
L’eau chaude ruisselait sur les cheveux lâchés de la Pyroli qui, une nouvelle fois, était bien contente d’avoir sa salle de bains privée. Privilège des préfets, que voulez-vous. Elle avait, une fois de plus, échappé à la ruée sur les douches, surtout que cette journée était un peu particulière. 14 Février, Saint-Valentin ! La brune s’en fichait un peu. En tant que célibataire, cette fête ne la concernait pas tellement. Enfin, ne l’aurait pas tellement concernée, si elle n’avait pas gagné deux billets pour une journée sur un paquebot de luxe. Les places devaient être très chères… Et voilà qu’elle en récupérait gratuitement deux ! Ne cédant pas à la pression des couples voulant récupérer les deux billets (de toute manière, aucun d’eux n’avaient les moyens d’allonger suffisamment de monnaie pour ça), elle s’était vautrée sur son lit pour faire défiler sa liste de contacts, et s’arrêter machinalement sur Orren. Hm, non. Il irait avec sa copine, lui. Bon. Qui d’autre ? Heath. Excellente idée. Le texto avait été envoyé, et la réponse, bien que tardive, restait toutefois positive. Parfait. Et la voilà qui se retrouvait à faire un petit effort vestimentaire, ce qu’elle ne faisait jamais vraiment d’habitude, préférant ouvrir son placard pour attraper le premier jean et le premier tee-shirt qui passaient. Pourquoi se prendre la tête ? Elle ne voulait plaire à personne de toute manière. Et si elle devait plaire à quelqu’un, il faudrait qu’il fasse avec ses négligences vestimentaires, point barre. La seule raison pour laquelle elle faisait un effort, c’est qu’elle allait se retrouver sur un paquebot de luxe, et ne voulait pas passer pour une plouc au milieu des autres.
Sortant de la douche en se séchant rapidement, elle laissa sa Kirlia gérer sa garde-robe, ayant déjà prévu ce qu’elle comptait mettre. Mais connaissant Sookie, elle allait lui sortir exactement le même choix… Bingo. La robe rouge fut posée sur le lit, les chaussures mises à côté, la veste accrochée près de la porte. Exactement ce qu’elle avait choisi. Sans se poser de questions, elle s’habilla, rangea rapidement son fatras, pour que sa chambre reste propre et nette, sait-on jamais que Jackie ne décide brusquement de faire une inspection. Ahlala, leur référente… Même le jour de la Saint-Valentin, elle n’avait rien trouvé de mieux à faire que de leur coller un entraînement matinal épuisant, sans doute pour appuyer l’adage « il faut souffrir pour être belle ». Prête en avance, Aileen s’assit sur son lit, réfléchissant calmement à la suite des opérations. Sans réfléchir, elle avait invité Heath Jones, parce qu’elle passait de bons moments avec lui. Mais… Le jour de la Saint-Valentin ? Avait-elle bien fait ? Est-ce que ça voulait dire qu’elle attendait quelque chose de plus concret ? Ou juste qu’elle ne voulait pas y aller seule ? Quelle prise de tête… Et tout ça pour une journée normale ! Cependant, il allait bientôt être l’heure. Enfilant sa veste et attrapant son sac, elle sortit de sa chambre, qu’elle ferma à clé, avant de quitter le dortoir, son starter impassible sur les talons. Alors qu’elle descendait les escaliers, elle eut une vision d’ensemble sur l’extérieur, de par la porte vitrée du dortoir. Heath était déjà là. Et il était plutôt bien habillé, le bougre. Peut-être qu’elle-même ne l’était pas assez ? Elle détesterait passer pour une ringarde à côté de lui… Trop tard pour faire demi-tour, elle était devant lui maintenant. Avant qu’elle n’ait pu parler, il lui sourit, et accrocha un bracelet autour de son poignet. Au bout de ce bracelet était accroché une fleur violette, qui la fit légèrement rougir. Savait-il au moins ce qu’il venait de lui offrir ?
« Bien entendu que je les ai. Et merci pour la fleur, au fait. Très jolie. Accordée à mes yeux. J’imagine que c’est pour ça que tu l’as choisie ? » La brune se permit un sourire taquin.
« Et non pas parce que c’est la fleur parfaite de la Saint-Valentin, parce qu’elle évoque le charme, la délicatesse, la subtilité, et le coup de foudre ? »Sphax leva les yeux au ciel en voyant sa dresseuse sourire. Pour le moment, ce n’était que taquin. Mais grands dieux, si jamais elle s’avisait de relancer un autre jeu moisi, comme elle avait fait avec Loan l’an dernier, il lui mordrait la jambe assez fort pour la ramener à la raison. Il n’avait pas encore envie de gérer ses déprimes et des coups de blues liés aux situations pourries dans lesquelles elle réussissait à s’embourber comme une imbécile. Inconsciente des tribulations de son starter, la Pyroli cessa de sourire, consciente que ça ne cacherait pas bien longtemps sa gêne. Elle avait été prise de court, il est vrai. Et malheureusement, elle n’avait pensé à rien. Pour elle, ils y allaient comme deux amis qui veulent passer un bon moment tous frais payés, pas comme un couple, ou deux tourtereaux qui batifolent. Décidant de prendre les devants, pour qu’ils ne restent pas plantés éternellement devant son dortoir, elle s’engagea sur le chemin de la sortie, marchant côte à côte avec Heath, cherchant désespérément quelque chose pour meubler le silence. Et son starter ne comptait pas l’aider. Il avait donné tout ce qu’il avait pour la pousser dans les bras de Loan, il n’allait pas recommencer de sitôt. Ce fut donc dans le silence, en se mêlant aux autres étudiants, qu’ils quittèrent l’école et prirent le bus pour rejoindre le port. En même temps, parler dans ce brouhaha était pour le moins impossible. Il y avait tellement de bruit ! Comment diable pouvaient-ils en placer une sans hurler pour s’entendre parler ? Heureusement, l’arrivée au port fut assez rapide, et les élèves se dispersèrent pour payer leur billet, montrer leur billet gagnant, ou chercher un moyen de monter illégalement.
« Bon sang, j’espère que ce sera plus calme à l’intérieur. Enfin, normalement c’est un bateau de luxe, donc on peut s’attendre à un certain standing… J’espère. » La Pyroli retint pour elle ses imprécations quelque peu agressives, et désigna d’un mouvement de tête le point d’entrée du bateau.
« Il va bientôt être dix heures, ils ne vont pas tarder à partir. Allons-y avant de rater la croisière. »Comment dire qu’elle ne raterait jamais une croisière tous frais payés quand elle est en agréable compagnie ? Se dirigeant vers les vigiles qui montaient la garde, pour empêcher des gens de passer en fraude, elle tendit ses deux billets à l’un d’eux sans se poser de questions. Un coup d’œil, et ils les laissèrent passer. Sphax, qui s’apprêtait à grogner, se sentit soulagé en sentant que le sol ne tanguait pas. Normal, un aussi gros bateau ! Cool, au moins il n’aurait pas le mal de mer ! Se faufilant dans la foule, Aileen se dépêcha de s’en éloigner, en ayant déjà assez de cette proximité avec les gens. C’était un bateau gigantesque, il devait bien y avoir au moins un endroit pour être tranquille, que ce soit le restaurant, le pont extérieur, ou n’importe quel autre lieu du bateau ! En fait, bêtement, elle avait surtout peur d’y croiser Loan au bras d’une autre fille, ne sachant pas du tout comment elle réagirait. Lui en voudrait-elle de l’avoir si vite remplacée ? De ne pas éprouver le moindre regret ? Et lui alors, que pouvait-il dire d’elle ? Deux fois de suite, elle s’affichait avec le Noctali devant tout le monde. Mais après tout, ils n’étaient plus en couple, la faute au Voltali. Il n’avait plus rien à lui dire, et l’inverse était vrai. Bah ! Si elle le voyait, elle se contenterait de l’ignorer, et de faire comme s’il n’existait plus. En attendant, il serait peut-être de meilleur ton qu’elle s’occupe du Noctali, toujours là, silencieux, comme mal à l’aise ou pas dans son élément. Étrange, elle aurait pourtant pensé qu’il était habitué à ce genre de simagrées luxueuses.
« Tu es déjà monté à bord d’un bateau pareil ? Je ne suis montée qu’à bord de l’Aquaria, quand j’étais en mission, et en règle générale, ma mère préférait les bateaux moins coûteux pour ses déplacements professionnels. »Elle parlait trop. Mais parler lui permettait de combler un peu le trop long silence qu’il y avait eu entre eux, à cause du trajet, de leurs gênes respectives, et de tout un tas de trucs compliqués à comprendre, et sans doute liés à cette journée pourrie que pouvait être la Saint-Valentin pour tous ceux qui ne sont pas en couple et qui doivent subir la télé, la radio et le merchandising effrayant déployé autour d’un journée aussi banale que toutes les autres. Plutôt que de parler, pourquoi ne pas assouvir sa curiosité naturelle en fouillant ce bateau ? Puis, se retrouver seule avec Heath, libérée du regard de ceux qui les fixaient en se demandant si la préfète en chef et l’ancien préfet des Noctali étaient en couple, lui permettrait peut-être de retrouver le naturel taquin qu’elle avait avec lui.
« Je me demande si tous les paquebots de luxe se ressemblent… Ca te dirait qu’on aille faire un petit tour pour voir à quoi s’attendre ? »Résumé HRP :
• Aileen a gagné deux billets pour la croisière de luxe de la Saint-Valentin. Étant célibataire, elle décide de proposer à Heath Jones de l'accompagner. Comme il accepte, elle y va avec lui.
• Le lendemain, jour de la Saint-Valentin donc, elle le rejoint devant le dortoir Pyroli o elle lui avait donné rendez-vous. Il lui offre une rose violette, sans trop connaître le signification, et elle le taquine un peu, bien que touchée par son geste.
• Ils prennent le bus en silence et montent finalement à bord du paquebot. Ils réussissent à s'éloigner assez vite, et Aileen propose à Heath de visiter le bateau, autant pour rester seule avec lui que pour ne pas être gênée par la présence des autres couples.