| L'abîme d'un regard Alban Abernaty & Calliope Pryde
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Alban était en rogne de bon matin. S’était-il levé du pied gauche ? Avait-il encore glissé sur les pierres polies du phare dans lequel il habitait ? Leur vieux logeur était-il encore entré dans les toilettes sans frapper, alors qu’il était en train de faire son popo quotidien - maudite soit l’absence de verrou dans cette vieille bicoque - ? Ou alors, avait-il ses ragnagnas ? Tant de possibilités, mais aucune n’était bonne. Alors certes, tout ce qu’il énonçait s’était bel et bien produit - et le vieux Colinn Pharrel était loin d’avoir chanté « Because I’m happy » en le surprenant faire la grosse commission -, hormis la partie menstruation féminine - physiquement impossible pour ce cher Alban -. Mais non. Cette fois, ce qui le mettait de mauvaise humeur, c’était le mot que semblaient s’être fait passer ses deux meilleurs amis pour l’éviter sur Akala.
Quand cette magie avait-elle commencé à opérer ? Très certainement lors du match de Quidditch d’il y a quelques jours, où les deux roux s’étaient miraculeusement trouvés proches d’Alban, mais où AUCUN n’avait eu la décence d’attendre qu’il se débarrasse de la foule pour venir leur parler.
Ah ben ça, il l’avait bien vu, Alban. Il n’était pas si stupide que ça, après tout. Bon certes, tout de même un peu, mais là n’était pas le sujet. Il était persuadé que Calliope l’avait entendu, lorsqu’il l’avait interpelée. Ils se trouvaient si près qu’elle l’avait forcément entendu. Quant à Aaron ? Si ce dernier avait potentiellement une excuse vu qu’Alban ne l’avait pas vu partir, il n’était pas non plus exempté de répondre à ses SMS. Non, décidément. Ces deux-là le fuyaient pour une raison qu’il ne connaissait même pas, et cela commençait à le frustrer au plus haut point.
Le master pompon fut cependant attribué à Calliope, un peu plus tard dans la matinée. Alors qu’Alban était en train de laver son Ramoloss chromatique, son iPok avait sonné pendant plusieurs minutes avec insistance. Au départ, croyant qu’il s’agissait uniquement d’un appel de son ami Voltali, Jaen, Alban s’était dit qu’il le rappellerait plus tard. Ok, ce n’était pas sympa pour ce pauvre gars, mais le Pokéathlète rappelait toujours ceux qui tentaient de le contacter. Il avait donc pu tranquillement achever le toilettage d’Ether, et avait pris le temps de bien rincer toute la mousse avant de récupérer l’appareil électronique.
Et là, tagada tsoin tsoin, voilà que le nom de sa chère Doc s’était affiché. Au départ ravi - la saison des fuites s’était-elle achevée sans qu’on le prévienne ? -, le châtain avait bien rapidement déchanté lorsqu’il était tombé sur le répondeur de la rousse. L’affaire aurait pu s’arrêter là, puisqu’Alban était actuellement fautif de n’avoir pas décroché à temps. Mais non. Après avoir tenté de la rappeler deux ou trois fois en croyant avoir affaire à une urgence, Alban avait reçu un SMS de la Médecin lui indiquant qu’elle était en séjour à la montagne avec ses parents, soumise aux caprices du réseau. Bon. L’excuse aurait pu passer, si un ami Mécanicien d’Alban n’avait pas bidouillé son iPok pour que l’endroit d’où téléphonait son interlocuteur s’affiche très clairement en-dessous de son numéro. Ainsi, le jeune homme avait très bien pu voir que Calliope n’était pas en montagne comme elle le prétendait, mais à Ho’ohale. Et, sauf erreur de sa part, il n’y avait pas de montagne dans ce coin-là de l’île.
Ce mensonge éhonté ne parvint qu’à l’agacer encore plus. Calliope prétendait que tout allait bien et tout le reste. Mais Alban voyait bien qu’elle l’évitait parce qu’elle lui cachait sans doute des choses. Il avait entendu dire par un de ses amis Phyllali, que ce crétin de Blackhart - *keuf keuf, jalousie* - avait décidé de quitter l’académie. Il n’avait pas encore abordé le sujet avec sa Doc puisqu’il n’avait pas encore eu l’occasion de la croiser en vrai, mais il se doutait bien que cette décision la chagrinait. Il avait donc envoyé quelques messages anodins en lui proposant de sortir un peu, dans l’espoir qu’ils pourraient parler de tout ça autour d’un bon chocolat viennois. Mais encore une fois, la demoiselle l’avait ignoré. Avait-elle tenté de lui passer un appel au secours, avant de se refermer lorsqu’il n’avait pas décroché ? Il n’en savait rien. Mais aux grands maux, les grands remèdes.
Sortant de sa minuscule chambre, il se dirigea vers celle d’une de ses colocataires. Il frappa doucement à la porte et attendit l’autorisation pour passer sa tête dans l’encadrement.
- Eh Gwenn. Excuse-moi, mais tu pourrais me rendre un petit service ?***
Quelques heures et quelques paramétrages plus tard, Alban pu enfin remercier la Pokémécanicienne pour son bon travail. Son iPok, tout juste piraté par la brune, affichait à présent une carte d’Akala avec coordonnées GPS d’un point qui clignotait en rouge. Ouep. Grâce aux talents de Gwenn, Alban était parvenu à géolocaliser le signal de l’iPok de Calliope. Comme il s’en était douté, elle était bel et bien à Ho’ohale. Et, à présent qu’il savait où exactement, il allait pouvoir lui rendre une petite visite.
Il tendit un paquet de sucreries à sa colocataire, pour la remercier de l’avoir aidé avec tout ça. Elle ne lui avait pas posé trop de questions, mais elle devait sans doute lui faire confiance, pour pirater ainsi l’iPok de sa propre Préfète. Bah. On voyait où étaient ses préférences, ehehe #PAN#.
Sautant donc sur le dos de Mistral, Alban se jeta par la fenêtre du phare. L’Altaria chromatique déploya ses ailes et, après quelques mouvements, parvint à stabiliser son altitude. GPS en main, Alban vérifia le signal et donna les indications géographiques à sa monture. Ce n’était pas exactement la porte à côté à pieds, mais à vol d’oiseau, il mettrait à peine une vingtaine de minutes. S’assurant donc de ne jamais perdre le cap, il se laissa porter par les battements d’ailes harmonieux de Mistral. La sensation du vent dans les cheveux parvint à l’apaiser quelque peu. Voler avait toujours eu le don de le calmer, après tout…
Alors, se perdant dans ses pensées, il ferma lentement les yeux et laissa Mistral le guider.
***
Il arriva à Ho’ohale en début d’après-midi. Sur sa carte digitale, sa propre localisation se rapprochait dangereusement de celle de Calliope. Il décida d’atterrir à quelques rues, afin qu’elle ne le repère pas. Il n’avait pas envie de risquer une fuite. Alors, furtif, il rappela Mistral dans sa Pokéball, et s’approcha de la fameuse maison.
Du bout de la rue, il crut voir du coin de l’œil de l’agitation. Tiens ? Ce n’était pas une crinière rousse qu’il venait de voir plonger au sol ? A la fois exaspéré, énervé et amusé - si, si, c’est possible -, le Pokéathlète s’approcha du portillon, pour y voir… une Calliope à demi-couchée au sol, dans une tentative ridicule de se camoufler. Ben ça, pour sûr, la Givrali n’était pas faite pour être Espionne. N’était-ce d’ailleurs pas elle qui avait carrément marché sur une plaque de pression, dans la planque des Rouages, il y a deux ans de ça ? Alban se retint de pouffer de rire. Par chance, son visage habituel inexpressif paraissait assez froid pour ne pas donner les mauvais signaux à Calliope.
- Salut Doc. J’ai bien vu que tu étais bien là. Tu étais même bien là quand tu m’as passé l’appel, ce matin. Et quand tu m’as envoyé tes SMS également. C’est marrant, d’ailleurs. Je ne crois pas voir de montagne, dans les alentours.Il mit ses mains en visière pour faire mine d’explorer le panorama. Pas grand relief à proximité. Ou alors, à une distance trop grande pour être parcourue en aussi peu de temps.
- C’est fou ! dit-il en haussant les épaules, sur un ton sarcastique.
Bon. A la base, il était censé être là pour lui remonter le moral. Mais visiblement, il ne pouvait pas s’empêcher d’être quand même vexé par l’attitude de la rouquine. Encore plus quand il se rendait compte qu’elle n’avait absolument pas envie de le voir. Elle osait à peine croiser son regard.
Malgré tout, elle lui demanda comment il avait fait pour la retrouver. Avec un soupir, il dégaina son iPok.
- Ma merveilleuse colocataire est Pokémécanicienne. Elle a réussi à tracer le signal GPS de ton iPok pour que je puisse te retrouver. Il le fallait bien, puisque j’étais incapable de savoir où tu te trouvais réellement.Il posa une main sur son front, incapable de rester sarcastique plus longtemps. Lorsqu’il rouvrit enfin les yeux, ce fut un regard plein d’inquiétude qui se posa sur la jeune fille.
- Bon… Est-ce que tu vas enfin m’expliquer qu’est-ce qui se passe ?