Pas volé, emprunté.
Feat. Anna Selwyn
Il ne faisait pas chaud, ce matin. Ou plutôt, l’humide lourdeur du temps tranchait avec l’habituelle ardeur sèche et étouffante régnant sur l'île Touga. Aujourd’hui, de sombres nuages orageux tachaient le ciel de noir et de gris annonciateur de pluie. Sentant un vent doux mais bien présent se lever, les pokémons insectes qui envahissaient un peu plus tôt l’atmosphère déjà surchargée s’était tous évanouirent dans l’air. Ne subsistaient maintenant que quelques bestioles cherchant encore un abri pour les heures à venir. L’absence de parasites laissait comme une vide étrange dans l'environnement sonore du village et de ses alentours. Après des semaines d’agitation, la nature semblait retrouver son calme, le temps d’un orage. Au loin, on entendait le tonnerre rouler et gonfler, avalant les kilomètres pour venir tonner juste au-dessus de la tête des jeunes élèves de l'académie. Ces derniers avaient d’ailleurs, pour la plupart, fuient les espaces découverts, s’abritant à droite et à gauche.
Ainsi, lorsque Cylian quitta sa hutte, il mit les pieds dans une rue anormalement calme et silencieuse. Si d’ordinaire, il était presque impossible de marcher sans se faire bousculer, le jeune garçon n’eut pas à se concentrer pour ne pas écraser un pied traînant là où donner un coup de coude à une pauvre personne n’ayant rien demandé. Cette bienvenue tranquillité eue le don de le mettre de bonne humeur. Un fin sourire aux lèvres, le regard haut, il avançait lentement sur le pavé inégal de la route, se baladant. Ces derniers temps, sa vie avait été bien agitée et il avait fait quelques étonnantes rencontres. Mais ces péripéties l’avaient laissé comme usé et il ne cherchait qu’un peu de répit depuis lors. Enfin, cette île lui accordait l’un de ses souhaits, au lieu de le plonger dans il-ne-savait-quelle situation improbable.
Le phyllali ne craignait pas la pluie. Il ne doutait pas que les lourdes gouttes qui allaient bientôt s’écraser sur le sol brûlant ne serait pas ces éclats glacés qui tombaient sur sa ville natale. Ainsi, il se promenait avec pour seul haut un fin t-shirt de lin clair. Pour ne rien changer, son Grainipiot de compagnie, Mara, marchait dans ses pas, paisible. Même elle semblait atteinte par l’ambiance légère de la matinée. Elle ne faisait pas un bruit, se contentant de flâner. Lorsque, à cause de son allure un peu lente, elle se faisait distancer par son dresseur, elle forçait le pas pour le rattraper avant de reprendre son avancée amorphe et de recommencer. Cette démarche variable amusait Cylian qui, de bonne volonté en ce jour, l’attendait régulièrement.
Leurs joyeuses déambulations lui amenèrent bientôt en bordure de la forêt tropicale. Si, une semaine plutôt, le blond aurait immédiatement fait demi-tour, il estimait maintenant qu’il avait connu le pire et ne tremblait plus à l’idée de passer sous le couvert des hauts arbres tropicaux. Ainsi, le petit cortège ne vit bientôt plus le ciel au-dessus de sa tête tant les feuilles qui les surplombaient étaient dense. La luminosité n’en devint que plus faible encore et Cylian dû plisser les yeux quelques instants avant que ses pupilles ne se fassent à l’obscurité ambiante et qu’il ne puisse se déplacer sans trébucher sur une branche qu’il n’aurait pas vue. Mara, elle, ne possédait pas une telle faculté d’adaptation à en croire ses petits couinements réguliers lorsqu’elle percutait un tronc pourtant bien visible.
Les premières fois, Cylian s’en amusa. Mais bientôt, il dut se résoudre à porter la demoiselle de peur qu’elle ne se blesse réellement. Si celle-ci gigota un instant, trop fière, elle finit par s’apaiser et même sommeiller au creux des bras de son propriétaire. Comme souvent, ce dernier si fit la réflexion qu’il n’y avait qu’ainsi qu’elle était supportable.
Ne cessant de progresser, il parvint bientôt plus au cœur de la sylve, là ou l'humidité ne se constatait plus dans l’air mais formait de profonds lacs aujourd’hui délaissés. C’était une bien étrange expérience que de visiter un lieu habituellement si bruyant et fréquenté en ces conditions. Mais cela plut à Cylian qui se posa au pied d’un arbre, laissant son fardeau reposer sur ses cuisses. Les yeux clos, il goûtait au silence maître ici-bas. Il se sentit même sombrer doucement dans un demi-sommeil, la respiration lourde, inerte. Cet état dura suffisamment longtemps pour que sa compagne émerge, s’agite un instant sans le réveiller pour autant et quitte finalement ses genoux. Bien, il lui fallait maintenant une occupation. C’est en quête de celle-ci qu’elle s’éloigna, d'abord de quelques mètres seulement, sondant les bois. Mais après avoir barboté dans l’eau une minute, elle se figea. Si sa vision n’était pas in croyable, elle entendait parfaitement. Un bruit non loin l’avait alerté. Cela ressemblait fortement au pas de son maître. Elle en déduisit qu’il s'agissait, comme lui, d’un humain. Trop curieuse, elle vérifia prudemment que le concerné dormait toujours avant de filer à travers les fourrées, trop curieuse.
@Kirsan