Déjà une semaine que j'étais à la Pokemon Community. Cinq jours passés à rencontrer du monde, à décliner mon identité. Ça n'a l'air de rien, mais je venais de rencontrer plus de gens que je n'en avais fréquenté dans les trois dernières années. Autant dire que, en fin de journée, j'étais tout à fait soulagée de pouvoir rentrer au dortoir, de lancer mes souliers sous mon lit et d'aller m'y réfugier, parfois sous la couette. J'enfouissais alors mon visage dans l'oreiller, y frottant ma joue avec les yeux clos, poussant un soupir de soulagement. Pas que je sois totalement asociale -certes c'est un avis qui se défend-, mais il était extrêmement draînant pour moi de devoir passer du temps en compagnie de qui que ce soit. J'aimais être tranquille, dans mes petites affaires, seule avec moi-même. Le seul problème, dans tout cela, c'est que même dans ce qui était ma nouvelle chambre, je ne pouvais pas réellement profiter d'un peu de solitude. En effet, je partageais les lieux avec deux autres Givrali qui, si elles n'étaient pas méchantes, constituaient une présence qui m'empêchait de manger mes croustilles aux cornichons dans mon lit en sous-vêtements en jouant à des jeux vidéos.
Ainsi, maintenant que le week end pointait enfin le bout de son nez, j'avais toute la liberté nécessaire pour aller m'isoler dans un coin tranquille avec ma console portable et jouer tant que le coeur, ou plutôt les batteries, m'en disaient. Bien sûr, je fouillai également la chambre à la recherche du seul et de l'unique : mon flamiaou. Je le retrouvai perché sur l'armoire, se faisant tout petit, espérant que je n'irais pas le chercher jusque là. J'avoue que pour le coup, j'étais beaucoup trop petite pour l'atteindre. Maugréant, je fis néanmoins preuve d'ingéniosité, utilisant la chaise se trouvant devant mon petit bureau d'étude pour me grandir et le faire descendre. Non sans écoper de quelques coups de griffe, je parvins à attraper le félin de feu et à le tirer en bas, dans mon sac à dos.
« Et voilà, tu n'auras même pas besoin de marcher, juste te laisser porter. Et si tu fuis encore, cette fois je t'avertis tu retournes dans ta balle et tu n'en sors plus tant que nous ne sommes pas dans la chambre ! Essaie de coopérer pour une fois, tu sais bien que je ne te veux pas de mal. »
Seul un regard blasé m'avait répondu, me faisant pousser un soupir de découragement. Tant pis. Je jetai mon sac sur mon épaule et quittai les lieux, une tête ennuyée de flamiaou dépassant dans mon dos. Je remontai mes écouteurs en place sur mes oreilles le temps de traverser le dortoir, sans pourtant me mettre de musique. Mon véritable but était de décourager ces jeunes filles partageant le même dortoir que moi de m'adresser la parole. Ça aidait aussi à filtrer tout ce bruit insurmontable. Erika n'avait pas menti en disant que nous étions un dortoir de commères. Il y avait toujours une fille pour me demander si je connaissais telle ou telle personne. Bien sûr que non, j'ai l'air de quoi, la copine de tout le monde ? Mouais, probablement pas vu que je tire la gueule vingt-deux heures par jour. Si si, même dans mon sommeil je suis convaincue de le faire. Remarque c'était encore mieux que d'être la cible de ragots. Enfin, je n'étais pas naïve non plus, je me doutais bien de ce qui avait commencé à se raconter dans mon dos et c'est précisément pour ça que je préférais continuer mon aventure en solo, sans m'ouvrir à qui que ce soit. Sans leur céder un seul pouce de terrain. Ironique, n'est-ce pas ? Je repoussais tout le monde sauf le chat qui, à son tour, me repoussait. Comme quoi nous n'étions peut-être pas si différents l'un de l'autre.
J'avais finalement atteint le parc, jetant mon dévolu sur ce grand espace ouvert, espérant me trouver un point d'ombre où l'on me laisserait tranquille. Oui, à moi aussi il arrive d'être optimiste, parfois à tort. Avançant seule, je me trouvai une place sur un banc vide, y déposant mon sac avant de m'y asseoir. Je croisai les jambes en tailleur, caressant mon Flamiaou derrière l'oreille. Il renfonça sa tête dans le sac, lâchant au miaulement furibond. Je retirai ma main, quelque peu vexée. Je devais toutefois m'y faire une raison, allumant ma console portable pour plutôt jouer et me détendre un peu. J'arrivai à me distraire une bonne vingtaine de minutes, faisant mon chemin dans une crypte enchantée au rythme d'une musique entraînante aux influences électroniques. J'étais enfin détendue, mais peut-être était-ce justement le problème, lorsqu'une silhouette noire et blanche passa devant moi à la course. Je restai bête un instant, clignant des yeux dans le vide alors que mon cerveau tentait de tirer quelque chose de ce que je venais de voir.
« On aurait dit mon Fla... Bordel ! »
Furieuse, je rangeai ma console sans même prendre le temps de sauvegarder, attrapant mon sac d'une main avant de partir à la course. Lui, un jour, il va me le payer !!