Oui, Calliope s’excusait. A ses yeux, c’était parfaitement logique car elle avait engendré plus de problème à Leo vis à vis de cette situation, même si ce dernier disait le contraire. Callie repensait à la fameuse Janet, qui lui avait crachée des propos plutôt désagréables à entendre. Et c’est à cet instant qu’Estelle avait tout dévoilé, que Calliope avait compris : c’était impossible. Si seulement elle avait pu revenir en arrière. Sachant tout cela, elle aurait certainement terré ses sentiments au plus profond d’elle pour ne jamais les dévoiler. Au début, elle se refusait de croire qu’elle éprouvait de l’amour pour le jeune blond. Mais cet événement sur l’île Frista n’avait fait que de confirmer ses émotions et elle les avait ouverts. Puis, avec le recul, elle osait croire que cela avait pu être la bonne solution, comme Alban le lui avait conseillé la veille, pour ne rien regretter plus tard. Sauf que d’une certaine manière, elle regrettait. Etait-ce les mêmes remords ? Peut-être pas. Car au moins, Leo était au courant, Callie ne pouvait plus rien nier et elle pouvait faire face à l’être aimé. C’était difficile comme épreuve, une autre souffrance, mais la rouquine faisait tout son possible pour résister et pour ne pas tomber au sol, impuissante, le cœur meurtri.
Leo s’approchait d’elle, réduisant la distance qui les séparait. Callie ne bougeait pas d’un poil, ne sentant plus aucune force dans ses jambes. Elle aurait pu courir pour s’enfuir le plus loin possible, ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Or, elle en était incapable. Elle avait aussi besoin de ce face à face. Une main s’était déjà posée sur une épaule, l’autre en faisait de même, emprisonnant la demoiselle aux bras du lion qui semblait vouloir l’empêcher de partir. Non, elle ne bougerait pas. Elle le regardait même, avec tout le courage qu’elle pouvait rassembler afin de l’affronter. Une sensation étrange parcourait son corps. C’est parce qu’elle sentait les mains du garçon, chaudes et se voulant rassurantes. Il ne voulait pas l’embêter… Alors, elle déviait le regard, peu en accord avec ce qu’il venait de dire. C’était faux… Callie était son amie, elle prêtait toujours une oreille attentive aux maux des autres. Une chose naturelle chez elle, d’autant plus qu’elle suivait la filière médicale. Les derniers propos du jeune homme ne faisaient que d’alourdir le poids dans sa poitrine. Inaccessible… ?
_ Toi, tu l’es… soufflait-elle doucement, la voix brisée et à peine audible.
Leo resserrait doucement à cet instant les paumes de ses mains sur les épaules de la jeune fille. Comment pouvait-elle penser le contraire ? Si elle se baisait sur ce qu’il se disait, cela voulait donc dire qu’elle pouvait encore se battre pour lui, pour l’avoir. Sauf que ce n’était pas du tout logique dans l’esprit de la rouquine. Puisqu’il aimait éperdument Estelle, comment pouvait-il dire cela ? Ce serait combattre pour rien. Puis son interlocuteur continuait, déclarant que lui, devait s’excuser. A l’entente de son prénom, la demoiselle frémissait. C’était inhabituel chez le garçon de l’interpeller de cette façon. Pourquoi regretter ne pas l’avoir remarqué plus tôt. Aurait-ce changé quelque chose … ? Callie en doutait. Elle redressait la tête pour l’observer, le regard méfiant, elle ne comprenait pas pourquoi il lui disait cela. A sa manière, Leo voulait arranger les choses mais pour le moment, il s’y prenait mal. Pouvait-elle lui en vouloir ? Non. Il faisait son possible. Et puis, les filles étaient déjà bien assez compliquées, surtout quand il s’agissait de sentiment amoureux. Des fois, elles interprètent les phrases à leur manière. Leo enchainait alors, sans laisser de possibilité à Calliope de rajouter quelque chose. A vrai dire, elle ne savait pas quoi répondre.
La force au niveau de ses épaules se resserrait de nouveau. Callie comprenait qu’elle n’était pas la seule à souffrir de cette situation. Leo lui transmettait sa faiblesse. Mais la douleur que ressentait la préfète était plus grande. L’adolescent qu’elle aimait se trouvait devant elle. Ils étaient seuls, en train de discuter d’une chose qui les mettait mal à l’aise tous les deux et… La rouquine ne pouvait rien faire. Elle ne pouvait même pas réaliser le dernier pas qui pourrait lui permettre de se lover dans les bras du garçon, pour l’enlacer doucement. Elle ne pouvait pas non plus se redresser délicatement sur la pointe des pieds afin de l’embrasser, comme elle avait voulu le faire dans la base de la Team Rouage. Ca ne lui était pas réservé. Non, elle ne lui en voulait pas. Ce n’était pas sa faute… Elle regrettait juste qu’Estelle avait été celle qu’il choisissait, même pour ses confidences. Callie aurait aimé être là, pour lui, elle aussi. Il attrapait alors ses mains. Impossible de partir. La confrontation était directe et les battements du cœur de la demoiselle s’accéléraient. Que faire ? Uniquement son regard pouvait fuir. Ce contact qu’elle s’était interdit, Leo se permettait de le réaliser. C’était à la fois agréable et étrange, cette chaleur qui se dégageait…
_ B-bien entendu… Mais tu sais, moi aussi, je peux être là. Pour toi.
Une amitié pouvait suffire. Callie l’espérait. Mais cela allait lui demander du temps, beaucoup de temps pour qu’elle répare son cœur blessé. Elle aurait du mal au début, de voir le garçon sans qu’elle ne repense à tout cela. Elle se sentait capable de faire des efforts, de combattre ses sentiments pour simplement oublier… Perdre un souvenir si violent, si passionné ? Facile à dire. Le temps ferait le nécessaire, c’est ce qu’elle se disait. Elle serait alors doucement l’emprise que les mains de Leo avaient sur les siennes et souriait, concevant tout de même ce regard triste.
_ N’hésites pas à te tourner vers moi. Surtout pour Akhan, s’il en a encore besoin. Calliope avait toujours cette brèche dans son cœur, mais elle restait sincère. Merci, Leo… L'amour véritable c'est celui qui dit je t'aime mais je te quitte. Il part, mais ne cesse de s'agrandir.
Le silence planait de nouveau. Callie se contenait de dégager ses mains de l’emprise de celles de Leo. Le contacte brisé, son rythme cardiaque pouvait tenter de reprendre une allure normale. Sauf qu’une sensation étrange, telle une brûlure, se faisait ressentir au niveau de la clavicule gauche. Cela n’arrangeait donc pas les battements de son cœur, qui s’élevaient de nouveau. Comment pouvais-tu encore te faire avoir Calliope ?! Déjà hier. Décidément, tous ces sentiments te perturbaient ma belle, tu ne prêtais même plus aucune attention à la maladie qui te rongeait. Cela devait bien faire quelques minutes que le soleil avait bougé, laissant les rayons du soleil toucher la rouquine plus qu’il ne faillait. Une rougeur assez importante s’était formée à cet endroit, et elle paniquait. Cette panique se retranscrivait sur son visage et la demoiselle oubliait presque la présence de Leo, cherchant désespérément le coin d’ombre le plus proche. Le restaurant en arrière avait une terrasse, regroupant pas mal de parasols et permettant un abri contre les UV.
_ Je… Désolée !
Sans crier gare, elle quittait le garçon, fonçant droit vers ce qui devait l’abriter. Arrivée à destination, Callie se postait directement sur une chaise pour reprendre son souffle. Elle regardait ensuite la rougeur qui l'inquiétait assez. Cela allait laissé des marques...