Elle commençait à changer. Doucement. D’un changement lent et à peine notable lorsque l’on suit le cours immuable du temps. Lorsqu’on manque du recul qui nous fait admirer le tissage de nos choix. Mais irréfutablement, la gamine à la crinière éméchée n’était déjà plus la même qu’à son arrivée. Si elle était encore cette jeune fille, cette nouvelle élève qui pour un rien s’émerveille de ses yeux rubis, elle ne serait pas assise là dans la salle commune de son dortoir. A une heure où elle ne devrait pas s’y trouver. A une heure où elle devrait être en train de subir les ordres et les cris du général. Il y a un an, Obéline aurait courbé l’échine et se serait laissé faire. Aujourd’hui, elle avait quitté le cours.
Après avoir donné à son professeur la basse opinion qu’elle avait de ses méthodes, sans passer par la route victoire, la blonde avait fait tomber la sanction. Des tours de terrain jusqu’au retentissement de la sonnerie. Tous plus inutiles les uns que les autres. La gamine avait levé les sourcils, fait un ou deux tours, quelle importance tant cette condamnation n’avait de sens à ses yeux et s’était finalement éclipsée. Arrêtant de tourner en rond pour avancer sur la propre course de son destin.
Son comportement lui attirera sûrement des ennuis par la suite, mais Obéline ne s’en préoccupait guère. Elle vivait en accord avec ses convictions et rien n’avait plus d’importance pour la gamine. Ce n’était pas tant la personne du général qui portait ses nerfs à vif. Oh non, c’était à la fois bien plus simple et bien plus fort. Jackie représentait cette autorité martiale, celle dont les pas de la gamine n’avaient jamais croisé la route. Celle qui essayait de tordre l’être rempli d’indépendance et de liberté qu’était la jeune dresseuse. Avant son arrivée à Lansat, elle ne connaissait l’autorité. Pour survivre avec un père absent et une mère alitée, elle s’était imposée sa propre discipline. Celle qui ne la privait pas de ses envies. Une discipline presque sauvage où son coeur dictait ses actions.
Pour celle qui avait vécue toute sa vie sans contraintes dans l’immensité blanche des montagnes de Kalos, se retrouver pieds et poings liés par un professeur en désaccord total avec la mentalité de la fougueuse Mentali était d’un supplice bien plus douloureux que toutes les punitions qu’elle pourrait recevoir pour son attitude.
La solution était alors d’une simplicité enfantine. D’une logique imparable. Briser les chaînes et la revoilà libre.
Jouissant de sa liberté gagnée, les pas d’Obéline l’avait guidée jusqu’au dortoir dénué de vie en cette heure de cours. Un manque rapidement comblé par l’agitation qu’apporta la gamine et son équipe. Il était inconcevable qu’elle puisse un jour assister à la scène qu’elle avait devant les yeux. L’immense salon des mentali normalement si calme et peuplé d’élèves tirés aux quatre épingles, transformé en parc pour ses pokémons bruyants et intenables. La gamine avait une bande de créatures presque tous irrécupérables et pourtant elle les aimait. Elle ne cherchait pas à les changer. Ils amenaient désordre et chaos sur leur chemin, mais n’était de danger pour personne. Cela convenait alors à Obéline qui les aimait pour ce qu’ils étaient. Vrais et authentiques.
Dans le désordre qui avait pris la place aux habituelles maîtresses du lieu, la paix et la tranquillité, Obéline ne faisait qu’acte de présence. Calme en apparence, le sourire sur le bord des lèvres, seule le serrement de sa main pouvait noter de sa perplexité. Au creux de sa paume, la pierre de feu que son Psykokwak lui avait ramené inopinément ouvrait des portes que la gamine n’avait naïvement pas imaginé. Elle devait en parler à sa renarde. Elle était persuadée que Pixi s’en ferait une joie, elle qui ne rêvait que d’évoluer. Mais au delà de son apparence, qu’allait changer cette évolution ? Peut être que son caractère évoluerait également. Peut être deviendrait-elle encore plus ingérable ? Peut être par un miracle sans nom elle s'apaiserait ? Peut être changerait-elle complètement de caractère comme cela arrive parfois ? Peu importe le spectre des possibilités qui s’étendaient à elle, le choix lui revenait.
Par la même liberté qui régnait dans l’esprit de la gamine. Par la même liberté qui faisait que ses pokémons étaient pour beaucoup ingérables et pourtant si attachées à leur dresseuse. Par cette même liberté, le choix de l’évolution n’appartenait ainsi pas à la gamine mais à ses compagnons eux même.
Tirée de ses pensées par les aiguilles du temps, Obéline rangea la roche au fond de son sac et se leva.
Ce n’était pas parce qu’elle venait de sécher un cours sans la moindre vergogne, qu’Obéline allait rater le suivant. Encore moins s’il s’agissait de coordination avec la douce Melty Pott.
***
Arrivant parmi les premiers au parc de l’académie, Obéline s’était installée contre un arbre, sa renarde sur ses genoux, son petit coton sur l’épaule et son fidèle scarabée juste derrière elle. Ses premiers compagnons, comme un retour aux sources. Posées sur une table non loin d’elle, des pokéballs intriguaient la curiosité de la gamine. Si elle n’avait pas vu à son arrivée un élève partageant son infantine curiosité, reculer de 5 mètres dans les airs suite à une attaque de l’endormi Bounty, elle aurait surement tenter d’y toucher elle aussi. Mais elle s’en avisera pour cette fois. Elle et tous les autres élèves auraient leurs réponses lorsque leur professeur entrera en scène.
Sa référente finit par arriver, accompagnée de costauds pokémons transportant tant bien que mal de lourdes caisses de bois. Une fois à bon port, Melty expliqua le déroulement du cours et le chaos reprit place. L’envoi hasardeux des pokéballs n’eut pour conséquence que quelques coups sur les élèves et la libération de dizaines de nouveaux nés qui n’en faisaient qu’à leur tête. Un amusant sentiment de déjà vu naquit dans le coeur de la gamine. A croire que peu importe où elle passerait, le désordre serait son plus fidèle allié.
Certains élèves couraient déjà dans tous les sens, essayant d’éviter les calin pleins de piquant des petits cactus lorsque ce n’était pas les grondements enflammés de petits chiots des enfers. La gamine quant à elle se redressa calmement et releva la tête. Parmi tous les lancers, une pokéball s’était coincée dans les branches de l’arbre contre lequel elle était appuyée. Un regard suffit pour que Bouddha comprenne ce que se dresseuse avait en tête. Il lui fit d’un naturel déconcertant la courte échelle, propulsant Obéline aux premières branches assez épaisses pour qu’elle s’y accroche. Avec l’agilité d’un Simiabraz, elle grimpa jusqu’à atteindre la pokéball perdue dans le feuillage. La récupération de l’objectif avait été aisée. Redescendre en tenant la pokéball d’une main allait l’être moins. On avait beau la qualifier de casse-cou, Obéline n’allait pas risquer la descente à une main. Elle connaissait ses limites et clairement ce prodige la dépassait. Elle chercha alors quelqu’un à qui envoyer son trésor. Goupix et Doudouvet n’étaient physiologiquement pas qualifié pour la rattraper. Bouddha aurait pu, s’il n’y avait pas un risque qu’il la brise entre ses puissantes pinces. Non, elle devait faire appel à quelqu’un d’autre, comme par exemple ce jeune garçon qui passait par là.
▬ Hé toi ! Tu peux attraper ça s’il te plait ?Attendant qu’il se retourne dans la bonne direction, Obéline lui fit un signe de main, tout sourire à califourchon en haut de sa branche et lui envoya la pokéball. Libérer de toute contrainte, la gamine descendit aisément de son arbre, sautant de branche en branche jusqu’à finalement atteindre le sol. Elle épousseta rapidement sa tenue. A la sortie du placard ce matin, il s’agissait d’une mignonne combinaison composée d’un short noir et d’un pull blanc agrémentés de quelques perles rouges et rosées sur le col et le bord des manches. Désormais, le mignon de la tenue avait quelque peu disparu… Ses collants étaient troués, et son haut était abimé par endroits. Mais qu’importait l’apparence à Obéline lorsqu’elle n’était pas en performance. Elle sourit à l’inconnu et se présenta :
▬ Merci pour ton aide, j’aurais eu du mal à descendre de là haut sans toi ! Je m’appelle Obéline !Les présentations faites, l’évidence apparaissait à ses yeux rubis.
▬ Ça te dit qu’on se mette ensemble pour le cours ? On a déjà notre pokémon !