Alyx accepta d'accrocher son bras au mien, mais cela ne m'empêcha pas de voir les rouages de son esprit tourner à plein régime derrière ses yeux émeraude. En réponse à cela je n'avais qu'un sourire en coin, m'amusant de le voir chercher avec tant d'insistance, se démener pour démêler les morceaux et finalement mettre un nom sur ce visage pourtant connu. Demeurant sur la défensive, le blond cru nécessaire de mentionner que les princesses modernes n'avaient pas besoin de prince pour le guider. Peut-être, mais en attendant je ne le voyais pas soustraire son bras au mien et ses pas n'allaient pas ailleurs qu'à l'endroit où je les guidais avec désinvolture. Sans doute était-ce une simple expression de fierté, une parole farouche pour faire valoir son indépendance, ce qui était tout à son honneur. N'ayant pas terminé, le scientifique poursuivit dans sa métaphore, mentionnant chercher le prince charmant sans vraiment croire qu'il allait le trouver et, surtout, en mentionnant bien que ce n'était sans doute pas moi. N'étais-je donc pas charmant? Pour conclure sa pensée, l'adolescent termina sur ce même ton de fierté arrogante, cette noblesse racée qui me donnait envie de jeter un oeil au travers, sous toutes ces manières de petite princesse. Heureusement que nous marchions côte à côte, mon long sourire amusé devait ainsi sembler un peu moins déplacé.
- Si l'on doit entrer dans les détails d'une monarchie, j'étais pourtant certain que le choix revenait aux parents de la mariée. Après je ne me tiens pas beaucoup au courant, les choses ont peut-être changées depuis, en quelques siècles en même temps...
Et si cela avait pour but d'être une simple petite pique pour répondre à cette insinuation peu subtile affirmant que je désirais déposer ma candidature dans sa petite fantaisie, je n'avais pas pu m'empêcher de ricaner d'ironie. C'est moi qui disait cela et, ultimement, c'est probablement moi qui, des deux, avait le plus de chances de se retrouver emprisonné dans les conditions étouffantes d'un mariage arrangé. Une perspective bien peu réjouissante, surtout considérant l'implication possible de la détestable madame Jones. Enfin, je m'en sauverais peut-être grâce à mon statut de second fils un peu superflu. Il ne coûtait rien d'espérer en tout cas. Quoi qu'il en soit, je fus ramené à la réalité par les regards curieux que l'on jetait à notre duo. Rien de si surprenant à bien y penser. Les étudiants étaient de grands friands de potins et, l'un comme l'autre, nous ne passions pas inaperçu dans le dortoir. C'est donc ainsi que je servis aux curieux mon sourire le plus radieux tout en leur envoyant la main, de quoi les gêner et les faire retourner à leurs petites affaires aussi promptement que possible. Bon débarras.
Nous n'avions parcouru que quelques mètres de plus qu'Alyx revenait à la charge, bien décidé à me faire cracher le morceau. À croire que c'était en train de passer au stade de l'obsession et qu'il ne pourrait rien dire d'autre avant de savoir. Peut-être était moi qui avait regardé trop de films, croyant à tort que les princesses aimaient s'éprendre d'un inconnu pour mieux tomber sous le joug de la fatalité une fois la grande révélation arrivée. Trop de théâtralité, pour un simple topdresseur qui n'avait aucun intérêt pour la coordination. Continuant dans la même veine, le blond tenta cette fois de me rassurer. Il n'allait quand même pas me manger. Oh la bonne blague. Jolie princesse, comme vous avez de grandes dents! M'auriez-vous volé mon dentier? Enfin, qu'importe, le fait est que c'était aussi amusant qu'attendrissant de le voir tenter de me mettre en confiance. À croire que j'étais timide ou peu bavard, moi. C'était bien mal me connaître, mais je ne pouvais pas non plus le lui reprocher. N'était-il pas justement en train de chercher qui j'étais?
- Attention, c'est peut-être moi qui finirai par vous mordre.
Ce qui ne fut pourtant pas suffisant pour décourager cette tête bornée et résolue. Voyant que ses méthodes ne fonctionnaient pas, c'était le tour de l'opération charme. "Mon cher", aurais-je donc réussi ma propre opération si facilement que cela? Il m'avait suffit de refuser de donner mon nom et le voilà qui me laissait accaparer ses pensées, m'offrait un si joli titre et me promettait de ne pas lâcher le morceau. Toujours est-il que je m'accordai, du coin de l'oeil, un examen de ce fameux sourire. Peut-être légèrement forcé, mais son regard semblait plus pétillant face à ce petit défi un peu puéril. Esquissant moi-même un sourire plein de malice, c'est à haute voix que tombèrent mes observations.
- Je ne me trompais donc pas. Votre visage est bien plus beau une fois paré d'un sourire. C'est à la fois le plus simple et le plus précieux des bijoux.
Conclus-je en le guidant avec moi vers la sortie du dortoir. J'avais prévu l'emmener marcher pied nus sur la berge du lac corail, pourquoi pas, mais la chance avait décidé de tourner en cet instant précis. Nous coupant le passage, un livreur chargé d'un paquet d'apparence fragile nous interpella, bloquant notre retraite. J'aurais pu espérer que cela ne mettrait pas en péril mon petit jeu, si et seulement si je n'avais pas justement attendu un oeuf d'evoli, commandé à un éleveur local. C'était forcément cela, n'est-ce pas?
- Excusez-moi les jeunes, vous ne sauriez pas où se trouve la chambre d'un certain Heath Jones? J'ai pas envie de perdre mon après-midi à faire du porte à porte, m'voyez?
Le sourire qui m'échappa était, cette fois, bien plus amer. J'avais indirectement perdu, par un incontrôlable coup du destin. J'allais devoir m'en contenter il semblerait, pour mon plus grand déplaisir. Libérant le bras du scientifique et suivit de près par mes deux pokemons curieux, je répondis au livreur.
- C'est moi-même. Est-ce l'oeuf que j'ai commandé?
- Tout à fait. J'ai besoin de votre signature là et là, pour l'accusé de réception.
Après avoir emprunté son stylo, je signai les documents requis et lui souhaitai une bonne journée avant de ranger mon nouvel oeuf dans mon sac avec précautions. Vicious se léchait déjà les babines et Medea dû donc lui donner un petit coup de patte pour le remettre à l'ordre. Il s'agissait d'un futur compagnon, pas de son repas. Enfin, j'imagine que pour lui la frontière était très floue. Cette action terminée, je me retournai finalement vers Alyx, mon même air joueur qu'à l'habitude sur le visage, les bras écartés avec les paumes vers le haut comme un magicien qui vient de dévoiler la finale de son petit numéro. Voyons voir comment il réagirait maintenant.
- Surprise!
HRP - Acquisition de l'oeuf d'Eevee