C'était le début d'un habile jeu de va-et-viens. Je fais un pas vers elle, je la protège, je la sauve. Je fais un pas dans la direction opposée et c'est maintenant elle qui s'avance, qui me remercie. Pourtant, elle perd sa motivation à mi-chemin, recule de nouveau, affaiblie, comme si elle tentait de voler trop près de l'astre solaire. Le jeu était amorcé, autant dire que j'avais déjà gagné. En effet, lorsque j'avais voulu partir, tel qu'anticipé, la demoiselle ne m'avait pas laissé m'exécuter. Au lieu de cela, sa main était venue se refermer sur la mienne en ce que je devinai être un réflexe. Me fixant, elle s'était immobilisée, des mots silencieux au bord des lèvres. Plait-il? L'interrogeais-je d'un regard curieux. Soudainement hésitante, l'étudiante avait baissé la tête, plus réservée, sans pourtant me laisser partir. Vint alors finalement la suite, "merci". Preuve était maintenant faite qu'elle avait toujours la capacité de s'exprimer.
- Je n'ai fait que mon devoir de Préfet. D'autant plus que je m'en serais voulu d'abandonner une jeune demoiselle à son sort.
Une réponse humble, détachée, une réponse de qualité, en somme. Je lui laissai un peu plus de temps, sentant qu'elle tentait en retour de se rassembler pour formuler une réponse tout aussi décente. C'est donc sous mon regard amusé qu'elle sembla redresser les épaules et, durant l'espace de quelques instants, qu'elle se fit racée et digne, à tout le moins autant que sa condition le lui permettait malgré sa joue encore rougie de la gifle de son bourreau. Son regard d'ambre vint se confronter à mes joyaux d'or fondu et les mots lui vinrent avec ce même raffinement, cette dignité noble, m'avouant courageusement le statut que lui avait fort probablement offert sa naissance. Ma proposition lui allait droit au coeur, mais... Elle venait de retomber. Sa force s'était épuisée comme neige au soleil. Rien de plus que l'ombre d'un potentiel gâché. Une déception, un échec jusque dans sa réplique alors que tout le reste de son être fragile semblait s'affaisser tristement, avec la désillusion d'un jour de pluie. La demoiselle ne pouvait rien m'offrir en retour, elle ne savait rien faire, ne possédait rien, ne valait rien. Quel triste constat, bien qu'il me parut des plus exacts. La tête basse de nouveau, j'aurais eu envie de l'achever en lui murmurant que je le savais avant de tourner les talons, tendant l'oreille pour l'écouter se briser dans mon sillage, comme un vase qui se fracasse au sol. Sauf que ce n'aurait pas été productif et, bien sûr, ça aurait été bien trop gratuit, même pour moi. Je valais mieux, voyons. Voilà donc ce que je lui dis plutôt.
- Vous m'en voyez fort confus, puisque je ne vous ai rien demandé en retour. D'autant plus que pareil discours me laisse, en lui-même, assez perplexe. N'êtes vous pas une jeune femme bien élevée, fréquentant un établissement de qualité et possédant, en son équipe Pokémon, au moins un magnifique spécimen de Pokémon dragon? Loin de moi l'idée de m'immiscer en vos affaires, mais je crois qu'ici le problème n'en est pas un de valeur, mais bien d'optique.
Conclus-je accompagné d'un sourire se voulant désolé. La détaillant une fois de plus, je réfléchis un peu, ou plutôt je fis mine de le faire, mon plan déjà bien clair en tête. Délicatement, mes mains vinrent se pauser sur ses épaules, pour l'inciter à les rejeter vers l'arrière, à se faire droite et à donc quitter cette posture voûtée. Puis, avec cette même douceur distante, presque comme timide, je vins effleurer sa mâchoire du bout des doigts de ma dextre, pour la guider, lui faire relever la tête et ramener ses iris aux miens. Ne me restait plus qu'à l'enchaîner de mon incandescent regard de caramel et à poursuivre mon numéro, sans une seule once d'hésitation. Elle n'était, après tout, pas la première jeune fille en cet état que je croisais. Volucité en accueillait des dizaines et, exemple plus concret, ma propre cousine avait traversé un événement similaire, il n'y a pas si longtemps. À chaque fois j'avais su y faire, pourquoi pas maintenant?
- Voyez, vous pouvez le faire. Mon regard ne vous brûlera pas. Votre parole est noble, votre sang-froid face à ces demoiselles a été exemplaire, votre façon de vous tenir, il y a quelques instants, trahi vos manières. Je suis beaucoup de choses, mais je ne suis pas niais. Jamais l'on ne me fera confondre une perle pour un caillou. Je me moque que vous n'ayez rien à m'offrir, mais de grâce, un tel regard sur votre personne me chagrine. Sans doute est-ce le coach en moi qui parle, mais voir tant de potentiel être gâché m'attriste grandement. Je réitère mes propos. Si vous en ressentez le besoin, n'hésitez pas.
Quelle serait sa réaction? Verrais-je en ses yeux la reconnaissance? Serait-elle renversée? Sa réaction me couvrirait-elle d'éloges? Chose certaine, dans mon dos, l'on me couvrait de plaintes douces, mais accusatrices. Me détournant de la jeune fille aux cheveux de neige, je vis qu'Harley avait fini par me rattraper et que, maintenant, elle avançait vers nous à grands pas de nageoires, la tête bien haute, le regard impérieux et l'aura pourtant calme et distinguée. Dans son sillage, Léviathan était toujours aussi maladroit, mais un peu plus obstiné encore, maintenant que la matriarche le délaissait à son tour pour venir jauger ma nouvelle source de divertissement. M'écartant de cette dernière, j'allai caresser l'encolure de ma starter, pour la rassurer doucement, lui faire comprendre qu'elle demeurait la première en tout temps. N'empêche, quel admirable sens du timing, pour une Lapras. Prenant un nouvel air détaché et, une fois de plus, désolé, je reportai mon attention vers la mentali une ultime fois.
- Navré, ma starter est elle aussi de noble nature, elle apprécie peu que je discute ainsi avec d'autres demoiselles. Je suis certain qu'en de meilleurs jours, vous vous ressemblez sans doute beaucoup.