, ce message m'avait été transmis. Ces deux petites phrases m'avaient plutôt surpris par leur familiarité. La personne qui m'avait envoyé ce message devait donc bien me connaître. Au moins un chouïa. Cependant, de mon côté, je ne savais pas qui c'était. Tout du moins, je ne le savais pas encore. La présentation n'avait pas été faite, et cette personne ne faisait pas parti de mes contacts. En moi montait subitement ce désir de connaître l'identité de cet personne, que ce soit une fille ou un garçon. Je rangeais mon Ipok et partit payer le barman avant de quitter le café en saluant gentiment ses occupants, tous des habitués, que j'avais rapidement connu à force de venir là, et prit le chemin le plus rapide pour retourner à l'académie. Pour gagner un peu de temps, je fis sortir Myrtille de sa pokéball, ce que je n'avais tristement pas fait depuis longtemps en dehors des entraînements, et monta sur elle avant de lui demander poliment de m'emmener vers ma destination, ce qu'elle fit et aurait fait de tout façon.
« Que dois-je penser de ce message ? »
Je me répétais ce message en boucle dans ma tête. Je n'avais absolument aucune idée de ce qui allait se passer une fois au réfectoire. Je n'avais cependant aucun crainte. Ma Ponyta était avec moi, et pour une fois, Queen était dans sa pokéball, chose qu'elle avait elle-même décidé de faire aujourd'hui. Nous étions revenu de l'île Cobaba depuis presque une semaine, et je lui avais déjà fait visité toute l'académie ainsi qu'une partie du centre-ville, et les parcs de jeux qui l'entouraient dans chaque coin de la ville. Peut-être le fait d'en avoir autant vu aussi rapidement l'avait un peu agacé, ou au contraire trop fasciné au point qu'elle ne souhaitait pas en voir de nouveau pour le moment. Dans tous les cas, j'avais pour aujourd'hui la tête libérée de son frêle poids de bébé, et à la place, sur ma droite, ma jolie Myrtille me suivait de près. Son regard était porté sur moi, amoureuse, joyeuse de pouvoir suivre mes pas. Quelques élèves venant d'en face nous observaient parfois, voyant immédiatement le béguin du type feu pour moi. J'avais tristement pris conscience de ses sentiments il n'y avait de cela que trois petits mois, alors que cela en faisait bien onze qu'elle faisait parti de ma troupe de pokémons. Je sentais qu'avec le temps, elle était devenu plus mature qu'à sa capture, et que de jeune fille, en comparaison à l'Homme, complètement gaga de son maître, elle était devenu cette femme pleine d'assurance et d'amour pour son dresseur.
Après mon changement, je m'étais mis en tête de régler trois choses : la première, la plus logique, était d'apporter plus d'attention à Myrtille qui n'en avait pas eu autant qu'elle le souhaitait par ma faute. La seconde était de la faire évoluer. Ce serait le cadeau qu'elle méritait depuis bien trop longtemps. Et la troisième était qu'elle fasse un œuf. Ce troisième détail était beaucoup spéciale que les deux autres. Il ne concernait que peu de membres de ma troupe, et même pour le moment uniquement elle. Elle était presque la doyenne de l'équipe, et la voir un jour porter un œuf serait pour elle, je pense, la plus grande des joies. Le tout était ensuite de savoir à qui reviendrait l'œuf obtenu. Je serais volontiers prêt à le donner à la personne qui élèverait le père, cependant, je trouvais que ce serait presque injuste pour Myrtille, elle qui porterait l'œuf jusqu'à sa sortie où il serait couvé jusqu'à son éclosion. Un dilemme se poserait alors. Mais l'attente serait longue avant d'y arriver, je n'avais pas à m'en faire. Un solution me viendrait sûrement avant. Je l'espérais tout du moins.
« Hey, bonjour Lucas. Désolé de t'avoir appelé comme ça euhm, je voulais juste te demander. Enfin, tu sais déjà que je suis en élevage et hum, bah voilà, je sais que tu as une Ponyta et je me demandais si je pouvais te l'emprunter ou la louer, comme tu veux, pour deux petites semaines. Remarque si tu veux pas je comprendrais, mais elle serait bien traitée je t'assure, et tu pourrais la visiter de temps en temps pour prendre des nouvelles et tout et tout. Tu crois que tu pourrais me rendre ce service ? Je t'en serais éternellement reconnaissante. »
Cette voix avait transpercé mes oreilles comme un tsunami ravage les côtes. J'avais enfin rejoint le réfectoire, où m'attendait une fille. D'abord surpris, j'avais ensuite reconnu l'une de mes rencontres des vacances d'été, nommé Estelle. Mes derniers souvenirs me revenaient alors subitement. Elle avait troqué la tenue estivale qu'elle avait porté durant notre fouille contre un superbe uniforme rayé noir cachant un haut blanc comme la neige sur lequel s'accrochait un nœud papillon rayé rouge et une jupe courte coloré orange, la bonne couleur. Pour ne pas paraître être un pervers relookant une jeune fille, ce que je n'étais pas, je ne regardais pas ses jambes sûrement douces et ses chaussures, auxquels je ne portais pas du tout attention. Un détail m'attirait beaucoup plus : sa coiffure. J'avais cru qu'elle avait des cheveux plutôt courts, et très grisé, coiffé dans un style pour le moins étrange, mais je me trompais apparemment. Elle les avait d'un rose éclatant parfait, d'une longueur descendant au moins jusqu'au fessier dans une ondulation magnifique, et décoré par le haut d'un serre-tête en tissu tenu par un autre nœud papillon. Une beauté à tomber par terre, ce qui manqua d'ailleurs de peu de me faire rougir comme une baie ceriz. Elle avait parlé d'une voix féminine que je trouvais très chaleureuse, mêlé à un semblant de timidité soulignant un côté très mignon chez elle, de mon point de vue, tout du moins, avant même que Myrtille ne rentre dans le réfectoire, parlant d'elle comme si elle était dans sa pokéball, ce qui n'était pas grave.
Il y avait évidemment plus grave. La troisième chose que je voulais régler pour la Ponyta allait déjà se produire. Il arrivait bien plus tôt que prévu, et pris de vitesse, je n'osais pas répondre. Je m'étais plongé dans une grande réflexion, tendrement observé par le type feu, et avait mis ma tête dans ma main droite pour que mon regard n'ait d'importance que sur mes pensées. Le plus dur était de choisir soigneusement quels mots j'allais donner en guise de réponse à Estelle. Je sortais finalement de ma tête, et me tournait vers Myrtille, lui offrant le sourire le plus franc. Et je lui demandais si elle voulait bien aider cette jeune fille face à moi à avoir elle aussi un Ponyta dans son équipe. Tout d'abord complètement joyeuse que je lui demande quelque chose, elle se ravisa rapidement en comprenant les conséquences de cette décision. Elle envoya son regard vers le sol, et sembla à son tour plongée dans une réflexion intense. Elle finit par se tourner vers moi pour acquiescer positivement. J'étais très surpris de la voir aussi consentante, et je m'en voulais. Elle faisait surtout ça par amour pour moi, et en retour, je ne pouvais rien lui donner d'autre d'important que la douleur de perdre un être auquel elle aurait pu apprendre la vie. Enfin, si. Une chose. Je me jetais alors sur elle, et lui fit un immense câlin de joie, probablement en surprenant Estelle et quelques élèves qui passaient par là. Une fine larme s'échappa de mon œil droit, et je m'empressais de l'essuyer. Je libérais Myrtille de mon éteinte, et me tournait vers la Mentalienne pour enfin lui donner ma réponse.
« Je m'excuse de cette petite scène étrange que je viens de faire. Après réflexion, je veux bien te prêter quelques temps ma Ponyta. Elle est très adorable et joyeuse, elle ne devrait poser aucun problème durant son séjour à tes côtés. J'essayerais de venir la voir le plus souvent possible. En espérant qu'elle t'apporte ce dont tu as besoin. »
Je tapais gentiment sur le ventre de Myrtille, qui me fixa d'un air à la fois triste et enjoué, et s'avança vers Estelle. Une idée me traversa alors l'esprit. Je fouillais sur ma ceinture, et appela Queen malgré sa demande de rester dans sa pokéball, et la posa sur mon crâne. Comprenant assez rapidement la situation, au moins les grandes lignes, elle se mit debout sur son piédestal, et salua Myrtille en agitant ses petits bras de gauche à droite par mouvements paraboliques en criant son nom joyeusement. Un sourire se dessina alors sur la Ponyta, qui nous quittait pour quelques temps, moi et toute la troupe. On aurait presque dit un adieu définitif. Heureusement n'en était-ce pas un.