| Quelques mots d'aquarelle Alban Abernaty & Max Arago
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Maxime t’aime aussi, Alban. Offre-lui quelque chose, sans raison… Puis, dis-lui que tu l’aimes, parce que c’est le cas.
Il aurait voulu le lui dire. Très sincèrement. A chaque fois qu’il la voyait, il avait une incroyable envie de se précipiter vers elle pour la prendre dans ses bras et s’excuser de tout ce qu’il avait pu faire. Il avait envie de lui avouer tout ce qu’il ressentait à son égard. Lui dire que ces derniers mois sans elle avaient été une torture. Qu’il ferait tout ce qu’elle voudrait pour se faire pardonner. Qu’il serait capable de tout, pour elle.
Mais il ne le pouvait pas.
La honte et la culpabilité étaient plus fortes que tout le reste. La peur, aussi. Car que ferait-il si elle le rejetait ? Comment arriverait-il encore à se relever si elle lui disait qu’elle ne voulait plus jamais le voir ? Sa situation actuelle ne lui convenait pas ; loin de là. Mais il se disait que ce serait pire, si cette relation incertaine venait à s’achever pour de vrai. Son absence lui faisait du mal, c’était sûr. Mais au fond, un rejet l’aurait encore plus blessé. Alors, comme d’ordinaire, il avait fait preuve de lâcheté et avait préféré fuir plutôt que d’affronter ses problèmes.
Encore une fois.
La soirée d’Halloween n’avait pas vraiment arrangé les choses. Il ne l’avait pas vraiment croisée, ce qui aurait dû le rassurer, d’un côté. Mais de l’autre, il avait l’impression qu’Andersen se rapprochait de plus en plus d’elle. Impuissant, il voyait son pire ennemi séduire jour après jour un peu plus la fille qu’il aimait. Et ça lui était insupportable. Car Andersen ne l’aimait pas. Il ne faisait que se jouer d’elle parce que c’est tout ce qu’elle représentait, pour lui ; un jeu particulièrement difficile mais qui lui procurerait tellement de satisfaction, une fois qu’il l’aurait fini. Ça rendait Alban dingue. Mais ça le rendait impulsif, également. Et il n’aimait pas ça ; clairement pas.
Il ne voulait pas devenir un de ces garçons qui pouvait devenir violent à la moindre contrariété. Il l’avait déjà été, quelques mois plus tôt, lorsque Maxine et lui avaient faits un trait définitif sur leur amitié. Et il s’en voulait encore aujourd’hui. Ce n’était pas comme ça qu’il avait été élevé. Pas comme ça qu’il était. Ce n’était rien de commun avec ses valeurs. Rien de commun avec ce qu’il était. Et pourtant… Il avait juste perdu le contrôle. Il avait laissé ses sentiments prendre le dessus sur la raison. Et il ne voulait pas que ce genre de chose puisse recommencer.
Alors il les évitait. Elle. Lui. Eux deux ensemble. Pour le moment, on pouvait dire qu’il s’était plutôt bien débrouillé. Mais les sombres nouvelles livrées par les deux amis d’Andersen ne l’avaient pas rassuré ; loin de là. Il se sentait bouillir de l’intérieur ; comme s’il aurait pu être capable du pire, rien que pour elle. Pour la protéger. Mais pas que…
Car ce serait mentir que de dire qu’il ne voulait pas qu’Andersen l’approche uniquement pour ne pas qu’elle soit blessée. Dans le fond, c’était plus de la jalousie, qu’il ressentait. Il aimait Maxine. Profondément. Et, de ce fait, il ne voulait la voir avec aucun d’autre. Il ne l’accepterait juste pas. Et il ne voulait pas l’accepter. Elle n’était pas un objet, il le savait bien ; mais il la voulait pour lui seul. Il voulait être le seul à pouvoir voir ses sourires si particuliers qu’elle faisait lorsqu’elle se sentait bien. Il voulait être celui qui la ferait rire pour un rien. Il voulait être celui à qui elle penserait à chaque seconde. De la même façon qu’elle l’était pour lui. C’était égoïste. C’était obsessionnel. C’était malsain, presque. Mais il l’aimait de cette façon. Et il était bien placé pour savoir qu’on ne pouvait pas changer les sentiments qu’on éprouvait d’un claquement de doigts.
Et aujourd’hui, c’était son anniversaire. Il avait longuement hésité à lui offrir un cadeau. Comment le prendrait-elle ? Penserait-elle qu’il se moquait de lui ? Penserait-elle qu’il essayait de revenir après plusieurs mois de silence radio, en espérant se racheter avec un simple cadeau ? Penserait-elle qu’il essayait de l’acheter, justement ? Il n’avait pas envie qu’elle se méprenne sur ses intentions. De la même façon qu’il n’avait pas envie de faire empirer la situation. Mais il souhaitait juste… lui offrir quelque chose pour son anniversaire. Depuis qu’ils se connaissaient, il avait toujours sauté sur toutes les occasions pour lui offrir des choses, afin de lui faire plaisir. Cela aurait dû lui mettre la puce à l’oreille bien avant. S’il s’était rendu compte de ses réels sentiments à son égard, peut-être aurait-il pu éviter de tout gâcher continuellement. Mais on ne pouvait pas revenir en arrière. Et il ne pouvait plus gommer toutes les erreurs qu’il avait faites.
Il soupira et regarda les fleurs qui brillaient dans la pénombre. Dans un joli soliflore de verre à suspendre à un mur, de forme légèrement arrondie sur le dessous, deux types de fleurs se côtoyaient. Des jacinthes blanches et bleues, et des petits boutons d’immortelles jaunes. Il avait mis longtemps à se décider sur ce qu’il allait lui offrir. Il ne voulait pas qu’elle comprenne que cela venait de lui, ce qui excluait d’office les bijoux ou breloques. Mais il voulait que le présent ait une réelle signification, même si elle ne la comprendrait pas. Il espérait simplement alléger sa conscience, ainsi. C’était stupide. C’était lui tout craché.
Il avait donc décidé d’offrir des fleurs. Présent banal, diriez-vous ? Pas tant que ça. Puisque les jacinthes symbolisaient l’envie et le désir d’une personne. Tandis que les immortelles signifiaient le pardon et l’amour éternel. « Je ne veux que toi » « Je suis sincèrement désolé. Je t’aimerais pour toujours ». Il se sentirait certainement mieux, après lui avoir fait parvenir ces quelques boutons. Peut-être que cela n’évoquerait rien, pour elle. Mais il espérait ainsi pouvoir lui transmettre ce qu’il n’osait pas lui dire de vive voix. Comme une confession, à demi-murmurée. C’était probablement la seule chose dont il était capable, à l’instant.
Il ferma les yeux et se dirigea vers le soliflore. Avec délicatesse, il le prit entre ses doigts et le regarda une dernière fois. Dans la petite cloche de verre transparent, un fond d’eau se balançait avec des clapotis discrets. Il espérait que Maxine penserait à la renouveler de temps à autres, puisqu’en l’absence de terre, c’était la seule chose qui pouvait maintenir les fleurs en vie. Alban les inspecta avec scepticisme. La fleuriste lui avait dit que les fleurs étaient traitées par son équipe de Pokémon Plante, ce qui leur assurait de continuer de vivre même dans un fond d’eau du moment qu’elles avaient leurs racines. Alban n’était pas allé chercher plus loin pour essayer de savoir si ces plantes ne poussaient qu’avec de la terre, à la base. Peut-être aurait-il dû remettre en question la trop bonne volonté de la vendeuse. C’était une commerciale, après tout…
Mais qu’importe. Ce qui était fait était fait. Prenant donc son courage à deux mains, il accrocha une petite carte autour du soliflore. Elle n’était pas écrite à la main, puisque Maxine connaissait son écriture. Mais elle était peinte de petites taches d’aquarelle ; aquarelle qui avait été l’un des sujets de leur première rencontre. Au fond, peut-être espérait-il qu’elle le reconnaisse grâce à ça. Stupide Alban… Il était tellement indécis.
Cachant le soliflore dans son blouson, il sortit en silence de sa chambre et pris le chemin du dortoir Givrali. A cette heure-ci de la matinée, il n’y aurait sans doute personne de réveillé. Grâce à ça, il pourrait se faufiler jusqu’au dortoir de Maxine sans se faire griller. Ce qui aurait dû le terroriser, d’ailleurs ; un garçon qui rôde près d’un dortoir féminin avant le lever du soleil, ça risquait de faire jaser s’il se faisait repérer. Mais il se sentait prêt. C’était d’ailleurs peut-être la seule chose qu’il se sentait capable de faire. Alors il l’avait fait.
Il était arrivé jusqu’au dortoir Givrali. Il avait reconnu la chambre de Maxine de l’extérieur, et avait demandé à Zéphyr de porter le soliflore jusqu’au rebord de sa fenêtre. Ainsi, elle le découvrirait probablement lorsqu’elle se réveillerait. En espérant qu’elle ne le ferait pas tomber…
Avec un dernier regard, Alban décida de repartir. Il tendit le bras pour que Zéphyr vienne s’y poser, puis quitta les lieux avant que le jour ne se lève. Il avait envie de la voir. Mais il n’avait pas envie qu’elle puisse le voir. Alors, mieux valait s’en aller maintenant.
Sur le rebord de la fenêtre néanmoins, le petit soliflore reposait sagement. Le vent fit virevolter légèrement la carte en papier à aquarelle. Les mots imprimés à l’encre noire se firent troubles quelques secondes, avant de se stabiliser.
« Joyeux Anniversaire. Prends bien soin de toi. »Je t’aime.
HRP : RP Terminé pour Alban