Ils auraient engagé des espions si cela avait été important. Sans pouvoir s’en empêcher, la brune tiqua, piquée dans son orgueil. Et elle, elle était là pour quoi, pour enfiler des perles ? La Pyroli se targuait d’être une bonne espionne, puisqu’elle avait réussi à atteindre le grade 4 sans se faire choper par les autres élèves. Mais évidemment, qui dit être espionne dit devoir cacher ça sous une spécialisation de couverture. La médecine. Pour tout le monde, Aileen était médecin. Aussi ne pouvait-elle pas s’indigner des propos de la Mentali au risque de faire sauter sa précieuse couverture. Pourtant, ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Opale prenait ça à la plaisanterie. Pour elle, c’était un moyen détourné de leur académie pour leur faire apprendre quelque chose et les faire travailler sans rémunération, alors que pour Aileen, c’était un vrai job à prendre au sérieux pour pouvoir grossir un peu plus son CV, pour que la police internationale ne l’archive pas sans le regarder quand elle sortirait de l’académie. Sphax ne se permit pas un mot, mais la désapprobation se lut dans son regard quand Opale posa une petite casquette sur la tête de son Galvaran. Ca n’allait pas le faire. Ca n’allait vraiment pas le faire. Gardant son calme au prix d’un violent effort de volonté, la Pyroli se contenta de fermer brièvement les yeux. Si Opale voulait prendre ça comme un amusement, grand bien lui en fasse. Ses quelques gamineries n’entraveraient pas la bonne réussite de la mission. En plus de ça, elles seraient entourées de trois stylistes et d’un coach. Les trois stylistes garderaient un œil sur Opale pour l’empêcher de faire des bêtises tandis qu’elle-même s’arrangerait avec le coach pour fureter à son aise. Trois stylistes rien que pour Opale… Au moins, elle serait contente de cette opportunité, et avec un peu de chances, ne ferait pas trop de bêtises. Pour le moment, autant la prendre à contrepied pour abonder dans son sens. Discuter de choses légères ne pourrait lui faire que du bien, vu comment elle se stressait beaucoup trop pour cette mission. Après tout, elle n’y était que stagiaire, et l’entière réussite de cette dernière ne reposait pas sur ses seules épaules.
« Si Illumis t’intéresse, je pourrai te faire visiter, si tu veux. J’en suis originaire, même si j’ai passé la plupart de mon temps loin de chez moi à cause du boulot de performer de ma mère. Maintenant qu’elle est devenue juge de concours, elle a encore moins de temps qu’avant, par ailleurs. » La Pyroli sourit. Visiter la plus grande ville du monde comme une touriste était une chose qu’elle n’avait jamais faite. « Je dois encore avoir les accréditations de ma mère, d’ailleurs. En tant que juge de concours, elle est assez stylish, selon le langage d’Illumis, et peut entrer gratuitement dans plusieurs lieux assez chics ou chers, comme le musée ou le trop sélect Chic-à-Porter. En forçant un petit peu, normalement, ça devrait aller. »
La brune s’installa plus confortablement alors que le ferry partait. Elles en auraient pour un long trajet avant d’arriver à Kalos. Autant papoter et se faire un programme de visite, sans toutefois oublier qu’en tant qu’espionne consciencieuse, Aileen ferait passer sa mission avant la visite touristique. Et si Opale voulait prendre ça à la rigolade, grand bien lui en fasse. La Pyroli, elle, avait vu trop de Pokémon martyrisés, exploités ou battus pour accepter l’espace d’une seconde de les faire passer après une grande ville, n’en déplaise à sa camarade Mentali qui, malgré le programme mis en place, risquait de se retrouver bien seule le soir.
(img)Elles étaient enfin arrivées à Illumis. Descendues à Port-Tempères, elles avaient traversé le désert pour arriver à la capitale par la porte de la route 13. Il commençait à faire nuit, et alors que le plus intelligent aurait été de remonter la rue Septentrionale pour atteindre la rue Méridionale, et l’avenue Ventôse où se trouvait leur hôtel, Aileen avait prévu autre chose pour en mettre plein la vue à Opale. En vraie petite native d’Illumis, elle ne pouvait pas passer devant l’opportunité de se la péter un peu. Elle descendit alors la rue Septentrionale pour atteindre l’avenue Thermidor, et la remonta d’un pas tranquille. Au bout de l’avenue Thermidor, il y avait la place centrale, endroit qui intéressait la Pokéathlète. La Tour Prismatique s’élevait, pilier de lumière dans la nuit noire. Arène de Lem, champion de type Electrique de la ville, la tour était illuminée en permanence, autant pour alimenter le système d’ascenseur de l’arène que pour renforcer l’attrait touristique de l’endroit. Se promener de nuit dans les ruelles et être éclairé par la tour… Ca a quelque chose de magique, quand même !
« La tour Prismatique, arène de type Electrique et grande source de tourisme à Illumis. Je n’en suis pas sûre, mais je pense qu’elle est visitable. Lem n’est pas installé au sommet, donc toute la partie arène n’est pas ouverte au public, mais le reste l’est… Contre paiement, bien entendu. »Charitable, la Pyroli laissa quelques instants à la Mentali pour admirer la tour, prendre des photos, bref, faire sa touriste. De toute manière, elles auraient l’occasion de repasser par ici plusieurs fois, vu qu’il était plus rapide de passer par la place centrale que de faire le tour de la ville. Reprenant sa route, entraînant Opale avec elle, Aileen contourna toute la tour pour atteindre l’avenue Ventôse. Il n’y avait pas grand-chose dans cette rue, sinon quelques cafés et des magasins pas suffisamment célèbres pour être inscrits sur les guides touristiques, comme l’étaient le Chic-à-Porter, les Bienfaits de Chloris ou le Fringuant Pokémon. Au bout de quelques minutes de recherches, elles trouvèrent enfin l’hôtel. Il n’avait pas d’étoiles mais semblait assez tranquille, et beaucoup moins cher que le prétentieux grand hôtel le Crésus. Poussant la porte, Aileen y entra, faisant lever la tête du standardiste prévenu par la petite clochette accrochée au-dessus de la porte. S’approchant du comptoir, la brune prit les devants, laissant Opale à son tourisme curieux.
« Bonsoir. Aileen Sôma et Opale Valery. Normalement, on a une chambre à notre nom. »« Laissez-moi voir… » L’homme fouilla dans son registre avant de saisir une clé derrière lui. « Oui, en effet.
« Chambre cent vingt-sept, au premier étage. Les autres personnes venues avec vous sont déjà là, en chambres cent vingt-huit et cent vingt-neuf. » Il lui tendit la clé, en plus de quelques brochures touristiques dont elle n’avait nul besoin.
« Je vous souhaite un bon séjour à Illumis. »Aileen se saisit du tout, et attirant Opale, monta avec elle par l’escalier menant au premier étage. Cent vingt-sept. Trouvé. Ouvrant la porte, la Pyroli posa son sac sur un lit, laissant l’autre à sa camarade, et plutôt que de s’installer comme n’importe qui le ferait, elle sortit pour aller toquer à la porte de la chambre cent vingt-huit. Personne ne répondit. La porte d’à côté, la cent vingt-neuf, s’ouvrit quelques secondes plus tard, dévoilant la crinière de feu d’une magnifique rousse qui la toisa de haut en bas, sans rien dire, attendant qu’elle se présente.
« Je suis Aileen, et elle, c’est Opale. On a été envoyés par l’académie de l’île Lansat pour travailler en tant que stagiaires aux Ciseaux de la Manternel. »Sans un mot, la rousse se décala, leur permettant d’entrer dans la chambre, disposée identiquement à la leur. Deux lits, deux commodes, deux petites tables de nuit. Pas le luxe, mais le strict nécessaire. Ils n’étaient pas là pour faire du tricot, mais pour faire leur boulot. En plus de la rousse, il y avait trois autres adultes. Un homme aux cheveux noirs, presque une caricature d’un quelconque magazine pour jeune adolescent prépubère avide d’acquérir plus de testostérone. Sans doute le coach. Mais surtout, deux adultes, presque similaires malgré leur différence de genre, dont l’une avait les cheveux verts et son frère les cheveux violets. Les adultes se décalèrent sur le lit, leur permettant de grappiller une petite place. Aileen se retrouva assise à côté des deux stylistes souriants, face à la rouquine, au coach et à Opale. La jeune styliste aux cheveux verts se leva, attirant les regards sur elle, pour prendre la parole d’une voix très assurée.
« Maintenant qu’on est tous là, on va pouvoir commencer. On va arriver en groupe à l’atelier, mais il est évident que demain, on se rencontrera pour la première fois. »« Ca ne va pas faire suspect, un groupe de six personnes qui arrive en même temps et qui ne se connaît pas ? »C’était la rousse qui avait parlé. La verte lui jeta un rapide regard, prenant en compte sa question, avant de reprendre la parole pour y répondre, apparemment bien renseignée sur le sujet. A tous les coups, elle et son frère travaillaient comme stylistes pour PALLADIUM SARL et avaient donc plus d’informations que les quatre autres personnes présentes dans la chambre.
« Non, pas vraiment. Ludmilla Troce, la propriétaire, semble avoir fait un gros ménage dans son équipe, et a recruté en masse après la vague de licenciements et de démissions. On ne sera pas les seuls nouveaux, demain, raison pour laquelle on pourra faire comme si on ne se connaissait pas pour se fondre dans la foule. »« Et pour les deux jeunettes, comment ça va se passer ? »Cette fois-ci, c’était le (très probable) coach qui avait posé la question, s’attirant un nouveau regard de la verte, qui semblait en avoir marre qu’on lui coupe la parole. Si on lui laissait expliquer son plan, ça irait beaucoup plus vite, après tout. Ne laissant pas son agacement transparaître, elle continua de sa voix ferme.
« Elles sont stagiaires, donc la patronne a elle-même signé les autorisations. » Son regard passa d’Aileen à Opale.
« Pour plus de sécurité, on vous encadrera, pour empêcher que vous ne vous mettiez en danger ou que vous fassiez capoter la mission. »Ses yeux verts s’accrochèrent à Opale, encore persuadée d’être là pour bosser gratuitement, ce qui n’échappa pas à l’adulte. Aileen se retint d’esquisser un sourire. La petite styliste venait de se trouver une prof de stage, qui, vu la fermeté de son caractère, ne la laisserait sans doute pas faire n’importe quoi. Tant mieux, cela dit. Finalement, la styliste se tourna vers Opale et elle pour faire les présentations.
« A la différence de vous deux, nous travaillons tous pour PALLADIUM SARL, et si vous êtes avec nous pour cette mission, c’est parce que notre PDG, monsieur Gamble, a su voir du potentiel en vous. » Son regard vert glissa rapidement sur Opale.
« N’oubliez pas que c’est une vraie mission, pas un jeu monté de toutes pièces par notre patron et votre directrice. J’ose espérer que vous vous en rappellerez avant de désobéir à un de nos ordres ou en mettant en péril notre mission et nos couvertures. »« Je ne pense pas qu’il y ait vraiment besoin d’insister, Jane. Elles ont compris. C’est une mission de sauvetage très importante, à laquelle elles ont postulé en connaissance de cause, et connaissant les choix de notre patron, il ne laisserait pas deux touristes nous rejoindre pour le plaisir de nous compliquer la vie. Si leur école a accepté de les envoyer, c’est que, quelque part, elles représentent l’excellence de leur académie. Alors déstresse-toi un peu, tu veux ? Je sais que cette mission te rend nerveuse, mais tu es en train de les sermonner comme deux enfants en leur mettant une pression monstre. »« C’est vrai, tu as raison, John… » La dénommée Jane soupira, avant de reprendre la parole.
« Commençons plutôt par le commencement. Nous nous connaissons tous, mais vous ne nous connaissez pas, alors remédions à cela. Je m’appelle Jane, et lui, c’est John, mon frère. Nous travaillons comme stylistes pour PALLADIUM SARL depuis quinze ans. »Aileen hocha la tête. Jane se rassit, et les deux autres adultes se levèrent. Après eux, ce serait leur tour… Et après ça, les choses sérieuses commenceraient enfin.