mancini, ciel giovanni.
« C'est parce que la vitesse de la lumière est supérieure à celle du son que bien des gens paraissent brillants avant d'avoir l'air cons. »
Une des premières questions que les gens doivent se poser en te voyant, c'est pourquoi Ciel. Tu n'as au premier abord rien à voir avec l'immensité céleste. Tu te traînes au ras du sol du haut de ton mètre cinquante fraîchement acquis, il n'y a pas la moindre trace de bleu dans ton physique et tes parents auraient bien mieux fait de baptiser ce gamin aux cheveux et aux yeux colorés comme les feuilles printanières Herbe au lieu de Ciel. Tout juste as tu la chance, pour ne pas faire mentir totalement tes géniteurs sur leur choix de prénom, d'avoir la peau blanche comme les nuages, mais qui pourrait y voir une relation de cause à effet, surtout au cœur de l'été ? Il faut attendre que tu t'agaces, que tes yeux virent brutalement de teinte pour prendre celles d'un ciel orageux ou préparant une tempête, pour que les gens comprennent pourquoi Ciel et pas Herbe. Un bleu foncé comme celui de la voûte céleste en pleine tempête s'impose alors, prenant possession de tes iris, mais le problème Ciel, c'est que tu n'es pas souvent en rage. Il en faut beaucoup pour te faire sortir de tes gongs, et encore plus quand tu es en présence d'autres personnes, toi qui tranche plutôt pour être d'un naturel calme et blasé face aux épreuves de la vie. On pourrait facilement croire que rien ne te choque, que tu es préparé d'avance à endurer tous les assauts que l'existence t'envoie à la face, et pourtant t'es du genre chochotte. De quoi t'as peur, déjà, Ciel ? Des tempêtes de neige, des avions, des montagnes, des avalanches, des engueulades entre les gens, et j'en passe. Ah, et des Absols aussi ou du moins de leur regard sanguin puisque tu ne connais pas le nom de l'espèce. Tu te considères comme un trouillard, qui préfère observer les ennuis de loin plutôt que d'aller les attiser ou les provoquer – et pourtant, tu sais toi même sans le reconnaître que si quelqu'un auquel tu tiens est dans une mauvaise passe, tu iras l'aider sans réfléchir. T'aimerais bien savoir comment font les autres pour avoir confiance en eux et tu rabaisses de base en les voyant sans même chercher à prouver de quoi tu es capable. Toi = nul, autre = bien. Ce raisonnement te donne tendance à t'entourer des autres en situation de problématique, alors qu'autrefois c'était les autres qui s'entouraient de toi. Comme les gens changent au fil des années, Ciel, et comme tu as changé toi même. Tu as donc besoin de te raccrocher aux autres, comme un Kokiyas à la queue d'un Ramoloss, pour pouvoir avancer et évoluer. Tu te considères trop angoissé, trop timide, trop pitoyable pour réussir à faire face seul et c'est la raison pour laquelle tu te fermes et te blase quand tu dois affronter une épreuve en solitaire et que tu te raccroches aux branches que sont les autres être humains en cas de danger. Tu t'aimes pas trop comme cela, mais qui pourrait te faire changer ? Ta famille n'y est jamais parvenue et toi même, en essayant de travailler sur ces défauts, a fini par y renoncer. Avoues le donc, t'aimerais bien enfin être comme les autres, courageux, indépendant, capable de te battre en étant fier de toi et sans t'enfermer sitôt l'épreuve endurée achevée dans un cocon de déprime en te disant que tu aurais pu mieux faire. Tu espères t'arracher ces angoisses du bide en entrant seul au collège, Ciel, ne dit pas le contraire même si tu pense que c'est loin d'être gagné. Qui vivra verra… C'est la seule chose que tu trouves pour te consoler pour le moment par rapport à ta timidité. Il en faudra pas mal pour te sortir du cocon de manque de conviction dans lequel tu t'es enterré vis à vis de tes aptitudes qui sont loin d'être aussi lamentables que tu le pense à longueur de journée. Mais il paraît qu'un jour, tous les Chenipans deviennent des Papillusions et que tous les Aspicots se muent en Dardagnans. Affaire à suivre, comme disent les journalistes que tu avais tellement l'habitude de côtoyer autrefois. Il faut déjà savoir si tu sortiras de la chrysalide d'un Chrysacier ou d'un Coconfort, à moins que ce ne soit celle d'un Armulys ou d'un Blindalys.
Ta chrysalide d'ailleurs, c'est ta cape. Un large morceau de tissu d'une blancheur immaculée, que tu as tendance à repousser par dessus ta tête pour te cacher dès que tu constates des tensions envers les gens. Parce que t'aimes pas voir les autres s'énerver pour un rien et que tu détestes être pris à parti entre deux personnes, t'as tendance à te faire oublier de cette manière mais est-ce qu'on t'as déjà dit, Ciel, que cela te permets contraire de te faire remarquer ? Pas vraiment. Tu te protèges parce que personne ne t'as jamais avoué franchement que tu avais l'air débile plus qu'invisible en agissant ainsi. Personne n'a jamais osé te faire de remarques négatives en dehors de ta famille – et ces objections là, tu ne les as jamais réellement prises en compte parce que tu considères que la famille c'est différent du monde extérieur – et tu t'es enfermé dans une bulle de naïveté ou ton attitude de fuite était donc la solution la plus logique à adopter en cas de danger puisque personne ne s'y était jamais opposé. Que dire de plus sur toi, Ciel, sinon que tu te vois comme un peureux et un lâche en formation ? T'es un rêveur. T'aimes bien avoir la tête dans la lune et les étoiles, pour donner un appui supplémentaire à ton prénom. C'est une autre manière que ta cape de t'évader de la réalité, puisque ta cape tu ne l'as pas toujours sur toi malgré les apparences. Il arrive que le bébé Mascaïman dont tu as hérité en tant que starter te l'emprunte après t'avoir fait tout une scène remplie de larmes de crocodiles pour s'en faire un costume maison de fantôme et aille traîner dans les environs dans le but de s'amuser en effrayer élèves ou pokémons. Tu jettes un regard blasé sur ses agissements, dans le genre tentes toujours et tu espères juste qu'il ne lui arrive pas malheur quand t'auras le dos tourné. T'aimes bien le protéger et veiller sur lui, parce que c'est encore un bébé et que ses parents doivent lui manquer comme les tiens t'ont manqués. Tu comprends ce qu'il ressent et son envie de se changer les idées dira t-on, mais s'il devait se faire attaquer par quelqu'un n'ayant pas de sens de l'humour dans un moment ou tu le surveille pas, tu ne te le pardonnerais pas. Alors tu te colles à lui comme un Kokiyas à la queue d'un Ramoloss et tu essaies de ne pas le quitter d'une semelle. Faut dire que tu lui voues un culte, parce que c'est un Crocodile aussi et que tu as conscience que ce sont des bêtes sacrées parce que tu t'intéresses énormément à la mythologiques et aux croyances des différentes régions ou lieux du monde qui t'entoure et que tu as donc une seconde raison en plus du fait que ce soit ton pokémon ; c'est un Dieu pour certains groupuscules et tu ne peux pas faire comme si tu l'ignorais même si tu n'as aucun autre lien que les livres mythologiques avec les religions. T'aimes bien t'instruire mais cela ne va plus loin que la découverte via documentaires quelque soit le support utilisé. T'es donc un rêveur qui aimes bien découvrir des choses sur le monde qui l'entoure, un peu trouillard sur les bords et beaucoup au milieu, plutôt solitaire et préférant ignorer ses capacités plutôt que de les révèles. Mouais. Ils vont avoir pas mal de boulot sur les bras les gens de cette académie s'ils veulent parvenir à te supporter, Ciel. T'as pas envie de leur dire « bonne chance les gars » ? Parce que franchement, avec un môme comme toi, c'est la première chose à faire.
« Bah bien sûr que je sais déjà ce que je veux faire plus tard ! Je serais le meilleur topdresseur du monde et tu seras trop fière de moi, et papa aussi, et je remporterait le titre de Maître de toutes les régions possibles ! Je serais encore plus fort que Zhu. »
« Mais nous sommes toujours fiers de toi, mon ange. »
« Oui mais là, vous le serez encore plus ! … Et toi tu veux faire quoi quand tu seras grande ? »
Elle rit, d'un son cristallin, pur, doux, précieux. Tu l'observes en souriant, te rengorgeant de parvenir à la rendre heureuse, elle qui ne l'est pas souvent.
« Je suis déjà grande, trésor. »
« Oui mais du coup, tu veux faire quoi maintenant ? Tu veux être dresseuse, scientifique ou quoi ? »
Nouveau rire. Tu t'enchantes de plus de plus.
« Je ne sais pas .. Ton père et moi, on aimerait bien ouvrir une pension un jour, mais il faut de l'argent et un domaine imposant. »
Tu fronces le nez. Puis tu souris.
« Bah, bah, bah, c'est suuuuper simple ça, je vais faire plein de combats et gagner plein d'argent au Pokemon World Tounament et comme ça vous aurez votre pension avec votre domaine aussi rapidement qu'on capture un pokémon avec une hyperball ! Comme ça tu seras toujours contente et papa aussi ! Mais dis, au fait, c'est quoi un domaine ? »
_________Il s'enfonce dans la neige. Ses jambes progressent difficilement sur le sentier de la montagne. Il ne sait pas ce qu'il cherche mais il le cherche. Il ne sait pas ce qu'il fait là, mais il le fait. Il est glacé. Ses lèvres violacées tremblent. Ses coudes sont pliés, ses mains serrent le bras qui leur est opposé dans le vain espoir de ressentir autre choses que le froid. Il tente de résister au gel, avançant sans connaître son but mais persuadé de devoir avancer quand même. Un gémissement se fait entendre, au loin dans les montagnes, que le vent porte pour permettre au cri, aussi faible soit-il, de se répercuter en écho jusqu'à l'enfant. Il lève le regard, en direction de la montagne. Une silhouette noircie par la distance se dessine dans son champ de vision et il ne parvient à saisir que le détail de deux yeux rouges qui scintillent et s'imposent avec force de par leur couleur qui tranche dans le paysage entièrement enneigé. L'animal lève la tête et un puissant hurlement guttural déchire les environs. Le sang du gosse se fige, se glace d'une froideur pire encore que tout ce que la montagne a pu lui imposer. Une horrible sensation de gel lui paralyse la colonne vertébrale et il se laisse tomber à genoux dans la neige, tandis qu'au loin la bête cesse de se lamenter, baisse la tête pour regarder brièvement l'humain puis se détourne, partant aussi vite qu'elle est apparue.Tu te réveilles en sursaut. Ton cœur cogne comme s'il voulait transpercer ta poitrine, s'arracher à ton corps pour qu'on le laisse mourir en paix à quelques mètres de toi, sur le sol de la chambre d'hôtel sur lequel il se serait propulsé. Tes cheveux tombent pitoyablement sur ton visage, tu les repousses d'un mouvement sec, constatant au passage qu'ils sont couverts de sueur. Tremblant, frémissant, tu te laisses lourdement retomber sur le lit. Tu tournes la tête vers le réveil de l'hôtel, sur lesquels des chiffres digitaux affichent cinq heures dix du matin. Tu inspires et expires le plus lentement possible pour calmer la souffrance de ta cage thoracique. Il te restes à peine une heure à dormir, à peine deux heures avant le combat. Tu repousses les couvertures de l'hôtel et te décide à aller prendre une douche avant d'aller faire un tour à l'extérieur. Tu n'as plus le temps de te replonger dans le monde des rêves, et tu n'en éprouves de toute façon pas la moindre envie. Ton corps se tends sous des sensations désagréables qui te broient le cœur, mais tu ne te souviens déjà plus que d'une paire d'yeux, brillant dans l'hiver comme des diamants ensanglantés. Tous les autres éléments de ton cauchemar ont disparus, mais ces iris sanguins te restent collés en mémoire et tu as l'impression de les voir se répercuter partout, quelque soit l'endroit ou tu poses ton regard dans la chambre d'hôtel. Ils sont sur les murs, les meubles, les miroirs, sur le carrelage glacé de la salle de bains. Ils t'observent de haut pendant que tu te douches, que tu te t'habilles et ils t'observeront encore quand tu remonteras te brosser les dents après avoir déjeuné, ils t'observeront quand tu sortiras prendre l'air dans la rue. Tu frémis de peur. Et tu sais déjà que le pire est que tu ne parviens pas, malgré leur présence lourde et pesante, à les associer à une créature déjà vue.
Winds in the east, mist comin' in
Like somethin' is brewin' and 'bout to begin.
Can't put me finger on what lies in store,
But I feel what's to happen all happened before.
La climatisation fait virevolter tes cheveux. Autour de toi, un silence pesant l'espace de quelques secondes, puis un énorme mouvement de foule. L'atmosphère change brusquement, vivement. Comme tout peut changer d'un moment à un autre en l'espace de quelques secondes. Tout était calme, et puis tout le monde hurle. Elles sont malgré tout pour toi, ces ovations, ces acclamations, et bien que la variation d'ambiance pourrait te perturber, tu n'en fait rien. Tu restes calme au milieu de la tempête, te contentant de balader ton regard aux couleurs d'herbes sur la foule présente dans le stade et sur l'autre enfant qui te fait face, dont le Cizayox respire lamentablement à terre, incapable de se relever. Tu fermes les yeux, inspires et expires profondément. Maëlstrom n'est pas en meilleur état bien qu'il ai réussit à vaincre son adversaire. Tu tends les bras vers le haut pour tenter de lui caresser le crâne. Il est bien plus grand que toi, ton Akwakwak, il te surpasse d'au moins soixante-dix ou quatre-vingts centimètres. Tu as pitié de lui, tu le renvoies sans plus de cérémonies dans sa sphère de capture au cœur de laquelle tu lui transmets tes encouragements. Tu lui dis combien tu es fier de lui, combien il peut se rengorger de s'être si bien battu.
« Ciel ! »Un cri, un seul. Tu jettes un coup d'yeux en direction de l'appel bien que tu saches déjà de qui il provient et tu adresses un sourire rempli d'orgueil à la personne concernée. Tu descends rapidement de la place de combat, laissant ton rival seul au cœur de l'estrade de duel du Pokémon World Tournament. Les demis-finales du championnat Junior viennent de s'achever. Tu respires fortement, cherchant à calmer les palpitations cardiaques qui t'animent. Les pulsations provoquées par les hauts-parleurs et les hurlements de joie ou de rage des parieurs selon l'enfant sur lequel ils avaient misé ne sont rien à côté des vibrations qui font éclater toutes les fibres de ton corps, au point que tu aurais l'impression de t'évanouir si tu n'étais pas un habitué des combats. Ton second souffle arrive malgré tout, lentement mais sûrement. Derrière une immense baie vitrée située en hauteur, les commentateurs du combat annoncent ta victoire alors que tu es déjà en train de disparaître de la scène en compagnie de ton instituteur.
« Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, les victoires des demis-finales reviennent à Elyott Thorne et à Ciel Mancini ! Ils se rencontreront le 13 Mai afin de concourir pour le titre de champion Junior. Les parieurs ayant misé sur ces deux jeunes duellistes sont invités à se diriger vers les stands de bookmakers afin de récupérer leurs gains. Nous vous souhaitons une excellente fin de journée et vous invitons à nous retrouver dès Mardi pour admirer les prouesses d'Elyott et de Ciel. »Les prouesses d'Elyott et de Ciel, tss. Tu esquisses une grimace méprisante face à ces paroles – comme s'il s'agissant de toi te battant contre l'autre. Ce sont vos pokémons qui vont s'affronter et le fait que l'on ne voit dans les duels que la part du dresseur te rends mal à l'aise. Les mains dans les poches, caressant délicatement la sphère de Maëlstrom, tu te dresses désormais face à la partie la plus facile de ta victoire. Photos. Vidéos. Répondre à des questions. Les journalistes t'encerclent et ne t'impressionnent pas. Tu as l'habitude, depuis plus d'un an et demi que tu as commencé les combats et depuis trois mois que les compétitions Juniors du Pokémon World Tournament ont commencé. Sourire, toujours sourire, quoi qu'il arrive, quoi qu'il te disent. Tu aimes bien sourire et cela ne te déranges pas le moins du monde. Mais aujourd'hui, tu fouilles la foule d'un regard inquiet, légèrement anxieux. Ils devraient être là. Tu voudrais les voir joyeux, rayonnants de bonheur face à ta victoire. Tu voudrais qu'ils cessent, pour une fois, de se pencher à la fenêtre de ta maison et de fixer les horizons dans un silence qui en dit bien plus que le plus percutant des discours, en songeant à un passé que tu connaît à la fois trop peu et trop bien. Tu voudrais qu'ils oublient le passé, qu'ils ne pensent qu'à l'avenir et que pour une fois, ils soient heureux. Tu ne connais pas grand-monde dans ta famille à part tes parents et ton oncle qui se sont retrouvés à Flocombe après avoir échoué, à Kanto ou à Hoenn. Heureusement d'ailleurs, que tes parents ont échoué, puisque tu ne serais pas là sans cela, même si cela les a brouillés avec ton grand-père maternel. Tu sais qu'il gère un cercle de jeux dans les bas-fonds de Volucité mais tu ne sais pas ce que les expressions cercle de jeux et bas-fonds signifient. Tu sais que ta famille est associé en grande partie à la mafia, mais tu ignores ce qu'est la mafia. Tu sais juste que ta mère et ton oncle, une fois leurs inclinaisons poignardées par de jeunes enfants, sont retournés dans la région d'Unys et se sont installées à Flocombe à défaut de pouvoir à nouveau remettre les pieds à Volucité, la honte leur collant à la peau suite à leurs défaites.
Mais aujourd'hui, ils auraient du oublier, ils auraient du ressentir tout sauf de la honte. Ta mère, l'ancienne Aqua, ton père, l'ancien Magma, ton oncle l'ancien Rocket. N'avaient-ils pas réussi dans la vie, n'avaient-ils pas laissé le passé de côté en fondant deux familles à Flocombe, n'avaient-ils pas gagnés ? Le passé pourtant, venait les rattraper, mais aujourd'hui, en les voyant, tu leur aurais interdit d'avoir une mine sombre, angoissée. Tu n'aurais pas voulu que ta mère se soucie d'un possible enlèvement orchestré par ton grand-père, toi qui ne savait même pas ce qu'enlèvement voulait dire. Tu savais juste que ton grand-père aurait aimé t'avoir à tes côtés, pour faire de toi un mafieux digne de ce nom, mais tu ne t'en souciais pas. Aujourd'hui, ni enlèvement, ni mafia, ni honte ne te venaient en tête. Il n'y avait pour toi que la joie et la fierté d'avoir remporté les demis-finales du Championnat et de pouvoir remporter éventuellement la finale. Ta mère, ton père, auraient du ressentir cela aussi. Ils auraient dû hurler leur joie au monde les premiers mais, dans le brouhaha de la foule, tu n'as pas entendu leurs voix. N'avais tu pas pourtant juré, il y a une semaine avant qu'ils ne partent à Kanto et qu'ils t'aient promis de venir te soutenir dans la foule des spectateurs, à tes parents que tu saurais reconnaître leur timbre vocal parmi cent personnes, milles personnes ? Tu as échoué, Ciel, et ce que tu n'es pas parvenu à capter de manière auditive, tu cherches désormais à le saisir de façon visuelle. Mais on ne te laisse pas en paix, et tu dois à nouveau sourire, rire, répondre à toutes les personnes qui t'entourent. Ton professeur même, qui t'as inscrit à cette série de compétitions, ne peut plus te protéger et se voit séparé de toi par de plus en plus de personnes qui le bousculent, s'imposent pour arriver près de toi.
Ciel, pouvez sortir votre pokémon pour une photo ? Ciel, comment t'es venu cette passion pour le combat ? Ciel ! Un mot à mettre sur ta victoire ? Les intervenants de la presse, de la radio ou de la télévision se manifestent différemment. Tu es tantôt vouvoyé, tantôt tutoyé, tantôt sollicité pour prendre la pose le temps d'une photo et tantôt sollicité pour répondre à des questions. Tu jettes vainement quelques mots dans le tumulte qui t'entoure, pour expliquer que les photos avec ton pokémon se feront à l'extérieur pour lui éviter le mouvement de foule mais tu as l'impression que personne ne t'écoute. Comment pourrait-on d'ailleurs, entendre le son de ta voix d'enfants au milieu de toutes celles des adultes ? Tout autour de toi n'est que bruits de flashs d'appareils photos, de bourdonnements de micros de radios et de clameurs confuses de voix humaines. Tu balaies les alentours de ton regard. Ton professeur est déjà trop loin. Tu l'observes tenter de s'imposer et tu voudrais bien qu'il y parvienne, mais ce n'est pas possible. Alors tu reprends ton calme, puisque tu n'as plus le choix. Souriant, joyeux, parce qu'il faut toujours être heureux face aux caméras – tu sais cette leçon sur le bout des doigts en tant qu'habitué à toutes les exigences du spectacle –, tu interrompt ta quête parentale pour l'heure et tu te concentres sur les journalistes,. Tes géniteurs te retrouveront si tu ne les retrouve pas, tu en es persuadé.
_________« Eh l'jeune ! Comment qu'tu vas ? Wow ! Y avait une d'ces foules tout à l'heure, j'ai même pas pu t'approcher pour t'causer avant qu'tu sortes. »Une silhouette massive apparaît dans ton champ de vision. Tu as quitté les journalistes, et tu espères qu'ils ne vont pas te suivre à l'extérieur pour avoir des photos. Tu t'incline respectueusement devant la personne survenue et elle te regarde comme si tu étais devenu fou pendant quelques secondes avant d'éclater de rire. Tu relèves la tête et tu ne peux pas t'empêcher de répondre à cette déclaration de joie en riant à son tour. La pression du combat et des journalistes est retombée. Tu observes l'homme en souriant légèrement. C'est un type plutôt cool, dans le genre easy-going. Tu ne connais pas énormément d'adultes mais celui qui s'impose devant toi te plaît pas mal question mental. C'est à lui que tu te réfères quand tu as besoin de conseils, c'est à lui que tu t'adresses depuis que tu as commencé les combats. C'est lui qui, malgré ta jeunesse et tes quatre ans à peine acquis à l'époque, t'as confié il y a près d'un an un œuf de Rototaupe. Sa confiance a payé, puisque l'œuf a éclot et que la créature qui en est sortie a évoluée a même évolué à force de s'entraîner, il y a quelques semaines, te rendant relativement heureux car tu n'aurais pas pu combattre en finale avec un compagnon au stade de base.
« Bardane ! Je pensais justement à vous. Minotaupe sera mon allié principal pour la finale de Mardi et j'espère que vous viendrez nous voir. Mais… Pour l'heure je dois vous laisser. Je n'ai pas encore eu le temps de faire soigner mon Akwakwak. »« Ça roule gamin, j'viendrais Mardi et j'suis sûr que tu nous éblouiras tous ! Passes me voir à l'arène quand t'en auras fini avec le cent'pokémon, j't'aiderais à t'préparer et tes pokémons aussi. »« 'Kay ! À tout à l'heure et merci beaucoup ! »Tu lances un clin d'œil à Bardane qui te le retourne et tu files en vitesse après lui avoir adressé un dernier signe de main. Tu n'as plus qu'une hâte, faire soigner Maël' dans le centre pokémon de Port Yoneuve. Tu en es certain, tes parents te retrouveront là bas. Ils n'ont sûrement pas eu le courage d'affronter la foule de journalistes et de passionnés de combats venus t'acclamer à la sortie du Pokémon World Tournament mais ils ont du vouloir t'attendre à l'endroit que tu rejoindrais obligatoirement une fois les deux heures minimums de photos et de questions imposées à chaque vainqueur. Elyott te rejoint. Tu lui adresses un sourire et vous marchez ensemble, dans le silence. Tu le connais bien, vous êtes dans la même école de Dresseur à Flocombe et l'idée de l'affronter ne t'enchantes pas. Tu auras préféré te retrouver face à un inconnu plutôt que de savoir que, quand vous reprendrez l'école en Septembre, l'un de vous deux restera dans la ville de Zhu et l'autre sera pris en charge par une pension d'élite, voir par un champion qui le fera devenir dresseur d'arène. L'un de vous deux stagnera parce qu'il n'y a plus grand chose de percutant à Flocombe depuis que Zhu a quitté son arène pour se concentrer au Pokéwood et l'autre aura un meilleur avenir, pourra un jour devenir champion d'arène dans une des nombreuses régions de Pokémon Island, voire même devenir Maître d'une ligue. Tu continue à faire rouler la pokéball de Maëlstrom entre tes doigts pour lui montrer to affection et ta présence et il te semble qu'à côté de toi, Elyott fait de même. Tu ne le regardes qu'à peine, ne sachant pas comment entamer la conversation et préférant de toute façon le monde du silence. Tu aimes bien t'enfermer dans ta bulle de tranquillité, dont tu ne sors que pour te donner à fond dans les combats et dans laquelle tu retourne sitôt le duel achevé. Ton regard se jette sur le port de la ville, vers lequel tu passes et ou des dizaines de personnes déchargent et transportent des marchandises. Tu contemples tour à tour l'océan qui s'étend à perte de vue et le sol de la ville qui s'étend devant toi.
Tu connais bien ces éléments, toi qui est né de la rencontre d'un passionné pour la terre et d'une amoureuse de la terre. Il y a longtemps, tes idéalistes de parents faisaient partie de deux associations – pouvais-tu vraiment employer le mot mafia pour désigner les camps magma et aqua – qui se battaient pour faire reconnaître la puissance de Kyogre ou celle de Groudon. Elles avaient été démantelées par leurs chefs respectifs et, tu ne savais pas trop comment, tes parents s'étaient rencontrés à la suite de ces événements. Il paraît que les opposés s'attirent.. Tes parents, s'ils ne s'étaient jamais avoués eux mêmes à cœur ouvert leurs anciennes inclinaisons, t'en avait parlé à toi. Ton père t'avait déclaré son envie de ne pas donner à son fils un prénom en rapport avec la terre, ta mère son refus de te baptiser en rapport à la mer lorsque tu étais venu au monde, un an et demi après leur rencontre. Il ne leur était alors resté que la voix de l'air, et ils t'avaient prénommé le plus simplement du monde Ciel. Ils auraient pu choisir Arwen, Sohaïl ou Altair en rapport avec les étoiles, Célian en rapport avec la lune ou Suliac en rapport avec le soleil mais non. Ils n'avaient même pas choisi Cael, la forme latine, beaucoup moins étrange à tes yeux. Ils s'étaient dirigés vers le plus basique et cela leur convenait très bien. Toi… N'avais-tu pas d'autres choix que de faire avec ? Tu devais composer avec ton prénom, que tu le veuilles ou non. Tu t'étais habitué, sans savoir si c'était de bon ou de mal gré, mais tu t'étais habitué. Saïyelle, prononcent tes parents dont l'accent anglais a pris le dessus sur les origines du mot. Tu frémis presque en entendant la véritable sonorité, Si-aile, parce que tu oublies les trois quart du temps de répondre à ceux qui l'utilisent. Question d'habitude. Tu parviens au centre tout en pensant et en ignorant la présence de ton camarade de classe. Tu aurais suffisamment de temps pour penser à lui dans la nuit de Lundi à Mardi avant votre affrontement. Vous vous séparez presque immédiatement une fois dans le bâtiment hospitalier, lui partant du côté opposé au tien pour trouver une chirurgienne pour soigner une entaille assez profonde faite un insécateur sur son Mélodelfe, toi te résolvant à chercher une personne se chargeant de soins plus basiques – Maël' est plus fatigué et épuisé que réellement en danger.
« Ciel ! Ciel Giovanni Mancini ! »Tu frémis de bonheur. Il n'y a qu'une seule personne pour t'interpeller de cette manière, ton oncle. Un ancien membre de la team rocket revenu à Unys après le démantèlement de cette dernière, tout comme tes parents après la disparition de leurs associations respectives. Tu dois d'ailleurs ton second prénom au Dirigeant de la mafia dont ton oncle faisant partie, comme un dernier hommage bien qu'il prétendait ne plus avoir de temps pour les basses affaires maintenant qu'il avait formé une famille. Il était revenu dans la région avec la telle habitude de parler la langue de Kanto qu'il la mélange encore parfois avec celle d'Unys et que tu as du mal à le comprendre même après quatre années et quelques passées à ses côtes. Tu fais volte-face avec un grand sourire, mais ton visage se décompose en découvrant la mine assombrie de l'adulte. Il a l'air perturbé, gêné, malade… déprimé.
« Ciel.. I don't know.. comment t'annoncer cela.. Tes parents. Ils ont eu.. an accident.. Their plane.. Leur avion s'est écrasé… au Mont Argent cette nuit alors qu'ils revenaient de Kanto. »Un jour, quand tu t'étais plains en gémissant que tu t'ennuyais depuis près de trois heures et que tu ne savais pas quoi faire un Dimanche après-midi, ton père t'avait dit que trois heures, ce n'était rien dans la vie d'un homme. Aujourd'hui, il avait pourtant fallu moins de dix secondes pour gâcher ta vie. Comment dix secondes peuvent-elles représenter autant, si trois heures ne sont rien ? La sphère de capture de Maël' tombe au sol. Elle roule loin de toi, mais le pokémon a du comprendre à travers son sommeil que quelque chose de grave se trame. Il en sort malgré sa fatigue, bondit vers toi. Mais tu n'écoutes plus rien. Tes oreilles bourdonnent. Akwakwak gémit en t'empoignant les épaules, ton oncle exprime une horrible fatigue et il semble avoir vieillit de dix ans d'un seul coup. Tu as l'impression qu'il bouge les lèvres mais tu n'entends plus rien de ce qu'il te dit. Une bulle s'est formée autour de toi et aucun son, aucun bruit extérieur ne parvient à la percer.
_________« Cinquante-huit … Cinquante-neuf … Une minute … Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, le temps de présentation pour Ciel Mancini est écoulé. La victoire revient donc par défaut à Elyott Thorne dont l'adversaire ne s'est pas manifesté pour participer au combat. »Des beuglements de rage envahissent la salle. Quelle différence avec les ovations de Vendredi, dans lesquels la joie perçait bien davantage même si des gens avaient perdus leurs paris. Tu entends d'une part de la salle des gens hurler pour qu'on leur rende leur argent, d'autres personnes t'insulter pour ton indécence. Tu es à l'écart de la scène, dans l'ombre, observant les gens sans pouvoir te dresser face à eux et assumer ta lâcheté. Tu tournes les talons au bout de quelques minutes, alors qu'Elyott quitte la scène et va faire aux journalistes pour les contenter en parlant de sa pseudo victoire. Tu aurais pu le démonter, mais tu n'en avais plus le courage. Tu repars en direction de l'hôtel à Volucité, dans lequel tu es resté enfermé tous le week-end. Aucune nouvelle de l'avion dans lequel étaient tes parents depuis ce temps-là. Le mont Argent est en proie à une tempête de neige dont la puissance ne diminue pas depuis cette nuit là. Tu soupires. Tu n'as toujours pas digéré la nouvelle et dans ta tête, tu t'es fixé que puisque personne ne peut accéder à la zone, personne ne peut trouver de corps. Et tant que personne n'a trouvé les corps de tes parents, il n'y aucune preuve qu'ils soient morts.
« … Monsieur Ciel Mancini ? Mais oui, c'est bien vous ! »Quelqu'un t'interpelle tandis que tu marches désespérément dans les couloirs, la mine sombre. Une femme, accompagnée d'une fillette d'environ le même âge que toi, peut être quelques mois de moins. Tu changes d'expression aussi rapidement que possible. Une sensation, une impression en toi, te dit de sourire, toujours sourire, encore sourire. Tu ne sais pas d'où elle vient, mais elle est là et tu décides de t'y fier.
« Nous sommes désolées de vous importuner, mais … Nous n'avons pas eu de billets pour le combat et nous souhaiterions cependant avoir une photo, avec le pokémon de ma fille. Est-ce possible ? Enfin nous comprendrions que non. »Tu hoches la tête approbativement, tu ne sais pas trop pourquoi. Elles ont l'air ravies, tant mieux pour elles. La jeune fille se dirige vers toi, passes son bras autour de ses épaules. Tu souris autant que possible, lèves un pouce en l'air dans un mécanisme que tu es heureux de maîtriser jusqu'à le faire involontairement et le flash retentit.
« C'est trop cool, merci, merci Ciel ! Mes copines vont êtres super jalouses ! On peut en prendre une avec Solal, aussi ?! »Tu approuves à nouveau, sans trop savoir qui est Solal. Elle sort une sphère de capture de sa poche et fait jaillir l'intéressé, un pokémon donc. Tu observes la mère pendant ce temps, la créature s'étirant avant de pousser une plainte fatiguée qui te fait subitement tourner la tête.
« 'Bsoooool… »Une seconde.
Tu as déjà entendu ce gémissement quelques part.
Deux secondes.
Tu tournes la tête en direction de la plainte.
Trois secondes.
Tes jambes lâchent, ton cœur se dérobe sous l'angoisse.
Quatre secondes.
Tu es à terre, inconscient.
Tu l'as vue, à quelques pas de toi, posée aux pieds de la toute jeune dresseuse. Entièrement blanche, à l'exception d'une partie de sa tête, de sa corne corne et de sa queue qui étaient de teintes noires et bleutées, et de deux yeux rouges comme le sang, qui te fixaient à la manière d'un prédateur et d'une proie.
La bête de ton cauchemar.
_________Tout est blanc. Aussi blanc que la montagne de ton cauchemar. Tu te sens nauséeux. Une main caresse tes cheveux et tu as du mal à garder les yeux ouverts. D'abord la bête et maintenant cela. Tu fais un effort ultime pour te redresser et observer les alentours mais tu es obligé de passer une main devant tes yeux pour ne pas les fermer.
« Ciel… »La voix de ton oncle, si proche et si lointaine à la fois. Il t'appuie sur la poitrine pour te forcer à te recoucher et tu es trop faible pour lui résister. Tu laisses ton bras droit positionné devant ton regard, tout ce blanc immaculé empirant ta migraine.
« Tu es au centre de soin du Pokémon World Tournament. Tu t'es évanoui et.. Well... Ils proposent de te faire passer pour les qualifications de la finale étant donné que ce n'est pas your fault si tu ne t'es pas présenté aux épreuves comme tu étais malade ou stressé. That's a chance, don't you think? »« Non.. Je ne peux pas. »« But.. Why ? C'est une proposition qu'ils n'ont jamais fait à personne, pas même aux dresseurs qui avaient une excuse valable pour ne pas se présenter aux épreuves ! Are you really… »« I'm really sure. Je n'ai pas envie de le faire. Je suis fatigué… Je ne veux pas rester ici. Je veux rentrer à la maison. »Tu parviens enfin à observer la pièce sans nécessiter de la protection de ton avant-bras. Une perfusion est placée sur le poignet gauche et tu te demandes depuis combien de temps tu es là sans pour autant interroger ton oncle à ce sujet. Il est des questions qui n'ont pas besoin de réponses.
_________Tu as laissé poussé tes cheveux de jour en jour, de mois en mois. Ils te descendent désormais au niveau des reins, ces cheveux que tes parents trouvaient si beaux et qu'ils s'amusaient à effleurer en vantant leur douceur. Et tu grognais, détestant qu'on te fasse des compliments, détestant aussi qu'ils se jouent de toi, parce que tu pensais qu'ils exagéraient, qu'ils faisaient exprès de faire virevolter tes cheveux verts entre leurs doigts à longueur de journée pour le seul plaisir de t'agacer. S'ils pouvaient encore les effleurer…
Dehors, le soleil brille et tu t'en étonnes. C'est un fait plutôt intéressant pour Flocombe, le beau temps. Ils sont rares, les jours ou il fait beau dans ta ville natale. Tu pourrais les noter sur une seule page de cahier, en utilisant une ligne par date de beau temps, les jours de soleil que tu as vu passer en six ans. Oui, ne te l'ai-je pas dit, Ciel ? Six années déjà sont passées au gré des saisons depuis la disparition de tes géniteurs. Les étés succédant aux printemps et les hivers succédant aux automnes ne te donnaient-ils pas d'indice sur la vitesse à laquelle le temps te filait entre les doigts ? Ici, la neige remplaçait la pluie et la pluie remplaçait la neige. Tu vis chez ton oncle depuis l'accident, et toujours aucune nouvelle de tes parents. T'as pas gardé beaucoup de contacts de ce que tu appelles désormais ton ancienne vie, et il n'y a guère que Bardane pour prendre encore de tes nouvelles à l'heure actuelle. Tout le monde doit t'avoir oublié. Tu ne saurais pas dire si tu en es heureux ou malheureux, mais ce qui est fait est fait et n'est-ce pas toi, après tout, qui a décidé de ne plus jamais revenir dans le monde du spectacle et dans l'euphorie des combats pendant toutes ses années ? C'est long, six ans. Les autorités avaient pu accéder au Mont Argent au bout de quelques jours, la tempête de neige se calmant progressivement, mais la neige et les avalanches avaient tout détruit sur leur passage. La carcasse de l'avion même, n'avait pas été retrouvée en entier. Elle avait été avalée par la poudreuse, condamnant les squelettes des passagers à un hiver éternel. Et t'as grandi, Ciel. T'as onze ans, bientôt douze, et t'as plus l'âge de croire que tes parents reviendront juste parce que leur corps n'ont jamais étés retrouvés. Tu caresses jour après jour les vitres de ta chambre, regardant au loin. Après avoir quitté le bâtiment du Pokémon World Tournament le 13 Mai 2009, tu as enterré tes rêves de topdressage. Tu n'as plus jamais réussi à combattre et quand tu as enfin réussi à reprendre goût à la vie, tu t'es redirigé vers la coordination dans le but de devenir éleveur. Tu as décidé de donner la vie, puisqu'on t'as pris la tienne et parce que tes parents avaient toujours eu l'envie, quand ils auraient réunis l'argent et les paperasses nécessaires, d'ouvrir une pension. Tu réaliseras leur rêve. Tu graves cette promesse dans ton sang, sur tes os, dans ton crâne. Tu la laisses s'imprégner dans ton corps comme une maladie incurable qui te gagnes et progresses de jour en jour. Tes doigts s'égarent sur ton bureau, écartent d'un mouvement résigné quelques articles de papeterie qui cachent une page de journal. Tu peux lire sur la une de cette feuille de choux que ton ancien camarade, Elyott, s'est élevé au titre de Maître de la ligue Pokémon d'Unys le 11 Janvier 2016. Après avoir été accepté dans une prestigieuse école de Sinnoh, il a démarré son voyage d'initiation avec les meilleures bases possibles – mais ne les avait-il pas déjà tout comme toi avant même de se présenter aux Championnats Juniors ? – et il est parvenu en moins d'un an et demi au titre de Maître. Tu serres les dents, Ciel, tu enrages et tu jalouses malgré toi la victoire de celui qui fut ton ami. Tu lances ton bras à la volée sur ton bureau, renversant les affaires qui s'y trouvent, les propulsant sur le sol. Tu entends des bruits de chute plus ou moins forts selon s'ils sont provoqués par des objets légers comme des crayons ou des choses plus lourdes comme ta console de jeu, ainsi que des éclats de verre brisé provoqués par deux verres et un mug.
Et dire qu'à dix secondes près, cela aurait pu être toi…
_________« Je t'ai dit non. Pas la peine d'insister. » « Mais Ciel… Ils proposent de prendre des adolescents en stage. They can teach you how to breed ! »Ton oncle mélange toujours la langue de Kanto et celle d'Unys – il est là, l'inconvénient d'avoir passé près de vingt ans dans une région étrangère avant de revenir dans la natale. Tu secoues la tête calmement, réitères ton refus face à la proposition que ton oncle te fait depuis plusieurs jours et qui s'impose à ses yeux comme le seul espoir de reprendre une ville normale pour toi.
« Cherches pas. J'irais pas dans cette pension de Johto même si les gérants étaient à l'article de la mort et que je me révélais leur seul espoir de succession sur terre. »Mon cousin présent dans la pièce ne résiste plus à tes paroles. Il enrage, du haut de ses trois ans de plus que toi et t'attrapes par le col en te forçant à me lever de ta chaise.
« Well, qu'est ce que tu comptes faire de ta vie alors ? Tu nous parles d'élevage depuis six ans mais quand on te propose d'aller te perfectionner dans une pension, t'en as rien à foutre ! Grandis un peu, t'as douze ans bordel de merde ! Cela va va faire bientôt quatre ans que tu refuses un par un toutes les idées qu'on te propose pour t'aider ! Quand est ce que tu vas trouver un plan pour te créer un avenir ? ET NE T'AVISES MÊME PAS DE TE PLANQUER SOUS TA CAPE. »« J'ai déjà trouvé. »Tu te dégages d'un mouvement sec, prends la direction de l'escalier pour filer dans ta chambre. Tu fouille un tiroir de ton bureau, en arrache des documents que tu prends avec toi en retournant dans le salon. Tu les jettes avec l'impolitesse la plus pure sur la table devant laquelle ton oncle est installe. Il passe l'éponge sur cet accès d'insolence relativement rare chez toi et commence à feuilleter les documents.
« Pokémon Community… »« Ils proposent une classe d'été, j'pourrais y entrer dès le premier Juillet donc. Ils fournissent aussi un starter, je laisserais Maëlstrom ici. Quant à Seth, je le renverrais à Bardane puisque l'œuf vient de lui à la base. » « I see, t'as déjà pas mal réfléchi. »« Yep. Ils proposent des formations de coordinateurs, avec un débouché sur l'élevage. Cela fait deux ans que j'en ai entendu parler et que je me renseigne mais il faut avoir douze ans pour y entrer. »Ton oncle lève la tête et t'adresses un sourire encourageant auquel tu réponds. Ton cousin hoche la tête, se mordille les lèvres comme s'il regrette sa nervosité précédente mais ne parvient pas à mettre des mots sur son ressenti pour te présenter des excuses. Tu lui souris également, haussant les épaules pour lui montrer que tu t'en moques.
_________« Et voilà. C'est comme cela que je suis venu ici et que je t'ai rencontré. »Tu as préféré rester un moment avec ton starter et lui parler de toi avant de rejoindre les autres étudiants, nouveaux comme anciens, au cœur de la fête. Tu regardes ta montre. Quatorze heures. Tu as eu de la chance de pouvoir passer parmi les premiers pour récupérer ton nouveau compagnon. Il claque des dents plusieurs fois de suite et émets un piaillement qui semble indiquer qu'il souhaite à nouveau de l'attention. Il est assez petit comme pokémon ; il est long une quinzaine de centimètres tout au plus du museau jusqu'au bout de la queue. Soit il s'agit d'un tout jeune bébé, soit il s'agit d'un spécimen pygmée de Mascaïman. Le couinement affaibli qu'il pousse et le fait qu'il se blottit contre toi te font pencher pour la première option. Tu l'enroules dans ta cape – tu es parti alors qu'il pleuvait en trombe sur une grosse partie de la région d'Unys, notamment sur Port Yoneuve d'où tu as pris le bateau et tu es donc vêtu chaudement puisque tu n'as pas eu le temps de te changer – et tu te relèves en le caressant.
« Ouais, je sais. Toi aussi t'as plus de parents vu que t'es là avec moi, même s'ils doivent être encore en vie. »Tu ne sais pas vraiment quoi dire d'autre sur le sujet, tu te contentes donc de le cajoler sans parler pendant quelques minutes. Tu le poses sur ton épaule droite et enclenche l'application photo de ton ipok avant de vous prendre tous les deux. Tu l'enverras plus tard à Bardane, pour contrer le décalage horaire entre Touga et Unys et ne pas le déranger en début de nuit, avec une légende du genre « La relève du type sol est assurée » ou quelque chose s'en rapprochant. En attendant, tu reprends la parole tout en continuant de caresser le jeune crocodile qui n'a rien trouvé de mieux pour éviter de somnole sur ton épaule que de mordiller l'attache en argent qui maintient ta cape en place.
« Bon. C'est pas tout cela, mais je supporte de moins en moins la chaleur dans cette tenue. J'vais tâcher de retrouver mes bagages et de me changer. Après, on ira manger hein. Tu t'es vu, sérieusement ? T'es minuscule, t'as franchement besoin de prendre des forces. »« Kaï ! »Il claque à nouveau des dents après ce son approbateur et tu ne peux t'empêcher de rire quelques secondes. Alors. Où sont partis les gens avec tes affaires, déjà, que tu puisses changer de tenue et enfin te joindre à la fête ?