Sur le ferry, cette montagne. Ce truc qui à l’évidence n’avait rien à faire sur le vaste océan. Je m’interrogeais avec beaucoup de sérieux sur sa configuration. En quoi mettre deux tonnes ferrailles sur l’eau représentait une avancée quel qu’elle soit ? Blême et vivement agité, j’étais fermement agrippée à la rambarde. Mes expériences en mer se comptaient sur les doigts d’une main. Probablement mes cris hystériques qui avaient jusque alors toujours eu raison des initiatives de mes parents. On ne pouvait pas, ce n’étais pas humain, de m’embarquer sur cet immonde en faisant miroitait l’une de mes seuls chances de trouver un sujet d’étude à la hauteur de mes ambitions. Sous moi, il y avait l’eau houleuse et démoniaque. Chaque vague, chaque chuintement quand la mer venait lâcher les flancs du bateaux, étaient un torture. Mes jambes flageolaient et mon esprit était totalement déconnecté. JE pestais. Avec amertume, avec déraison, dans un cruel manque de clarté, j’insultais tout bas l’académie comme les goelises qui avait le toupet de nous narguer depuis le ciel. Le supplice s’éternisait pourtant, j’en venais à soupçonner le vice-directeur d’avoir voulu faire de cette croisière une balade de plaisance. J’avais soigneusement évité les autres, je préférais être seule face à mon impuissance. Si l’eau devait m’engloutir toute entière, je n’avais pas besoin de spectateurs.

Non, le seul qui avait le droit de m’approchait était au moins aussi horrifié que moi. Belzébuth n’avait pas été plus enjoué que ça par l’idée de la voguer pour des raisons qui lui échapper bout de plastique flottant. Je sentais ses petites griffes s’enfonçaient dans la chair de mon talon, tandis qu’il à se plaindre timidement d’abord, puis bien ouvertement. Quelle plaie ! J’aurais dû l’appelé Jérémiade ! A croire que pleurnicher était sa seule façon de contester ! Le pire c’est que son manque de sang-froid ajoutait encore à mon malaise. Encore un frisson dans mon échine, plus long presque interminable suivit d’une violente nausée. Je retenais in extrémiste la bile âcre, ravalant le tout avec une mine dégoûtée. Je n’étais certainement pas du genre à me donner ainsi en spectacle comme se ce…. Comment s’appelait-il déjà ? Les Mentali passaient leur temps à glousser depuis la dernière gazette à ce sujet. Oui, c’était Rick Larson. J’avais même du le croiser en salle de classe un ou deux fois. Quel manque de dignité. Cette pensée me donna un peu de courage et je m’efforçais de paraître plus sereine et moins secouée face à la houle. Grand bien m’en prit, car la terre approchait face à moi et qu’une nuée d’élève m’avait rejointe pour mieux admirer l’espace qui abriterait notre toute première capture. Il était encore tôt, le ciel était clair et la fin du cauchemar en approche. Même Belzébuth dû percevoir que les choses étaient en phases de s’améliorer.

Le premier pied que je posais sur la terre ferme fut salutaire. Je m’y pris à deux fois, tant le choc était grand. J’avais encore l’impression que le sol tanguait autour de moi et ne pas m’étaler de tout mon long constituait une véritable épreuve. L’air était encore bourré d’odeurs d’iode et d’algues. Mais j’avais fini par m’habituer à ces effluves-là, je les supportais mal à Joliberges, mais force m’était d’admettre qu’elles me rendaient plus vivante. Le contact d’un corps excité et enthousiaste se pressant derrière moi pour accéder plus vite au reste de l’ilot confirma mes craintes. Mon corps frappa violement la terre  encore humide de rosée et une exclamation indignée s’échappa de mes lèvres. Quel sot ! Je me relevais avec précipitation et dans un élan de rage absolue manquait de peu la tête du coupable en jetant une pierre dans sa direction. Mes yeux jetaient des éclairs. Comment ?! Comment un tel imbécile, un moins que rien pouvait se permettre de telles libertés ? Rouge de honte et de colère, je m’éloignais à grands pas du petit groupe qui s’était formé au pied du vice-directeur. Qu’ils écoutent les demeurés ! La chasse n’en serait que plus tranquille. Le héricendre ravie d’avoir retrouvé le sol bien plus tangible que le navire s’évertuait à suivre mon allure pressée. Mais j’étais si remontée qu’il fallut plusieurs minutes avant que je n’ai les idées suffisamment pour arrêter de traçait entre les arbres.

Je m’en voulais à présent d’avoir cédé à une rage aussi primaire devant un esprit faible. Mais ce contact. Cette rudesse dégoûtante, ce manque d’élégance et de finesse, ces détails creusaient un tel fossé entre moi et eux qu’il me semblait impossible de pouvoir supporter leurs grotesques maladresses. Je m’étais perdue pourtant. Perdue dans une forêt dont les odeurs sauvages me rassuraient. Peut-être avais-je tort. Peut-être que je venais juste de me trouver. Mes doigts effleurèrent l’irrégulière écorce en savourant tous les sillons et bosses. Belzébuth qu’à moitié assuré, encerclé par des arbres tous plus immenses les uns que les autres, avait retrouvé sa place, plaqué contre ma jambe gauche. Ma robe était en piteux état, les bas du moins, ça me rappelait ces escapades hors du monde quand j’étais plus petite. Ca me rassurait quelque part. La bise qui souffla dans mes cheveux m’apporta un peu de l’odeur saline de la côte ma rappelant que j’étais sur une île. Je ne risquais pas vraiment de l’oublier avec le voyage en ferry, d’autant que le sol était lui-même sablonneux. La plupart des arbres étaient des épineux, et à deux reprises j’écorchais accidentellement mes doigts sur l’un deux. L’odeur de mon sang attirée-t-elle un inconnu ? Je n’oubliais pas la raison de ma présence en ces lieux. Caché entre les hautes fougères ou tapie sur l’une des plus hautes branches. Il était là. Je ne me faisais pas vraiment de soucis sur son identité, je préférais l’imaginais fière et inébranlable, comme ces créatures farouche que l’on voit si souvent en rêve. Loin de cherché un remplaçant à Belzébuth, j’espérais bien au contraire trouver un partenaire suffisamment aigri et sauvage pour montrer l’exemple au jeune héricendre. Ce dernier avait fini par se retrouver dans mes bras, les aiguilles de pins irritaient ses coussinets.