All I want for Christmas is you, in the back seat of a car,
at the bottom of a freezing lake.
Volucité, les alentours de Noël. J’étais furieux. Incroyablement et purement furieux. C’était une pure hérésie, une idiotie sans nom qui me traversait en vagues colériques et puissantes. L’on m’avait rappelé chez moi de force, une urgence dont on n’avait pas pris la peine de détailler les tenants et les aboutissants. Bien sûr, je m’en étais retrouvé inquiet ou, à tout le moins, fort intrigué. La curiosité était certes un vilain défaut, mais elle était l’un de mes favoris et je m’assurais de la cultiver avec autant de soin qu’un jardin. En docile jeune homme, un loup féroce montrant pourtant patte blanche, j’avais pris place à bord du bateau supposé me ramener à bon port, dans la région d’Unys. Derrière moi, j’avais dû tout abandonner. Mon dortoir, ma réputation, même cette charmante préfète dont je n’avais plus aucune nouvelle, bien que cela ne me dérange pas plus qu’il ne le faut. Qu’avait-il bien pu se passer pour que l’on me rappelle au fief de la famille Jones? Ma mère avait toujours un fort don pour l’excentricité, mais jamais elle ne m’aurait rappelé sans raison. C’était une femme intelligente et calculatrice, fourbe et capable du pire, mais elle ne m’avait jamais fait perdre mon temps sans une bonne raison. Inutile de vous dire à quel point mon air s’était décomposé lorsque, armée de son sourire le plus malicieux et de son breuvage favori, un martini, elle m’avait remercié d’être rentré juste à temps pour fêter l’anniversaire de notre bien-aimé Illford. Voyant mon regard s’agrandir, la sorcière s’était même empressée d’ajouter que cela tombait magnifiquement bien, pour les fêtes de la fin de l’année. Mon aîné allait devoir repartir dès le lendemain de son anniversaire et il était exclu qu’aucun des fils Jones ne soit présent aux réceptions annuelles. Bien sûr, c’est donc moi qui devais m’atteler à la tâche et accepter que l’on sabote la fin de ma session pour d’égoïstes motifs. Une fois seul dans ma chambre pour la première fois en de longs mois, j’avais explosé de colère, allant jusqu’à briser mon miroir sur pied et à renverser une commode. Une bonne, inquiète, avait tenté de m’apaiser, mais avait été chassée rapidement par Harley. Usant de sa berceuse, seule ma starter avait réussi à me calmer et à me faire échapper au rire de mon affreuse génitrice, tournant en boucle dans ma tête sans arrêt.
Les jours qui avaient suivis n’avaient pas été bien plus glorieux, si ce n’est que j’avais maintenant réussi à avaler la nouvelle. C’est de mon sourire le plus hypocrite que je défilais dans la demeure familiale, multipliant les courbettes et partageant à ma mère toute ma joie d’être présent. Ne me répondait alors qu’un ricanement tout aussi mensonger, son regard me criant qu’elle ne savait que trop bien, pour mon accès de colère. Qu’à cela ne tienne, j’allais l’ignorer du mieux que je le pouvais, le temps de pouvoir regagner Lansat. Il est encore heureux que mon père fût d’un tempérament plus doux et plus vivable, passant pour un agneau à côté de ce serpent vicieux. Nous parlâmes un peu d’art et de peintures et, à sa grande tristesse, je lui avouai ne pas avoir touché un pinceau depuis mon départ.
Tu te dois de toujours affiner ton art, mon fils! Avait-il répondu en me gratifiant d’une tape virile derrière l’épaule, m’incitant à le suivre dans son atelier avant de s’enquérir poliment au sujet de ma cousine, Ruby. Je n’hésitai pas à me confier à lui, bien conscient que cela ne causerait aucun tort à la concernée. Contrairement à quelqu’un d’autre, il éprouvait une véritable affection à l’endroit de sa nièce, ne serait-ce que par pur respect des convenances. La discussion ne s’était pas éternisée davantage, mais elle avait suffit à ce que j’arrive à trouver un peu de réconfort dans toutes ces idioties.
Si les choses s’étaient seulement poursuivies dans cette veine, l’on peut croire que mes vacances forcées, et à l’encontre des mesures habituelles de la Pokémon Community, se seraient déroulées de la meilleure des façons. Mais, bien sûr, elle n’allait pas se priver de parler de nous deux lors de ces fameuses réceptions. Une fois de plus, Illford était au centre de ses monologues et, lorsqu’on l’interrogeait sur ma personne, c’est avec un soupir et un regard désolé qu’elle leur avouait que j’étudiais pour devenir simple coach. Un métier de bien moindre ambition qui allait me forcer à vivre dans l’ombre des autres. Mais elle avait toujours su que je finirais comme ça, c’était simplement dans mon caractère de m’incliner devant mon prochain et de m’effacer. Bombant le torse, j’avais serré les dents et, en compagnie de ma magnifique Medea, m’était simplement éloigné pour ne plus entendre de telles âneries. L’ignorer, ronger mon frein et penser à Lansat, rien de plus et rien de moins. Oublier ses ricanements et ses manières de fausse compassion. Comment pouvaient-ils tous être aveugles à ce point? N’avaient-ils donc aucune perspicacité? Dire que je ne pouvais rien faire. Quel soulagement, lorsque la soirée avait pris fin, ou du moins le croyais-je. Déjà bien envoûtée par l’alcool, ma mère avait fini par me prendre dans ses serres, passant ses longs doigts fins dans ma chevelure en un mouvement à mi-chemin entre l’affection et le dégoût total. Sans doute se reconnaissait-elle en moi, auquel cas je pouvais tout à fait comprendre. Ses lèvres peinturées de carmin s’étaient alors transformées en une moue songeuse et son regard me détaillait sans vraiment me porter attention.
Tu fais vraiment tout pour que je ne sois pas fière de toi, n’est-ce pas? Je me demande bien ce que j’ai fait pour avoir un fils comme toi, Saphyr. Le lendemain matin, je m’étais glissé dans le premier bateau quittant Volucité, faisant route vers Lansat sans avoir prévenu qui que ce soit. J’avais perdu là bien assez de temps.
When we die, we come back different,
like with greener eyes, or as some far off star.
J’étais rentré sur Lansat la veille, me dirigeant naïvement vers le dortoir Noctali, oubliant momentanément que ma chambre de préfet ne m’était probablement plus réservée et, de manière plus cruciale, que les élèves n’étaient plus là. Heureusement, j’avais croisé Gaston Fooly qui, me reconnaissant, avait fait le nécessaire pour que je sois placé dans l’un des chalets de la période des fêtes. Tout de même, l’administration n’y était pas allée de main morte. Quoi qu’il en soit, j’avais donc gagné cet endroit possédant toujours une chambre vacante, par un quelconque miracle, et dont les autres habitants m’étaient tous inconnus. Certes, eux avaient fait les gros yeux en me reconnaissant, mais je ne leur avais pas accordé d’attention et avais fait route vers mon lit pour m’y effondrer, laissant à Vicious le soin de garder la porte. Que voulez-vous, le voyage m’avait épuisé. Je ne m’éveillai que le lendemain matin, aux alentours de midi. M’étirant méticuleusement, je fis route vers la douche sans une seule pensée pour mes colocataires, ne prévoyant pas non plus les écouter. Enfin, jusqu’à entendre la discussion que deux demoiselles partageaient, assises au salon. Il y avait donc une fête pour le nouvel an, le soir même? Voilà qui était intéressant. Devais-je y aller? Je n’en étais pas certain, mais dans le doute, l’eau chaude ne pourrait que m’aider à décider.
L’après-midi se fit sans plus d’éclat alors que je retournai à ma chambre pour lire tout en dégustant une assiette de fruits, ignorant les vibrations de mon iPok. Sans doute l’une des bonnes qui appelait, inquiète. Jamais mes parents n’auraient perdu leur temps à m’appeler eux-mêmes. Je préférai donc les ignorer, ne quittant mon sanctuaire que pour me prendre un verre d’eau, vers l’heure du diner. Mauvaise idée puisque je me retrouvai au beau milieu d’une zone de guerre, les autres habitants du chalet se préparant fiévreusement pour la fête de ce soir. Mon regard caramel, curieux, se tourna vers les demoiselles de la maison qui, à l’unisson, passèrent au rouge et gloussèrent. Malgré mon absence, ça n’avait pas changé. Poussant un soupir, j’enfouis ma main dans ma chevelure aux couleurs des blés et retournai dans mon antre pour y retrouver une véritable petite escouade. Mon équipe avait entendu la rumeur, forcément. Je les considérai un instant, pesant le pour et le contre. Je n’avais qu’à dire non et l’histoire serait réglée, personne ne s’opposerait à ma décision. Tout le monde était bien élevé ici, élevé pour m’obéir. Sauf que cela ne m’aurait rien donné et que, aussi étrange que cela puisse paraître, j’avais fort envie d’un bain de foule. Me promener tel un voleur, introduit par effraction. Affiché devant tous, mais comme inconnu. Pour tous, j’étais parti, il était donc exclu que l’on fasse le rapprochement au milieu d’une fête. On me prendrait pour quelqu’un d’autre, on ne me ferait pas trop attention. C’était certes à l’encontre de mes habitudes, mais cela ne me ferait pas de mal du tout. Fort heureusement, en véritable gentleman, j’avais toujours un habit propre quelque part, n’attendant que d’être porté. Je serais certes en retard, mais pas absent.
Ce soir là, c’est flanqué de Vicious que je suivis les sons de la fête. La musique résonnait dans l’air frais de l’hiver, venant caresser mes joues en un baiser mordant. Peut-être, au fond, n’était-ce pas un hasard qu’autant de mes Pokémons soient liés à cet élément. L’hiver n’était-elle pas la plus merveilleuse des saisons? C’était toujours mieux que l’été, en tous les cas, où j’avais dû me dévêtir à de trop nombreuses reprises et ce devant public. J’en aurais eu un frisson d’horreur, si je n’avais pas déjà été occupé à frissonner de froid. Sans une hésitation, je passai la porte et saluai Roseverte, le tiplouf géant. Plutôt que de profiter du spectacle, je lui offris un regard compatissant, ne sachant que trop bien ce qu’il faisait d’être sous le joug d’une reine démoniaque. Vint ensuite le vestiaire et ce cher Yade dont je ne pu, cette fois, m’empêcher de me moquer. Soyez tranquilles, ce n’était rien de plus qu’un ricanement, mais mon regard parlait pour moi.
- Si l’on m’avait dit que c’est ainsi que je vous reverrais, je n’y aurais pas cru. C’est sans doute un miracle de Noël.Lançais-je non sans une pointe de mépris pour le pauvre professeur qui inspirait tant la pitié. Aux autres, en tout cas. Du même avis que le mien, Vicious s’était contenté de faire grincer ses griffes les unes contre les autres avant de se caler à nouveau sur mon épaule, découvrant la foule de son regard avide. Je repérai, bien sûr, le karaoké, et me fit songeur. Devais-je y aller? Non, ce serait la meilleure façon d’attirer les regards et, si je l’aurais souhaité il y a quelques semaines, ce n’était aujourd’hui pas le cas. Le buffet alors? Non, celui-ci semblait amplement animé. En même temps, il aurait été affreusement naïf de ma part d’espérer le contraire lors d’une fête de la Pokémon Community. Je me résignai donc plutôt à me diriger vers l’un des murs de la salle, un peu à l’écart. J’enfonçai les mains dans les poches de mon pantalon noir, cherchant de mes yeux de miel un visage connu qui aurait pu attirer ma sympathie plus qu’un autre, mais rien. Un instant, serait-ce…? Ça y ressemblait énormément avec de tels cheveux de feu. Ma cousine se serait donc trouvé un cavalier? Ce semblait d’ailleurs être toute une histoire, pour qu’ils s’affichent ainsi aussi naturellement devant tous. Remarque, tous les Jones n’étaient peut-être pas aussi pudiques que moi. Visiblement, c’était le pire moment pour aller les déranger, d’autant plus que la nouvelle de mon retour ferait sans doute pâle figure en comparaison de son bien aimé. Un jour il faudra m’expliquer ce qu’ils ont tous avec l’amour, à croire que c’est hors de mon champ de compréhension. Résigné, j’entrepris donc de plutôt m’appuyer contre le mur, près de l’escalier, en un point stratégique pour regarder aller et venir les élèves entre les deux étages. Je serais probablement tranquille ici, jusqu’au moment où j’en aurais marre à tout le moins. Enfin, si ma fameuse cousine ne me remarquait pas avant, mais laissez-moi douter fortement de cette possibilité.
Résumé :
Beaucoup de trucs inutiles pour ceux qui n’ont pas d’intérêt à suivre l’histoire du BBW.
Il se présente à la fête avec Vicious, son Sneasel, sur l’épaule. Il repère Ruby et Orren, mais se doute bien que ce n’est pas le moment d’aller les déranger.
Heath se contente donc de s’appuyer contre le mur, près de l’escalier, et observe la soirée en attendant de repérer quelque chose d’intérêt ou, plus bêtement, que l’on vienne l’aborder.