Ellen soupira.
Ça y est, elle avait réussi à retrouver son album photo. Ce matin, elle avait pris la grande initiative de se mettre enfin au rangement de sa chambre. Depuis son arrivée il y a près de deux mois, la jeune fille n'avait toujours pas fini de déballer certaines de ses affaires qui étaient encore enfermées dans des cartons disposés par-ci par-là dans la chambre. Et puis, elle s'était souvenue d'avoir emmené l'album photo qui conservait des photos de sa douce enfance, et s'était lancé à la recherche de l'objet si précieux à ses yeux. Mais ce n'est que lorsque le soleil fut bien haut dans le ciel qu'elle le retrouva. Une fine couche de poussière s'envola lorsque la Givrali sortit le livre d'un carton sous son lit. Elle feuilleta l'album jusqu'à s'arrêter vers le milieu. Il y avait deux photos, une qui représentait Ellen, toute souriante, dans une jolie petite robe blanche. Elle devait avoir aux alentours de 10 ans. Sur la seconde photo, il y avait deux personnages, Ellen, et une jeune fille aux longs cheveux bruns bien coiffées et à l'aspect bourgeois, qui contrastait avec la chevelure blonde en bataille et l'air moqueur qu'avait pris la petite Ellen sur la photo. La Givrali se souvint très bien de cette journée. Jeanne, la jeune fille aux longs cheveux bruns et sa famille, était venue passer un week-end à Atalanopolis. Le père de Jeanne était un vieil ami du père d'Ellen mais les deux jeunes filles ne s'étaient encore jamais rencontrés auparavant. Elles s'étaient vite entendu et la Givrali, qui au début doutait de la sympathie de la brune, fut bien surprise de découvrir que sous l’apparence de petite fille parfaite de Jeanne, se cachait un vrai petit diable. Un jour, elles avaient réussi à échapper de la surveillance vigilante de leur mère et s'étaient enfuies de la maison. Elles avaient marché longtemps, et escaladé les parois rocheuses qui encerclaient la ville. Au début, Jeanne avait du mal à suivre, gémissant de douleur à chaque petite écorchure. Mais elle finit par s'adapter. Une vue à couper le souffle les attendait en haut. L'océan se déchaînait contre la roche, le soleil faisait briller ses reflets sur l'eau agitée, un vent violent soufflait dans leurs cheveux, le froid s'installant peu à peu. Néanmoins, malgré les éléments en fureur, elles ne bougeaient pas. Le silence régnait en maître entre les jeunes filles, jusqu'à ce que Jeanne se mette à chantonner un petit air de chanson. Ellen n'avait pu s'empêcher de remarquer qu'elle chantait très bien. Soudain, la fillette s’était arrêtée de chanter et avait contempler le paysage. Toutes deux avaient la chair de poule mais aucune ne se plaignait, comme si elles se mettaient au défi de ne pas craquer. Ne supportant plus ce silence, Ellen avait demandé :
-Depuis combien de temps sommes-nous ici ?
-Je ne sais pas, avait répondu Jeanne sans détourner les yeux de l'océan.
-Je n'arrive pas à savoir si cela fait dix minutes ou une heure, enchaîna la jeune blonde.
L'autre fille s'était contentée de hausser les épaules.
La future dresseuse avait vite compris qu'elle n'obtiendrait pas plus de mots de la part de la brune et n'avait pas insisté.
Après, Ellen ne s'en souvenait plus en détails, à part qu'elles étaient rentrées tard à la maison et qu'elles s'étaient fait gronder. Sans savoir vraiment pourquoi, cette journée l'avait marqué.
La Givrali referma le livre, elle prendrait le temps de se replonger dans son passé plus tard.
Maintenant, il fallait qu'elle aille rendre des livres qu'elle avait empruntés il y a longtemps et qu'elle venait tout juste de retrouver.
Rubis, la petite Malosse qui avait rejoint la petite équipe depuis peu, la suivait de près, tandis que Heavens, son Griknot, était paisiblement endormie sur le canapé bleu, baignant dans la douce lumière du soleil. Ellen préféra ne pas le déranger et sortit de la chambre, Rubis sur ses talons. Depuis son arrivée, la dresseuse n'avait pas vraiment pris le temps d'apprendre à connaître les autres filles de son dortoir. Elle qui était pourtant si bavarde, avait préféré se faire discrète pour une fois. Pourquoi ? Elle même n'avait pas la réponse.
Ellen marchait en regardant ses pieds, plongés dans ses pensées, et elle ne vit pas arriver une autre Givrali qui marchait elle aussi plongé dans ses pensées au détour d'un virage. Les deux jeunes filles se cognèrent. Même si le choc ne fut pas violent, sous l'effet de surprise, elle lâcha ses livres qui s'éparpillèrent sur le sol en un bruit sourd.