![]() Bitter Sweet Memories feat Leonidas Blackhart Janet tournait en rond autour du dortoir des Phyllalis. Elle réfléchissait, un peu nerveuse, à une discussion qu’elle avait eu avec ses parents pendant les vacances de Noël. Elle savait qu’elle avait été victime d’amnésie partielle suite à sa chute, l’année dernière, mais elle n’osait pas vraiment en discuter avec eux. Elle ne voulait pas leur donner la sensation d’être impuissants et de ne pouvoir apaiser ses préoccupations. Il fallait dire aussi qu’elle avait peur. Oui, peur de renouer avec les souvenirs qu’elle avait oublié. Elle avait peur de tomber sur de mauvaises actions, d’apprendre qu’elle avait pu faire du mal, faire souffrir des gens ou même être malhonnête. Comment savoir ? Le voile lourd du doute planait autour de ces souvenirs si proches et pourtant si lointains. A Noël, elle avait fini par se décider. Elle était montée dans le grenier chercher ses albums photos. Ses parents avaient refusé de les lui proposer spontanément quand elle était malade attendant que la demande vienne d’elle expressément. Janet était infiniment reconnaissante de leur prévenance et leur bienveillance vis à vis de ses problèmes. Sans se cacher, elle s’installa au milieu du salon et commença à feuilleter les pages. Beaucoup de visages lui étaient inconnus, mais elle devinait qu’il y avait eu, parmi eux, des amis qu’elle avait perdu, des membres de sa famille, peut-être. Elle remarqua que beaucoup de photos avaient été prises avec un garçon blond, à la mine renfrognée, un peu plus grand qu’elle. Il était là, tout le temps. Il peuplait les pages, partageant avec elle gâteaux, poupées, voitures en plastique et couronnes de fleurs. Sous une photo en particulier, elle aperçut la phrase suivante, griffonnée au crayon gris. « Janet et Léonidas, anniversaire 9 ans. » Léonidas, ce nom lui disait vaguement quelque chose… Ah oui, c’était aussi celui du copain de sa préfète, Calliope. C’était peu commun comme patronyme. Elle continua de feuilleter le livre, quand sa mère passa et regarda par dessus son épaule. Janet sentit sa présence et se retourna avec un léger sourire. - Ah, maman, puisque tu es là, tu pourrais me dire qui est ce garçon ? Vu le nombre de photos qu’on a pris ensemble, ça devait être quelqu’un qui comptait pour moi non ? Le regard de sa maman sembla se faire un peu vague alors qu’elle redressait ses petites lunettes d’un air embêté. La jeune dresseuse avait du mal à comprendre la source de tant de gêne. Elle craignit un instant le pire pour le garçon sur cette photo. Et si… Et si il avait été victime d’un accident ? Ou alors, il s’étaient peut-être sauvagement brouillés, sans qu’elle ne s’en souvienne ? - C’est Léonidas… Quand vous étiez petits, vous traîniez toujours ensemble… Soudés comme les doigts de la main, vous pleuriez presque quand vous deviez vous séparer. Il venait souvent ici avant… Sa tante était notre voisine. - Oh… Je vois… Tu saurais ce qu’il est devenu ? Sa mère eut un air interloqué. Elle redressa nerveusement son chignon et se racla la gorge. - Enfin, Janet… Il est à l’école avec toi, tu ne le sais pas ? Je pensais qu’il serait quand même passé te voir quand tu as réintégré le lycée à Lansat mais visiblement je me suis trompé. Ce garçon a bien changé. La quadragénaire eut une moue désapprobatrice et, devant l’air interrogateur de sa fille, décida de changer de sujet. - Bon, assez causé de souvenirs ! Si tu m’aidais à décorer le sapin pour demain ? Pour ne pas froisser sa mère, Janet n’avait plus posé de questions. Mais beaucoup de choses tournèrent dans sa tête jusqu’à la fin des vacances. Elle cogita encore, malgré la reprise des cours. Le Léonidas des photos était bien le copain de Calliope, elle n’avait quasiment aucun doute là dessus. Mais pourquoi, pourquoi ne lui avait-il presque pas adressé la parole quand elle était revenue à Lansat ? Pourquoi n’était-il même pas venu s’enquérir de son état quand elle était malade ? Que s’était-il passé entre eux ? Plus les jours passaient et plus Janet éprouvaient le besoin de parler au préfet des Phyllalis. Elle avait l’étrange certitude d’être une étrangère pour lui, tout en ayant les preuves qu’ils avaient partagé de grands moments de complicité. Voilà pourquoi elle l’attendait, peut-être en vain, près du dortoir. Elle était assise sur un muret et titillait nerveusement ses boucles bleues. Elle les avait laissé à nouveau pousser, si bien qu’ils arrivaient presque à sa poitrine… Elle devrait recouper tout ça à l’occasion... Dans sa main, elle gardait une des photos vieillies qui la montrait avec Léonidas en train de fabriquer des guirlandes de fleurs. Elle soupira en refermant sa main dessus. Elle ne savait plus vraiment quoi penser… Alors qu’elle pensait rentrer chez les Givralis, elle fut soudain attirée par la tignasse blonde du préfet. Son cœur fit un bond dans sa poitrine alors qu’elle sautait littéralement du muret pour le rejoindre. Elle arriva près de lui, nerveuse et rougissante, serrant précieusement la photo contre son cœur. - Léonidas ! Excuse moi de te déranger comme ça… Dis, tu aurais 5 minutes ou tu es pressé ? Il faut vraiment que je te parle. |
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![]() Bitter Sweet Memories feat Leonidas Blackhart Léonidas n’avait pas l’air bien, elle le sentait. Elle le sentait à l’air raidi de son dos, elle le voyait aux tremblements légers de sa main, aux trémolos dans sa voix. Il devait au moins être aussi tendu qu’elle. Malgré elle, elle sursauta quand il vint poser sa main sur son épaule. C’était étrange, elle le connaissait à la fois à peine et si intimement, elle était familièrement habituée à sa présence sans avoir le souvenir de ne lui avoir jamais adressé la parole. Tout ce qui l’entourait était nimbé d’une sensation très puissante de déjà vu. Elle sourit faiblement quand il parla d’aller chercher Josh. Il était si inquiet et prévenant… Pas étonnant que Callie l’ait choisi. Il avait quelque chose de plus que les autres, une aura qui détonnait. Elle se surprit à se sentir différemment en sa présence. Jusqu’à présent, la seule personne à lui faire cet effet, c’était Josh, son loup solitaire, ce bad boy déguingandé qui savait la faire sourire. Léo était différent, plus lumineux, plus ouvert. Doucement, elle posa sa main sur la sienne, agrippée à son épaule, en le gratifiant d’un gentil sourire. - Non, ce n’est pas la peine… C’est à toi que je suis venue parler. Elle ne voulait pas rester au milieu de ce couloir, trop d’élèves pourraient passer, ce n’était pas l’endroit rêvé pour avoir une conversation aussi personnelle. Nerveusement, Janet passa une main dans sa cascade ce cheveux bleus et reposa ses yeux bruns sur les lunettes teintées de Léo. - Ça te dirait de marcher un peu… ? Elle se mis ensuite en route, prenant un petit chemin vers le parc. A cette heure-ci ils auraient peu de chance d’être dérangés. Janet ne savait pas par où commencer… c’était si délicat. Finalement, elle desserra un peu sa main sur la photo et la tendit à son ami en rougissant un peu. - J’ai trouvé un album photo chez mes parents pendant les vacances… J’ai appris que… Que tu faisais partie de ma vie, pour une raison ou une autre. Elle fixa le sol d’un air gêné. Elle marchait sur un fil de funambule, elle n’avait aucune idée de son passé, elle ne savait plus rien des souffrances qu’ils s’étaient infligés l’un l’autre, elle avait oublié leur tout premier baiser, près de la grotte granite. Elle avait oublié le Cirque des Boulons, leur enlèvement par la Team Rouage, la souffrance qu’elle avait ressenti en le voyant dans les bras d’Estelle, son chagrin, épongé dans les bras de Josh. La seule question qui restait en suspension dans son esprit était un indélébile « Pourquoi ? ». - Je sais que ce n’est pas évident quand quelqu’un qu’on a connu perds la mémoire… Depuis cet été j’ai l’impression de devoir reconstruire un puzzle les yeux bandés. Je… J’aurais voulu savoir pourquoi. Pourquoi tu n’as rien dit quand nous avons partagé la même hutte sur Touga. Pourquoi tu n’es pas venu me voir quand je suis revenue sur Lansat, pour m’expliquer qui tu étais. Pourquoi je n’ai pas reçu de message… La voix de Janet s’étrangla dans sa gorge et elle mordilla un peu sa lèvre. Elle ne voulait pas accabler Léo de reproches, ce n’était pas le but et elle avait peur que ses paroles soient mal interprétées par le blond. - Je ne t’accuse pas du tout hein, ne va pas croire que je t’en veuille. Simplement… Je me dis que si tu ne voulais pas me recontacter c’est que tu avais tes raisons… J’espère juste que… Que je n’ai rien fait de mal qui ait pu amener à ce qu’on ne se parle plus… Elle tordait ses mains contre son manteau et passait régulièrement sa main dans ses cheveux. Elle avait peur de lever le voile de son passé, d’apprendre ce qu’elle avait pu faire, ou pas, de réapprendre sa vie, comme si elle ne lui appartenait pas ou plus. Elle courait, seule dans le noir, à la recherche de tranches de vie décousues, de vapeurs, de fantômes, de conversations envolées. Elle était une étrangère à elle-même aujourd’hui. Bien qu’elle ait réussi à récupérer quelques bouts de son passé grâce à Josh et Nolan, bien qu’elle ait réussi à se construire un présent avec Ida, Lyra et Aria, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir un vide profond, une plaie béante et lancinante qui la mortifiait chaque jour sans qu’elle parvienne à la panser. Elle était pleine de cicatrices dont elle ignorait l’origine, pleine de visions auxquelles elle n’arrivait plus à donner un sens. Janet était emportée par le courant d’un temps qu’elle ne maîtrisait pas, elle était abandonnée à sa lutte. Si tout le monde était compréhensif avec elle, personne ne pouvait comprendre le traumatisme que créait cette perte immense de repères. |
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![]() Bitter Sweet Memories feat Leonidas Blackhart Un coup au coeur. Vaincue par KO. Janet n'aurait jamais imaginé qu'autant de choses avaient pu se produire entre elle et Léonidas. Elle en resta profondément interdite, dévisageant le blond, son visage jusque là relativement assuré se décomposant à chaque secondes. Elle l'avait aimé. Il l'avait aimée aussi, sans doute plus longtemps que ce qu'elle avait imaginé. Ses mots laissaient aussi supposer qu'elle avait dû mettre longtemps avant de réaliser que leurs sentiments étaient réciproques. Mais pour combien de temps ? La maladie, les accidents, avaient eu raison d'eux, sans doute avant qu'ils aient pu commencer. Et maintenant il avait Calliope et elle avait Josh. Janet ne savait plus rien. Était-elle seulement amoureuse du spé type ? Comment savoir avec sa foutue mémoire, qu'elle ne parvenait à rafistoler que petit à petit et très difficilement. Comment distinguer le vrai du faux ? Comment remettre de l'ordre sur ce dont elle n'était même plus certaine ? Fébrilement, les mains tremblantes, elle recula d'un pas, ses yeux chocolat plongés dans les verres fumés de Léonidas. - Je... Je... Oui effectivement c'est difficile. Léonidas je... Elle se trouvait démunie face à la puissance que pouvaient avoir les souvenirs sur sa perception du monde. Elle releva la tête vers le ciel, sans doute pour faire redescendre ses larmes. - J'ai l'impression d'être venue au monde la semaine dernière... Je ne me souviens de presque rien, je suis à la recherche de quelque chose qui n'existe plus que dans les yeux des autres... Comment même être certaine que ce que j'entrevois parfois a réellement existé ? Je n'ai même pas d'autre assurance que ces vieilles photos pour avoir la certitude que je ne rêve pas... Ses mains tremblaient toujours. Comment être certaine maintenant que ses sentiments pour Josh étaient sincères ? Et si, avant, elle avait été amoureuse de Léo ? Qu'est-ce qui comptait vraiment ? Où était la vérité ? Face à Calliope comment devrait-elle se comporter à présent ? C'était il y avait si longtemps et elle ne se rappelait plus de rien et pourtant... Pourtant elle avait l'impression de sentir encore quelque chose d'une main qui avait autrefois serré la sienne. Elle avait l'impression d'avoir déjà vu l'éclat blond de ses cheveux proches du bleu des siens. Des visions fugaces qui la traversèrent soudain. Un parfum de fleurs. Ça lui revenait, en pleine face. Elle fut soudain prise d'un mal de tête violent, comme si son propre cerveau lui faisait payer ces longs mois d'ignorance. Son visage pâlit tant et tant qu'on aurait cru qu'elle allait devenir transparente. Se sentant soudain presque tomber, elle s'assit sur le bord du chemin, le regard dans le vague. - Je... Je crois que ça revient... ah ! Elle se pencha en avant,tenant entre ses mains sa tête sous la douleur de la céphalée. Une couronne de fleurs. Un lac. Un premier baiser, sans doute. Un gâteau d'anniversaire par un après-midi pluvieux. Des larmes séchées. Bond en avant. Une gifle, des pleurs, un drame. Elle s'était fâchée contre lui ? Elle se sentit chancelante. Elle voulait comprendre mais déjà, les impressions s'effaçaient. - Je n'y comprends rien... je n'y comprends rien Léo. Mais je... Je crois que je t'ai fait du mal, un jour... J'ai l'impression que je t'ai frappé, mais je ne sais pas quand... Je... La jeune fille renifla pour essayer de chasser le chagrin qui l'envahissait. Elle se serait bien jetée dans ses bras mais après tout ce qu'elle venait d'apprendre, en avait-elle seulement le droit ? Ses yeux douloureux se redressèrent vers son visage alors que le ciel semblait s'assombrir petit à petit. Elle était perdue, sa tête semblait vide. La seule chose dont elle se rappelait à présent, c'était les bribes d'une chanson qu'elle avait entendue elle ne savait où. |
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