Flamiaou. Un magnifique pelage noir et rouge, un regard jaune un peu blasé et, surtout, des moustaches trop mignonnes. Tel était le Pokémon dont j’avais hérité chez le Collectionneur, soulagée de ne pas être ressortie de là avec un Psykokwak ou un Insolourdo. Enfin, même si tel avait été le cas, je m’étais déjà décidée à en prendre soin comme de la prunelle de mes yeux. Non pas parce qu’il fut pour moi une habitude de me soucier des autres, mais bien parce que je ne voulais pas que mon Pokémon ait à connaître la solitude dans laquelle je baignais depuis toujours. Ainsi, chaque fois que j’en avais l’occasion, je m’assurais de le brosser, de le cajoler, de le câliner et de lui faire un baiser sur la tête, pour lui rappeler que je l’adorais. Même, parfois lorsqu’il dormait, je réveillais ma grosse boule de poil juste… par malice, j’avoue. En adoration totale devant le félin, même ses regards las de jugement me faisaient fangirler. Le seul hic, c’est que le concerné principal de cette histoire ne voyait pas les choses de la même façon.
Ce jour-là, je venais de lui ramener de la bonne nourriture, espérant lui faire plaisir et lui faire savoir qu’il était avec moi à sa place, que je me souciais sincèrement de lui. Le Pokémon feu serait mon premier véritable ami, après tout, et cette perspective m’enchantait au point de me faire sautiller sur place. C’est donc toute fière de moi que je déposai la gamelle devant le Flamiaou qui cessa de se laver pour me jeter un regard méfiant. Allongeant le cou, l’odeur de la nourriture suffit néanmoins à le faire se lever pour venir manger. Je m’accroupis face à lui, les bras posés contre mes cuisses, le regard illuminé. Ne me faisant pas confiance, le chat marquait des pauses pour me regarder, les oreilles basses. Ne comprenait-il donc pas tout l’amour que j’avais pour lui ? Visiblement pas puisque, dès qu’il eut terminé et que je voulu lui faire un câlin, le Pokémon feu me tourna le dos, détalant en direction de la fenêtre. Et… il est parti. Je restai là, pétrifiée, une main encore tendue dans l’air.
« Ne sors pas sans moi… tu pourrais te perdre… »
Des mots qui ne tombèrent dans aucune autre oreille. Vite, je devais faire quelque chose ! Muée par un sentiment d’urgence, je me jetai en direction de la fenêtre ouverte, convaincue que je pouvais également m’y faufiler vu ma petite taille. Chaque seconde sauvée comptait et c’est ainsi que je vis la silhouette de mon Flamiaou se diriger vers la zone centrale qu’il traversa sans s’arrêter, au galop. Je n’avais guère le choix de la solution, je devais lui courir après. Pire, j’avais été assez bête pour sortir sans emporter avec moi sa Pokéball qui m’aurait évité bien des ennuis. Me mordant la lèvre inférieure, je pris toutefois mes jambes à mon coup, contournant un autre dortoir pour mieux me diriger vers ce qui s’avéra être la plage. Si le sable allait le ralentir, il en allait de même pour moi. Je devais avoir l’air d’une véritable imbécile, talonnant mon starter en courant maladroitement, manquant de peu de me fracasser la tête dans le sable à chaque pas, agitant les bras pour maintenir mon équilibre. Ajoutons à cela un point de côté, parce que sinon ce ne serait pas marrant, et le portrait est plutôt complet.
« Non mais tu vas te laisser attraper oui !!? »
J’étais juste là, à un peu plus d’un mètre du chat. J’allais y arriver. Il me suffisait de tendre les bras, de me jeter sur lui, et ce serait bon. Il était à ma portée. Croyant dur comme fer en ma réussite, je sautai vers l’avant, bras tendus. La suite fut peu glorieuse alors que je tombai lourdement au sol, face contre terre, glissant un peu dans le sable avant de m’immobiliser, bras toujours tendus. Curieux, le Flamiaou s’était arrêté, puis tourné vers moi, pour me regarder redresser lentement la tête. Sitôt qu’il eut su que j’allais bien, il repartait au galop, m’abandonnant à mon sort.
« C’est ça, vas-t-en ! J’ai même pas besoin de toi ! »
Lui criai-je en prenant une position assise, non loin de l’eau, jambes repliées sous moi et le dos rond, penchée vers l’avant. Fichu chat. Même malgré tous mes efforts, il continuait de me tourner le dos. Poings serrés, ce n’est qu’ensuite que je remarquai le rouquin qui s’approchait du rivage, ayant fort probablement assisté à toute la scène. Déjà frustrée par cette situation, autant dire que je manquais tout à fait de patience et que la dernière chose dont j’avais besoin, c’est que l’on cherche à se moquer de moi. Ma réaction n’était donc pas très surprenante.
« Qu’est-ce que tu regardes toi ?! Je t’ai demandé ton avis peut-être ? »
Pas très aimable, j’en conviens, mais le karma allait bientôt me remettre à ma place. Le ressac se faisant plus violent, cumulé au fait que j’étais petite et que j’étais assise sur le bord de la plage… Oui. Une vague fraîche vint me fouetter, me surprenant et me mouillant jusqu’aux épaules alors que je tombai vers l’arrière, reculant pour m’éloigner de l’eau sans me relever, les cheveux humides et les dents serrées.
« Toi non plus je t’ai rien demandé ! »
Parce que oui, même cette vaste étendue d’eau méritait maintenant de se faire engueuler.